30. novembre 2021 · Commentaires fermés sur Le parcours de Georges Duroy dans Bel -Ami · Catégories: Seconde · Tags: , , ,

La première apparition du personnage révèle une partie de son passé et un présent qui s’annonce difficile : arrivé depuis six mois à Paris dans le but de faire fortune, Georges n’est pour le moment qu’un modeste employé aux chemins de fer et a bien du mal à joindre les deux bouts ; Souvent il doit choisir entre manger à sa faim ou s’offrir un plaisir : boire une bière . En ce mois de juin, une rencontre providentielle va changer son destin: il croise un ancien soldat avec lequel il a combattu en Algérie quelques années plus tôt et ce dernier va lui donner sa chance; Grâce à Jacques Forestier, Georges fait ses débuts dans le monde :on nomme ce personnage un adjuvant car il est celui qui aide le héros à atteindre ses objectifs. Timide mal à l ‘aise , il se sent ridicule dans son  habit de location mais au fur et à mesure, il prend de l’assurance car il constate qu’il plait aux femmes .  Le lecteur est témoin de ses transformations physiques et même psychologiques . “ En s’apercevant dans la glace , il ne s’était même pas reconnu; il s’était pris pour un autre, pour un homme du monde, qu’il avait trouvé fort chic, fort bien, au premier coup d’oeil. ” Ce portrait du héros sera suivi de nombreux autres qui mettent en évidence son charme et l’effet qu’il produit sur son entourage .  “Une confiance immodérée en lui -même emplit son âme ” : dès le début du roman, il se sent déjà prêt à réussir . Plus »

13. novembre 2021 · Commentaires fermés sur Bel -Ami : un personnage “réaliste” et un héros ambitieux · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Le réalisme est un courant littéraire du dix-neuvième siècle qui cherche à peindre les réalités de la vie, sans embellissement et tente de donner de son époque une image la plus  complète possible; Les auteurs réalistes reprochent à leurs prédécesseurs de limiter les romans à quelques personnages types , héros souvent vainqueurs, ambitieux et désireux de s’élever socialement . Ils reprochent également aux romans de ne pas montrer certaines catégories sociales  marginales comme les prostituées, les SDF, les criminels. Bref de limiter le champ du roman . De plus, les auteurs réalistes privilégient, dans leurs descriptions du monde, le point de vue interne , celui du personnage plutôt qu’un point de vue omniscient, celui d’un narrateur anonyme. Sous couvert de montrer le monde tel qu’il est, sans le voir tel qu’on le rêverait, ils introduisent néanmoins, à l’intérieur de leurs récits et au sein de leurs descriptions, des opinions et des émotions.  Plus »

06. juillet 2021 · Commentaires fermés sur Nos résiliences , un roman de Agnès Martin- Lugand · Catégories: Le livre du mois · Tags: ,

Si l’on en croit les dictionnaires, ce mot apparaît au début du vingtième siècle ; Au sens physique, la résilience est d’abord une propriété des corps confrontés à des chocs violents: les ingénieurs calculent ainsi  le coefficient de résistance de certains matériaux pour construire des avions ou des voitures.  ; Au sens psychologique, on désigne ainsi la capacité des humains de résister à certains traumatismes infligés par la vie comme un deuil, une agression , de la maltraitance.  La résilience est plus connue en tant que phénomène psychologique. Chez les enfants en particulier, elle désigne leur capacité à triompher des traumatismes qu’ils ont subis comme une séparation, de la violence, un viol, un deuil, une guerre afin de continuer à se construire et à se réparer.En prenant conscience de cet événement et en décidant de ne plus vivre affectés par celui-ci, ils tentent de se reconstruire socialement et psychologiquement. Ce faisant, il font preuve de résilience. Plus »

28. mai 2021 · Commentaires fermés sur Réparer les vivants : le voyage fantastique du coeur de Simon · Catégories: Première · Tags:
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Roman qui évoque des thèmes douloureux comme la mort d’un enfant et le choix pour les parents de faire don de ses organes , Réparer les vivants de Maylis de Kerangal aborde ces sujets de manière parfois poétique , souvent philosophique; Au delà de cette histoire tragique qui démarre par un fait divers terrible , cet accident de voiture dans lequel un adolescent de 17 ans fait une hémorragie cérébrale qui le plonge dans un état de mort encéphalique  , la romancière dresse une galerie de portrait de personnages attachants et complexes qu’elle fait se croiser autour du corps de Simon Limbres . Nous sommes presque à la fin du récit: pendant que Virgilio le jeune chirurgien roule à toute allure avec le coeur de Simon qu’il vient de prélever dans son caisson étanche, Marianne, la mère du défunt, rentrée chez elle,  pense à son fils mort. 

Voyons comment ce passage est construit et quel regard la romancière élabore autour de ce personnage de la mère ..rappelons tout d’abord que les romanciers contemporains ne suivent pas précisément les codes de fabrication des personnages hérités des techniques réalistes (lire l’article du blog sur le réalisme) : en effet, ils construisent leurs personnages à partir de leurs voix et ne donnent qu très peu d’indications sur leur passé, leur identité, leur physique; Chaque personnage est saisi dans la vérité de l’instant comme une sorte d’instantané photographique  et le roman se forme à partir de ces saisies partielles. On parle souvent de vision kaléidoscopique pour montrer que les romanciers juxtaposent des états sans chercher à créer une continuité d’ordre chronologique ou psychologique. 

 Annonce des axes de lecture : Marianne est un personnage qui se caractérise par le lien qu’elle a tissé avec Simon: c’est une mère frappée par la douleur d’avoir perdu ce fils qu’elle aimait : la romancière fabrique une dimension pathétique autour de ce personnage de mater dolorosa ce que nous verrons dans une première partie avant de démontrer que la romancière fabrique également  un passage fantastique en évoquant d’abord la mystérieuse relation entre Marianne et Simon et ensuite en faisant disparaître le personnage au profit d’une sorte de rêve éveillé qui montre le coeur de Simon dans l’espace. 

1 Une image pathétique de la mère 

Le cadre tout d’abord est important : il fait nuit et Marianne ne parvient pas à dormir  il va être minuit : 23 h 50 exactement la précision de ce détail  rend la scène d’autant plus vraisemblable ; la douleur est personnifiée et agit avec violence comme le montre le verbe défonce; il appartient à un registre de langue familier et peut s’employer pour désigner  l’état d’une personne qui se drogue ; être défoncée, c’est perdre le contact avec la réalité et Marinent est comme dans un état  second ; L’analogie avec la drogue se poursuit avec l’expression “c’est là qu’elle peut tenir “; Notons que dans certains cas et pour certaines pathologies, les médecins plongent des patients dont la douleur est trop forte en coma artificiel afin que leur cerveau ne puisse transmettre cette douleur .

L‘intervention du narrateur ou l’art de raconter  : ce passage montre un narrateur  à la fois témoin des faits mais qui semble ne pas tout savoir sur les personnages  “on s’en doute ” peut être analysée de deux manières : dans une certaine mesure, cette intervention brise les codes de l’illusion réaliste dans la mesure où elle montre au lecteur la voix de celui qui écrit l’histoire (le narrateur ) et qui de ce fait est distinct du personnage ) ; mais d’un autre côté, cette intervention créée également une complicité avec le lecteur car ce on qui est mentionné, l’inclut lui aussi et le rend , en quelque sorte, partie prenante de l’histoire en train de s’écrire. Le point de vue du narrateur apparait également avec  ‘on la voit qui se redresse” : le point de vue ici est bien celui d’un narrateur témoin de la scène mais qui se contenterait de la filmer sans forcément tout savoir .

