26. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Antigone : la découverte du “forfait “ · Catégories: Première
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Au début de la tragédie de Sophocle, les gardes constatent que la sépulture de Polynice a été aspergée de terre selon les rites : ce qui ne laisse planer aucun doute sur la nature du geste. Seul son auteur reste à découvrir . Le spectateur de la pièce d’Anouilh, qui adapte  en 1944 la tragédie de Sophocle en la modernisant ,  a assisté au retour à l’aube de la jeune fille et comprend dès les premiers échanges avec sa nounou d’abord et sa soeur Ismène ensuite, qu’elle s’est rendue auprès de la dépouille de son frère pour lui rendre les derniers hommages . Juste avant que le garde n’annonce au roi qu’on vient de découvrir que le corps dePolynice a été honoré, Antigone vient d’avouer à son fiancé Hémon qu’elle aurait voulu se donner à lui et être véritablement sa femme avant de mourir . Car elle sait que son acte la condamne. 

Le registre tragique est déjà très présent au début de la pièce et nous allons montrer en quoi ce passage est déterminant pour la suite de la tragédie et comment il instaure une réflexion politique d’une nature un peu différente de celle de la tragédie grecque. Cette scène est composée d’un échange dialogué entre le roi  de Thèbes Créon, oncle d’Antigone et un garde prénommé Jonas qui joue le rôle de messager porteur d’une bien mauvaise nouvelle. Quel est le rôle de ce garde ? 

 Messager tout d’abord, il instaure le lien entre les événements qui se déroulent hors-scène et le plateau sur lequel évoluent les comédiens et qui est censé représenté le  palais de Créon. Ce garde va donc faire le récit des faits rapportés : il ne laisse aucun doute à Créon sur la nature du forfait “c’est quelqu’un qui savait ce qu’il faisait ” l 5 et avoue rapidement le peu d’indices dont ils disposent ; Toutefois , la plupart de ces indices sont révélateurs pour le spectateur; Ainsi la mention d’un “pas plus léger qu’un passage d’oiseau (l 10 ) rappelle que précédemment la nounou d’Antigone  avait utilisé pour la nommer différents noms d’oiseaux comme mon pigeon, ma petite mésange, ma colombe et ma tourterelle. De plus, le second indice fait état d’une pelle retrouvée sur place “une petite pelle d’enfant toute vieille, tout rouillée ” ( l 13 ) et Antigone répète sans cesse qu’elle se sent encore trop petite ce matin . 

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Antigone et sa nourrice

En plus de son rôle de messager, le garde apporte également à la pièce une dimension comique qui allège l’atmosphère tragique par moments et permet aux spectateurs de se détendre un peu : Jonas peut faire sourire à cause de sa servilité : il ne cesse de répéter chef au début de chacune de ses répliques et cette répétition a un effet  comique : Rien chef, l 9, chef , 35, a personne chef, 41 , on n’a pas parlé chef 51. Les gardes dans la pièce sont considérés comme de simples auxiliaires du pouvoir et exécutent les tâches qui leur sont confiées sans manifester d’état d’âme. Pourtant Jonas est manifestement inquiet : il gueule (l 51) lorsque le roi le menace de le faire tuer s’il parle de sa découverte  et les didascalies indiquent qu’il “sue à grosses gouttes et bafouille ) 54. Il craint le conseil de guerre et on voit ici un autre rôle de ce personnage .

Le garde, comme le prologue d’ailleurs, fait partie de la modernisation de la tragédie antique : en effet, Anouilh a accordé au personnage plus d’importance que Sophocle; Jonas a également pour fonction de rappeler le contexte historique de création de la pièce d’Anouilh . C’est certes un garde antique au départ mais les allusions au conseil de guerre, le mot chef lui-même, le grade  de première classe ( 39 ) , et le patronyme Durand (l 36) rappellent que nous sommes en 1944 et dans un contexte de guerre. La peur de mourir du garde , vue sous cet angle, peut sembler pathétique et sincère ” j ‘ai deux enfants; Il y en a un qui est tout petit ” s’exclame-t-il pour attendrir Créon .

En face de ce garde qui semble sincèrement effrayé, Créon parait d’abord en colère mais ensuite son ton change comme l’indique la didascalie “ rêve un peu ” l 17 ; Ses deux premières répliques sont constituées de phrases interrogatives : il tente de s’assurer de la réalité des faits et s’indigne qu’on ait pu vouloir défier son autorité: ” qui  a osé? qui a été assez fou pour braver ma loi ? ” Les verbes oser et braver nous placent sur un terrain affectif : le roi ressent ce geste comme une offense personnelle qui porte atteinte à son pouvoir et de ce fait, met en danger la Cité toute entière. 

