11. janvier 2020 · Commentaires fermés sur La Fontaine : le roi des animaux ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Très souvent, lorsqu’on évoque l’univers des Fables, on pense tout naturellement aux animaux humanisés : le loup et sa cruauté, le renard qui déploie mille ruses,  et le lion qui entend régner sans partage sur ses courtisans; on va parfois jusqu’à oublier qu’un tiers des fables environ, ne contient pas de figures animales. Bêtes de la ferme ou animaux plus sauvages, on trouve un bestiaire varié dans les Fables ;  Les bêtes y sont les seules héroïnes ou partagent la vedette, parfois,  avec des humains . Nous pouvons donc nous interroger sur les rôles que jouent les animaux dans la fable : sont-ils des éléments indispensables  pour nous faire réfléchir ou de simples amusements pour charmer les enfants ? Pour répondre à cette question, nous montrerons tout d’abord la variété du monde animal et les caractéristiques de leurs portraits . Ensuite nous étudierons le fonctionnement de l’anthropomorphisme . Enfin nous nous pencherons sur la société formée par la gent animale .

Même si la plupart des animaux (une soixantaine ) sont connus des lecteurs, la présence de certains peut nous surprendre . En tant que maître des eaux et forets, La Fontaine a pu observer le comportement de nombreux animaux et ses remarques sont souvent conformes à ce qu’on imagine : ainsi le coq est orgueilleux et monte sur les toits pour chanter sa victoire ( Poule et 2 coqs ) ; le chien tente de rester fidèle à son maître et joue soit les gardiens comme dans Le loup et le chien soit le serviteur du maitre  ,  par exemple comme  dans le chien qui porte à son cou le diner de son maitre ; Il se laisse aussi guider sa conduite par la faim, celle qui pousse presque tous les animaux à s’affronter .

Si certains animaux sont des figurants épisodiques et font une ou deux apparitions dans les fables, comme le milan, la souris, les petits poissons, la perdrix, l’araignée , le serpent, l’huître, le léopard , certains semblent jouer un rôle plus important  et deviennent des acteurs à part entière. On pense au lion et à ses courtisans :  ours et tigres qui incarnent les puissants comme dans Les Animaux malades de la peste ; loups et renards sont comme des frères ennemis, le plus souvent en concurrence  et remplissent chacun, aux côtés du roi, des rôles parallèles comme dans le lion, le loup et le renard ; Souvent le fabuliste se sert de différents membres d'une même espèce et il leur prête des caractéristiques semblables comme , par exemple, les oiseaux prédateurs avec le milan, le vautour, qui peut aussi devenir un faucon ou un héron  ou un chat-huant ( variante du hibou ) à la recherche de son déjeuner : petits poissons , goujon ou limaçon pour le premier et souris ou belette  ou petits lapins pour le second ; ces volatiles s'opposent aux poules, perdrix, canards et autres chapon le plus souvent condamnés à finir mangés .

Les petites bêtes ne sont pas oubliées avec une araignée, une mouche et quelques rats qui vivent en ermite  ou même des souris qui subissent des métamorphoses et finissent par épouser des rats ; la Fontaine construit donc un univers animal  vraisemblable en respectant le plus souvent la place des animaux cités dans la chaîne alimentaire : certains y sont d’ailleurs, tour à tour, prédateurs et victimes .

Les portraits des animaux sont, eux aussi, conformes à certains éléments naturels qui les rendent reconnaissables : l’éléphant est particulièrement lent et lourd : il est décrit comme une  “pesante masse ” , le héron possède “un long bec emmanché d’un long cou” et le coq porte une crête ; le loup est “quelque peu clerc ” (Animaux malades ) ; le rat vit  retiré dans un “fromage de Hollande ” ; le lion , en bon prince ” à ses sujets étalait sa puissance ” ; le peuple vautour a un bec retors et une tranchante serre ; la mouche fait entendre son bourdonnement et le jeune lapin passe sa matinée à brouter et à trotter parmi le thym et la rosée ( chat, belette et petit lapin ) ; en quelques adjectifs, le fabuliste construit un portrait en actions de l’animal et ce dernier s’anime sous nos yeux .

Mais l’une des caractéristiques les plus intéressantes, c’est l’ utilisation de l’anthropomorphisme . Les animaux parlent comme dans les modèles antiques des fables  et ont des caractéristiques humaines et c’est ce qui contribue au plaisir que nous avons de  les découvrir dans  les fables : à qui vont-ils ressembler ? à quels types de personnages vont-ils être associés ? Certains sont savants et deviennent professeurs comme le singe qui est qualifié de “maître es arts” dans  Le lion Le singe et les deux ânes ,  et qui va donner une leçon de gouvernement à son monarque ; le lion,  lui aussi dans son rôle de monarque justement , écrit des lettres à ses vassaux  ; il fait envoyer “une circulaire écriture avec son sceau ” pour informer les animaux qu’il tient cour plénière   ; certains tiennent de longs discours et se montrent fort convaincants comme le cochon dans la charrette qui l’emmène au marché pour y être vendu et mangé . ( Chèvre cochon mouton )  D’autres se montrent obséquieux comme de véritables courtisans à l’image, une fois de plus du singe dans La Cour du lion. En définitive, seuls leur habitat et leur nourriture les distinguent vraiment des humains que nous rencontrons dans les fables . Lorsqu’ils sont d’ailleurs associés aux hommes, comme par exemple dans Le loup et le chasseur ou dans la fable Le héron la fille , il leur arrive les mêmes mésaventures et la leçon à en tirer, pour les lecteurs, est identique : l’animal et l’humain se comportent de la même manière, commettent les mêmes erreurs . En effet, le fabuliste , non seulement les dote de caractéristiques humaines qu’il mélange avec les caractéristiques animales attendues et il les fait correspondre, ainsi, à des types humains facilement  identifiables par le lecteur . L’ours se bouche la narine de dégoût ce qui est une attitude humaine; la lionne rugit de douleur à la perte de son lionceau comme une mère éplorée dans La lionne et l’ourse ; des coqs dans la basse-cour se montrent "incivils et peu galants ” comme de jeunes hommes mal polis et mal éduqués  dans La perdrix et les coqs. Le fabuliste montre ici avec humour , le jugement d’une princesse étrangère à la Cour qui s’étonne de voir ce peuple cependant fort souvent en furie . Le détour par l’animal permet ici à la satire politique d’être adoucie : on peut ainsi sourire ce ce qui paraît pourtant grave ; en effet, cette perdrix reçoit “d’horribles coups de becs ” avant de réaliser que ces ennemis se battent également continuellement entre eux comme “une troupe enragée” ; le terme enragé s’applique, à la fois, à la dimension animale mais en même temps il désigne les humains ; le fabuliste joue ainsi avec la polyvalence de certains qualificatifs qu’il choisit avec soin . Ce procédé d’écriture contribue à renforcer les liens entre la dimension animale et le plan humain.