 C’est d’ailleurs le but des questions rhétoriques qui frappent le lecteur car elles introduisent à la fois une forme d’incertitude (le narrateur feint de ne pas savoir ce que pense le personnage donc il adopte un point de vue limité sur la scène ) mais en même temps il émet des hypothèses pour expliquer le sursaut Marianne : “se peut-il qu’elle ait capté l’instant où ..” “se peut-il qu’elle ait eu l’intuition ‘ ? ; ces hypothèses font naître la dimension fantastique du passage qui va ensuite être construite avec l’image du coeur de Simon, relique sacrée qui effectue un voyage dans l’espace . Ces mêmes questions métaphysiques reviendront à la fin du passage et Marainne finira par leur donner une réponse rassurante : “il est irréductible: c’est lui ; elle ressent un calme profond “ ; La mère peut repenser alors à son fils comme à un être qui ne peut se réduire à sa matière charnelle ” Le choix de l’adjectif “irréductible ” prouve que , bien qu’on ait côté au corps de Simon certains organes, il peut demeurer entier en présence dans l’esprit de sa mère .  Les questions se transforment elles aussi en “cerceaux bouillants “ et vont ainsi se transformer les “linéaments magnétiques ” dans son imagination : ces linéaments vont maintenir les liens indestructibles qui la relient à son fils 

2. Une liaison mère/fils fantastique : la connexion au delà de la mort ?

Le narrateur laisse entendre que ce qui relie ces deux personnages est de l’orde du surnaturel et il crée des images pour essayer de rendre concret et visible cette connexion. D’abord nous remarquons le verbe connecter et l’image des “linéaments magnétiques “ Le mot linéament s’emploie plutôt dans un contexte géologique ou géographique car il désigne les lignes qui marquent les accidents de surface  des roches qui provient des mouvements dans l’écorce terrestre ; sur une carte, les linéaments désignent le relief des sols et dans le roman, on comprend que ce mot désigne des sortes de fils, un peu comme des arcs électriques  qui traverseraient l’espace-temps pour maintenir le lien mère-fils; L’imagination de la romancière est nourrie ici des images des failles de l’ espace temps où les ondes électromagnétiques renvoient à une activité cérébrale ou simplement électrique; On peut aussi rapprocher ces linéaments du fonctionnement du cerveau et rappeler que ce sont des  machines électriques qui maintiennent le corps de Simon en vie et qu’elles  vont être débranchées ; la romancière veut nous faire percevoir que le cerveau de Marianne enregistre en fait , comme par intuition , ce qui est en train d’arriver à Simon. La relation mère-fils est qualifiée de proximité impalpable : avec l’allitération en p, on voit ici les liens se former avec espace, profondeur et temporel .La mère veut se raccorder , rester raccrochée à son fils et pénètre dans cet espace interdit qui forme comme une zone de veille ; La romancière veut sans doute ici évoquer par cet euphémisme “espace interdit ” les mystères de la mort ” et la “zone de veille” peut peut- être rappeler l’une des fonctions maternelles par excellence : celle qui consiste à veiller sur son enfant , à le protéger, à le rassurer. A noter que dans le roman, cette fonction maternelle est occupée , parmi le personnel soignantt, par Thomas Rémige qui va prendre , dans le milieu médical, le relais de la mère auprès de Simon; Il va le rassurer en lui passant le casque avec la musique choisie par Juliette, en lui récitant les noms de tous ceux qui pensent à lui, en prenant soin de son corps avec la toilette et le chant de la mort pour l’aider à franchir cette mystérieuse frontière entre le monde des vivants et celui des morts. Frontière qui justement s’efface dans les rêves ….

3. L’effacement du personnage au profit du rêve 

A mi -chemin du rêve et de la réalité, la romancière va utiliser le personnage de Marianne pour être le point de départ d’un passage onirique du roman où elle imagine  les pensées de la mère, ses rêves et le coeur de Simon qui vole. Cette sorte de rêverie métaphysique manifeste  la  croyance  éternelle et ancestrale en une forme de vie après la mort , dans le souvenir de ceux qui ont aimé les défunts. La rêverie s’organise elle aussi à partir d’un cadre : cette nuit polaire qui forme un décor fantastique comme une apparition lumineuse, une sorte d’étoile filante qui illumine l’espace: ainsi pour préparer cette apparition,   les nuages  se “déchirant” , “le ciel opaque se dissolve” ; le coeur de Simon est comme l’étoile polaire : celle qui dans les légendes guide les hommes vers Dieu ou les met sur la bonne voie; par analogie et comme par glissement, le coeur se transforme en relique sacrée : (la relique était le reste d’un corps de saint qu’on adorait et qu’on venait prier : cela pouvait être une main , un morceau de squelette et bien évidemment le coeur qu’on conservait  précieusement ) Ainsi à cette apparition de l’étoile dans le Ciel coïncide ce voyage du coeur dans son “caisson ” et le narrateur note que le plastique de la paroi “brille dans les faisceaux de lumière électrique ” ; Un lien est donc clairement établi entre les deux voyages, celui de l’étoile observée par la mère et celui du coeur de Simon transporté par Virgilio . 

La vision du personnage dans l’appartement a donné naissance à ce voyage réel d’abord du coeur de son fils dans la voiture et ensuite à un voyage imaginaire et mythique qui nous plonge au Moyen-age à l’époque où on convoyait “les coeur des Princes ” dans les cités; Simon devient ainsi un personnage de légende lui aussi, à l’instar de ces souverains d’autrefois dont les dépouilles étaient vénérées et devant lesquels les gens se recueillaient “on se signait en silence pour regarder passer ce cortège extraordinaire” Le personnage de Simon obtient ainsi grâce à ces comparaisons une dimension sacrée

Attention j’ai coupé une partie de cette description du voyage médiéval dans vos passages dactylographiés…

La fin du passage nous ramène à Marianne et aux questions métaphysiques qu’elle se pose et que tous les lecteurs peuvent également partager : “que subsistera t-il dans cet éclatement de  l’unité de son fils” : cette interrogation pose le problème des liens entre le corps et l’âme ; l’esprit est un et indivisible alors que le corps peut être morcelé ; Notre unité est avant tout spirituelle et n’est pas liée à notre enveloppe corporelle : du moins pour ceux qui croient à l’existence de l’âme ; pour certaines religions, âme et corps ne peuvent être séparés et donc les parents refusent les dons d’organes par peur de perdre l’ âme de leur enfant 

 En conclusion ,la romancière  a donc  imaginé pour ce passage important  qu’au moment où on opère son fils mort pour lui prélever ses organes et les envoyer un peu partout en France,, Marianne , sa mère  perçoit du fond de sa peine, une sorte de lien indestructible en pensée entre elle son fils et elle est soulagée de sentir sa présence irréductible ; le personnage de Simon acquiert ainsi une dimension sacrée, mythique en se transformant  et en étant comparé aux  souverains défunts des temps anciens .

21. novembre 2020 · Commentaires fermés sur Coup de foudre au bal : quand la Princesse de Clèves rencontre le Duc de Nemours · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Après avoir préparé les portraits  élogieux des personnages principaux, celui du Duc de Nemours ” chef d’oeuvre de la nature ” et celui de la princesse ” une beauté parfaite qui attira les yeux de tout le monde , Madame de La Fayette met en scène la rencontre entre les deux protagonistes.  Cette rencontre est tout d’abord publique: ce sont deux individus très en vue qui se croisent pour la première fois à l’occasion d’un grand bal donné en l’honneur des fiançailles de la seconde fille du roi, Claude de France avec Monsieur de Lorraine Charles III ,fils de la duchesse de Lorrain.La famille de cette dernière a en effet servi de médiateur pour mettre un terme à la guerre entre le roi de France Henri II et le roi d’Espagne Philippe II . La rencontre est donc un événement mondain et  ils seront l’objet de tous les regards . A cette occasion, l’auteure montre à quel point ils sont magnifiques comme s’ils étaient faits pour aller ensemble; Elle détaille également les réactions de la société qui les entoure. Voyons les détails de cette rencontre ….

