16. novembre 2015 · Commentaires fermés sur Sauvages en images · Catégories: Première · Tags:

Pour comprendre les peurs et les réactions des hommes de la Renaissance face aux étrangers,  aux peuples inconnus , il faut comprendre ce que signifiait pour eux homme sauvage.  Ce billet reprend les principales évolutions du concept d’homme sauvage avant que les philosophes des Lumières , et notamment Rousseau et Voltaire, créent le mythe de l’homme sauvage aux qualités naturelles.

Les hommes du Moyen-Age assimilent souvent les hommes sauvages à des créatures diaboliques, monstrueuses associées à l’animalité et au monde nocturne comme les loups-garous, les ogres cannibales , dévoreurs d’enfants et autres créatures infernales, mi homme mi animal,  à la force surhumaine menaçante. Les
représentations de
l’Homme sauvage varient
suivant les époques , mais de manière constante il pose le problème
de la société qui
pense
s’être éloignée d’une
nature
qui
lui est devenue étrangère, et qui
tente
de rétablir un lien avec
les puissances naturelles .Toutefois, cette
figure de l’homme sauvage n’aurait pas survécu si elle n’avait pas
été chargée d’un sens
politique et
religieux

. En Europe
,on
retrouve des peurs universelles sous
certaines représentations  :
l’homme
craint l’épaisseur et
le mystère des forêts qu’il peuple de figures sauvages comme les
sauvageons , les hommes-arbres ou hommes souterrains (nains), les
hommes -animaux comme les garous ou les centaures.

Dans
l’iconographie française, du Moyen-Age on
représente l’homme sauvage
sous la forme d’un homme
habillé de peaux de
bêtes
,
voire lui-même velu. On s’entend généralement sur l’idée que
cette figure est négative : elle
représente politiquement
et sociologiquement
le
regard méprisant, de l’aristocratie

sur le paysan, proche de la nature, mi-homme, mi-bête, et quasiment
encore païen.L’assimilation mythologique
de l’Homme sauvage au Chasseur sauvage est possible
dans certaines régions d’Europe du Nord où on
y voit une survivance de la métamorphose du dieu germano-scandinave
Wotan.

Le
chasseur sauvage serait un homme qui a bravé un interdit ou un
tabou, par exemple la chasse ou la consommation d’un animal tabou. Il
reviendrait
en esprit, traversant les airs comme Wotan, à la tête d’une armée
de morts métamorphosés en bêtes sauvages. (voir
illustration en tête du billet). D’autres interprétations
religieuses sont en concurrence : dans l’occident chrétien ,
lors du
Carnaval, l’Homme Sauvage est parfois vêtu d’un pagne de peaux de
bêtes, de feuilles, et porte un petit arbre, le ” mai “.

A
partir du début du XVIe siècle, l’Homme sauvage devient en
Allemagne notamment la représentation symbolique et valorisante de
l’antiquité , faite d’une société de moeurs simples et justes et
de courage : les tribus au fond de leurs forêts primitives, ont
résisté à mains nues avec succès aux Romains bien armés mais de
mœurs dissolues. On célèbre donc avec cette figure le culte des
Ancêtres courageux et rustiques. La représentation de l’Homme
Sauvage, vêtu d’un bout de peau de bête et armé d’une massue,
reprend l’image d’Hercule et établit le mythe d’une antiquité
vraie, fondée sur la pureté des modes de vie ; Cette idéologie
servira aux philosophes des Lumières pour opposer la sagesse
naturelle des hommes sauvages
et la dépravation, la
corruption des sociétés occidentales qu’ils jugent décadentes et
perverties . (c’est le mythe du bon sauvage)

La
propagande des humanistes
de la Renaissance

explique la popularité (ou plus exactement la non-censure) du thème
dans les cortèges paysans, et le nom du ” Sauvage ” donné
à des enseignes de tavernes, à des statues de fontaines, à des
rues.Les
hommes de la Renaissance , confrontés aux peuplades indigènes,
durent renoncer à ces fantasmagories mais elles étaient très
présentes dans leur imaginaire. L’homme sauvage peut donc incarner
soit une menace car il est fort et réfrène difficilement ses
instincts, soit l’idée d’un passé légendaire qui nous renvoie à
nos origines.

Aujourd’hui
on assiste à un renouvellement des sens du terme Sauvage et
l’univers de la publicité, par exemple, exploite les connotations
positives
du
mot avec l’image de Johnny Depp qui vante les mérites d’une eau de
toilette, dans un désert, entouré de fauves, tatoué comme un
chasseur d’une tribu primitive.

Dans
l’ Ingénu, Voltaire a construit son personnage en reprenant
certaines caractéristiques de l’homme sauvage ; la force
physique, la virilité et le goût du combat mais il apprend à
dompter sa nature sauvage pour devenir un homme accompli et
raisonnable, un
vrai philosophe qui a su contrôler ses instincts et devenir
civilisé, en ne gardant que le meilleur des moeurs qu’il observe.