Ainsi , chaque animal  ou chaque représentant d’une espèce animale sera plus ou moins associé au type humain dont le fabuliste dresse un portrait satirique dans les fables; Les courtisans, par exemple, apparaissent sous différents aspects: si les ours et les tigres reflètent simplement les grands seigneurs, puissants pour les uns grâce à leur force physique et pour les autres , grâce à leurs titres, les flatteurs sont représentés par, au moins,  trois animaux différents : le renard bien sûr est le courtisan rusé et conscient des dangers de la Cour : il est  celui qui se méfie et connaît les usages  ; Il manie , pour sa survie, l’art du langage ou l’art du silence selon les cas et triomphe, le,plus souvent, de ses rivaux et de la plupart des animaux qu’il parvient à piéger ; Le loup symbolise l’arriviste prêt à écraser les autres pour se rapprocher du monarque: délateur , il maîtrise également l’éloquence mais son discours est, le plus  souvent trompeur et haineux ; Dans Les Animaux malades, il est celui qui anime la foule contre l’âne et contribue à sa pendaison. Le singe est parfois plus habile mais lorsqu’il en fait trop, il subit lui aussi la colère du roi comme dans la Cour du lion. Le léopard représente l’arrogance des seigneurs qui se parent et s’enorgueillissent de leurs titres de noblesse mais ne songent pas à briller par leur esprit. Enfin on pourrait évoquer , également , le fonctionnement de  l’ensemble de cette société animale, qui par bien des points, nous tend un miroir de nos sociétés humaines.

Si l’on raisonne maintenant à l’échelle collective, on se rend compte que La Fontaine fabrique un véritable monde animal avec ses forts et ses faibles, ses puissants et ses victimes ; Cette société  animale nous permet de mieux comprendre celle des hommes et son fonctionnement ; Tout d’abord, le fabuliste montre l’importance de la nourriture chez les animaux , et de de l’intérêt en général  : que ce soit pour avoir la meilleure part ou obtenir une proie que convoitent d’autres prédateurs ,certains animaux déploient toute leur habileté et mettent au point des stratégies , plus ou moins efficaces .  Le vieux cormoran au ventre vide qui ne peut plus pêcher car il est devenu aveugle  devient un grand démagogue et tient un discours  trompeur aux poissons en prétendant “sauver leur République ” ( cormoran et poissons )  . Il leur tend un piège pour pouvoir manger : où est le Mal ?  Choisir des animaux permet également de nous faire réfléchir à la manière dont nous nous comportons face aux plus faibles.  Lorsqu’on évoque les injustices, on pense aussi à la manière d’exercer la Justice dans cette société animale.

Il est fréquent, en effet, que la notion de justice ou de jugement soit convoquée : incapables de résoudre leurs conflits, certains animaux font appel à des juges pour les mettre d’accord . L’âne est sacrifié au terme d’une parodie de procès ; le lapin qui s’est fait voler son terrier se fait manger par le juge , un chat ; le loup qui voudrait être aimé fait le procès de la cruauté des bergers et la couleuvre qui risque d’être tuée par l’homme lui montre à quel point son espèce est cruelle ; A travers tous ces exemples, on mesure l’importance du thème de la justice, à la fois parce que La Fontaine veut dévoiler les injustices constitutives de son époque mais également parce qu’il fait le procès des hommes dont il souligne d’ailleurs, à plusieurs reprises, la cruauté, face au monde animal . L’homme parait , au final, comme la plus cruelle des espèces .

De plus, La Fontaine se sert des animaux, à la fois sur le plan individuel  comme nous l’avons montré ,  mais également sur le plan collectif et philosophique comme d’un instrument puissant au service de son projet satirique d’une part, mais aussi au service de la morale ; Par le biais de l'animal, il dénonce plus facilement ce qu'il entend combattre ou simplement , mettre en lumière et notamment l'impuissance des plus faibles . Petits poissons mangés parce que c'est leur sort, espèces à la merci de leurs prédateurs naturels, comme l'araignée face à l'hirondelle ou la souris face au chat, ils craignent l'homme par dessus-tout; Et surtout, ils ne s'embarrassent pas de morale; En effet, choisir des animaux, c’est montrer la loi de l’instinct : manger ou être mangé ; aucune place pour la gratitude, les cas de conscience, les hésitations; L’animal semble, habituellement, au-dessus de la morale et des scrupules ; Il doit se nourrir et ne porte pas de jugement sur ce qu’il accomplit à l’exception justement du loup devenu philosophe dans Le loup et les bergers :Un loup rempli d’humanité /(s’il en est de tels dans le monde )/ Fit un jour sur sa cruauté /quoiqu’il ne l’exerçat que par nécessité/, une réflexion profonde ” On mesure ici l’écart qui sépare le monde animal du monde des hommes : et le fabuliste utilise justement cet écart pour nous permettre de réfléchir à la manière dont nous nous serions comportés , à la place des animaux  ou si nous étions des animaux . Dans Les deux perroquets , le roi et son fils, il joue avec cette fausse ressemblance entre l’animal et l’humain : un roi tue le fils de son perroquet car ce dernier au cours d’un jeu, a blessé l’autre oiseau préféré du  fils  du monarque, un moineau; Pour venger la mort de son enfant, le père perroquet va crever les yeux du jeune prince provoquant le désespoir de son père, le Roi ; La notion de vengeance est totalement étrangère aux animaux et on voit pourtant ici que le poète  l’utilise pour créer une situation d’enseignement moral ; Le vieux perroquet se réfugie alors  dans un arbre et "goûte sa vengeance” Lorsque le roi tente de le faire revenir en prétendant oublier “la haine la vengeance et le deuil “, le perroquet se méfie de ce profane langage  qui selon lui, sert d’appât et demeure perché dans son arbre car il sait que “la vengeance est un morceau de roi ” et il ne croit pas à la sincérité des paroles du monarque.