La lecture linéaire détaillera les 25 lignes de ” Elle passa tout le jour des fiançailles …à s’ils ne s’en doutaient point  ” édition Hatier p 48 , lignes 734 à 759 et  Hachette 713 à 739 p 49. véritable topos littéraire, la rencontre amoureuse prend place dans un décor romanesque et fait l’objet de longues descriptions minutieuses; La princesse se prépare longuement “ tout le jour “ à cet événement qui constitue , en quelque sort, son baptême du feu des mondanités, juste  après son propre mariage , qui s’est tenu quelques semaines plus tôt. Le Prince de Clèves a été  , en fin de compte, le seul à faire sa demande car la maîtresse du roi avait réussi à dissuader les autres partis et l’orgueil de Madame de Chartres constituait également un obstacle ; De plus, en accord avec sa fille, Madame de Chartes a résolu de faire un choix qui pourrait lui convenir . Néanmoins, elle se rend vite compte que la jeune fille n’est pas amoureuse de son mari et elle travaille à lui faire comprendre “ce qu’elle devait à l’inclination qu’il avait eue pour elle avant que de la connaître “; autrement dit, elle lui demande d’être reconnaissante envers son mari Cette précision nous montre  aussi que le sentiment , chez le Prince,précède la connaissance selon le principe bien connu du coup de foudre.  Plus »

21. novembre 2020 · Commentaires fermés sur Amour et politique dans La princesse de Clèves : résumé des intrigues · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Cet article est un relevé non exhaustif des motifs narratifs présents  dans  les 4 parties du roman; Il vous permettra de relire des passages qui vous semblent importants pour vos sujets de dissertation . En travaillant sur les relations entre amour et politique dans le roman, nous sommes amenés à nous poser un certain nombre de questions : tout d’abord quel est le thème le plus important : les affaires ou l’amour ? les histoires d’amour sont-elles toutes dans la sphère publique ou politique? sont-elles subordonnées aux intérêts politiques des personnages ? Quel est le rôle des mariages dans le roman ? comment se nouent et se dénouent les alliances politiques ? Autant de questions dont les réponses vont vous permettre de construire une dissertation ; Et pour commencer , je vous suggère de faire l’inventaire des principales histoires d’amour, et de mesurer leurs conséquences sur le domaine politique ….

Le roman débute avec les amours du roi Henri II avec sa maîtresse Diane de Poitiers alias Madame de Valentinois qui le gouverne avec un empire absolu «  quoi qu’elle n’eût plus de jeunesse ni de beauté » ( p 24) . Cette liaison fait souffrir la reine ( elle -même amoureuse du Vidame de Chartres )  : Cette dernière  dissimule ses sentiments pour des raisons politiques . Après avoir fait différents portraits des grands seigneurs de la Cour, l’auteure termine par celui du Duc de Nemours qui a la réputation d’être un grand séducteur : «  il avait tant de disposition à la galanterie «  et .. « il avait plusieurs maîtresses mais c’était difficile de deviner celle qu’il aimait véritablement. »  On lui prête une liaison avec la reine Dauphine, femme du fils aîné du roi et  nièce des Ducs de Guise. La Duchesse de Valentinois d’ailleurs a cherché , à empêcher le mariage du dauphin avec Marie Stuart car ce mariage renforce la position des Ducs de Guise à la Cour . ( p 25 ) 

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15. novembre 2020 · Commentaires fermés sur La mort de Madame de Chartres :disparition organisée d’un personnage · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags:
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Le roman de Madame de Lafayette est un roman d’apprentissage qui  retrace l’évolution d’une jeune fille qui découvre la cour et ses nombreux dangers; Premier roman d’analyse psychologique, il tente de nous initier aux  subtilités de la peinture des sentiments et représente les dangers de l’amour passion. Mademoiselle de Chartres épouse Monsieur de Clèves  non pas parce qu’elle est tombée amoureuse de lui mais parce qu’elle considère, suivant en cela l’avis de sa mère, qu’il constitue pour elle le meilleur des partis et le meilleur des maris . Mais lorsqu’elle va réaliser la nature et la force de ce qu’elle  éprouve pour la Duc de Nemours, elle n’ose en parler avec sa mère; Cette dernière a déjà tout deviné et la jeune fille compte beaucoup sur elle et son expérience ; C’est à ce moment que l’auteure choisit de faire disparaître Madame de Chartres , afin de laisser le personnage de la Princesse  seule, face au choix de sa ligne de conduite. La mort du personnage de la mère a ici une fonction dramatique essentielle et constitue un motif important  de l’intrigue.

Le passage que nous allons étudier retrace les adieux de la mère à sa  fille de “Il faut nous quitter ma fille à …pour n’en être pas le témoin ”   Il contient donc une dimension pathétique incontestable ( axe de lecture principal )  et permet de mettre le personnage de  la Princesse face aux dangers qui  la menacent . Nous verrons comment l’écrivaine construit cette scène pathétique qui clôt le premier tome  du roman. Examinons tout d’abord la force morale dont fait preuve Madame de Chartres .

La mère,  a reçu, en effet ,  dans les paragraphes qui précèdent notre extrait , l’annonce de son état critique, avec un détachement qui force l’admiration : “ un courage digne de sa vertu et de sa piété;” D’emblée , la mère de l’héroïne est présentée comme une femme exceptionnelle , d’une grandeur d’âme hors du commun. On retrouve ici la dimension hyperbolique et élogieuse qui caractérise chaque portrait de personnage dans ce roman. En effet, le but de Madame de Lafayette n’est pas du tout d’être réaliste mais de donner une image d’un idéal à la fois physique et moral.

La scène des adieux est un face à face entre les deux femmes car Madame de Chartes a demandé à tout le monde de sortir de sa chambre; Elle ne souhaite pas qu’ils puissent entendre ce qu’elle doit dire à sa fille, en privé. : on notera que la Princesse demeure silencieuse . Le discours de la mère repose sur de nombreuses injonctions : “il faut nous quitter.. il faut de grands efforts “ et des tournures impératives  réitérées  ” songez ce que vous devez…ayez de la force et du courage ” . Ce sont plus que des conseils qu’elle prodigue à sa fille : cela ressemble à des consignes et les paroles prononcées par la mère auront un retentissement important. La manière dont elle s’adresse à la princesse, on, l’a vu, ne souffre pas de réponse ; Madame de Chartres, en effet,  fait elle-même les questions et les réponses .

