20. février 2016 · Commentaires fermés sur Des procès romanesques célèbres · Catégories: Seconde · Tags:

Stendhal et  Albert Camus ont chacun choisi  dans leurs romans, Le Rouge et le Noir et l’Etranger , de dresser le portrait de deux héros qui devient des meurtriers. Julien tu épar amour et par dépit , la première femme qu’il a aimée et Meursault assassine un inconnu sur une plage car il s’est senti menacé. Les romanciers terminent leur récit par le procès de leurs héros . 

Comparons ces deux extraits : notons tout d’abord que les deux accusés avouent leur crime et ne cherchent pas à minimiser la portée de leur geste; En effet, julien s”accuse d’avoir commis un crime atroce: “attenter aux jours  de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages (ligne 5) ; Il va même jusqu’à affirmer qu’il a “donc mérité la mort “ à la ligne 9 . De la même manière, Meursault ne se révolte pas et semble même s’ennuyer durant la plaidoirie de son avocat mais , à la différence de Julien, il ne s’exprime pas et semble très détaché de ce qui se déroule dans la salle : ” tout ce que je faisais d’inutile dans ce lieu m’est alors remonté à la gorge et je n’ai eu qu’une hâte , c’est qu’on en finisse ..” ligne 32.  Les deux accusé sont conscients d’avoir déjà été jugés et condamnés  : Julien parce qu’il est un paysan jugé par des gens riches qui appartiennent à une classe supérieure à la sienne  et Meursault parce que son avocat lui semble ridicule et sans talent. ” il m’a paru qu’il avait beaucoup moins de talent que le procureur” . Les deux accusés semblent donc résignés à subir leur sort mais leur attitude face au public est différente;

En effet, Julien prend la parole  et exprime “tout ce qu’il avait sur le coeur “ligne 20 , sans rien dissimuler de la gravité des faits qui lui sont reprochés ; il avoue la préméditation , le repentir et le respect qu’il avait pour sa victime ; il réussit à émouvoir la salle : “toutes les femmes fondaient en larmes ” ligne 23 ; Alors que Meursault semble , au contraire devenir de plus en plus indifférent à son propre jugement : “j’ai eu l’impression que tout devenait comme une eau incolore où je trouvais le vertige.” ligne 25. Le romancier nous donne le point de vue de l’accusé et nous fait vivre le procès à travers ses sensations pour le moins étranges: “c‘est à peine si j’ai entendu mon avocat s’écrier , pour finir , que les jurés ne voudraient pas envoyer à la mort un travailleur honnête perdu par une minute d’égarement. ” l 35. L’avocat de l’accusé cherche lui clairement à défendre son client en évoquant un geste de folie.

Alors que Stendhal rend pathétique l’intervention de son héros qui semble se trouver des circonstances aggravantes et affronte la sentence avec bravoure : “je ne vous demande aucune grâce “, dit -il ligne 5: “la mort m’attend: elle sera juste” l 6; Meursault lui semble un peu étranger à son propre jugement et très peu concerné par ce qu’on lui reproche; Ce qui rend le texte étrange car on a parfois l’impression qu’on parle de quelqu’un d’autre que lui. Ces procédés d’écriture permettent de traduire l’indifférence globale du héros pour le monde et  pour la vie. 

Ecoutez la plaidoirie de Julien dans le film tiré du roman …

14. février 2016 · Commentaires fermés sur Un dénouement rocambolesque : la Guerre de Troie aura bien lieu ! · Catégories: Première · Tags:

La dernière scène d’une pièce comporte habituellement les éléments du dénouement de l’intrigue ; A la scène 14 de l’acte II, Giraudoux met donc un point final à sa pièce et le spectateur comprend que la guerre va avoir lieu ; Cassandre prononce les dernier mots : “Le poète troyen est mort (il s’agit ici de Démokos ) .<em>;la parole est au poète grec (et le spectateur peut penser qu’il s’agit d’ Homère qui va raconter la guerre de Troie dans l ‘Iliade , son légendaire poème épique . Les paroles de la prophétesse peuvent toutefois paraître énigmatiques et Giraudoux a choisi un final très riche en rebondissements de tous ordres; jugez plutôt..

Andromaque au début de la scène paraît désespérée et consciente que tous les efforts déployés par son camp pour lutter contre la guerre semblent vains; Ulysse est en train de remonter à bord et tout le monde retient son souffle jusqu’à ce qu’il soit enfin parvenu à destination. Hector semble lui confiant et suit pas à pas le trajet d’Ulysse  que le spectateur devine à travers les indications : “une minute encore” ..”il marche vite“..”le voilà déjà en face des fontaines ” 

Trop angoissée, Andromaque a décidé de se boucher les oreilles pour ne plus rien entendre et elle n’entend donc pas Oiax arriver.Cet envoyé grec qui a pour mission de raccompagner Hélène à bord du navire grec va jouer un rôle prépondérant dans la suite des événements ; le plus dur semble donc fait et Cassandre entend bien calmer Oiax et lui faire entendre raison; Ce dernier est en effet “ivre” et son agitation pourrait avoir des conséquences dramatiques comme le pressent le spectateur 
Giraudoux intercale donc  des scènes de comédie à l’intérieur de son dénouement tragique : la première partie de ce vaudeville est constituée par le jeu entre Oiax , que Cassandre tente de neutraliser et “essaie par la force de l’éloigner” ,  Andromaque qui continue à se boucher les oreilles et Hector qui assiste à cette attaque sur Andromaque en se montrant de plus en plus menaçant (il lève son javelot)  ; la scène peut tourner au drame et Cassandre rappelle les enjeux de cette ultime phase des négociations : “Ulysse est déjà à mi-chemin ”  La référence humoristique à la double énonciation théâtrale rappelle aux spectateurs ce qui est en train de se jouer sous leurs yeux : A Oiax qui pense que des paroles “qu’on n’entend pas ” ne peuvent avoir de conséquences fâcheuses (en effet, Andromaque ne peut se sentir insultée car elle s’est bouché les oreilles ) , Cassandre rappelle , au contraire que ces paroles peuvent être très graves car Hector lui en est le témoin silencieux ; Oiax en rajoute dans le registre de la muflerie en embrassant de force Andromaque mais Cassandre finit par le maîtriser et il la suit “je viens je viens..Adieu”  La menace semble a priori s’éloigner .
Au moment où il s’apprête à quitter la scène , premier coup de théâtre, Demokos, le poète belliciste, fait irruption et s’indigne  avec virulence comme à son habitude, de la décision prise par Hector de rendre Hélène aux grecs; Sa véhémence le rend particulièrement menaçant car il appelle les Troyens “aux armes ” et s’apprête à entonner le “chant de guerre ” qu’il réserve à cette occasion tant attendue” Au moment où il crie à la trahison, Hector abaisse son javelot et le tue; ce qui constitue un fait pour le moins inattendu. Il peut alors affirmer à Andromaque “la guerre n’aura pas lieu Andromaque ” ; Cependant son épouse , qui a toujours les mains sur les oreilles , n’a pas entendu et elle contemple Démokos à terre, interloquée;
Le spectateur peut alors se dire qu’Hector a évité la guerre en devant un meurtrier et que l’assassinat de Démokos sert une noble cause : empêcher des centaines de morts ; Le dramaturge indique alors  même qu’un dénouement vient d’avoir lieu que  “le rideau qui avait commencé à tomber se lève peu à peu”  Que va t-il se passer ? 
Nouveau coup de théâtre : Démokos qu’on croyait mort alors qu’il n’est que blessé, lance, sur scène, une fausse accusation contre les Grecs en prétendant qu’il a été tué par Oiax ; en effet, s’il accuse Hector,  le véritable coupable, personne parmi les Troyens ne voudra déclencher un conflit contre les Grecs; Hector tente à son tour  de s’accuser du meurtre et dénonce le mensonge de Démokos mais il est trop tard : les Troyens ont tué Oiax hors scène comme le précise la réplique d’Abnéos. Cette fois la guerre paraît totalement inévitable car les Grecs vont avoir un prétexte en voulant venger la mort d’Oiax .
Hector a tout fait pour éviter un dénouement catastrophique et son sort paraît encore plus cruel car son dernier geste pour surseoir au caractère fatal de ce conflit, provoque , par des moyens détournés, le drame final.  Sa menace d’achever Démokos s’il ne revient pas sur ses accusations ne trouve aucun écho chez ce dernier qui, comble de l’ironie, le traite avec condescendance : “Mon cher Hector, mon bien cher Hector ” réplique-t-il avant de réitérer son mensonge. C’ est donc sans la moindre haine mais au contraire avec beaucoup de bienveillance que le poète troyen déclenche la guerre.
On peut alors supposer qu’Hector le tue ou qu’il finit par mourir comme le laisse entendre l’avant dernier réplique de Cassandre : “Il meurt, comme il a vécu, en coassant” . Ce verbe appliqué étymologiquement  aux cris des grenouilles désigne les paroles désagréables de quelqu’ un et fait allusion à la médisance de Démokox dont les paroles mensongères sont véritablement à l’origine du mettre d’Oiax. Hector ne peut alors que constater , à haut voix, en s’adressant à son épouse : ” Elle aura lieu ” , paroles qu’entend cette dernière; Pour matérialiser cette nouvelle guerre, Giraudoux précise que “les portes de la guerre s‘ouvrent lentement. Elles découvrent Hélène qui embrasse Troilus ” Comment devons nous comprendre ce baiser entre Hélène et le jeune frère de Paris ? Peut être pour bien montrer que la guerre n’a pas été déclenchée pour un amour  légendaire (qui ne semble pas très fort dans la pièce) mais pour des raisons liées au désir de l’homme de déclarer la guerre .
En multipliant les coups de théâtre qui animent le final , en se moquant des règles de bienséance de la tragédie classique (un mort juste blessé qui crie sur scène ) , en différant l’arrivée de la crise et en intercalant des scènes de vaudeville au milieu du drame, Giraudoux nous offre, au final, un dénouement surprenant par certains aspects même s’ il fallait bien s’ y attendre et  s’y résigner, en effet, la guerre finira par avoir lieu. 
07. février 2016 · Commentaires fermés sur Analyser un affrontement sur scène · Catégories: Première · Tags:

La question de synthèse proposée se basait sur un corpus emprunté au théâtre contemporain: comment les affrontements étaient-ils représentés ?  Les personnages de Beckett, deux clochards, Vladimir et Estragon, se disputaient de manière loufoque à propos notamment d’une chaussure ; la pièce de Beckett fait partie du théâtre de l’Absurde et le lien était ici important à montrer dans la mise en scène de cette querelle amicale. 

Les deux personnages choisis par Kundera pour illustrer la relation souvent  conflictuelle  entre maitre et valet parodiaient de manière savoureuse une scène classique, un topos de la comédie de moeurs : le valet insolent craint son maître et lui répond. On pouvait par exemple, penser à Sganarelle face à Don Juan, à Scapin face à Géronte ou aux valets de l’Avare. Quant au troisième affrontement, il émanait d’un drame politique de Nasser Djemaï qui aborde le thème sociétal  des conditions de vie des travailleurs immigrés. (voir le fichier en pièce jointe sur la pièce Invisibles , la tragédie des Chibanis)
Procédez avec méthode au brouillon  ; isolez d’abord les origines des conflits , leur ton, les éléments verbaux et les procédés de style qui alimentent l’échange (stichomythie, répétitions, antithèses, familiarités, insultes) et n’oubliez pas les éléments non verbaux (présence ou absence de didascalie, ponctuation). Proposez une conclusion de deux ou trois lignes en hiérarchisant les textes  : la dispute la plus sérieuse ou la plus fréquente ou la plus inattendue ) 

Deux des trois textes mettent en scène une dispute qui peut sembler liée aux personnages et à leur caractère: Vladimir et Estragon se chicanent pour tout et n’importe quoi et se réconcilient quelque minutes plus tard. Leur ton est un mélange d’agressivité : “Il n’y jamais que toi qui souffre; Moi je ne compte pas” et de sollicitude comme lorsqu’Estragon demande de l’aide à son ami et que ce dernier évoque une image d’eux “main dans la main ” . On retrouve ces contradictions dans l’affrontement entre Jacques et son maître , dominé, lui aussi ,  par les effets comiques ; Jacques semble éprouver un malin plaisir à contredire son maître  et à lui tenir tête: ”   Vous vous trompez Monsieur “, répété à deux reprises , sert de réplique d’ouverture au valet provocateur;il refuse même d’obéir aux ordres de son maître : “je n’irai pas” réitéré en dépit des hurlements du maître  ; cependant le serviteur se montre conciliant à la fin de leur querelle : ” mais pour éviter de nouvelles disputes, nous devrions nous mettre d’accord un fois pour toute sur quelques principes” ; Jacques aurait-il remporté cette joute verbale? Rien n’est moins sûr mais l’ oxymore maître obéissant ” atteste de ce renversement des rôles. Aucun effet comique dans Invisibles : la question qui divise les personnages prend une importance cruciale et dépasse le cadre individuel : l’unique didascalie “long silence ” reflète bien la gravité du moment et le rythme de l’échange est beaucoup plus lent que dans les deux autres disputes : la  tirade d’Hamid lui permet de poser ses arguments et de les faire entendre au spectateur ; Martin semble seul contre les trois autres qui forment une ensemble choral. Contrairement aux deux scènes de comédies, Invisibles montre un affrontement idéologique : le jeune Martin s’indigne comme le montrent ses questions et les nombreuse exclamatives qui ponctuent ses répliques mais il se heurte à l résignation des chibanis, ses ancêtres,  et la fatalité semble l’emporter : ” y a pas à comprendre mon fils; Faut tu respectes l’histoire; On change pas les chose comme ça; Le destin, c’est comme ça.” 
On sent également un pointe de résignation dans le théâtre de Beckett mais elle prend plutôt la forme d’une incommunicabilité entre les personnages et d’un double discours : en effet, au- delà de la simple querelle à propos de la chaussure qui blesse Vladimir, on devine des allusions à la mort et au tragique de la condition humaine : “Tu ne serais plus qu’un petit tas d’ossements à l’heure qu’il est..pas d’erreur” assène Vlaimir à Estragon qui est “piqué au vif “comme le précise la didascalie. La violence des gestes est manifestée par de nombreuses notations (avec vivacité, avec emphase, avec emportement ) qui assurent les effets comiques de cette altercation alors que la scène se termine de manière tragique avec la dernière réplique de Vladimir : “ça devient inquiétant” suivie d’un silence. Pas d’inquiétude dans le jeu entre jacques et son maître mais le comique n’empêche pas le sérieux des propos et la vivacité des échanges ne, doit pas nous faire oublier la réflexion  philosophique sous- jacente : à travers les personnages et leurs saillies parfois triviales (la mention du cul  magnifique de l’aubergiste par exemple, Kundera reprend la philosophie de Hegel dans la dialectique du maître et de l’esclave ” il est écrit là-haut que vous ne pouvez pas vous passer l’un de l’autre” Le conflit entre elle maître qui ne parvient pas à se faire obéir et le valet qui refuse d’obéir aux ordres donnés nous amène à nous interroger sur la relation dominant/dominé qui est ici, rééquilibrée ” 
Ces trois affrontements présentent donc de nombreux points communs ; ils nous font réfléchir à notre condition, à celle de ceux qui nous entourent ; le mélange des registres peut parfois nous faire oublier que sous le comique apparent peut se tapir un enjeu existentiel, philosophique et même  tragique. Les paroles des Chibanis devraient leur permettre de ne plus demeurer invisibles à nos yeux.