 Pour conclure , l’animal joue un rôle important dans les fables car il nous fait sourire de nos travers et le fabuliste joue beaucoup à nous rapprocher ou parfois à montrer ce qui peut nous séparer ;  L’animal, au sein de la fable,  est une sorte de médiateur pour que nous comprenions  les  différences entre  nos deux mondes et que nous soyons en mesure de cerner notre humanité..En rendant les animaux humains , le fabuliste nous tend notre image et suscite le jugement moral : ce qui est excusable chez un fauve l’est-il également chez un monarque ? la cruauté est -elle une caractéristique spécifiquement humaine ? le monde des hommes est-il, tout simplement, gouverné par la loi du plus fort ? que peuvent les lois humaines face à nos instincts de prédateur ?  et surtout comment se fait entendre la Voix de la Raison à travers ces ces deux mondes ?

Si vous voulez vous préparer efficacement pour l’épreuve de dissertation ou la présentation de l’oeuvre durant l’entretien oral, réalisez une fiche sur laquelle vous notez le plan détaillé de cette dissertation avec le titre des parties, des sous-parties et surtout les fables utilisées en guise d’illustrations; Vous pouvez d’ailleurs vous exercer à en trouver d’autres et à en ajouter à l’intérieur du plan. Pour l’introduction et la conclusion, ne notez que les mots-clés… vous pouvez aussi retenir la liste des animaux présents dans les fables étudiées et les classez en familles selon leurs emplois.

07. janvier 2020 · Commentaires fermés sur Quel moraliste est La Fontaine ? Auour des morales des fables et de sa position de moraliste · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: , ,

Si vous choisissez de disserter sur une oeuvre du programme, vous aurez probablement à fabriquer un plan à partir de l’analyse d’un sujet; Aidez-vous des mots clés et prenez le temps de bien comprendre la citation parfois, ou la phrase qui va servir de point de départ à votre réflexion sur les Fables . Voici quelques  exemples de constructions de plans de dissertations .

La Fontaine prétend faire oeuvre de moraliste mais que nous enseigne-t-il ? un monde où triomphent le mensonge et la cruauté? Est-ce ce que nous voulons enseigner à nos enfants ? Etes vous d’accord avec cette citation ?

Disserter va d’abord consister à analyser les mots clés de la phrase afin de bien comprendre comment utiliser notre connaissance des fables ; cela revient à se demander sous quel angle aborder l’oeuvre . Le jugement paraît sévère avec le terme “prétend faire ” qui invite le lecteur à penser que La Fontaine n’est pas un “bon moraliste ” ; Autrement dit qu’il ne faut pas suivre son enseignement ou que ses idées sont dangereuses pour la morale . Il importe donc, de donner une définition du terme moraliste tel qu’il est employé à cette époque; “écrivain qui souhaite qu’on tire une enseignement de son travail” ;  Si on suit cette définition, alors La Fontaine est incontestablement un moraliste On aurait pu formuler la citation autrement ” La Fontaine est-il un moraliste ? ” La réflexion aurait porté sur le même aspect des fables mais dans notre citation, nous disposons d’un élément supplémentaire ; la critique de la manière dont il dispense son enseignement : l’auteur critique , en effet, son usage constant du mensonge et de la cruauté. Il va donc falloir démontrer, dans noter dissertation si oui ou non les fables contiennent beaucoup de mensonges et si elles reflètent bien une forme de cruauté. Cela pourrait être notre thèse : elle donnerait ainsi, en partie raison, à l’auteur de notre citation.  Un point important va consister , ensuite , à examiner la nature de cette cruauté; s'agit-il pour le fabuliste de constater que le monde est cruel et de nous mettre en garde ou de fabriquer des morales où triomphe la cruauté ; Même raisonnement pour le mensonge : effectivement beaucoup de fables exploitent ce thème du mensonge mais pour montrer quoi et peut-on différencier la nature des mensonges : ceux qui sont des mensonges de défense par exemple pour tenter d’atténuer la cruauté des plus forts ou des plus puissants . On va ainsi articuler les deux notions de mensonge et de cruauté pour prouver qu’elles sont étroitement liées par des liens de causalité. C’est parce que le monde  que peint le fabuliste est désespérement cruel que , souvent,les plus faibles sont amenés à mentir pour échapper à leurs prédateurs ; L’intelligence et la ruse suppléent, en partie, à ces inégalités constitutives de la société de l’ancien Régime.

La critique, comme on est maintenant en mesure de le voir, porte davantage sur les aspects que La Fontaine a choisi de mettre en lumière . On lui reproche souvent de montrer le côté sombre de l’humanité et son pessimisme parfois peut avoir un effet négatif sur de jeunes enfants auxquels on aimerait faire croire que l’homme est une créature bonne et généreuse et qu’il faut faire confiance à son prochain.

Si on y regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que La Fontaine ne fait pas toujours l’éloge du mensonge ; au contraire il condamne celui des courtisans par exemple et celui des commères ; On remarque également qu'il montre le monde sans fard et qu'il présente , non sans les critiquer, les abus des puissants ou des forts; certes, nous voyons leurs victimes parfois innocentes, périr sous leurs griffes   , ce qui peut nous sembler cruel; Il nous enseigne ainsi à voir le monde tel qu'il est et pas tel que nous voudrions qu'il soit. De plus, il faut noter que La Fontaine condamne toujours le mensonge quand il est utilisé pour nuire aux autres et l’animal qui ment est puni à la fin de la fable, le plus souvent .

On pourra néanmoins réfléchir , dans une dernière partie,à certaines fables qui pourraient heurter des valeurs morales et sembleraient faire triompher le Mal ; On citera sans doute Les Animaux malades de la Peste, L’araignée et l’hirondelle, Les poissons et le berger qui joue de la  flûte ; Dans cette dernière, l'enseignement parait , en effet, ambigu car le berger a tenté d'abord de pêcher les poissons en les charmant avec un doux chant ; face à son échec, il a alors employé la force en lançant son filet ; Sa morale s'adresse aux Rois et le fabuliste leur conseille d'utiliser la force mais dans un cas bien précis " Rois qui croyez gagner par raison les esprits d’une multitude étrangère, servez-vous de vos rets la puissance fait tout ; Eloge de la force certes mais également constat d'une impuissance de la raison dans certaines situations ; Est-ce immoral ? Ce constat  de la faiblesse de la raison est fait par de nombreux autres moralistes comme Pascal par exemple, qui montre à quel point elle est fragile face à l'imagination .