Le mot enfant pour désigner l’auteur du geste sacrilège  déclenche dans son esprit une méditation sur la fragilité du pouvoir et les risques encourus par ceux qui en exercent la charge. Il est confronté à une opposition qui paraît d’autant plus puissante qu’elle est présentée en train de sortir de partout et de miner les fondations de son pouvoir. Ce verbe miner (l 18 )  est imagé et il renvoie aux bases de son autorité que quelqu’un est en train d’essayer de saper comme quand on pose des mine pour détruire l’avancée de son ennemi. Créon se sent menacé à la fois par les aristocrates  (les amis de Polynice  19 ) qui détiennent de l’or et se servent de leur argent pour tenter de déstabiliser le royaume ou d’y imposer leurs partisans ; en Grèce la ploutocratie désignait le type de régime politique où seuls ceux qui sont riches peuvent gouverner ; en face de ces riches citoyens , la plèbe revendique elle aussi un part du pouvoir ; la mention puant l’ail peut paraître péjorative d’autant que le roi souligne que les “chefs de la plèbe ” s’allient soudainement “aux princes ” . Anouilh montre à travers cet exemple d’une alliance entre le peuple est les Princes que la plupart des gens sont prêts à toutes les compromissions pour obtenir une parcelle du pouvoir. La critique du pouvoir religieux est également présente avec ces prêtres “essayant de pêcher un petit quelque chose au milieu de tout cela” l 22   Le verbe pêcher ici traduit un désir de s’emparer de ce qu’on peut sans trop savoir véritablement ce qu’on cherche . 

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Créon expose ensuite ses craintes face à ce tueur à la gueule d’enfant . L’expression “avec sa gueule de tueur appointé ” fait davantage penser à un tueur professionnel, et contraste avec l’innocence habituellement associée à l’enfant; Dans  sa tragédie, Anouilh construit une opposition entre deux mondes symboliques représentés par le conflit Créon/Antigone : le monde de la vieillesse qui est celui des compromis et des obligations et celui de l’ardeur de la jeunesse qui est le monde où est prêt à mourir pour des idées ou des idéaux. Antigone est à la tête du parti des jeunes épris d’absolu alors que Créon est passé du côté des vieillards frileux .Anouilh prête alors au roi des paroles qui évoquent allusivement l’embrigadement et le conditionnement de la jeunesse notamment au sein du parti communiste qui connait un essor considérable depuis les années 30 avec notamment la victoire du Front populaire en 1936. Il mentionne le parti avec la phrase “une innocence inestimable pour le parti ” et le spectateur de l’époque peut penser à l’enrôlement soit dans les jeunesses hitlériennes des adolescents allemands soit au méthodes de recrutement du Parti communiste français ou des autres partis d’ailleurs qui ciblent les jeunes et leurs idéaux. On sent l’ironie dans les propos du roi mais on ne sait pas au juste si elle est destinée à fustiger l’idéalisme des jeunes ou la propagande de certains partis : ” un vrai petit garçon pâle qui crachera devant mes fusils” Créon sait que le public prendra fait et cause pour ce tueur qui aura alors la réputation d’un martyr grâce à son mépris de la mort ; cette attitude bravache peut rappeler celle de certains combattants . Les dernières phrases de la tirade du roi révèlent qu’il craint de passer pour un coupable et que la situation va lui donner ce mauvais rôle : ” un précieux sang bien frais sur mes mains , double aubaine.” Anouilh transforme l’expression “avoir du sang sur les mains ” qui signifie être responsable de la mort de quelqu’un et montre avec l’adjectif précieux que cette mort va être utilisée par les adversaires politiques de Créon : c’est donc pour eux qu’elle constitue une aubaine, c’est  à dire une occasion favorable de s’emparer du pouvoir et de renverser le roi.

Créon évoque même la présence de “complices ” dans la garde : il se sent menacé et cerné de toutes parts par ceux , fort nombreux qui convoitent le trône; il ignore que pour lui le danger est d’une autre nature et vient de sa propre famille ; Antigone ne cherche nullement à renverser le trône mais en contrevenant aux ordres royaux, elle met en péril l’autorité du roi et fait vaciller son pouvoir . Il n’hésite pas à menacer de mort les gardes s’ils ébruitent la nouvelle : “vous mourrez tous les trois” lance-t-il (ligne 50 ) 

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En conclusion,cette scène nous montre un roi inquiet et quelque peu angoissé à l’idée que son pouvoir soit menacé et une dimension comique discrète mais bien présente et qui nous renvoie à l’actualité de spectateurs ; Anouilh adapte la tragédie de Sophocle à des enjeux contemporains et fait de la figure du roi  le symbole des compromissions liées à l’exercice du pouvoir ; Il développera ainsi au moyen de l’opposition entre Antigone et son oncle l’antagonisme entre celui qui oeuvre pour le bien commun en opérant des choix nécessaires et celle qui , éprise d’absolu, n’est prête à aucune concession. Le roi ne sait pas encore que c’est sa nièce qui a enfreint ses ordre mais cette découverte est imminente. 

25. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Le face à face Créon/Antigone chez Sophocle et chez Anouilh · Catégories: Première · Tags:
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Sophocle est un des grands dramaturges de l’antiquité grecque avec Euripide et Eschyle. Antigone raconte le conflit qui oppose la fille d’Œdipe à son oncle Créon. Ses deux frères s’étant entretués, Antigone désobéit aux ordres de Créon, roi de Thèbes qui avait décidé que Polynice, considéré comme un traître, reste sans sépulture . Antigone, convaincue que les lois divines l’emportent sur les lois humaines, décide de rendre les honneurs funèbres à son frère au risque de sa propre vie. 

La pièce de Sophocle est à l’origine de nombreuses réécritures : au XXème siècle, Cocteau, Brecht et Anouilh écriront une Antigone, chacun reprenant selon ses préoccupations de dramaturge ce personnage. La pièce d’Anouilh (1910-1987) fut jouée la première fois le 4 février 1944, en pleine occupation et on a vu dans Antigone le symbole de la résistance face à l’occupant.

-Au moment de l’extrait, Antigone a été arrêtée après qu’elle eut tenté de rendre les honneurs funéraires à son frère. Créon, le roi, doit décider de son sort. C’est donc une scène de conflit où Antigone s’oppose à son oncle et souverain.

 

 

 

Ces deux textes présentent une confrontation entre deux mêmes personnages mais des différences existent.

I – Les personnages 

Il s’agit dans les deux extraits d’une scène qui oppose Antigone à Créon ; cependant dans la pièce de Sophocle, le chœur est présent alors qu’il est absent dans la pièce d’Anouilh .
a) Antigone 

chez Sophocle
– on peut constater la brièveté des répliques : Antigone accepte son sort et ne cherche pas à se défendre : « que te faut-il de plus ? » répond-elle à la longue tirade de Créon. La question pourrait clore le dialogue, c’est une question qui n’appelle pas de réponse. Les actes qu’elle a commis, elle les assume pleinement.
Le ton est sûr : pas de trace d’émotion, ni de trouble, la plupart des phrases sont déclaratives. Antigone dresse le constat d’une situation sans issue comme le soulignent les deux passages suivants : « Je suis ta prisonnière ; tu vas me mettre à mort », l’indicatif exprime la certitude, aucun espoir n’est permis. « Tout ce que tu me dis m’est odieux, (…) et il n’est rien en moi qui ne te blesse », la situation conflictuelle est affirmée sans possibilité d’évolution. Les protagonistes sont face à face physiquement comme dans les paroles : rien ne peut les unir.

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– Elle est présentée par Créon comme la figure de l’orgueil (hybris) : « l’orgueil sied mal à qui dépend du bon plaisir d’autrui. », il insiste sur le fait qu’elle n’agisse pas comme une femme devrait le faire : « c’est elle qui serait l’homme si je la laissais triompher impunément », indiquant par là même qu’Antigone désobéit à la condition féminine, qu’elle agit, poussée par son orgueil, comme seul un homme aurait le droit de le faire. De plus, elle se place au-dessus du jugement de Créon : à l’accusation de ne pas agir comme tout sujet du roi le devrait « Ne rougis-tu pas de t’écarter du sentiment commun ? », elle en appelle à ce qui dépasse la condition humaine : les devoirs dus aux morts « II n’y a point de honte à honorer ceux de notre sang », formule impersonnelle qui rappelle que ces devoirs n’appartiennent pas à la volonté de l’individu mais au devoir de l’humanité.
➜ Antigone apparaît ici comme une héroïne déterminée, qui n’agit pas en son nom propre mais en celui du devoir des vivants pour les morts. 

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chez Anouilh
– l’Antigone d’Anouilh est bien différente : elle exprime fortement son mépris pour Créon. Malgré sa fonction de roi, elle n’hésite pas à le comparer à un chien, comparaison qui revient deux fois dans ses propos : premièrement adressé à Créon seul « tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os. » puis à tous ceux qui pensent comme Créon : « On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent ». D’autre part, le tutoiement, ici, semble aller de pair avec le manque de considération: il s’ajoute à cette expression du mépris.
– Le ton employé par la jeune héroïne est lui aussi bien différent : si l’héroïne de Sophocle s’exprimait avec solennité, la jeune héroïne d’Anouilh se caractérise par l’exigence affirmée:
– occurrences du pronom personnel 1ère personne sous sa forme tonique : “moi, je…”
– verbes de volonté : nombreuses occurrences “je veux”
– adverbe : “oui”
– enfin l’Antigone d’Anouilh montre sa révolte contre une conception de la vie qu’elle ne partage pas. Son discours est ponctué d’exclamations 

b) Créon 

chez Sophocle : le langage de Créon est soutenu en accord avec son statut de roi
– il utilise un lexique imagé : des métaphores et comparaison pour définir l’orgueil. Ainsi utilise-t-il l’image du « fer massif » pour le désigner et montrer sa fragilité « si tu le durcis au feu, tu le vois presque toujours éclater et se rompre », puis celle des « chevaux rétifs » qu’il est toujours possible de dresser malgré leur volonté. Images qui définissent aussi bien entendu Antigone, rétive à l’ordre établi, que son oncle compte faire plier