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La mère commence par rappeler à sa fille les dangers qui l’entourent et termine son discours par des images effrayantes : le champ lexical du danger apparaît ,dès les premières lignes avec le mot “péril où je vous laisse ”   ainsi que le mot peur associé à l’image du  précipice  un peu plus loin Il s’agit ici d’un péril souvent mentionné dans les textes religieux; Les pêcheurs sont condamnés à sombrer dans l’abîme qui les mène droit en enfer. On retrouvera cette idée à la fin de la réplique de la mère avec l’expression “tomber “; La mère préfère la mort que de voir sa file devenir une femme adultère; Madame de Chartres peint à sa fille un tableau très noir des malheurs qui attendent ceux qui se laissent aller à des sentiments interdits. Ces injonctions maternelles vont contribuer à façonner la conduite de la princesse qui finira , après l’aveu à son mari, et sa mort, par renoncer définitivement à aimer le Duc de Nemours . Elle souhaitait continuer à jouer un rôle important dans l’éducation de sa fille  comme le mentionne l’expression “le besoin que vous avez de moi ” . Avec la disparition de son mentor, Mademoiselle de Chartres se retrouve seule avec ses doutes et sa mère mentionne, d’ailleurs, presque immédiatement, le principal danger qui la menace: “l’inclination pour M de Nemours ” Elle coupe court ensuite à toute protestation éventuelle en spécifiant “ je ne vous demande point de me l’avouer “; On sent bien que le temps presse et qu’il y a des choses plus importantes à dire ; La mère explique qu’elle a remarqué “cette inclination ” depuis déjà un moment : ce qui signifie que la jeune Princesse est incapable de dissimuler publiquement ses sentiments ; elle peut donc facilement être percée à jour : ce qui constitue, à la Cour, un danger supplémentaire . Madame de Chartres nous fait comprendre qu’elle a deviné avant même que sa fille s’en aperçoive, qu’elle était en train de tomber amoureuse; En femme d’expérience, elle a pu observer des changements infimes dans le comportement de sa fille ; Mais le temps est venu de parler car la jeune femme a réalisé ce qui se passait en elle ” Vous ne la connaissez que trop présentement ” ; dans ce roman d’analyse psychologique, on voit que les sentiments évoluent chez les personnages comme c’est le cas dans la vraie vie.  La révélation de Madame de Chartres se termine par une sévère mise en garde : elle cherche à effrayer sa fille en lui montrant les dangers de cet amour qui peut la mener jusqu’au “précipice ” .

De plus, la mère ne cesse de mettre en garde la jeune princesse contre elle-même : elle mentionne que de “grands efforts ” et “de grande violence ” seront nécessaires pour la retenir et  pour qu’elle demeure sur le droit chemin. Elle mentionne également  des solutions pour échapper à cette “inclination”  comme par exemple demander au Prince son époux de l’éloigner de la cour et de l’emmener à la campagne, loin des mondanités où elle pourrait rencontrer le Duc. On retrouve ici une forme de pragmatisme que s’efforcera de suivre la Princesse en prétextant, à plusieurs reprises , un besoin d’éloignement et de solitude .

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La mère fait des confidences à la princesse et lui avoue , notamment qu’elle a deviné ses  véritables sentiments : “il y a longtemps , dit-elle, que je me suis aperçue, de cette inclination”; Il est intéressant de commenter ici le choix éducatif effectué par Madame de Chartres ; cette dernière a souhaité, en  effet, avant tout la protéger, en se taisant .  Elle pensait ainsi différer la révélation de cet amour éprouvé par sa fille : Elle commence par une modalité assertive qui peut surprendre le lecteur : “vous avez de l’inclination pour Monsieur de Nemours”  et qui  démontre aussi qu’elle connaît  bien sa fille; Elle évoque ensuite son rôle d’éducatrice avec le  verbe ‘conduire” ; Elle joue le rôle de celle qui montre la voie à suivre, celle qui guide les pas  de la plus jeune en raison de son expérience de la vie . Cette fonction éducative est à la  base même de la plupart des portraits de mère en littérature. On y retrouve l’idée d’un modèle à suivre et d’ailleurs Madame de Chartres tente de persuader sa fille en utilisant ses sentiments pour elle ; C’est le cas , par exemple, quand Madame de Lafayette écrit : “si ce malheur devait vous arriver, je reçois la mort avec joie de n’en pas être témoin.” A noter que c’est à cette phrase que la jeune femme réagit le plus violemment et fond en larmes sur la main de sa mère. Elle aura toujours en effet, l’impression de trahir la confiance de cette dernière si elle cède à ses sentiments ; à la fin du roman, elle deviendra  très pieuse et suivra la voie de la religion.

Le catholicisme de la seconde moitié du dix-septième siècle est marqué par l’influence du jansénisme. Cette doctrine refuse à l’homme son libre-arbitre et tente de montrer que les hommes sont aveuglés par leurs passions et marqués par le péché; Ils ne peuvent ainsi atteindre la vérité et le bonheur; Madame de La Fayette adhère à cette forme de pessimisme que nous retrouvons  dans le roman ; Elle partage les mêmes idées que Blaise Pascal et La Rochefoucauld qui, ne cesse de démontrer dans ses Maximes que l’homme est aveuglé par les passions et notamment l’une des plus dangereuses de toutes, à ses yeux, l’amour-propre.

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La mère de la princesse occupe un rôle semblable au destin, au fatum tragique; En effet, c’est elle qui décide de lui donner un mari qu’elle n’aimera pas , laissant ainsi se développer, hors du mariage, un sentiment d’amour inassouvi qui la pousse vers le Duc de Nemours et qui finira par la tuer. mais au moment de la quitter, elle prend place dans son esprit en lui insufflant ses craintes de la voir chuter : ”  Son ton se fait tragique : “Pensez que vous allez perdre cette réputation que vous vous êtes acquise et que je vous ai tant souhaitée” : en se déshonorant, la princesse fait rejaillir la honte sur sa mère ; Mais cette dernière lui propose également des moyens d’échapper à cette  passion qu’elle ne doit cesser de combattre  : ” retirez-vous de la Cour, obligez votre mari de vous emmener ” Les impératifs ici se font catégoriques et ressemblent davantage à des ordres qu’à des conseils.   La jeune épouse s’efforcera, dans la suite, d’exécuter les volontés de sa mère ;  Mais elle ne la blâme pas ; elle s’efforce de lui insuffler du courage notamment lorsqu’elle affirme “ ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles “. Les deux adjectifs peuvent paraître redondants mais ils permettent de mesurer la difficulté de l’entreprise et la force qui sera nécessaire à l’héroïne pour échapper à cette passion destructrice.

On voit donc ici que la fonction d’un personnage ne se limite pas à ses apparitions dans le roman; Même si elle quitte le livre à la fin du premier tome, le personnage de Madame de Chartres reste très présent car ses pensées, ses recommandations, son esprit même ne cessent d’accompagner Madame de Clèves . Le ton se fait alors prophétique comme si, sur son lit de mort, elle livrait à sa fille des visions de l’au delà : “quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord, ils seront plus doux dans les suites que les malheurs de la galanterie.  Madame de Chartres encourage la fuite de sa fille et y voit son unique chance de salut , face aux progrès de la passion dans son esprit. Elle va employer un dernier argument pour persuader sa fille de suivre ses recommandations . Elle lui demande d’agir selon ses conseils pour ne pas lui causer de la peine ; c’est une forme de chantage affectif qui fonctionne lorsque le lien qui unit deux personnes est fort . Madame de Chartres affirme clairement préférer mourir plutôt que d’assister à la chute de sa fille ; “vous voir tomber comme les autres femmes “ . Une fois de plus, si l’héroïne est capable de résister,alors son destin sera exceptionnel et c’est en cela qu’elle atteindra une dimension héroïque qui la placera au-dessus du commun des mortels.