On prouvera, également, dans ce travail de dissertation que La Fontaine cherche à nous inculquer des valeurs morales essentielles et positives comme la valeur de la Sagesse, la valeur et l’importance de l’amitié , la nécessité d’agir avec mesure en toutes choses : il condamne notamment le désir lorsqu’il nous pousse à commettre des folies ( on peut penser à la Tortue qui veut voler ou aux chiens qui boivent l’eau de la rivière pour manger l’animal qui y flotte ) . On pourrait également utiliser la morale du loup et du chasseur qui apparaît ici comme une double condamnation des attitudes extrêmes “la convoitise perdit l’un / l’autre périt par avarice ”

  Pour conclure , si certains reprochent au fabuliste de noircir la réalité et de faire la part belle aux bas instincts et à la cruauté ambiante, il se contente peut- être simplement de montrer le monde tel qu’il le voit et s’il en exagère la noirceur, c’est pour mieux nous en révéler les dangers permaments; Mais il le fait avec le sourire: pas dans l’espoir de nous voir  faillir mais en nous assurant que nous sommes à l’avance pardonnés,  toujours avec le sourire, car la tâche est ardue et nous ne sommes que des hommes …

Les plans pourraient s’articuler autour de ces notions :

Les fables sont le reflet du monde , un miroir fidèle donc elles comportent beaucoup de cruauté et de mensonges ( qui peuvent triompher )

Mais le but du fabuliste est de nous mettre en garde et de nous enseigner la prudence ainsi que certaines vertus (un “vrai moraliste chrétien)

Néanmoins son regard diffère parfois de celui de la morale traditionnelle (libre-penseur, parfois libertin et surtout philosophe partagé entre épicurisme et stoïcisme; prêt à nous pardonner nos fautes ..)

Si vous voulez vous exercer et prolonger la réflexion , cherchez quelles fables et quelles morales vous pourriez insérer dans cette ébauche de dissertation ; Constituez -vous une fiche: La Fontaine moraliste  avec des titres , des morales et des thèmes communs.

02. janvier 2020 · Commentaires fermés sur La Fontaine : les fables sont-elles les fragments d’une pensée éparpillée ou forment-elles un système global ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Disserter à partir d’une citation consiste tout d’abord à analyser cette dernière avant d’en présenter une reformulation la plus précise possible. En effet,de la qualité de cette analyse préalable dépendra souvent la qualité du plan élaboré pour présenter la réflexion  et donc, la qualité  du traitement du sujet . Revenons sur la citation : Pour définir la fable, la Fontaine la compare à une abeille : ” Je suis chose légère et vole à tout sujet : je vais de fleur en fleur et d’objet en objet” . Comment comprendre le mot légèreté : par opposition sans doute au mot gravité , au sérieux de certaines entreprise littéraires  ; la fable adopterait ainsi un style léger, celui de la plaisanterie et de la satire.Le burlesque des situations, l’anthropomorphisme des personnages , la présence de nombreux   jeux de mots contribuent à créer cet  esprit  “léger ” par contraste avec le style sérieux et le ton solennel des moralistes et des essayistes . Voyons maintenant les autres éléments qui composent la citation…

On note la présence d’une comparaison  avec l’abeille qui pourra être réutilisée dans le cadre de la dissertation. Le second mot qui retient notre attention est celui de sujet . Il pourrait indiquer que les fables ne respectent pas une  véritable organisation et qu’une fable succède à une autre de manière aléatoire, sans véritable projet d’architecture. Il est indéniable que la succession des fables présente un caractère désordonné et il peut sembler facile  de le démontrer. On a ainsi l’impression que le fabuliste, comme l’insecte , passe d’un sujet à l’autre et d’une fleur à l’autre au gré de ses envies . Ainsi, on pourra choisir d’évoquer la diversité  des thèmes lorsqu’on passe d’une fable à l’autre  : satire de la cour, l’amitié, le mariage, le voyage, la loi du plus fort. La difficulté ici réside dans la connaissances de la localisation des thèmes ; toutefois , sous une diversité de surface, on constate assez rapidement que les fables offrent une vision du monde assez homogène de leur auteur ; Il sera possible de le démontrer en se basant sur les thèmes récurrents comme la satire de l’orgueil , l’incitation à la prudence , à la mesure et à la sagesse dans tous les domaines ; Ainsi, que ce soit dans le domaine social, politique ou même lorsqu’il s’agit d’évoquer la religion, les fables condamnent les excès . 

La seconde difficulté dans la conception de cette rédaction consiste sans doute à bien choisir les fables qui vont servir d’illustrations et surtout de se contenter d’en citer un résumé sans trop entrer dans les détails du récit .

On peut donc proposer le plan suivant :

I Oui les fables proposent  , à première vue , des fragments de pensée

a) le choix de la forme courte et l’absence de continuité

b) diversité des thèmes abordés

c) diversité des tons et des registres  (burlesque , satirique )

II Mais sous cette diversité , on retrouve des récurrences et une pensée globale

a) les valeurs fondamentales à travers les morales

b) critiquer pour amuser mais surtout pour instruire

c) une unité de sens : la vision du monde homogène ?

Quelques exemples de démonstrations sous forme de paragraphes  plus ou moins rédigés:

I a) Le choix de la forme de la fable condamne le poète à des développements brefs et parfois, à esquisser simplement le traitement d’un sujet : comment, en  effet, évoquer la peur de la mort en quelques vers ? C’est pourquoi le fabuliste reprendra à plusieurs reprises ,  à travers des anecdotes différentes , des questions autour de la relation entre l’homme et la mort ; On a alors l’impression de passer d’un sujet à l’autre mais peut être s’agit-il, tout simplement, de différents aspects d’un même sujet ; On peut citer, comme exemple, la mort des courtisans dans la Cour du lion, punition de leur flagornerie qui contraste avec celle de l’âne dans Les animaux malades de la Peste ,  animal sacrifié qui est désigné comme une victime par les puissants , heureux de sauver leur propre vie ; au delà de leur différence , ces  morts posent le problème de l’injustice et soulignent les dangers de la vie à la Cour; Une fable comme La Mort et le mourant aborde, cette fois, sur un plan plus philosophique, la préparation à la mort . On peut alors penser qu’il s’agit d’un autre sujet car il est abordé , sans le truchement des animaux, par un autre biais : celui d’une personnification et d’un dialogue entre la mort sous la forme d’une allégorie et un Vieillard qui se plaint de devoir quitter la vie. La mort tente alors de le raisonner et de lui faire accepter son sort. Ce sont bien ici dse fragments de pensée rassemblés autour de l’idée de la Mort.