– la longueur des répliques met en évidence son statut : il a le pouvoir, donc aussi celui de la parole. On peut constater cependant qu’au fil du dialogue, les répliques de Créon sont de plus en plus courtes : à la détermination de la jeune fille, il ne peut rien opposer.
le ton est catégorique : impératif : « apprends », subjonctif à valeur d’impératif « qu’on l’appelle », utilisation du présent de vérité générale dans des phrases qui ressemblent à des maximes « l’orgueil sied mal à qui dépend du bon plaisir d’autrui », rappel de la situation d’infériorité d’Antigone qui « dépend du bon plaisir d’autrui », c’est-à-dire de lui-même, qui « s’est mise au-dessus de la loi ». L’emploi de la première personne du singulier souligne son pouvoir décisionnel : « j’accuse », « je déteste » 

chez Anouilh :

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– Créon n’a rien du roi tel qu’on se le représente : il utilise un registre de langue familier « imbécile », « commence, commence, comme ton père ! »
– il est en position inférieure : on peut remarquer la brièveté de ses répliques. D’autre part, il n’oppose aucun argument à Antigone ne faisant que rebondir sur le mot employé par la jeune fille « le tien et le mien », ou répétant le même ordre au début et à la fin de l’échange : « Te tairas-tu », « tais-toi », preuve qu’il n’arrive pas à imposer le silence.
➜ chez Sophocle : les personnages sont en accord avec leur rang ; le schéma tragique est respecté : la transgression entraîne la mort et son acceptation ; le débat est de haute teneur : bien de la cité contre les lois divines et intemporelles
➜ chez Anouilh : le statut des personnages ne renvoie pas à la représentation commune : familiarité du vocabulaire ; d’autre part, le conflit n’est plus entre lois humaines et lois divines mais porte sur conflit sur le sens de la vie 

II – La différence de traitement de la scène
a) Sophocle

C’est une scène de tragédie antique
– où les personnages ont un destin extraordinaire : Antigone va vers la mort sans émotion, acceptant son destin. Créon, roi de Thèbes, fait passer son rôle avant les liens familiaux : « Elle est ma nièce, mais me touchât-elle par le sang de plus près que tous les miens, ni elle ni sa sœur n’échapperont au châtiment capital », obéissant ainsi à son propre destin : il sera celui qui a mis à mort sa propre nièce. 

– on peut souligner la hauteur du dialogue : les sentiments des personnages, leurs préoccupations individuelles n’apparaissent pas. Le débat porte sur le rôle que doit tenir chacun selon sa conception du devoir. 
-Enfin, les références aux lois, à la cité l’emportent sur le particulier. Il s’agit moins de motivations individuelles que des règles du bon fonctionnement de la cité. Si Créon joue son rôle et fait mourir Antigone, ce n’est pas sur le fait que cette décision la concerne qu’Antigone s’oppose à lui, c’est parce qu’il outrepasse ses droits, devient un « tyran » pour elle comme pour tous. Antigone devient alors le porte-parole de tous comme elle le souligne elle-même : « Tous ceux qui m’entendent oseraient m’approuver, si la crainte ne leur fermait la bouche. Car la tyrannie, entre autres privilèges, peut faire et dire ce qu’il lui plaît. », et elle le précise encore quand elle désigne le chœur, représentant le peuple : « Ils pensent comme moi, mais ils se mordent les lèvres » 

b) Anouilh 

C’est une scène de conflit au langage actualisé : le lexique est familier, renverrait plutôt à un conflit d’ordre familial et non entre deux conceptions du pouvoir. L’oncle et la nièce parlent le même langage, comme dans la vie ordinaire. En cela, Anouilh s’échappe des règles communément admises pour la tragédie.
– le personnage de Créon est vidé de sa substance : c’est seulement un homme en colère qui ne comprend pas les exigences de son adolescente de nièce. Dans cette scène, il n’a aucun pouvoir, même pas celui de la parole. – quant à Antigone, ses motivations semblent complexes. Dans ce passage, il n’est pas question du devoir qu’elle s’est fixée : désobéir aux lois humaines, celles de Créon, pour obéir aux lois intemporelles et universelles, celles de donner des funérailles dignes à tout être humain. Elle apparaît ici comme une jeune fille qui défend son idéal, qui lutte pour un absolu qui ne concerne qu’elle. 

c) cependant l’une et l’autre sont des scènes tragiques 

– la présence de la mort intervient dans les deux passages : le destin des deux jeunes filles est de mourir, elles le savent et l’acceptent même si elles agissent et s’expriment de manière différente.
– dans l’un et l’autre extrait, on constate le courage des héroïnes : rien ne les fera reculer : l’Antigone de Sophocle parce qu’elle est consciente d’agir non pas pour elle mais pour le respect des lois divines et l’Antigone d’Anouilh, parce que son exigence d’absolu ne peut accepter la vie terne, commune qu’on lui propose. 

l’acceptation de la mort des deux jeunes filles en fait des héroïnes : l’une et l’autre choisissent la mort consciemment, en accord avec elles-mêmes et leurs exigences. 