13. janvier 2016 · Commentaires fermés sur Mettre un terme à un conflit théâtralement .. · Catégories: Seconde · Tags: ,

 Voilà un nouveau sujet d’ écriture au choix en rapport avec le théâtre : Invention, commentaire ou dissertation. Si vous choisissez l’invention, lisez bien les consignes.  Vous êtes un dramaturge et vous devez inventer un dénouement pour votre pièce : cette dernière a mis en scène une dispute, un conflit, tragique ou comique (ou les deux ) au sein d’une famille ou de deux camps rivaux; leurs positions paraissent inconciliables et aucun compromis ne semble possible…

 Sujet d’invention  

Vous allez devoir, en quelque lignes, (5 maximum) , en haut de votre copie, préciser les origines de la dispute , le cadre du conflit (époque, évolution )  ainsi que le statut et les liens  des personnages en présence . Voter scène est le dénouement de la pièce; Vous pouvez avoir recours à un dénouement ex machina : inattendu, qui consistera le plus souvent en l’arrivée d’un nouveau personnage, à l’origine un Dieu dont la décision est irrévocable; l’u des deux partis va nécessairement l’emporter (du moins en apparence) mais la solution trouvée ne devra pas être remise en cause ou contestée. Vous pouvez choisir le registre tragique et aller jusqu’au meurtre sur scène (en réfléchissant à ce que vous allez montrer au spectateur pour ne pas trop enfreindre la règle classique de la bien séance, ne pas choquer un jeune public, par exemple); vous pouvez choisir le registre comique et tenter de faire rire vos spectateurs en ménageant des effets comiques dans votre dénouement comme le quiproquo, le coup de théâtre ou l’aparté. Vous pouvez également mélanger les deux registres au cours de la même scène comme le font Beckett et Giraudoux, par exemple. 

Les critères d’évaluation sont les suivants :choix du sujet de dispute, cadre du conflit, choix des personnages et résumé de la situation finale : 4 pts

                                                                  qualité du dénouement (, est complet , met un terme au conflit, fait intervenir un personnage extérieur, provoque des effets comiques ou tragiques  )  6 pts 

                                                                  théâtralité de l’écriture (usage de didascalies variées et précises, prise en compte des nécessités de la scène, rythme des échanges , procédés d’écriture ) 6 pts 

 Pour ceux qui préfèrent le commentaire …

Pour ceux qui le souhaitent, rédigez le commentaire composé de la scène de la pièce de Kundera, Jacques et son maître ,  qui montre le face à face peu conventionnel entre un maître et un “dénommé Jacques ” ; cette scène  parodie les scènes d’opposition entre maître et valet de la comédie classique et on y lit une certaine prise de pouvoir de Jacques . 

 Et enfin , pour commencer avec une dissertation ..

Quels sont les moyens dont dispose un dramaturge pour mettre en scène un conflit ? Vous pensez bien sûr aux procédés textuels et scénographiques . Ces moyens vous semblent-ils évoluer avec l’apparition de la technologie sur scène (bande sons, voix off, images de synthèse , accessoires ). Certains affrontements sont-ils impossibles à mettre en scène ? Pour quelles raisons ? 

31. décembre 2015 · Commentaires fermés sur Florent dans Le ventre de Paris : un exemple de personnage dans un roman réaliste. · Catégories: Seconde · Tags:

Les romanciers réalistes s’ingénient à fabriquer des personnages qui ressemblent le plus possible à de vraies personnes ; ils les dotent donc d’un nom, d’un passé, d’une histoire et les font agir de manière réaliste, en motivant leurs actions et leurs déplacements. Voyons comment Florent est construit dans Le ventre de Paris

Il est présent dès le début du roman : d’abord présenté comme “un homme” épuisé, qui se rend à Paris;” il était lamentable avec son pantalon noir, sa redingote noire, tout effilochés, montrant l sécheresse de ses os.” p 14 La première impression n’est guère flatteuse; A bord de la charrette de la mère François, il finit par donner son prénom “Florent” et c’est le narrateur qui prend en charge le récit de son passé : échappé du bagne de Cayenne où il a été déporté par erreur, après avoir été arrêté dans une émeute lors du coup d’Etat de 1851 au bas de la rue Montorgueil. (p 20) .Les souvenirs de Florent font état d’une sensation de faim permanente car il a été privé de nourriture en prison et il est devenu méfiant; il craint la police par -dessus tout (24) Fier, refusant l’aide de la maraîchère, il vole une carotte et accompagne Claude rue Pirouette mais se méfie de lui et n’ose pas lui dire ce qui l’amène à cet endroit ;(32); En chemin, Claude lui présente les principaux habitants du quartier qui vont former l’ensemble des personnages secondaires du roman. 