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Pour conclure: en mourant, Madame de Chartres livre ainsi la jeune fille à elle-même et aux désordres de la passion qu’elle s’efforce de réprimer mais qui sèment le trouble en elle. A l’injonction de sa mère : “Songez ce que vous vous devez à vous même” elle répond, un peu plus tard , par une interrogation : ” Veux-je me manquer à moi même ? ” Effrayée par la possibilité que le Duc la trompe un jour si elle cédait à ses avances, elle se réfugiera dans une sorte d’idéalisation de l’amour et renoncera, de ce fait , à toute forme d’amour durant sa vie  terrestre .  Le dénouement du roman a intrigué beaucoup de lecteurs car on a du mal à comprendre pourquoi la Princesse , veuve,renonce à vivre cet amour . On peut émettre l’hypothèse que le remords d’avoir causé la mort de son époux lui interdit, à tout jamais,  d’être heureuse . On peut aussi repenser au rôle déterminant du jansénisme . Mais n’est ce pas aussi par orgueil qu’elle refuse de devenir comme les autres femmes, délaissées et trompées  par l’homme qu’elles aiment ? Avec son choix , elle échappe à un destin  très  commun pour rejoindre celui des héroïnes tragiques

La mort de Madame de Chartres est décrite , ensuite , avec beaucoup de pudeur : elle s’éteint comme une sainte ” : “ne songea plus qu’à se préparer à la mort “  en refusant de revoir sa fille . La fin du passage montre le désespoir de la jeune fille : “affliction extrême “ et elle trouve du réconfort auprès de son époux auquel elle demande immédiatement de l’emmener à la campagne ,  sous prétexte de “l’éloigner d’ un lieu qui ne faisait qu’aigrir sa douleur;” Le lecteur sait, en fait, qu’il  ne s’agit que d’un prétexte et qu’elle fuit, sur les conseils de sa mère défunte, les tourments de la passion. La  jeune fille ressent cruellement l’absence de sa mère car elle sait avoir besoin d’elle pour se défendre contre Monsieur de Nemours. La disparition du personnage rend l’héroïne éminemment vulnérable et c’est ce qui renforce la dimension tragique du livre; Cette péripétie est donc très importante et marque un tournant dans l’intrigue en laissant la princesse seule avec elle-même  .

Le prince et son épouse

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07. novembre 2020 · Commentaires fermés sur La princesse de Clèves : portrait et idéalisation · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags:

L’héroïne du roman de Madame de La Fayette a droit à un portait qui la magnifie qui est situé juste après les portraits des Grands de la Cour : le roi, la reine, Diane de Poitiers et la famille royale; ensuite,  comme pour respecter une sorte de hiérarchie naturelle, on trouve les chefs de file des grandes familles notamment l’oncle de l’héroïne, le vidame de Chartres “également distingué dans la guerre et dans la galanterie : beau , de bonne mine, vaillant, hardi, libéral ”  et la galerie de portraits se termine par celui du Duc de Nemours ” un chef d’oeuvre de la nature“ce qu’il avait de moins admirable, c’était d’être l’homme du monde le mieux fait et le plus beau ” Les portraits ont tous en commun d’être idéalisés ; Les qualités des personnages  sont présentées avec force hyperboles et énumérations d’adjectifs tous plus laudatifs les uns que les autres; Dans ce contexte, voyons comment est  construit le portrait de celle qui va devenir l’héroïne du récit . La lecture linéaire du portrait commence à  ” Il parut alors une beauté à la cour ..et se termine avec “aimer son mari et d’en être aimée ”

Nous sommes au début du roman juste après ce  tableau de la Cour de France à l’époque des Valois, cour où règnent l’observation permanente, les intrigues, la galanterie, la dissimulation et le paraître.  Mme de Lafayette s’est arrêtée un instant sur le duc de Nemours pour en peindre les qualités exceptionnelles juste avant d’évoquer son projet de mariage avec la reine d’Angleterre.. Elle nous propose maintenant celui de la future Princesse de Clèves, tout aussi extraordinaire, et le lecteur, même à ce stade du roman, ne peut s’empêcher de rapprocher les qualités des deux personnages .Le portrait qui nous est proposé  va précéder lui aussi un projet de mariage ; il est  quelque peu surprenant par rapport à celui des autres personnages dans la mesure  où l’on s’attendait surtout  à une description physique et morale de l’héroïne mais on va davantage trouver l’évocation des qualités de  sa mère et des références précises à  l’éducation reçue . Quels sont les éléments de ce portrait ? Plus »

06. mars 2020 · Commentaires fermés sur Les liaisons dangereuses : le libertinage selon Laclos · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

Le roman épistolaire de Laclos,  Les liaisons dangereuses paru en 1782, eut un très grand succès et déclencha une polémique autour du libertinage car il est bien difficile de savoir si l’auteur dépeint un couple de libertins pour en dénoncer l’orgueil et le cynisme ou s’il décrit des personnages pour lesquels il éprouve une sorte d’admiration . Composé d’une centaine de lettres échangées entre une dizaine de correspondants, les intrigues amoureuses en sont la trame principale. Les premières lettres dressent des portraits des deux principaux protagonistes ; un ancien couple, la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont dont la relation demeure ambigüe , savant mélange de tendresse et de rancune.  La Marquise souhaite que le vicomte la venge en séduisant une jeune fille Cécile de Volanges , avant le mariage de cette dernière mais il a d’autres projets : il cherche à conquérir la Présidente de Tourvel, une jeune femme dont la vertu semble inattaquable. Dans cette quatrième lettre du roman, Valmont s’apprête à annoncer à la Marquise , son projet de conquête. Voyons quel portrait du personnage de Valmont , Laclos nous offre-t-il  dans cette lettre  ?

Dans cette lettre que le vicomte adresse à la marquise, le romancier dresse le  portrait d’un séducteur sûr de lui ,  qui part conquérir une femme comme un soldat qui s’apprête à livrer une bataille et qui prêche une nouvelle forme de religion : la gloire des conquêtes amoureuses. Un commentaire littéraire pourrait adopter le plan d’étude suivant : a) un conquérant b) sa religion : la séduction c) sa vision de l’amour . La lecture linéaire se base sur les 23 premières  lignes  de cette lettre.

Il s’agit de la quatrième lettre du roman:l’occasion pour le lecteur de décourvrir le projet de conquête du Vicomte : une femme à la réputation inattaquable. Plus sa victime sera difficile à conquérir et plus il en tirera de gloire. La première ligne peint sa relation avec son ancienne maîtresse: la Marquise de Merteuil  dont il critique finement de l’autoritarisme : en effet, il mentionne ses ordres et les associe, deux fois , à un adjectif mélioratif : “charmant ; leur relation se place donc sous le signe d'une rivalité qu'on distingue sous le badinage; vous feriez chérir le despotisme L’oxymore ici manifeste la contradiction entre un régime politique souvent détesté qui se fonde sur l’imposition de la force  et le verbe chérir qui évoque une forme de tendresse et de douceur . La seconde phrase révèle, plus en détails, la nature de la relation entre les deux libertins :  cetet relation s’est dégradée car elle le traite de “monstre ” alors qu’elle lui “donnait des noms plus doux ” c’est à dire des surnoms amoureux lorsqu’ils étaient amants ; Valmont rappelle ici, à dessein, leur passé commun car l’enjeu de son pari avec Madame ed Tourvel, c’est de reconquérir, d’une certaine façon, le coeur de la Marquise, de lui prouver qu’il est le plus fort et de la soumettre à nouveau .  Pour dépeindre leur relation, il emploie également le terme esclave , qui rappelle l’idée d’être esclave de ses passions. Or, justement, le but d’un libertin est de s’affranchir des passions et notamment de la passion amoureuse en exerçant sa volonté et en se montrant plus fort que ses propres sentiments, en cherchant en permanence à les contrôler ; Le Vicomte balaie d’un mot leur ancienne liaison en rappelant , avec un peu de mépris ” de plus grands intérêts nous appellent ; ce comparatif de supériorité monter qu’il s’agit de son objectif principale, indiqué sous la forme d’une sorte de maxime “ conquérir est notre destin . Le mot destin ici doit être compris , non pas dans le sens de fatalité mais dans le sens de but fixé. Et la volonté est manifeste avec l’expression, toujours impersonnelle: il faut le suivre ” L’individu met donc toute son énergie dans la conquête et il ne la fait pas apparaître comme  un  simple projet personnel mais comme une force supérieure justement à sa volonté individuelle, une sorte de mission “divine ”   . Il glisse ensuite une série d’allusions au libertinage de la marquise , et par provocation, il emploie des termes religieux;  Néanmoins, il tient à garder la première place dans leur “concours” comme l”indique la précision ” vous me suivez au moins d’un pas égal ” ; Il reste donc le numéro un et il sait que cela risque de froisser l’orgueil de la Marquise ; La précaution oratoire ” soit dit, sans vous fâcher ” montre ici son cynisme et traduit sa volonté de blesser l’amour-propre de Madame de Merteuil.  Il ironise ensuite sur les cause de leur séparation “pour le bonheur du monde ” : ce sous-entendu évoque, par antiphrase , au contraire, tous les gens qu’ils vont rendre malheureux à cause de leur hypocrisie et de leurs mensonges. ” Nous prêchons la foi chacun de notre côté ” . Ce constat marque d’une part l’échec de leur couple : ils se sont séparés  car aucun deux ne voulait renoncer à sa liberté de conquête et on note ici , la perversion des valeurs religieuses ;