I b)  Dans le livre VII, on passe respectivement avec Les Animaux maladeés de la Peste, d’une dénonciation de la loi du plus fort et des injustices qui règnent à la Cour, à une réflexion sur les difficultés du mariage avec Le Mal Marié ; ensuite et sans transition, La Fontaine critique l'égoïsme de certains ordres religieux avec Le Rat qui s’est retiré du monde; Dans le Héron et la fille, quatrième fable du livre, il dénonce cette fois, l’insatisfaction chronique qui mène à la déception , en prenant d’abord le cas d’un animal qui dédaigne ses proies et ensuite celui d’une jeune fille qui cherche le mari parfait. Enfin la cinquième fable intitulée Les Souhaits nous introduit dans un univers merveilleux avec un follet qui accorde trois voeux à une famille . Cette dernière finit par choisir la sagesse. La fable suivante ressemble à la première avec une nouvelle critique des abus de pouvoir du monarque et les difficutés rencontrées par les courtisans dans l’usage,notamment de la flatterie. On voit bien ici que le poète comme l’abeille, passe de fleur en fleur, c’est à dire change de sujet quasiment à chaque fable .

I b) Il est bien difficile de dire quel est le sujet principal  des fables car La Fontaine aborde de nombreux thèmes dans ses recueils : la dimension politique s’efface de temps à autre au profit d’une approche philosophique de la nature humaine ; questions de société et références à certains événements contemporains  alternent avec des questionnements plus généraux sur les défauts de la Nature humaine .

II c) Certes , La Fontaine emploie très souvent le registre satirique mais il l’utilise essentiellement comme un instrument au service d’un objectif pédagogique, celui d’enseigner aux hommes comment échapper aux dangers de leur condition. Ainsi , ce qui pouvait apparaître comme une forme de légéreté, aide à faire passer l’enseignement sans la lourdeur du sermon ou de l’essai. On peut le voir, par exemple, dans Perrette et le pot au lait ou Le Curé et le mort : le portrait des personnages , leur mésaventure plaisante et triste à la fois, aide à nous faire comprendre les dangers de l’imagination. Perrette perd son lait pour avoir trop rêvé à ce qu’elle en tirerait comme profit alors que le Curé perd la vie pour avoir voulu se servir, à des fins égoïstes , de celle de ses ouailles;  Au delà des différences de traitement du sujet ,  les deux rêveurs sont punis et la leçon est identique pour le lecteur : il ne faut pas parier sur l’avenir, toujours incertain.

Pour conclure, le fatras apparent des fables peut paraître , à première vue, un obstacle pour y déceler une vision du monde cohérente mais néanmoins, au terme de notre lecture du second livre des fables , nous avons le sentiment de percevoir l’unicité et la singularité d’une pensée :celle d’un poète qui a choisi de ne pas s’appesantir  sur la gravité du monde mais de voyager léger avec ces fables comparables à des fleurs des champs éparses qui forment un bouquet coloré . Il passe certes de sujet en sujet et il lui arrive même de se montrer quelque peu contradictoire mais il construit une vision du monde personnelle qui parvient, le plus souvent ,  à unifier les dissonances .

25. novembre 2019 · Commentaires fermés sur Le thème du mensonge dans Les Fables : dissertation .. · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Vérité et mensonges dans les Fables .

Cette dissertation consiste à examiner la place des mensonges dans les Fables au programme cette année afin d’ en déterminer à la fois l’importance et la variété. La première étape du travail de la dissertation consiste donc à faire l’inventaire des différents mensonges rencontrés dans les récits; Ensuite, il convient de se demander quel rôle joue le mensonge, qui ment et quelles sont les conséquences des mensonges pour les forces en présence; On peut également classer les mensonges : on séparera, par exemple, les mensonges bénéfiques et ceux qui nuisent à autrui ou qui ont des conséquences graves .  Une fois ce travail effectué, on pourra commencer à réfléchir à une organisation qui deviendra un plan :  I Mensonge de la fiction: la fable est un mensonge au service des vérités  II Mensonges dans les fables: une arme redoutable  III Existe-t-il des mensonges positifs ? C’est une idée d’organisation mais ce n’est pas le seul plan possible … voyons d’abord notre stock de mensonges prêts à être utilisés comme illustrations dans une dissertation ….

Vérité et mensonges dans les Fables

Liste des mensonges dans Les fables ( 19 fables soit une sur quatre environ comportent au moins  une référence explicite au mensonge ) 

Les Animaux ..: le renard ment en atténuant la gravité des actions du roi (flatterie du courtisan , mensonge pour plaire aux puissants )

La cour du lion : le renard ment en feignant ne plus avoir d’odorat, mensonge pour sauver sa vie, situation du courtisan habile qui est hypocrite sans trop en faire ( singe trop menteur ) : « ne soyez… ni parleur trop sincère »

Le chat la belette et le petit lapin : le chat appelé pour départager les deux animaux qui se battent pour la possession du terrier les croque ; il les attire à lui par un mensonge; il prétend être sourd pour qu’ils soient à portée de griffe ( mensonge pour nuire à autrui, le plus fort ment au plus faible pour le croquer, synonyme de ruse ?  )

Un animal dans la lune : le fabuliste y lance un débat philosophique ; l’homme doit -il se fier à se sens «  mes yeux ne me trompent jamais en me mentant toujours » ..réflexion sur le phénomène d’illusion optique

Le lion, le loup et le renard : le loup médit de l’absence du renard  à la cour ; ce dernier prétexte un pèlerinage ( souvent la religion sert de prétexte ) et ment en prétendant qu’une peau de loup est un remède à la vieillesse ; il a menti pour tuer son adversaire ; Mensonge à des fins politiques : légitime défense ?

Les femmes et le secret : un époux ment pour révéler la véritable nature de son épouse, incapable de garder un secret : un mensonge pour enseigner ou pour faire découvrir une vérité

Dans Le  rieur et les poissons, un convive réussit à se faire servir un très gros poisson  à table en inventant un habile mensonge: il fait semblant d’interroger les poissons sur le sort d’un de ses mais disparu en mer et on le croit. On lui apporte un plus gros poisson qui , selon lui, en saura forcément plus : mensonge dans le but d’obtenir ce qu’on désire, mensonge qui rétablit une sorte d’équilibre entreponts et faibles .