Conclusion 

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– deux scènes de conflit, de confrontation ; même enjeu : l’autorité représentée par la personne du roi Créon face à l’exigence d’une jeune fille prête à tout pour la réaliser.
– mais si les personnages sont les mêmes, Créon et Antigone, les auteurs les font agir et parler différemment : leur personnalité varie sensiblement – de même, la scène de confrontation est traitée différemment : chez Sophocle, on assiste à un conflit tragique où les lois de la cité sont en conflit avec les lois divines ; chez Anouilh, les motivations des personnages semblent plus communes, plus proche du commun des mortels.
– par la réécriture de la pièce de Sophocle, le texte-source, Anouilh adapte le mythe à son époque : Antigone fut jouée pendant l’occupation et la jeune fille peut représenter le refus d’une quelconque compromission. Par cela, les auteurs qui reprennent un mythe le réactualisent, mettent en évidence ce qu’il a d’intemporel : ici, l’individu contre l’État, contre un pouvoir arbitraire et lui redonne force et actualité. 

 

25. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Un résumé très résumé d’Antigone d’Anouilh · Catégories: Première · Tags:

Tragédie en prose , en un acte. 

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l’auteur 

Le personnage baptisé le Prologue présente les différents protagonistes et résume la légende de Thèbes ( Anouilh reprend cette tradition grecque qui consiste à confier à un personnage particulier un monologue permettant aux spectateurs de se rafraîchir la mémoire. Le Prologue replace la pièce dans son contexte mythique). Toute la troupe des comédiens est en scène. Si certains personnages semblent ignorer le drame qui se noue, d’autres songent déjà au désastre annoncé. Antigone est présentée de manière plutôt péjorative comme une petit fille noiraude maigre est frêle; En face d’elle, le roi Créon est décrit comme robuste et travailleur. Il n’hésite pas à se retrousser les manches  

 

Antigone rentre chez elle , à l’aube, après une sortie nocturne. Elle est surprise par sa nourrice qui lui adresse des reproches. L’héroïne doit affronter les questions de sa nounou. Le dialogue donne lieu à un quiproquo . La nourrice prodigue des conseils domestiques ( ” il va falloir te laver les pieds avant de te remettre au lit”) tandis qu’Antigone évoque son escapade avec beaucoup de mystère ( ” oui j’avais un rendez-vous”) . Mais elle n’en dira pas plus.

La nourrice sort et Ismène, la sœur d’Antigone, dissuade cette dernière d’enfreindre l’ordre de Créon et d’ensevelir le corps de Polynice. Ismène exhorte sa sœur à la prudence (“Il est plus fort que nous, Antigone, il est le roi”) . Antigone refuse ces conseils de sagesse . Elle n’entend pas devenir raisonnable.

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La découverte du corps “honoré”

Antigone se retrouve à nouveau seule avec sa nourrice. Elle cherche à surmonter ses doutes et demande à sa nourrice de la rassurer. Elle tient aussi des propos ambigus pour ceux ( et c’est le cas de la nourrice) qui ne connaissent pas son dessein . Elle semble décidée à mourir et évoque sa disparition à mots couverts ” Si, moi , pour une raison ou pour une autre, je ne pouvais plus lui parler…”.

Antigone souhaite également s’expliquer avec son fiancé Hémon. Elle lui demande de le pardonner pour leur dispute de la veille. Les deux amoureux rêvent alors d’un bonheur improbable. Sûre d’être aimée , Antigone est rassurée. Elle demande cependant à Hémon de garder le silence et lui annonce qu’elle ne pourra jamais l’épouser. Là encore , la scène prête au quiproquo : le spectateur comprend qu’Antigone pense à sa mort prochaine, tandis qu’Hémon , qui lui n’a pas percé le dessein d’Antigone, est attristé de ce qu’il prend pour un refus. 

Ismène revient en scène et conjure sa sœur de renoncer à son projet. Elle affirme même que Polynice, le “frère banni”, n’aimait pas cette sœur qui aujourd’hui, est prête à se sacrifier pour lui et à lui donner sa vie alors même qu’il est mort.