Laclos emploie, en effet, le champ lexical de l‘endoctrinement : les libertins considèrent souvent la religion comme une forme de contrainte ; leur impiété est généralement le signe d’une révolte contre l’ordre social et la religion, qui fait partie des valeurs transmises par la société. Le romancier associe donc ici des mots comme “mission d’amour ” “prosélytes ” “ardente ferveur ” “patronne ” “saint ” à des entreprise amorales de séduction . D’une certaine manière, on peut dire qu’il pervertit les valeurs religieuses.  On peut même évoquer une forme directe d’impiété avec  la référence de la ligne 9 ” et si ce Dieu -là  comme l’autre nous juge sur nos oeuvres ” ; Soit le vicomte remet en cause le jugement divin en se moquant des croyants qui pensent qu’on les juge sur leurs actions, soit il montre à quel point ils sont, tous deux , actifs dans le domaine de la séduction et mériteront d’être récompensés pour leurs faits glorieux; Notons que cette fois, il attribue la victoire à la Marquise mais la première place qu’il lui accorde demeure virtuelle comme on le voit avec l’emploi du futur ” vous serez un jour la patronne de quelque grande ville  ” Il relie ensuite ce vocabulaire religieux à son projet de séduire la Présidente : comme cette dernière est très pieuse, il doit jouer le rôle d’un homme épris de foi et de vertu afin de mieux la tromper. Pour s’entraîner à ce rôle de composition, il s’exerce donc à employer un vocabulaire religieux. Une fois de plus, il revient aux liens qui l’unissaient avec Madame de Merteuil en se prétendant ” forcé de vous désobéir ” . Il prépare , en effet, son annonce et multiplie, pour la rendre plus attractive, les adresses à sa destinataire  “ne vous fâchez pas, écoutez-moi “ Ces adresses au lecteur rendent la lettre plus convaincante et en  même temps, touchent le le véritable lecteur qui se voit ainsi apostrophé, en lieu et place du personnage fictif . On a souvent dit que la structure particulière du roman épistolaire donne au lecteur le rôle d’un voyeur ; il connaît les secrets de tous les personnages et assiste à toutes leurs confidences; Il voit ainsi, les personnages naïfs comme la Présidente ou Cécile Volanges tomber dans les pièges que leur tendent les séducteurs . Ce qui accroit , en quelque sorte, la dimension pathétique et dramatique du récit.

A la ligne 14 , le personnage apparaît comme un “conquérant” et confie ‘son plus grand projet ”   Ce superlatif montre l’importance qu’il accorde à son objectif ; Il s’agit; non pas  d’une jeune fille  “qui n’ a rien vu, ne connaît rien ” ; On retrouve ici, l’un des principaux problèmes de société, entrevu avec La Princesse de Clèves  : l’absence d’éducation des jeunes filles confrontées dès leur sortie du couvent, à la galanterie des hommes. On se souvient que dans son roman, Madame de Chartres éduque, justement  sa fille pour la prévenir des dangers de l’amour et lui dresse un tableau effrayant des passions; Un siècle plus tard : le constat est le même; Les jeunes filles sont  encore des proies faciles pour les séducteurs de tous ordres; Valmont lui, dédaigne ce qui lui semble , une proie trop facile qui lui “serait livrée sans défense ” comme il est précisé , à la ligne 16; Il décrit d’ailleurs, avec beaucoup de mépris la facilité avec laquelle on peut “perdre l’honneur d’une jeune femme;  Cela semble à la portée du premier venu comme il l'explique , ligne 17 " vingt autres peuvent y réussir comme moi “. Il tient justement à exceller et à se démarquer des autres, par orgueil. . Il décrit les étapes de la séduction en mentionnant  d’abord : “un premier hommage ne manquera pas d’enivrer ” ; Ensuite, on aiguisant sa curiosité; En effet, les jeunes femmes, à qui personne n’a jamais parlé d’amour, veulent avant tout découvrir ce qu’est une relation ; Elles agissent plus par “curiosité “ que par amour.  Valmont dédaigne donc la facilité et se fait une gloire d’atteindre un objectif beaucoup plus ambitieux.

Au passage, on notera à quel point sa vision des femmes est teintée de mépris. Son orgueil le conduit à priser la difficulté pour recueillir “ la gloire et le plaisir ” . On retrouve ici deux motivations essentielles chez les libertins : briller et prendre du plaisir ; Ce mélange d’orgueil et d’épicurisme marque,  le courant libertin et caractérise Valmont. Il qualifie sa future proie selon trois valeurs qu’il va s’empresser de défier :” sa dévotion, son amour conjugal et ses principes austères;“, ligne 19. Dans l’ordre, la jeune femme est qualifiée de pieuse : elle croit en Dieu et sa foi devrait lui servir de barrière contre l’entreprise du Vicomte; Il s’attaque donc ici à  la religion  et va chercher à tester sa foi.D’autre part, elle avoue aimer sincèrement son époux : ce qui là aussi contribue à la protéger des tentatives d’un séducteur par crainte de l’adultère; Enfin, elle obéit à des valeurs morales nobles comme la vertu, le sens du devoir, le respect de la morale; Elle paraît donc la cible idéale pour tester les compétences du Vicomte ; Il termine en citant ,tout en les déformant , des vers de La Fontaine tirés de sa préface à Monseigneur le Dauphin;Le fabuliste y dépeint son projet au futur roi : chanter les aventures des animaux et faire des peintures légères pour instruire et  divertir . Il termine son épître par ces mots “ et si de t’agréer je n’emporte le prix , j’aurai du moins l’honneur de l’avoir entrepris.” Il faut comprendre ici que Valmont craint de déplaire à la Marquise et il cherche à se prémunir contre les conséquences de sa désobéissance . Lorsqu’elle recevra sa lettre , la Marquise de Merteuil répondra en en le traitant d’insolent  car elle a bien compris qu’il n’agissait pas dans le but de lui plaire mais pour son propre plaisir et pour lui ravir un titre de gloire . D’ailleurs , elle tente de lui faire changer d’avis et dépeint la Présidente de manière très critique; On sent toutefois une pointe de jalousie chez elle et une très forte dose de cynisme . Voilà un extrait de sa réponse : “ ici c’est bien pis encore ; votre prude est dévote, et de cette dévotion de bonne femme qui condamne à une éternelle enfance. Peut-être surmonterez-vous cet obstacle, mais ne vous flattez pas de le détruire : vainqueur de l’amour de Dieu, vous ne le serez pas de la peur du diable ; et quand, tenant votre maîtresse dans vos bras, vous sentirez palpiter son cœur, ce sera de crainte et non d’amour. Peut-être, si vous eussiez connu cette femme plus tôt, en eussiez-vous pu faire quelque chose ; mais cela a vingt-deux ans, et il y en a près de deux qu’elle est mariée. Croyez-moi, vicomte, quand une femme s’est encroûtée à ce point, il faut l’abandonner à son sort ; ce ne sera jamais qu’une espèce. “