Les obsèques de la lionne : le cerf ment habilement pour sauver sa peu et son mensonge, qui ressemble à un songe miraculeux, lui vaut même les faveurs du roi (mentir par nécessité, pas de conséquences négatives sur autrui )

Le faucon et le chapon : un chapon se méfie des hommes qui cherchent à l’attraper pour le manger  et lui mentent en prétendant le nourrir ; il explique au faucon qu’il n’obéit pas à l’appel de son maître car il ne veut pas finir à la broche ; l’homme lui tient ici un langage mensonger .

Le chat et le rat : le rongeur a accepté de délivrer son ennemi le chat d’un piège mais il se méfie des paroles mensongères du chat qui cherche à l’attirer pour le manger : on ne doit pas croire son ennemi . Le mensonge ici nous donne une leçon .

Le dépositaire infidèle :  le fabuliste déclare avoir mis dans ses fables « des légions de menteurs » « Tout homme ment, dit le Sage. »  Tous tant que nous sommes , nous mentions, grands et petits .Qui mentirait comme Esope comme Homère un vrai menteur ne serait . Le doux charme de maint songe /par leur bel art inventé/ sous les habits du mensonge/ nous  offre la vérité. Trompé par un marchand qui ment ne disant que des rats ont mangé le fer , un trafiquant enlève le fils de ce dernier et invente un mensonge : un hibou l’a emporté. Le trafiquant qui a compris la ruse , rend alors l’argent dérobé.

Le loup et le chien maigre : le chien, pour sauver sa peau, ment au loup qui l’épargne en pensant venir le rechercher quand il aura grossi . La Fontaine souligne la sottise du loup qui a cru sa proie et l’ a laissée filer par appât du gain.

Discours à Madame de la Sablière : dans cette longue fable, La Fontaine démontre que les animaux ont des sentiments et qu’il sont bien loin de n’être que des machines; par ironie, il évoque un roi polonais et prétend  que « jamais un roi ne ment »

Les poissons et le cormoran : le vieil oiseau ment par nécessité;Son mensonge est cru et la morale proposée est de ne pas se fier «  en ceux qui sont mangeurs de gens » . Un menteur qu’on ne parvient pas totalement à détester car il est présenté comme un pauvre animal qui souffre de disette.

L’Enfouisseur et son compère : un homme réussit grâce à un habile mensonge à confondre celui qui lui vole son argent et à récupérer ce qui lui appartient ; L’autre s’est laissé tenté par l’appât du gain. Ce mensonge doit lui servir de leçon . ‘l’autre fut sage , il retint tout chez lui «  et au lieu de se montrer avare et d’entasser son argent, il décide alors de le dépenser.

Le berger et le roi;  Un berger est nommé , grâce à son bon sens, Juge souverain mais les courtisans , jaloux, complotent contre lui  et l’ accusent faussement de posséder un trésor . La Fontaine les qualifie «  de machineurs d’impostures »    Leurs mensonges sont des calomnies et visent à nuire à celui qu’il considèrent comme un rival.

Dans Les poissons et le berger qui joue de la flûte comme dans Les deux perroquets le roi et son fils, le fabuliste dénonce le langage trompeur: douces paroles miellées du berger qui veut attraper les poissons et «  le leurre de l’appât d’un profane langage » Un leurre est un mensonge qui va piéger sa victime .

Le loup et le renard : le fabuliste montre que le renard bien qu’expert en « tours pleins de matoiserie »  n’a pas toujours l’avantage . Piégé par le reflet de la lune qu’il prend  pour un fromage, il est obligé de piéger le loup pour se sortir du puits dans lequel il est tombé ? Ce dernier  est qualifié de sot .

Quelques exemples maintenant d’insertion des illustrations au sein d’un raisonnement argumentatif. 

Après avoir démontré que sous une enveloppe mensongère , celle de la fiction, la fable donne parfois accès à certaines vérités , voyons maintenant comment la fable parvient elle à exprimer des vérités sur le plan politique .

L’une des illustrations la plus claire nous est fournie par Le Pouvoir des fables; En effet, dan cet apologue, un orateur qui ne parvient pas à se faire entendre de son public , décide d’inventer une fable pour attirer leur attention et ainsi, les alerter d’un danger imminent pour la cité; Le mensonge de la fiction  a facilité la parole politique, celle de l’orateur , et a permis , de déguiser , sous le masque d’une histoire , une véritable menace pour l’ambassadeur de France .

En effet, certaines fables sont politiquement engagées . Par le biais des animaux, le fabuliste  lance  même , souvent ,des accusations contre les hommes . Ainsi, dans Les animaux malades de la Peste, il nous fait assister à une parodie de justice ; L’âne, animal faible, avoue une peccadille qui lui vaut d’être pendu alors que le lion, qui a avoué des crimes répétés, n’est pas jugé coupable . La morale de la fable «  Selon que vous serez puissant ou misérable / les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs » critique explicitement l’injustice qui règne à la cour de louis XIV

Dans Le Singe et le Léopard, le fabuliste nous  donne un autre avis politique sous la forme d’un avis  personnel : il préfère les gens d’esprit aux gens qui se contentent d’être bien nés et se vantent de leurs titres; Ces courtisans orgueilleux sont dépeints sous les traits d’un léopard fier de sa peau tachetée . La vérité apparait alors : «  ils n’ont que l’habit pour tous talents “; La fable nous a permis d’y voir plus clair et de démasquer la vérité cachée sous des apparences mensongères.

Si la plupart des fables n’ affichent pas clairement une lecture politique, on peut toutefois lire certaines situations comme une réflexion sur l’art de gouverner; Ainsi dans Le lion, le singe et les deux ânes, La Fontaine reprend l’un des rôles du singe chez Esope, celui qui donne des conseils au roi . Derrière la situation mensongère de la fable, on devine aisément que le fabuliste adresse une forme d’avertissement à Louis XIV en le montrant sous le masque d’un «  terrible sire »; Il lui conseille de se méfier de son orgueil , qui fait prendre de mauvaises décisions aux souverains .