Au lever du jour, Florent se retrouve seul sur un banc, toujours affamé et comme il redoute le regard des sergents de ville, il décide de s’éloigner des Halles (p 42) : “gris de misère, de lassitude, de faim” , il est comparé à un chien perdu qui peut crever seul sur le pavé (46) il finit par revenir sur ses pas et s’en veut d’avoir refusé l’aide qu’on lui proposait ; c’est alors qu’il retrouve Gavard, un marchand de volailles qui le conduit jusqu’à la charcuterie de son frère Quenu. ( 54) Le second chapitre débute par un retour en arrière, sur l’enfance de Florent : à la mort de sa mère, il recueille l’enfant qu’elle a eu de son second mari; le petit est âgé de 12 ans , il le ramène à Paris avec lui et doit abandonner ses études pour gagner sa vie (56); Gavard, alors rôtissier va diner à queux le goût de la cuisine; Florent , pauvre professeur crotté, mange peu, est souvent triste et trop fier : il devient aigri et “il lui fallut de longs mois pour plier les épaules et accepter ses souffrances d’homme laid, médiocre et pauvre.” (59) ; C’est alors qu’ il devint républicain: pour se créer un “refuge de justice et de vérité absolues” Il voulait changer cette ville souffrante en une ville de béatitudes,; c’est alors qu’il est arrêté et envoyé au bagne; Quenu rencontre Lisa Macquart et finit par l’épouser.(63) après avoir découvert les économies du vieux Gradelle. ils ont une fille et Florent arrive un matin de septembre. Lisa lui propose immédiatement sa part d’héritage qu’il refuse . Il leur propose de la place dans leur affaire et en échange , il reçoit le gîte et le couvert.(75)Il a récupéré des papiers au nom de Florent Laquerriere et se fait passer pour un cousin de Quenu. Désœuvré, on lui conseille de trouver du travail. Gavard lui trouve un poste d’inspecteur à la marée ,en remplacement de Monsieur Verlaque, souffrant.Florent commence par refuser. Un soir, il a la désagréable sensation d’être importun. ” il avait conscience de la façon malapprise dont il était tombé dans ce monde gras, en maigre naïf” Un jour, Florent raconte son histoire à la petite  Pauline, sa nièce. On découvre alors ses souffrances de bagnard (105/ 115). Florent découvre au chapitre III son nouveau métier et le fonctionnement du pavillon de la marée qui lui rappelle sa fuite de Guyane. Il s’en veut d’avoir accepté ce travail et se sent lâche. (126) L’hostilité des vendeurs est perceptible et il lui semble se déplacer en terrain ennemi. ( 142) De plus, Florent se sent intimidé par les femmes et sa patience Angélique est mise à rude épreuve. Suite à une dispute, il interdit aux Mehudin la vente pendant 8 jours. Ensuite il se prend d’affection pour le fils de Louise Mehudin, le petit Muche et sa relation mère se détend.(156) Florent souffre de cet entassement de nourriture et se sent écœuré en permanence. Il souffre également de ce milieu grossier. Son malaise nerveux est aggravé par son retour à la politique. ( 159 ) La mère Mehudin se méfie de lui. Elle lui rouge l’oeil faux et sa maigreur l’inquiète.  Florent es en danger de plus en plus souvent chez Lebigre où il est question de renverser le gouvernement .(177) Effrayée par l’implication de Florent dans l’opposition au régime, Lisa réussit à convaincre son mari que son frère devient un danger pour leur commerce et l’ambiance chez les Quenu va se dégrader assez rapidement, à tel point que Florent va choisir de prendre ses repas ailleurs. 
Au début du chapitre IV, deux jours après la discussion avec son mari, Lisa apprend de Gavard qu’ils sont sur le point d’exécuter leur projet révolutionnaire de renverser le gouvernement et elle prend peur. À table, elle se montre glaciale avec Florent qui comprend qu’elle veut le mettre à la porte. Florent en compagnie de Claude Lantier se rendent à Nanterre chez la mère François et Claude explique sa théorie du combat entre les Gras et les Maigres.De retour à Paris, Florent se sent effrayé :” les odeurs étaient suffocantes. Il baissa la tête , en rentrant dans son cauchemar de nourritures gigantesques, avec le souvenir doux et triste de cette journée de santé Claude, toute parfumée de thym.” p 244
Le chapitre V marque une dramatisation des événements . Lisa fouille la chambre de Florent et le dénoncera finalement quelques mois plus tard  à la préfecture de police en tant que conspirateur . (308) Les commérages se propagent aux Halles et arrivent aux oreilles de Louise Mehudin qui souhaite épouser Florent, conquise par sa tendresse avec les enfants. Quand il lui raconte son histoire, elle le trouve lâche et mou de ne pas réclamer sa part d’héritage . Comme elle est la rivale de Lisa, elle cherche à l’atteindre en se servant de Florent. (282) À cette époque , Florent fut parfaitement heureux . Il ne marchait plus à terre comme soulevé par cette idée intense de se faire le justicier des maux qu’il avait vu souffrir. Il était d’une crédulité d’enfant et d’une confiance de héros.(288).Il regrette toutefois de ne pouvoir rallier Claude à ses idées politiques. Florent le soir de la mort de Monsieur Verlaque ressent un malaise nerveux qui es poursuit par des cauchemars. ” S’ il souffrait de ce milieu gras et trop nourri, il méritait cette souffrance. Et il revit l’année mauvaise qu’il venait de passer, la persécution des poissonnières , les nausées des journées humides , l’indigestion continue de son estomac de maigre, la sourde hostilité qu’il sentait grandir autour de lui. Toutes ces choses, il les acceptait en châtiment .” ( 313 ). Les Halles se transforment alors en paysage funeste . La catastrophe est proche pour le personnage qui semble la pressentir et attribuer son malheur à la fois à sa lâcheté mais également au milieu dans lequel il évolue.
Le dernier chapitre a lieu 8 jours après cette soirée d’orage.  La police vient arrêter les conspirateurs. Gavard est arrêté le premier. Florent se laissa pendre comme un mouton et alla juste libérer l’oiseau qu’il gardait dans une cage dans sa chambre (338) ” ce dénouement ne semblait pas le surprendre; il était un soulagement pour lui.” Quenu s’en veut de ne pas avoir aimé assez son frère qui s’était montré si bon pour lui, dans son enfance. Florent , deux mois plus tard, est à nouveau condamné à la déportation. Claude se scandalise de la tournure du procès . ” un garçon doux comme une fille que j’ai vu se trouver mal en regardant saigner les pigeons.” (343) et il prononce le mot de la fin : ” quels gredins que les honnêtes gens” 
Quelques repères pour travailler sur les personnages. 
 ReGavard 80
Lebigre 128
Les Mehudin 138
Muche 149
Marjolin et Cadine 193
Pauline p252/ 260
La Sarriette p 264….
Madame Lecoeur p266
28. décembre 2015 · Commentaires fermés sur Les origines de la Guerre de Troie · Catégories: Première

Vous avez sans doute entendu bien des légendes à propos des origines de la Guerre de Troie : essayons d’y voir un peu plus clair. 

Les origines mythologiques font état d’une dispute entre trois déesses de l’Olympe qui voulurent savoir laquelle était la plus belle. Cette querelle avait été provoquée par la déesse de la discorde, Eris, fille de la Nuit et soeur d’ Arès,le Dieu de la guerre; cette dernière jalouse de ne pas avoir été invitée au mariage de Thétis et de  Pélée avait décidé de semer la discorde entre les invités. Elle laissa donc rouler une  pomme sur la table sur laquelle figurait l’inscription: “à la plus belle femme”  et  aussitôt trois déesses la revendiquèrent  :  Athéna, Junon et Venus;

 Pour pouvoir les départager, on envoya Hermès quérir sur terre, le plus beau mortel; le sort choisit  un jeune berger, le prince troyen Paris et il eut  alors la lourde tâche de les départager; chacune lui promit quelque chose d’extraordinaire : la renommée et le pouvoir pour la reine de l’Olympe ,la gloire sur le champ de bataille pour la fille de Zeus ou l’amour de la plus belle femme du monde. Le fils de Priam choisit l’amour et Venus, la gagnante, lui offrit alors de conquérir la belle Hélène,  mariée au roi grec Menelas. Paris sûr de lui te du soutien divin, capture Helene et la ramène à Troie, conquise et amoureuse.  Mais les  versions du mythe diffèrent : , la belle serait rapidement tombée amoureuse du prince comme dans la version choisie par Giraiudoux; d’autres mentionnent un enlèvement et une demande de rançon. Ménélas, furieux, considère que son honneur a été bafoué et il a demande aussitôt l’aide de son frère Agamamennon ; Alliés par l’outrage qu’on a fait subir à l’un des leurs,  les rois grecs,décident de partir faire le siège de Troie.

Dans l’Olympe, les Dieux sont partagés entre partisans de la cause troyenne , dirigés par Vénus et le camp adverse, qui supporte la vengeance des grecs.   Comme le vent refuse de se lever pour que la flotte grecque puisse traverser la mer , le devin explique à Agammemnon qu’il doit sacrifier sa fille Iphigenie. Ce dernier, après avoir longuement tergiversé, s’exécute et les dieux cléments, remplacent la jeune fille par une biche et  autorisent la flotte à appareiller. Le siège de la cité va durer 10 ans et Homere en raconte tous les détails dans l’Iliade. 