En synthèse , quelques éléments du portrait d’un libertin  pour compléter le parcours Individu, Morale et Société  et  pour vous servir à constituer des éléments de conclusion   : source : site magister

  L’étymologie de ce terme (il vient du latin libertinus qui signifie affranchi donc qui cesse d’être esclave)  est précieuse pour comprendre la relation entre l’individu et la société ; Le libertin est celui qui s’affranchit des conventions sociales et de la morale . “Grand seigneur méchant homme” aux dires du valet de Don Juan, son activité va à l’encontre des valeurs communément admises. A travers Valmont et Merteuil, le romancier entend faire le portrait de deux libertins au sens de l’époque . A vrai dire, nos deux personnages sont plutôt des “roués”, comme on disait à l’époque, c’est-à-dire deux hypocrites qui font du mensonge un signe aristocratique . Il n’a donc pas grand chose à voir avec le “petit maître” de la Régence, jeune débauché courant de conquête en conquête, ni surtout avec le libertin au sens philosophique qui prône l’impiété et se fait l’adepte d’une morale épicurienne.  Le vrai triomphe du libertin dépeint par Laclos est de s’assurer l’estime d’une société éprise de respectabilité tout en étant un parfait scélérat.

  • être protéiforme, le libertin peut endosser toutes les apparences que réclame une situation : ainsi Valmont qui,  simule la générosité et la charité pour séduire Madame de Tourvel , feint d’être “amoureux et timide” (lettre LVII) ou déguise dans ses lettres à Mme de Tourvel “le déraisonnement de l’amour”

  • comédien consommé, le libertin excelle dans la représentation, et le mensonge.

  • orgueil et mépris caractérisent également le personnage de Valmont. Il se place au-dessus du commun des hommes et célèbre la perfection de ses actions.
      Cet orgueil veut trouver ses signes manifestes : c’est d’abord l’assujettissement des faibles et le cynisme affranchi de toute valeur morale

  • la séduction est une guerre : il s’agit pour le conquérant de dissiper d’abord chez sa victime les scrupules de la raison. Cette séduction dépasse parfois la raison dans la fascination “serpentine” que Valmont exerce sur Mme de Tourvel

   
 

 

12. février 2020 · Commentaires fermés sur Une apparition troublante : Frédéric tombe sous le charme d’une mystérieuse inconnue dans l’Education Sentimentale de Flaubert .. · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

Un rencontre amoureuse peut constituer un moment décisif dans le parcours d’un personnage ou ne représenter qu’une possibilité qui tourne court. Gustave Flaubert peint dans L’Education Sentimentale un véritable coup de foudre qui va durablement marquer son héros à tel point qu’il ne réussira jamais à trouver la volonté ou le courage ou la force de transformer cet amour idéalisé en amour “vécu”.  L’individu se heurte à plusieurs obstacles de taille: barrière de la morale tout d’abord car la femme aimée est mariée et mère et barrière sociale car Frédéric,  doit élaborer des stratégies matrimoniales pour s’élever dans la société et Marie Arnoux ne peut lui, être, sur ce plan, d’aucune utilité . Voyons comment l’auteur nous décrit cette rencontre déterminante pour le destin du personnage .

D’emblée la rencontre est présentée comme une apparition et cette femme inconnue se pare des attributs d’une divinité. Sa solitude parait d’emblée subjective et soumise à caution car le narrateur précise “du moins il ne distingua personne “ Cette remarque laisse à penser que le regard du personnage est sous l’emprise d’un choc; En effet, sur ce bateau qui transporte de nombreux voyageurs de Paris à Rouen, il y a sans doute beaucoup de monde mais la rencontre est ainsi mise en relief dans sa dimension extraordinaire; Cet éblouissement que subit le héros à la ligne 3 , a pour origine les yeux de la mystérieuse inconnue; Le jeune homme , pour autant , ne l’aborde pas ; Son corps accuse lui aussi le coup de cette rencontre car “il fléchit involontairement les épaules ” ; ce geste souligné par le narrateur traduit une forme de soumission, de passivité  et même d’asservissement de Frédéric ; la femme est ici vue comme une déesse devant laquelle il se prosterne ; Il n’ose lever les yeux vers elle que lorsqu’il se trouve “plus loin” ;  Cette attitude du personnage peut passer pour une grande timidité ou une forme de peur, ou même une marque de son inexpérience ; Frédéric, rappelons, est âgé de 18 ans.

Le second paragraphe établit un portrait plus précis de la jeune femme  du point de vue du jeune homme ébloui comme l’indique le verbe : il la regarda.  La description suit  l’ordre canonique, du haut en bas; le chapeau de paille rappelle la lumière de cette belle journée d’été et les rubans roses sont ici personnifiés : comme le coeur de Frédéric qui s’emballe sous l’effet du coup de foudre, les rubans “palpitaient au vent ” Le regard descend et contemple les cheveux, dissimulés sous des bandeaux qui entourent “amoureusement” l’ovale du visage; Là encore, l’adverbe reflète les sentiments du jeune homme  et indique qu’il est bien à l’origine des perceptions ; La robe , autre élément de séduction , est également mise en valeur ; la légèreté du tissu, la mousseline, la couleur “claire ” évoquent un cadre lumineux: celui, romantique, à souhait d’une belle journée d’été. Flaubert fabrique un cadre idyllique à cette rencontre dont on devine pourtant la banalité; En effet, elle ne paraît extraordinaire que pour le personnage. Cette femme se donne à voir comme si elle était le sujet d’un tableau et ” sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu “.  Nous sommes déjà dans une visions fantasmée .  Cette belle inconnue va devenir l’incarnation du mystère amoureux :  elle demeure immobile telle la statue d’une divinité et le personnage se ridiculise à l’observer en la contournant de peur d’être vu; Cette tentative de dissimulation peut déjà nous transmettre certaines informations ; Frédéric craint d’être repéré et il paraît bien maladroit ; à la ligne 12, le verbe se “planta” a plutôt des connotations négatives et le choix de la position, derrière l’ombrelle, renforce l’idée d’un personnage peureux qui se cache et veut voir sans être vu. Il fait d’ailleurs semblant d’observer une chaloupe sur la rivière ” La passivité du héros est déjà bien présente au cours de cet épisode et l’un des enjeux du roman va, justement consister, à montrer son absence d’évolution .