La présence d’un mensonge , à l’intérieur de  la Fable, peut  se lire , de temps à autre,  comme un instrument de perfectionnement . Il permet souvent de se sortir d’un mauvais pas . De ce point de vue, il peut être assimilé à la métis des grecs , cette ruse qui permet de vaincre ses ennemis et de sauver sa vie ou, tout simplement ,  de faire triompher ses intérêts . C’est le cas du cerf, dans Les obsèques de la lionne. Ce dernier, dénoncé par des courtisans malveillants , risque de mourir pour avoir été sincère et ne pas  avoir fait semblant d’être triste  à la mort de la lionne. Grâce à un fabuleux mensonge où il prétend que la reine lui est apparue en songe  ,il sauve sa vie et obtient  même une récompense  . On remarque d’ailleurs que songe , au sens où l’entendent les moralistes du siècle classique,  est souvent synonyme de mensonges ; Le rêve, en effet, fait partie de l’imaginaire et éloigne l’homme du chemin de la Vérité sur lequel sa raison doit le guider.

Le mensonge peut même avoir un statut formateur et servir d’enseignement ; Ainsi dans Les femmes et le secret, c’est au moyen d’un mensonge qu’un mari met en évidence l’incapacité de as femme à garder un secret; Il a mis son épouse à l’épreuve et  son stratagème a permis de révéler ce qui est présenté comme une sorte de vérité générale: nous avons beaucoup de mal à garder un secret quelqu’il soit.

Dans Le dépositaire infidèle , un premier mensonge déclenche des conséquences terribles qui vont servir de leçon au menteur; ce dernier dissimulé le vol de l”argent derrière une cause mensongère , en expliquant qu’un rat a dévoré l’argent ; Pour lui rendre la monnaie de sa pièce, ce dernier enlève son fils et raconte un mensonge aussi énorme : il aurait été enlevé par un hibou; le voleur ne peut que comprendre ici, la leçon donnée à ses dépens.

Les mensonges des fables ont également pour but de révéler des vérités cachées sous des apparences trompeuses . Le mensonge  des hypocrites est parfois démasqué comme celui du singe dans La Cour du lion</b> ; sa sotte flatterie causera sa perte ; le fabuliste démontre ainsi que la la Cour est un milieu impitoyable où chacun doit dissimuler ses véritables sentiments sans tomber dans une flagornerie trop facilement décelable.

Les mensonges permettent , de temps à autre ,de démasquer la cruauté de l’homme et de révéler qu’il est un véritable prédateur pour tous les autres animaux auxquels il se juge supérieur . Avec L’homme et la couleuvre, le fabuliste montre clairement l’ingratitude de l’espèce humaine qui exploite, à son profit, les espèces animales.

Le mensonge a donc un statut ambivalent dans les fables : instrument de tromperie au service des méchants, il est aussi une arme pour les victimes ; Ainsi dans Le loup, le lion et le renard, le loup l’emploie pour se débarrasser de son rival le renard, et ce dernier l’emploie à son tour pour lui rendre la monnaie de sa pièce . Le renard  prétend qu’il connaît un remède miraculeux contre la vieillesse : une peau de loup écorché vif et le vieux roi l s’empresse alors de faire exécuter le loup afin de prendre sa peau . Le renard est d’ailleurs expert en mensonges de toutes sortes: sa parole flatte les puissants ; Maître dans l’art de la démagogie, il sait aussi se taire et ne pas répondre ; Ainsi dans La cour du Lion, il préfère mentir en prétextant en rhume qui le prive d’odorat, plutôt que de devoir se prononcer sur l’odeur qui règne au palais.

Le renard n’est pas le seul animal à savoir mentir : le chemin ment parfois pour sauver sa peau comme par exemple dans l loup te le chien maigre : pour échapper au oui, il lui fait croire que c’est préférable de le laisser engraisser avant de revenir le chercher ; Le loup le croit et lorsqu’il se présente pour réclamer sa proie, le chien lui envoie un dogue féroce qui le fait fuir . Le loup a été berné et  ici, la sympathie du lecteur va plutôt au menteur ; Ce qui peut sembler immoral mais il s’agit d’un mensonge « pour une bonne cause » ;

Le mensonge du cormoran dans Les poissons et le cormoran s’apparente-t- il à celui du chien ? Vieux, mal voyant et affamé , « lorsque le long âge eût glacé le pauvre animal » , l’oiseau qui ne peut plus pêcher , doit se résoudre à mentir et à tromper les poissons pour pouvoir se nourrir . Le fabuliste précise que « le besoin (est ) docteur en stratagème » ; Ce vers nous indique qu’il ment iniquement par nécessité et que c’est la situation critique dans laquelle il se trouve , une « disette extrême »  qui l’ a obligé à inventer une ruse mensongère pour attirer les poissons dans un endroit où ils seront à sa portée . Le mensonge a été une leçon pour les poissons: il ne faut pas croire leur prédateur ; La Fontaine enseigne ainsi , grâce au mensonge , plusieurs choses et notamment de ne pas nous fier à nos ennemis.

Dans Le chat et le rat , nous voyons que le rat a fait alliance avec son ennemi, le chat par nécessité car il était menacé par deux autres de ses prédateurs ; Une fois qu’il a libéré le chat de son piège, il ne se fie pas aux paroles trompeuses de ce dernier qui cherche sans doute à l’attirer pour le manger et il garde soigneusement ses distances . Les mensonges du chat sont rendus ici inopérants grâce à la prudence et à la sagesse du rat. Donc le mensonge ne triomphe pas toujours et c’est plutôt porteur d’espoir.

Et voici maintenant un exemple de conclusion avec deux ouvertures littéraires ..