Antigone avoue alors avec un sentiment de triomphe, qu’il est trop tard, car elle a déjà , dans la nuit, bravé l’ordre de Créon et accompli son geste ” C’est trop tard. Ce matin , quand tu m’as rencontrée , j’en venais.”

Jonas, un des gardes chargés de surveiller le corps de Polynice, vient révéler à Créon, qu’on a transgressé ses ordres et recouvert le corps de terre. Le roi veut d’abord croire à un complot dirigé contre lui et fait prendre des mesures pour renforcer la surveillance du corps de Polynice. Il semble également vouloir garder le secret sur cet incident : ” Va vite. Si personne ne sait, tu vivras.”

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Le chœur s’adresse directement au public et vient clore la première partie de la pièce. Il commente les événements en exposant sa conception de la tragédie qu’il oppose au genre littéraire du drame. Le chœur affiche également une certaine ironie et dévoile les secrets du dramaturge : “c’est cela qui est commode dans la tragédie. On donne un petit coup de pouce pour que cela démarre… C’est tout. Après on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul.”

Antigone est traînée sur scène par les gardes qui l’ont trouvée près du cadavre de son frère. Ils ne veulent pas croire qu’elle est la nièce du roi , et  ils la traitent avec brutalité. Ils se réjouissent de cette capture et des récompenses et distinctions qu’elle leur vaudra.

Créon les rejoint. Les gardes font leur rapport . Le roi ne veut pas les croire. Il interroge sa nièce qui avoue aussitôt. Il fait alors mettre les gardes au secret, avant que le scandale ne s’ébruite.

Créon et Antigone restent seuls sur scène. C’est la grande confrontation entre le roi et Antigone. Le roi souhaite étouffer le scandale et ramener la jeune fille à la raison. Dans un premier temps , Antigone affronte Créon qui tente de la dominer de son autorité.

Les deux protagonistes dévoilent leur personnalité et leurs motivations inconciliables. Créon justifie les obligations liées à son rôle d’homme d’état . Antigone semble sourde à ses arguments : (Créon : Est ce que tu le comprends cela ? Antigone : ” Je ne veux pas le comprendre.”) . A court d’arguments Créon révèle les véritables visages de Polynice et d’Etéocle et les raisons de leur ignoble conflit. Cet éclairage révolte Antigone qui semble prête à renoncer et à se soumettre. Mais c’est en lui promettant un bonheur ordinaire avec Hémon, que Créon ravive  son amour-propre  et provoque chez elle un ultime sursaut. Elle rejette ce futur fade et se rebelle à nouveau. Elle choisit une nouvelle fois la révolte et la mort.

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Ismène , la sœur d’Antigone entre en scène alors que cette dernière s’apprêtait à sortir et à se dénoncer publiquement , ce qui aurait obligé le roi à l’emprisonner. Ismène se range aux côtés d’Antigone et est prête à mettre elle aussi sa vie en jeu. Mais Antigone refuse , prétextant qu’il est trop facile de jouer les héroïnes maintenant que les dés ont été jetés. Créon appelle la garde , Antigone clôt la scène en appelant la mort de ses cris et en avouant son soulagement ( Enfin Créon !)

Le chœur entre en scène. Les personnages semblent avoir perdu la raison, ils se bousculent. Le chœur essaye d’intercéder en faveur d’Antigone et tente de convaincre Créon d’empêcher la condamnation à mort d’Antigone. Mais le roi refuse , prétextant qu’Antigone a choisi elle-même son destin, et qu’il ne peut la forcer à vivre malgré elle.

Hémon vient lui aussi, ivre de douleur, supplier son père d’épargner Antigone, puis il s’enfuit. 

Antigone reste seule avec un garde. Elle rencontre là le “dernier visage d’homme”. Il se révèle bien mesquin, et ne sait parler que de grade et de promotion. Il est incapable d’offrir le moindre réconfort à Antigone. Cette scène contraste, par son calme, avec le violent tumulte des scènes précédentes. Apprenant qu’elle va être enterrée vivante, éprouvant de profonds doutes ( ” Et Créon avait raison, c’est terrible maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs.” , Antigone souhaite dicter au garde une lettre pour Hémon dans laquelle elle exprime ses dernières pensées. Puis elle se reprend et corrige ce dernier message ( “Il vaut mieux que jamais personne ne sache”). C’est la dernière apparition d’Antigone.

Le messager entre en scène et annonce à Créon et au public la mort d’Antigone et la mort de son fils Hémon. Tous les efforts de Créon pour le sauver ont été vains. C’est alors le chœur qui annonce le suicide d’Eurydice, la femme de Créon : elle n’a pas supporté la mort de ce fils qu’elle aimait tant. Créon garde un calme étonnant . Il indique son désir de poursuivre ” la sale besogne ” et sort en compagnie de son page.