Pour autant, c’est l’éblouissement qui domine encore avec l‘expression hyperboliquejamais il n’avait vu cette splendeur ” : la négation contribue à rendre encore plus exceptionnelle la beauté de la jeune femme : les éléments du portrait changent de nature et deviennent plus clairement l’expression du désir du jeune homme : le regard se porte sur “la séduction de sa taille ” ligne 14 et “cette finesse des doigts que la lumière traversait ” . Le narrateur montre la femme  en train de broder , activité somme toute, très ordinaire à cette époque et Frédéric semble quelque peu naïf et transporté par ses sentiments . C’est pourquoi on peut penser que la réalité est transfigurée grâce à l’utilisation du point de vue interne.  ; Les objets les plus triviaux lui apparaissent comme des trésors : il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement , comme une chose extraordinaire . ” On trouve, dans cette formulation, l’association d’un lexique très fort comme le mot “ébahissement ”  lui-même associé avec une comparaison quelque peu redondante , “extraordinaire ” : cette sorte de tautologie  rend le personnage un peu “ridicule “. Flaubert montre, de cette manière, à quel point la passion peut transformer notre vision des choses; Frédéric souffre déjà d’une sorte de désir insatiable qui se traduit par une litanie de questions ” quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ” peut -on lire à la ligne 15 . Il veut littéralement tout savoir de cette mystérieuse inconnue ; Son désir semble sans fin ; cette fois c’est l’ énumération des objets qui lui sont associés qui  permet de traduire la force de cette passion quasi instantanée : “ il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait .”  Le désir du héros tente de s’emparer de l’objet qu’il convoite dans une sorte de possession symbolique ; De même que son regard la cerne et l’entoure, ses pensées tentent  également de cerner de son existence toute entière . Cette convoitise est présentée comme douloureuse: on retrouve ici le paradoxe amoureux; En effet, le sentiment amoureux occasionne à la fois une grande joie et une grande souffrance à la pensée que l'objet que nous convoitons , pourrait nous échapper . Le narrateur tente de décrire avec davantage de précision, la nature du désir éprouvé par Frédéric: il élimine la simple possession physique pour faire référence à une forme de désir  supérieur , plus profond et plus total, qui n’est pas sans évoquer l’adoration religieuse. En effet, les mystiques s’efforçaient d’entrer en contact avec le divin  et d’unir leur esprit à une réalité supérieure : ils pouvaient parfois s’abandonner à des formes de contemplation qui pouvaient aller jusqu’au retrait du monde . La subordonnée finale ” une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites ” pourrait être empruntée au vocabulaire religieux pour, justement, caractériser, l’expérience mystique.

L’écrivain s’amuse maintenant à nuancer ce tableau religieux qui pourrait ressembler à une adoration de la Vierge avec l’apparition, non seulement de l’enfant mais également de la nourrice de ce dernier “une négresse”  ( l 20 ) ; le terme ici n’est pas péjoratif mais désigne simplement une femme de couleur . La mystérieuse inconnue est donc d’un statut bourgeois car elle a une domestique et probablement mère car elle prend l’enfant sur ses genoux. Il ne s’agit donc pas d’une rencontre entre deux jeunes gens qui semblent promis l’un à l’autre . Le jeune héros est ici fasciné par une mère de famille : ce qui peut heurter la moral et  on devine une liaison adultère se profiler si la femme est mariée. La précision “déjà grande ” ,  à propos de  l’enfant ,indique que les deux personnages n’ont pas le même âge et là encore, la différence d’âge ainsi que  le fait qu’un très jeune homme tombe amoureux d’une femme plus âgée, peut heurter certaines convictions morales d’un lecteur en 1860. Dès les premières lignes de cette rencontre amoureuse, le romancier prépare l’évolution de l’intrigue entre son héros, Frédéric et celle qu’il considérera comme le grand amour de sa vie mais aucun des deux personnages ne parviendra à vaincre les obstacles qui les séparent .

Marie Arnoux devient un objet de fantasme mais le héros ne transformera jamais cet amour en réalité partagée. Lorsqu’à la fin du passage, il se décide à intervenir pour rattraper son châle qui allait tomber à l’eau à la ligne 26, il peut , grâce à ce geste créer un premier contact mais il ne réussira pas à aller plus loin que de simples formules de politesse. C’est son imagination qui prend le dessus et il rêve à toutes les fois où son châle a servi à la réchauffer; Par l’intermédiaire de cet objet fantasmé, le narrateur nous fait lire son désir : “en envelopper sa taille, s’en couvrir les pieds, dormir dedans. ” Les allusions sont claires et indiquent une forte attirance et un désir de partager l’intimité de Marie, d’être, en quelque sorte, à la place de son châle. Frédéric devient , par son geste , “le rattrapa ” une sorte de héros mais nous sommes bien loin de l’idéal chevaleresque .

Flaubert met en scène , au début du roman, une rencontre amoureuse qui s’apparente à un coup de foudre mystique et laisse deviner au lecteur perspicace que cette liaison est condamnée à échouer car le personnage a donné à la femme le statut d’une divinité inaccessible . En choisissant , qui plus est, une femme mariée et déjà mère, le romancier cherche également ,  à nous faire réfléchir à la manière dont la société de son époque tolère ce type de liaisons . Marie Arnoux sera sur le point de succomber à l’ardeur des sentiments du jeune homme mais , comme La princesse de Clèves, elle ne se résoudra pas à devenir la maîtresse de Frédéric; le jour où ils avaient rendez-vous à l’hôtel, son enfant est tombé malade et elle y a lu comme un signe du destin; elle ne s’est donc pas rendue au rendez-vous et Frédéric fut fou de rage et de tristesse. L’occasion se représenta quand elle fut plus âgée

 Vous trouverez la totalité de la fiche avec le lien suivant : http://keepschool.com/fiches-de-cours/lycee/francais/education-sentimentale.html

Le projet du roman et ses grandes lignes

Le romancier Gustave Flaubert s’est librement inspiré de l’amour absolu et platonique qui le lie à jamais à Mme Schlésinger, cette femme qu’il rencontra jadis, il n’avait pas seize ans. « Je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération, écrit l’auteur ; “sentimentale” serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-à-dire inactive. » Comme on peut s’en douter dès leur première rencontre, cette passion en sera jamais assouvie car le héros idéalise cet amour .Le roman met en scène les ambitions passives de Frédéric Moreau. L’intrigue se résume à la vacuité d’une carrière amoureuse et sociale ratée. Loin de l’image d’un héros romantique entreprenant et ambitieux ,  Frédéric Moreau est bien plutôt un anti-héros. Sa passion pour Marie Arnoux, jamais démentie, jamais aboutie, se résume à une contemplation  plus ou moins perturbée par les mouvements sociaux et politiques de 1848. Ses ambitions sociales, politiques et matrimoniales échouent successivement, Il symbolise à lui seul toute une génération, l’échec d’une jeunesse romantique face à la société bourgeoise et à l’Histoire. Marie Arnoux est la femme adulée. Épouse d’un bourgeois , mère de deux enfants, elle est pour Frédéric l’amante idéalisée, une promesse de bonheur. À la voir, il éprouve « une sorte de crainte religieuse ». Vingt ans plus tard, il la retrouve, et voit « ses cheveux blancs.  » Son désir pour elle est contrarié par quelque chose « comme l’effroi d’un inceste », la crainte du dégoût ou de l’embarras, et le désir de « ne pas dégrader son idéal ». Autour de Frédéric graviteront d’autres figures féminines secondaires. Louise Roque, jeune fille riche et amoureuse qu’il finira par épouser et qu’il quittera, Mme Dambreuse, mondaine parisienne, dont il deviendra l’amant  et Rosanette, courtisane facile avec laquelle il aura une liaison mouvementée, faite de séparations et de retrouvailles  . Aucune de ces trois femmes ne semble pourtant rivaliser avec cet idéal incarné qui obsède Frédéric et qui constituera un échec supplémentaire dans sa vie faite de ratages successifs.