Les achéens subissent d’abord la colère d’Achille qui décide de se retirer du combat , furieux qu’Agamemnon lui ait pris sa captive Briséis; Achille implore alors sa mère Thétis de ne pas accorder de victoires aux grecs tant qu’il ne se battra pas à leur côté; Rendu fou de douleur à la mort de Patrocle, son amant, qui a pris sa place au combat et qui a été tué par Hector, le prince troyen, Achille se décidera à reprendre les armes, ira  défier et tuer Hector,le fera traîner par ses chevaux autour des murailles de la ville,  et sera à son tour, puni pour cet acte qui a offensé les Dieux  et  tué par une flèche décochée par Pâris . Cette flèche va le frapper au talon, seule partie de son corps qui n’a pas ét étendue invincible . D’où l’expression: avoir un talon d’Achille qui signifie posséder une faiblesse secrète.

Chante, ô déesse, le courroux du Péléide Achille,
Courroux fatal qui causa mille maux aux Achéens
Et fit descendre chez Hadès tant d’âmes valeureuses
De héros, dont les corps servirent de pâture aux chiens

Et aux oiseaux sans nombre : ainsi Zeus l’avait-il voulu,     Iliade

Les grecs finissent par faire confiance à Ulysse qui a eu l’idée du cheval de Troie.  Les soldats font semblant de lever le siège et les Troyens se condamnent en faisant entrer dans la ville le cheval rempli de soldat grecs . La ville va être mise à sac et la famille royale massacrée à l’exception de la femme d’Hector , Andromaque qui deviendra la prisonnière du roi d’Empire Pyrrhus, fils d’Achille. Jean Racine, dramaturge du dix- septième  siècle, exploitera cette situation dans la tragédie qui porte le nom de cette héroïne Andromaque . dans la version homérique, le fils d’Hector et d’Andromaque, le jeune Astyanax est précipité du haut des rempart sue Troi alors que Racine lui laisse la vie sauve pour ne faire le centre du dilemme de son héroïne.

 Jean Giraudoux a choisi de montrer l’ambiance à l’intérieur de la cité au moment où la menace de guerre se précise. Il a donc exploité le  scénario du mythe grec en le recontextualisant à partir de la période dite de la montée des périls , en Europe, en 1937 avec comme arrière-plan, la guerre de 14/18 qui a déjà opposé français et allemands et dont on avait prédit qu’elle serait la der des der.

23. décembre 2015 · Commentaires fermés sur Écrire un éloge funèbre · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,

La rhétorique accorde une place particulière à ce type de discours qui a pour cadre le décès d’un  héros, d’un homme célèbre ou tout simplement d’ un proche. Durant la période classiqué, Bossuet a composé des oraisons funèbres en l’honneur des grands du royaume . Le décès d’ Henriette d’ Angleterre  , la femme du Duc d’Orleans’ , morte a l’âge de 26 ans va émouvoir l’ ensemble du royaume de France. 

Comment organiser un éloge funèbre ? Comme tous les genres oratoires, le panégyrique doit prendre en compte l’auditoire et fair naître son émotion en rappelant notamment des éléments de la vie du disparu .

L’éloge de Voltaire était prononcé lors d’une cérémonie bine particulière : le transfert de sa sépulture au Panthéon; Il était possible donc, de se servir de ce contexte, pour commencer le discours;

Mes chers amis, nous sommes aujourd’hui rassemblés pour célébrer la mémoire d’une Lumière qui s’est malheureusement éteinte depuis 13 ans déjà mais qui avant de s’éteindre a  éclairé nos vies et nos âmes”
Il était tentant de retracer la biographie de François Marie Arouet en suivant l’ordre chronologique : sa naissance, ses études, ses débuts d’homme de lettres.. “Très tôt, il se fit remarquer par la vigueur de sa plume et bientôt il fut craint dans la plupart des Cours d’Europe car il n’était pas tendre avec les grands auxquels il ne pardonnait guère leurs écarts de conduite” 
Une autre organisation pouvait consister à lister les domaines d’activités dans lesquels il s’est illustré ; le plus important consistait à renseigner ces rubriques en donnât des détails précis;
Nul n’oubliera qu’il a toujours combattu l’injustice et qu’il a a souvent payé le prix en séjournant, à plusieurs reprises , soit en prison, soit en dehors des frontières ; Qui d’autre que lui aurait pu défendre la mémoire de Jean Calas, ce protestant accusé d’avoir tué son fils récemment converti  au catholicisme  ? Qui d’autre que lui a osé élever sa voix, ou plutôt la plume pour condamner vertement l’exécution de ce jeune chevalier De La Barre chez lequel on retrouva d’ailleurs un de ses ouvrages sulfureux?
L’inscription sur le sarcophage pouvait évidemment donner lieu à un développement autour des affaires judiciaires auxquelles Voltaire a été mêlé ; Mais on pouvait aussi évoquer son pamphlet contre le Régent, ses démêlés avec le chevalier de Rohan dans la loge de la comédienne Adrienne Lecouvreur et la réplique cinglante de l’homme de lettres, réplique  qui lui valut d’être bastonné comme un vulgaire domestique ; L’une des versions de cette anecdote dit que le chevalier aurait voulu vexer Voltaire en lui rappelant ses origines roturières et que Voltaire lui aurait répondu publiquement : “je commence mon nom là ou vous finissez le vôtre; Le comte de Chabot n’aurait pas supporté la  pique publique de ce jeune homme de 32 ans. 
Peu d’élèves ont su évoquer ses oeuvres poétiques : son poème célèbre sur le Désastre de Lisbonne sera rappelé par un épisode de Candide te un des poèmes qui lui attira le plus d’ennuis fut le Mondain, poème dans lequel il loue la modernité de ce siècle de fer, modernité qu’il avoue préférer au soi disant âge d’or du passé; la dimension philosophique de sa carrière pouvait également faire l’objet d’u développement avec au moins Les lettre philosophiques publiées suite à son premier exil en Angleterre et ensuite, le Dictionnaire philosophique portatif, sorte du version personnelle de l’Encyclopédie,  vaste ouvrage collectif auquel Voltaire a collaboré. 
Historien ?  : il a rédigé d’abord la Henriade, en hommage à la politique de tolérance du roi Henri IV qui sut mettre fin aux guerres de religion et ensuite Le siècle de Louis XIV, panorama de la monarchie et des changements opérés en Europe sous le règne du Roi Soleil. Voltaire fut aussi  historiographe du roi Louis XV dès 1745.
Dramaturge : il fallait trouver le lien entre son activité au théâtre et ses idéaux.
Esprit libre , liberté de penser, libre religieuse,  régime libéral : liberté est un nom qu ‘il a décliné sous de nombreuse formes. On pouvait également, pour lui rendre hommage, filer la métaphore des Lumières .

 Voilà une courte biographie pour réviser ….. faites une fiche Voltaire et ajoutez y ce que nous avons vu en cours

Le le 21 novembre 1694 à Paris dans une famille de commerçants enrichis (son père avait pu acheter une charge de receveur à la Cour des comptes), François Marie Arouet, dit Voltaire, fut élevé chez les jésuites du collège Louis-le-Grand, qui influencèrent profondément son esprit, en lui apportant une solide formation de rhétorique et en lui donnant le goût de la discussion et du théâtre. Son insolence et son indépendance d’esprit, à moins que ce ne fût une certaine forme d’inconscience, lui valurent d’être emprisonné onze mois à la Bastille pour avoir osé écrire des libelles contre le Régent. Dès sa sortie de prison, le jeune Arouet adopta le pseudonyme de Voltaire, obtenu par l’anagramme de son nom. Sous cette nouvelle identité, il fit représenter sa première tragédie, Œdipe (1718), qui connut un honorable succès, et fut suivie de plusieurs autres pièces entre 1720 et 1725. Dans le même temps, il se consacrait à la composition d’une épopée, la Ligue, qu’il publia en 1723 et qu’il remania pour en faire la Henriade.