 Le chœur entre en scène et s’adresse au public : Il constate avec une certaine ironie la mort de nombreux personnages de cette tragédie : “Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris.”  . Il ne reste plus que Créon dans son palais vide . Les gardes , eux continuent de jouer aux cartes , comme ils l’avaient fait lors du Prologue. Ils semblent les seuls épargnés par la tragédie. 

25. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Sophocle et le personnage d’Antigone : retour sur la tragédie grecque · Catégories: Première · Tags: ,
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Sophocle 

 Sophocle  est l’un des trois grands poètes tragiques grecs, avec Eschyle et Euripide.Ils écrivent tous trois de nombreuses pièces dont seules quelques unes sont parvenues jusqu’à nous. 
La structure de la tragédie grecque : Elle repose sur une alternance des parties parlées (épisodes) et des parties chantées (station) et comporte un choeur présent sur scène ainsi qu’un coryphée. 

 

  • –  le prologue est la présentation : il correspond à l’exposition de la situation. Antigone révèle à Ismène sa décision de rendre les derniers hommages à Polynice.
  • –  Parodos ou entrée solennelle du chœur : avec alternance de parties chantées et de parties parlées. 
  • –  Premier épisode : entrée de Créon qui marque la fin du prologue et le début de l’action (l’épisode correspond à l’acte des tragédies classiques). Arrivée du garde qui révèle que quelqu’un a eu l’audace de répandre une poussière sur Polynice. Créon est en colère. Sortie du garde.
  • –  Premier stasimon : intermède musical chanté par le chœur seul en scène.  
  • –  Deuxième épisode : entre le garde poussant Antigone. Il révèle à Créon que c’est elle qui a recouvert le corps de Polynice. Violent échange entre Créon et Antigone. Antigone refuse de céder devant la loi de la cité. Entre Ismène qui veut partager le sort d’Antigone, c’est-à-dire la mort. Refus d’Antigone. 
  • –  Deuxième stasimon : évocation par le chœur des malheurs des Labdacides. Le chœur classe Antigone et Créon dans la même situation comme s’ils avaient été frappés de folie par Zeus. 
  • –  Troisième épisode: Hémon s’oppose à son père Créon et affirme son soutien à Antigone. 
  • –  Troisième stasimon : le chœur chante l’amour. 
  • –  Quatrième épisode : c’est le kommos d’Antigone. Ce sont les adieux au soleil et au monde de celle qui va être enterrée vivante. Le kommos est un chant plaintif et Antigone se remémore ce qu’elle fut et ce qu’est son destin. 
  • –  Quatième stasimon : le chœur évoque des épisodes mythologiques terribles. 
  • –  Cinquième épisode : entre Tirésias, le devin qui s’adresse à Créon. Il lui dit que tous les signes sont de mauvais augure pour lui. Créon est furieux mais effrayé et persuadé par le coryphée, il court délivrer Antigone de son cachot. 
  • –  Cinquième stasimon : le chœur invoque Dionysos.
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– Exodos ou dénouement. Le messager vient rendre compte des malheurs. Hémon est mort, il s’est transpercé d’une épée. Antigone s’est pendue. Et Eurydice, épouse de Créon et mère d’Hémon, qui a tout entendu se donne la mort. Créon revient, portant Hémon dans ses bras, frappé par le destin. 
La tragédie sophocléenne expose une action où fatalité et volonté constituent les deux ressorts principaux, de sens contraire et où toute l’intensité dramatique repose sur la volonté inébranlable du protagoniste. Celui-ci, enfermé dans une situation où seul le compromis permettrait la survie, mène un double combat en s’opposant à l’autorité (incarnée par le roi, les chefs ou les dieux), mais également aux instances de ses proches : ainsi Antigone s’expose à la mort (et la subit) pour accorder les rites funéraires à son frère Polynice tué sur le champ de bataille, défiant ainsi l’autorité de Créon, maître de Thèbes, et n’écoutant pas les conseils de sa sœur Ismène.  

La mise en scène est bien comme le disait Vitez « l’art de l’interprétation ». En ce sens toute mise en scène est une « adaptation » de l’œuvre, dans la mesure où elle en est une interprétation. Le metteur en scène doit donc se poser un certain nombre de questions incontournables et y répondre en termes de choix. 

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 Le théâtre sophocléen met ainsi en jeu l’essence de la condition humaine certes mais aussi l’essence du politique. L’argument est connu et pourtant il fascine et interroge toujours autant. Autant de questions qui brûlent nos lèvres à la lecture de cette œuvre : pourquoi cette marche à la mort inexorable d’Antigone ? Pourquoi Créon, roi fraîchement couronné, déclare-t-il la guerre à un mort ? ) 

Antigone est l’une des héroïnes les plus problématiques, les plus sereinement violentes du répertoire. Vingt-cinq siècles plus tard, elle se révèle toujours aussi fascinante dans ses contradictions, son énergie adolescente et son attirance pour la mort. Elle se dresse avec une pureté nouvelle, inspirant terreur et pitié et son arme la plus acérée est l’« insolence sublime » qu’admirait tant Hölderlin. Elle nous semble presque inhumaine dans son entêtement à ne s’intéresser qu’aux dieux de l’Hadès, à refuser de vivre. 