En conclusion , choisir la forme mensongère de la fable, permet à La Fontaine de révéler de nombreuses vérités à ses contemporains . De plus, il n’hésite pas à introduire de nombreux mensonges au sein des histoires . On note ainsi la fréquence, la diversité et la variété des utilisations du mensonge dans les Fables ; Le mensonge n’est pas seulement réservé aux plus faibles ou aux victimes , il peut également être employé par ceux qui veulent donner une leçon à leurs pairs. Les fables nous enseignent , en outre, que l’art de la dissimulation , est parfois très utile . Le mensonge s’apparente parfois à la parole trompeuse et en cela, il rejoint la flatterie des courtisans .  Dans un monde où triomphent hypocrisie et la loi du plus fort, les mensonges habiles , redistribuent les cartes et compensent, en partie, pour certains, les inégalités de la société ou les injustices dont ils sont victimes. Mais pour d’autres, le mensonge est le piège dans lequel ils s’apprêtent à tomber ; parfois, il sert d’alibi  ou de substitut  à la force brutale.  Les prédateurs cachent  alors sous leurs paroles mensongères leur désir de rendre plus facile la capture d’une proie que tout désigne. Les moralistes classiques comme Pascal et La Rochefoucauld nous enseignent à nous défier des attraits du mensonge , parole flatteuse qui nous dit ce que nous voulons entendre . L’amour-propre devient alors un guide trompeur pour l’homme.Mais un roman comme La Princesse de Clèves nous révèle également  que la dissimulation règne au sein de la Cour : on se ment à soi-même en même temps qu’on cache ses véritables sentiments aux autres .  Il semblerait que le mensonge fasse partie du la nature humaine .

15. septembre 2019 · Commentaires fermés sur La Fontaine: un moraliste ? Quelle est la morale des animaux malades de la peste ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: , ,
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La fable à étudier racontait une histoire édifiante car, comme se plaisait à le répéter La Fontaine, “le conte fait passer le précepte avec lui”. Autrement dit, on doit d’abord intéresser les lecteurs grâce à une histoire amusante avant de pouvoir leur proposer une leçon de vie . Cette fable évoque tout d’abord une situation initiale dramatique : une épidémie de peste frappe les animaux et chacun craint pour sa vie. Le monde entier semble se paralyser sous l’effet de cette menace et le roi des animaux propose une solution. Il relie l’origine de la maladie à une cause divine et pour apaiser la colère des Dieux, envisage que chaque animal vienne publiquement confesser ses péchés . Le plus coupable servira ainsi de bouc-émissaire à la collectivité . Dans les faits, les animaux les plus puissants confessent leurs fautes mais on finit par sacrifier un âne qui a avoué, simplement  avoir mangé de l’herbe dans un pré qui ne lui appartenait pas. Le lecteur comprend alors que cet animal n’est pas celui qui a commis la plus grosse faute (le lion a par exemple dévoré des bergers ) mais qu’il a été choisi comme une victime idéale. 

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A travers la morale de cette fable “selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs “, le fabuliste  dénonce une injustice ; Les hommes ne sont pas condamnés de manière équitable pour leurs fautes: la justice se montre  ainsi corrompue parfois et inévitablement  plus sévère avec les hommes de condition sociale modeste . A l'époque de Louis XIV, La Fontaine dénonce le fait qu'elle  tend à absoudre les crimes des plus puissants . Le renard joue dans cette fable le rôle de l’avocat qui prend la défense du lion et le loup est celui qui parvient à influencer la foule. L’âne, quant à lui, est la victime sacrifiée : l’idée du bouc- émissaire est liée au récit biblique; le bouc est l’animal dans lequel les prêtres  déposaient les péchés des hommes ; Ils envoyaient ensuite le bouc dans le désert pour que les péchés s’éloignent et que les fautes soient pardonnées. On appelle donc bouc émissaire la personne à qui l’on attribue toutes les fautes d’une communauté et qu’on se prépare à sacrifier au nom d’une collectivité. L’illustration montre bien l’animal sacrifié qui s’avance face aux autres tête baissée .

A travers cette fable, pour mieux ne dénoncer les dysfonctionnements ,  La Fontaine imite justement  le fonctionnement d’une cour de justice : le lion réunit son conseil ( v 15 ) et expose les faits ainsi que l’idée de sacrifice individuel pour obtenir une guérison commune (v20 ) .  Il invoque donc le bien collectif et prétend agir non pas dans son propre intérêt mais dans celui de la communauté toute entière . La confession est donc publique  : La Fontaine reprend une idée importante au dix-septième siècle, celui des aveux publics; On obligeait notamment les hérétiques à reconnaître publiquement leurs fautes . On a bien ici une parodie d’un tribunal religieux comparable à l’inquisition. et le lion avoue ses fautes mais il est défendu avec brio par le Renard qui démontre que les moutons et bien sûr les bergers, ont mérité d’ être mangés et qu’il ne s’agit aucunement d’une faute;  On retrouve ici des arguments déjà utilisés par le loup pour justifier qu’il puisse dévorer l’agneau . Le méchant ou l’agresseur  fait passer la victime pour un criminel et ainsi se place, aux yeux de l’opinion publique  du côté du droit . Le Tigre, l’Ours et même les chiens confessent leurs péchés mais “on n’osa trop approfondir ” ; La Fontaine montre ici que la foule craint ces animaux et préfère retourner sa colère vers un animal inoffensif .  Les Courtisans sont donc, une fois de plus, présentés comme, à travers ce regard satirique ,comme hypocrites et serviles : ils s’empressent de flatter le pouvoir en place et n’osent jamais contredire les puissants de peur d’être mis à l’écart ou punis . C’est alors qu’arrive le tour de l’âne au sein de cette parodie de justice.  Placé au bas de la hiérarchie animale, il prend la parole en dernier , après les Puissants et confesse une faute minime avec beaucoup sincérité. Il a tout simplement mangé de l’herbe : le fabuliste s’est amusé ici, à mettre en parallèle, les méfaits du lion et ceux de l’âne  afin que les lecteurs mesurent la disproportion : la décision finale de la foule paraît d’autant plus injuste d’autant que l’âne est brocardé, insulté et pendu comme un malfaiteur. Sa fin pathétique touche d’autant plus le lecteur qu’il est dépeint comme un animal fort sympathique et innocent . Son martyr fait ressortir la cruauté de la foule et des puissants 

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La Fontaine montre ainsi que la justice ne juge pas équitablement les prévenus et que les puissants ne sont pas condamnés pour leurs crimes ; la société désignera des boucs-émissaires parmi les personnes les plus plus faibles qui ne pourront pas exercer de représailles sur la collectivité . Sous ce récit plaisant se dissimule une satire de la  cruauté  du monde en général et de la justice en particulier à l’époque du roi Louis XIV. Cette fausse justice qui protège les Grands en dépit des crimes commis et  exécute les plus faibles à tort a-t-elle totalement disparu de nos jours ? 

A titre d’exemple pour vous aider dans la construction de la lecture linéaire, voici un extrait du commentaire  littéraire de cette fable sur le site commentairecompose.fr …

https://commentairecompose.fr/les-animaux-malades-de-la-peste-commentaire/