Le séjour en Angleterre : les lettres philosophiques

À la suite d’une altercation avec le chevalier de Rohan, Voltaire fut embastillé une nouvelle fois, et dut s’exiler dès sa libération. C’est ainsi qu’il passa deux ans et demi en Angleterre. Le contact avec la monarchie parlementaire et libérale anglaise exerça une grande influence sur son esprit, qu’il contribua sans doute à mûrir. Voltaire y découvrit en effet la tolérance, vertu qu’il ne cessera de défendre sa vie durant. Il rédigea en anglais les Letters Concerning the English Nation (1733), où l’éloge des mœurs politiques anglaises était pour lui une façon de dénoncer les abus du despotisme monarchique français et le scandale de l’intolérance et de l’oppression qui régnaient dans la société française. De retour en France, Voltaire publia plusieurs pièces, telles que Brutus (1730) et Zaïre (1732), tragédie écrite en trois semaines qui obtint un immense succès. En 1734, il traduisit et remania les Lettres anglaises pour les augmenter : elles furent publiées de nouveau, sous le titre de Lettres philosophiques.

L’ouvrage devint un véritable manifeste des Lumières, parce qu’il traitait de la liberté politique et religieuse, célébrait la prospérité et le progrès comme les avancées de la science, parce qu’il exposait la doctrine du matérialisme de Locke, tout en affirmant (à propos d’une lecture des Pensées de Pascal) une foi optimiste en la nature humaine. Le livre fut interdit pour ses idées réputées dangereuses. Voltaire décida de braver l’interdiction et, menacé d’être arrêté, il fut contraint de s’exiler en Lorraine, à Cirey, chez son amie Mme du Châtelet. La publication des Lettres philosophiques donna le coup d’envoi du combat que Voltaire mena sa vie durant pour ses idées.

 

La retraite à Cirey : les essais philosophiques

Retiré à Cirey, Voltaire s’adonna à l’étude et à l’écriture. Il y composa plusieurs pièces de théâtre, la Mort de Jules César (1735), Alzire ou les Américains (1736), Mahomet (1741) ou encore Mérope (1743), ainsi qu’un poème léger, épicurien et burlesque, à la gloire du bonheur terrestre : le Mondain (1736). Il se passionna également pour des domaines de connaissances divers : les sciences, l’histoire, la philosophie, et écrivit ses Éléments de la philosophie de Newton (1738), ouvrage de vulgarisation qui contribua largement à la diffusion des idées nouvelles. Le Siècle de Louis XIV (1751), dont la rédaction commença ces années-là, est fondé sur une méthode originale, où domine le souci de rapporter des faits objectifs!; l’ensemble de cet ouvrage est néanmoins une célébration du monarque et de la civilisation sous son règne. Avec l’Essai sur les mœurs (1756), Voltaire joua un rôle essentiel dans le renouveau des études historiques. Pendant son séjour à Cirey, Voltaire entretint également une correspondance avec Frédéric II de Prusse, dit “!le roi philosophe!”, qui voulait l’attirer à Potsdam. Mais une certaine libéralisation à la cour de France, sous le “!règne!” de Mme de Montespan, engagea Voltaire à revenir à Versailles, où il fut nommé historiographe du roi (1745).

 

Le retour à Versailles, les contes philosophiques

L’année suivante, Voltaire fut élu à l’Académie française. Il écrivit la tragédie Sémiramis (1748). Il se mit à explorer la forme narrative du conte pour illustrer ses idées. Zadig ou la Destinée (1748), qui pose le problème du bonheur et du destin, puis Micromégas (1752), qui traite de la relativité des connaissances, sont deux de ses contes philosophiques. En 1749, le philosophe eut à subir une épreuve douloureuse : Mme du Châtelet, qui avait une liaison avec le jeune poète Saint-Lambert, mourut en couches. Voltaire décida alors de répondre à l’invitation de Frédéric II, et partit pour la Prusse.

 

Les séjours en Prusse et en Suisse : engagement et polémique

Voltaire resta cinq ans au château de Sans-Souci. Voltaire dut quitter l’Allemagne, comme il s’était brouillé avec Frédéric II de Prusse et, la France lui refusant l’asile, il s’installa à Ferney, près de Genève. Là encore, Voltaire ne put jouir longtemps de son séjour en paix : en effet, les autorités genevoises n’apprécièrent pas son article “!Genève!” de l’Encyclopédie, qui contenait des critiques sévères contre la République et la religion calviniste. À ce propos, puis au sujet de la providence, Voltaire fut pris à parti par un autre philosophe, Jean-Jacques Rousseau, avec lequel il entretint un échange de lettres assez virulent (dont les Confessions de Rousseau rendent compte de la manière la plus partisane).

La tragique nouvelle d’un tremblement de terre à Lisbonne, qui avait fait vingt-cinq mille morts, émut profondément Voltaire!; elle le poussa à attaquer les tenants de l’optimisme dans son Poème sur le désastre de Lisbonne (1756). Dans la même lignée, l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756) puis, dans un registre narratif, Candide (1759) sont portés par son indignation devant l’intolérance, les crimes, les guerres et l’oppression dont l’humanité souffre.

Retiré sur sa terre de Ferney, Voltaire y poursuivit son œuvre de réflexion avec le Dictionnaire philosophique (1764). Défenseur de la justice dans ses textes, Voltaire le fut aussi dans ses actes, puisqu’il intervint publiquement dans toutes les affaires où sévissaient la force de l’injustice et la violence des préjugés. Déjà, en 1756, il avait pris fait et cause pour l’amiral anglais Byng, exécuté pour avoir perdu une bataille. De 1762 à 1765, il défendit Calas, un huguenot condamné sans preuves pour avoir tué son fils, qu’il soupçonnait de vouloir se convertir au catholicisme. Le Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763) est une protestation contre l’injustice faite à l’accusé et contre le fanatisme d’une accusation née de la rumeur et de la haine. Ce texte de Voltaire eut d’ailleurs une influence décisive sur la révision du procès et la réhabilitation de Calas.

La réputation du philosophe était alors immense et internationale. Des écrivains, des philosophes, des savants venaient lui rendre visite à Ferney, ou entretenaient une importante correspondance avec lui. Pourtant, son retour à Paris en 1778, l’année de sa mort, ne lui permit pas d’être reçu à Versailles.

Il mourut le 30 mai 1778 et fut enterré presque clandestinement, l’Église lui ayant refusé des obsèques. Treize ans plus tard, sa dépouille fut transférée au Panthéon.

21. décembre 2015 · Commentaires fermés sur Voltaire répond à ses juges : un plaidoyer éloquent. · Catégories: Première · Tags:

Il fallait imaginer que Voltaire justifiait ses prises de position et ses choix narratifs et idéologiques . Le discours de l’auteur de l’Ingenu devait prendre en compte les accusations proférées à son encontre. Il s’agit de convaincre des juges soit en prononçant un réquisitoire,véritable acte d’accusation, soit en fabriquant un plaidoyer qui est un discours qui vise à défendre un accusé. 

Commençons par reprendre les principaux arguments de ses adversaires; 

Une erreur de cadrage fréquente vous a fait considérer le Dictionnaire Philosophique comme oeuvre de référence pour les accusations alors qu’il s’agissait de défendre la matière de l’Ingénu

N’oublions pas la formule d’introduction qu’on peut faire suivre d’une accroche de type captatio benevolentiae
Messieurs les Juges, de très nombreux lecteurs, vos compatriotes, m’ont fait l’honneur d’acheter mon dernier cont philosophique et son succès prouve que les thèmes que j’y aborde , sous le voile de la fiction, intéressent mes contemporains; Je me présente aujourd’hui devant vous afin de prouver ma bonne foi et pour répondre des accusations qui ont été lancées contre mon livre dans un journal que vous connaissez sans doute et dont j’apprécie particulièrement le style . …; 
Attention, l’ironie est laissée à votre appréciation.
L’accusation d’impiété peut facilement être réfutée en se fondant sur l’omniprésence de la religion dans le conte en particulier et dans les ouvrages de Voltaire en général ; “ Pour quelles raisons , Messieurs, un homme sans religion, évoquerait-il constamment un sujet dont il n’à que faire ?  Si la religion m’inspire autant c’est parce que je cherche à montrer aux hommes leurs erreurs et que je  les mets  en garde contre les dissensions qui surviennent lorsqu’on considère qu’en matière de religion, on détient la vérité; Je crois en Dieu et je me rends à l’église le dimanche pour prier, le prier d’accorder la sagesse aux hommes et la clairvoyance; “ 
C’était le moment de placer une profession de foi déiste de Voltaire.
Les accusations d’obscénité peuvent être contrecarrées à condition de choisir des exemples précis dans le conte; On peut alors jouer sur le sens du mot et proposer d’y voir plutôt des allusions grivoises pour divertir le lectorat  féminin notamment ou , mieux encore, pour sensibiliser les jeunes femmes aux dangers de la fréquentation des Grands ; “Messieurs, au vu de mon grand âge, pensez-vous vraiment qu’il est raisonnable de voir de l’obscénité là où je décris la beauté naturelle d’un corps de jeune homme ?; En effet, mon personnage de Huron doit susciter l’envie parce qu’il représente un mode de vie sain et que sa vigueur est un élément qui me permet , justement de faire l’éloge d’un mode de vie naturel; Si vous y voyez de la concupiscence, c’est peut être que pour vous , la nudité est quelque chose de répréhensible mais sachez bien que tous nous naissons nus au sortir du ventre de notre mère et que les hommes ne se promenaient pas autrement dans l’Eden. ” Quant au commerce charnel auquel se soumet ma pauvre héroïne, j’ai  simplement voulu montrer que lorsqu’on est une jeune femme , les dangers sont encore plus grands lorsqu’on se place dans une position où les faveurs d’un homme puissant paraissent nécessaires ” Je souligne ainsi les dangers de la Cour et de la fréquentation de certains ministres que leurs fonctions peuvent dépraver; En effet, je crois que le pouvoir corrompt et j’ai pu en faire l‘expérience , à mes dépens, lorsque je me trouvais à la cour de Frédéric de Prusse, qui autrefois fut mon ami avant de devenir un tyran.

Les accusations politiques pouvaient être l’occasion d’évoquer subtilement les convictions politiques de Voltaire, son anglophilie , sa croyance en une monarchie parlementaire, un meilleur  équilibre des pouvoirs et une limitation du pouvoir personnel du roi, un modèle idéal de despote éclairé; 
“Messieurs , loin de moi l’idée de critiquer pour le simple plaisir de me montrer irrévérencieux  ; “j’ai toujours eu à coeur , dans mes  nombreux ouvrages, de mêler le plaisir justement à la réflexion et c’est ce qui m’a conduit à faire le choix du conte philosophique; Comme tout ouvrage de fiction, j’ai pu parfois forcer le trait et paraître outrancier  mais le lecteur doit être saisi sous peine de passer à côté de la dimension didactique de mon travail ; Nul n’a songé à critiquer mes tragédies qui pourtant comportent indiscutablement une part de réflexion mais, emporté par le drame, le spectateur oublie parfois l’objet même du conflit tragique; alors que dans le conte, les lecteurs ne s’identifient pas au malheur des personnages et demeurent à distance ; c’est cette mise à distance qui permet justement à la réflexion de s’exercer.
Dernier conseil: n’attaquez pas directement vos adversaires sinon vous vous discréditez;  Jamais d’insultes ni de critiques ad hominem du type : ” Monsieur François Berthier, de toute façon, ne sait ni lire ni écrire …” Vous devez toujours privilégier les faits et vos connaissances pour construire votre argumentation . 
29. novembre 2015 · Commentaires fermés sur Contes voltairiens : comment finir ? · Catégories: Première

Un conte philosophique poursuit un double but : amuser le lecteur  et l’ instruire.  Cette dimension didactique est souvent illustrée par la fin de l’histoire racontée ; En effet, le sens du dénouement peut être lu à la fois comme la clôture de l’intrigue , la fin des aventures du héros et une leçon de vie.

Pour étudier ces trois dénouements, celui de Zadig, d’Aventure Indienne et de l’Ingénu, nous nous intéresserons d’abord au destin des héros avant d’évoquer la morale du conte. Remarquons tout d’abord que nos trois héros sont de grands voyageurs : Zadig doit fuir Babylone avant d’y revenir pour y régner, Pythagore “voyage à travers le monde pour y apprendre et y enseigner la sagesse” ; Quant à l’Ingénu, il découvre la Basse Bretagne après avoir grandi en Huronien, pays dont il a conservé les enseignements. Ces trois personnages ont donc fait l’expérience de la diversité des moeurs et ont  chacun , été confrontés à l’injustice ou au malheur. Zadig a été accusé injustement et a du s’enfuir pour ne pas être emprisonné; Pytahgore a assisté à un simulacre de procès et a réussi, grâce à ses dons d’orateur, à éviter l’exécution d’Indiens qu’un tribunal souhaitait faire brûler pour les motifs suivants : ” pour avoir dit que la substance de Xaca n’est pas la même que celle de Brama” et ” pour avoir soupçonné qu’on pouvait plaire à l’être suprême par la vertu” ; On voit bien ici que ces sont des prétextes ridicules et qu’il s’agit, à travers cette situation imaginaire, de dénoncer l’intolérance religieuse et les méthodes de l’Inquisition. Cette condamnation des deux Indiens paraît totalement injuste et absurde; L’Ingénu, quant à lui, a été confronté à de nombreuse injustices : emprisonné à tort, il découvre que Gordon est lui aussi emprisonné parce qu’il est janséniste et, sa fiancée pour le libérer sacrifie son honneur et finit par en mourir. Cependant leur destin individuel est fort contrasté car Zadig devient un roi aimé de tous “l’empire jouit de la paix, de la gloire et de l’abondance” ; Il assure la prospérité de son royaume et sur le plan personnel, il est heureux avec celle qu’il aime : la reine Astarté; L’ingénu lui perd la femme qu’il aime et demeure inconsolable mais il a  trouvé un refuge dans l’amitié de Gordon et il devient une figure admirée : “excellent officier” “guerrier et philosophe intrépide” .La réussite de Pythagore n’est que de courte durée car il connaît une fin tragique; L’ironie du sort veut qu’il soit brûlé par des intolérants : “il alla prêcher la tolérance à Crotone; mais un intolérant mit le feu à sa maison” ; C'est le dénouement le plus sombre des trois car il signe à la fois la perte du héros sage et vertueux et le triomphe du Mal.

Après avoir examiné l’évolution des personnages , il faut regarder la morale proposée: Zadig , roi magnanime, récompense tout le monde autour de lui et s’entoure de gens compétents non sans les menacer de se montrer impitoyable s’ils le déçoivent. Il récompense même ceux qui l’on trahi parce qu’il pense ainsi adoucir “leurs douleurs par des présents” ; Pythagore  réussit l’exploit avant de mourir de faire changer d’avis des juges et  des dévotes et l’ironie de Voltaire souligne cet exploit : “et c’est ce qui n’est arrivé qu’une seule fois“; L’ironie avait de même, dans Zadig, souligné la sagesse du pêcheur qui renonce à récupérer sa femme, trait d’humour de Voltaire : “le pêcheur devenu sage ne prit que l’argent “: cela laisse entendre que les femmes font devenir les hommes fous et qu’il est plus sage d’y renoncer. C’est par la force des choses que l’ingénu doit renoncer à celle qu’il aime et le conteur a choisi de montrer , autour du héros, le repentir sincère de celui a fait son malheur, le ministre Saint-Pouange. Ce dernier va s’employer à réparer les tort qu’il a causés, notamment en dédommageant les victimes : c’est ainsi que le frère de Mademoiselle de Saint Yves a droit a un “bon bénéfice”; Plus étonnant, le pète Tout-à -Tous est récompensé par des cadeaux et la dévote , terme ici ironique, garde les boucles en diamant offertes en présent à  la jeune femme pour avoir offert ses faveurs ; cette partie des rétributions paraît donc fort injuste et la morale est ambiguë  : Malheur est bon à quelque chose signifie qu’on peut tirer des effets bénéfiques d’un malheur mais on conserve quand même l’idée de la présence incontournable des malheurs; Sauve qui peut peut également être interprétée comme un cri de panique généralisé ou là encore rappeler qu’on n peut sauver tout le monde et que les justes sont parfois victimes de l’injustice la plus meurtrière. Nous sommes désormais bien loin de l’enthousiasme qui suit le triomphe de Zadig: ” On bénissait Zadig et Zadig bénissait le ciel ”  Le chiasme reflète ici l’accord parfait entre l’homme et la divinité : cet accord sera brisé dans les deux autres contes et le Ciel ne sera d’aucun secours à Pythagore ; Quant à l’Ingénu, c’est le temps qui apaisera sa douleur.

16. novembre 2015 · Commentaires fermés sur Sauvages en images · Catégories: Première · Tags:

Pour comprendre les peurs et les réactions des hommes de la Renaissance face aux étrangers,  aux peuples inconnus , il faut comprendre ce que signifiait pour eux homme sauvage.  Ce billet reprend les principales évolutions du concept d’homme sauvage avant que les philosophes des Lumières , et notamment Rousseau et Voltaire, créent le mythe de l’homme sauvage aux qualités naturelles.

Les hommes du Moyen-Age assimilent souvent les hommes sauvages à des créatures diaboliques, monstrueuses associées à l’animalité et au monde nocturne comme les loups-garous, les ogres cannibales , dévoreurs d’enfants et autres créatures infernales, mi homme mi animal,  à la force surhumaine menaçante. Les
représentations de
l’Homme sauvage varient
suivant les époques , mais de manière constante il pose le problème
de la société qui
pense
s’être éloignée d’une
nature
qui
lui est devenue étrangère, et qui
tente
de rétablir un lien avec
les puissances naturelles .Toutefois, cette
figure de l’homme sauvage n’aurait pas survécu si elle n’avait pas
été chargée d’un sens
politique et
religieux

. En Europe
,on
retrouve des peurs universelles sous
certaines représentations  :
l’homme
craint l’épaisseur et
le mystère des forêts qu’il peuple de figures sauvages comme les
sauvageons , les hommes-arbres ou hommes souterrains (nains), les
hommes -animaux comme les garous ou les centaures.

Dans
l’iconographie française, du Moyen-Age on
représente l’homme sauvage
sous la forme d’un homme
habillé de peaux de
bêtes
,
voire lui-même velu. On s’entend généralement sur l’idée que
cette figure est négative : elle
représente politiquement
et sociologiquement
le
regard méprisant, de l’aristocratie

sur le paysan, proche de la nature, mi-homme, mi-bête, et quasiment
encore païen.L’assimilation mythologique
de l’Homme sauvage au Chasseur sauvage est possible
dans certaines régions d’Europe du Nord où on
y voit une survivance de la métamorphose du dieu germano-scandinave
Wotan.

Le
chasseur sauvage serait un homme qui a bravé un interdit ou un
tabou, par exemple la chasse ou la consommation d’un animal tabou. Il
reviendrait
en esprit, traversant les airs comme Wotan, à la tête d’une armée
de morts métamorphosés en bêtes sauvages. (voir
illustration en tête du billet). D’autres interprétations
religieuses sont en concurrence : dans l’occident chrétien ,
lors du
Carnaval, l’Homme Sauvage est parfois vêtu d’un pagne de peaux de
bêtes, de feuilles, et porte un petit arbre, le ” mai “.

A
partir du début du XVIe siècle, l’Homme sauvage devient en
Allemagne notamment la représentation symbolique et valorisante de
l’antiquité , faite d’une société de moeurs simples et justes et
de courage : les tribus au fond de leurs forêts primitives, ont
résisté à mains nues avec succès aux Romains bien armés mais de
mœurs dissolues. On célèbre donc avec cette figure le culte des
Ancêtres courageux et rustiques. La représentation de l’Homme
Sauvage, vêtu d’un bout de peau de bête et armé d’une massue,
reprend l’image d’Hercule et établit le mythe d’une antiquité
vraie, fondée sur la pureté des modes de vie ; Cette idéologie
servira aux philosophes des Lumières pour opposer la sagesse
naturelle des hommes sauvages
et la dépravation, la
corruption des sociétés occidentales qu’ils jugent décadentes et
perverties . (c’est le mythe du bon sauvage)

La
propagande des humanistes
de la Renaissance

explique la popularité (ou plus exactement la non-censure) du thème
dans les cortèges paysans, et le nom du ” Sauvage ” donné
à des enseignes de tavernes, à des statues de fontaines, à des
rues.Les
hommes de la Renaissance , confrontés aux peuplades indigènes,
durent renoncer à ces fantasmagories mais elles étaient très
présentes dans leur imaginaire. L’homme sauvage peut donc incarner
soit une menace car il est fort et réfrène difficilement ses
instincts, soit l’idée d’un passé légendaire qui nous renvoie à
nos origines.

Aujourd’hui
on assiste à un renouvellement des sens du terme Sauvage et
l’univers de la publicité, par exemple, exploite les connotations
positives
du
mot avec l’image de Johnny Depp qui vante les mérites d’une eau de
toilette, dans un désert, entouré de fauves, tatoué comme un
chasseur d’une tribu primitive.

Dans
l’ Ingénu, Voltaire a construit son personnage en reprenant
certaines caractéristiques de l’homme sauvage ; la force
physique, la virilité et le goût du combat mais il apprend à
dompter sa nature sauvage pour devenir un homme accompli et
raisonnable, un
vrai philosophe qui a su contrôler ses instincts et devenir
civilisé, en ne gardant que le meilleur des moeurs qu’il observe.