La figure d’Antigone n’a cessé de susciter nombre de problématiques : les figures de la révolte, du sacrifice, de la charité… Antigone n’est pas loin de devenir le porte-parole de ce que l’on veut lui faire dire (…). Ainsi, Antigone en tant que mythe semble avoir pris le pas sur le personnage de la pièce et c’est actuellement cette lecture mythologique qui prévaut . Toutefois Antigone n’est pas l’unique figure de la pièce, elle ne prend véritablement corps qu’en présence de son principal opposant, Créon. On ne peut assurément pas isoler Antigone de Créon : ce sont deux figures qui s’opposent et s’éclairent l’une l’autre, deux façons différentes d’appréhender le monde. 

C’est la volonté d’hybris de Créon qui bouleverse l’ordre naturel des choses qui est à l’origine de la tragédie. Il transgresse en refusant d’enterrer Polynice car il refuse d’honorer les Dieux. Mais Antigone aussi bouleverse l’ordre : elle ne vit que pour les morts en ignorant les vivants. Tout comme Créon elle bouleverse l’ordre des choses. Malgré son rôle apparemment secondaire, Créon n’est pas un faire-valoir d’Antigone ; mais un tyran au fort caractère : il existe une véritable dualité entre lui et Antigone, tous deux, dans leur obstination, leur solitude et leur certitude sont de purs héros sophocléens. 

 Antigone et Créon sont tous les deux dans l’hybris, la démesure. Aucun d’eux ne saisit les limites du droit qu’il prétend défendre. Il faut percevoir cette symétrie profonde entre les deux protagonistes, qui seule permet de continuer à lire Antigone comme une tragédie et non comme un drame qui adopterait exclusivement le point de vue de l’héroïne. 

Monter Antigone, c’est oser questionner un texte qui nous parle de la relation entre les vivants et les morts, des liens du sang et de la présence des Dieux, qui explore la part d’ombre qui est en nous. 

 

12. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Le poète selon Victor Hugo · Catégories: Première
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Hugo à 40 ans ..

Hugo ne fut pas seulement poète : romancier avec des romans réalistes  comme Les Misérables , dramaturge avec Ruy Blas ou Lucrèce Borgia  : on lui doit l’invention du drame romantique en 1827;  Il a été  également considéré comme le chef de file de ce mouvement romantique qui apparaît en France vers 1820. Poète lyrique qui célèbre la Nature et les saisons , poète engagé contre Napoléon III avec son recueil qui lui coûtera l’exil : Les Châtiments: il écrira également des poèmes épiques . En 1840, dans Les Rayons et les Ombres, il s’efforce de préciser quelles sont, selon lui, les fonctions d’un poète . Doit-il être un artiste détaché des contingent,ces matérielles  ou au contraire un homme de combat? Doit -il chanter les beautés du monde ou faire naître la révolte ? Tout dépend , en fait du contexte dans lequel s’inscrit l ‘oeuvre;: Voyons d’un peu plus près comment Hugo définit le poète idéal …

La première strophe donne le modèle des 5 autres ; ce sont des dizains d’octosyllabes aux rimes soit croisées, soit plates soit embrassées. Une versification classique mais un rythme bouleversé par l’usage des enjambements pour apporter une touche d’originalité à la prosodie; D’emblée , la première strophe dépeint une situation catastrophique:le champ lexical du malheur est fortement présent avec “temps contraires ” v 1 “malheur” deux fois en anaphore vers 3 et 5 , haine , scandale et le verbe tourmentent qui garde à cette époque un sens très fort de “faire  énormément souffrir,” presque torturer. Le poète doit donc affronter une situation marquée par le malheur et du coup, son rôle va changer ; Hugo pense, une effet, que lorsque le pays souffre, le poète ne peut se contenter d’être un simple chanteur , spectateur des malheurs de sa patrie: il doit donner toute sa mesure et devenir un penseur à part entière. On voit donc ici que l’engagement du poète est , selon Hugo, nécessaire, particulièrement en temps de crise.

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La deuxième strophe précise la nature de la mission du poète grâce à des séries d‘antithèses : en des jours impies, il apporte des jours meilleurs ; le poète semble résolument porteur d'espoirs; le mot utopie désigne habituellement quelque chose qui ne se réalise pas, qui est plutôt de l’ordre du rêve; Or ici, le poète est associé au vers 13 à cet espoir naissant comme l’indique le complément de nom qui le définit: il est l’homme des utopies “; Nous retrouvons l’idée d’un apport de lumière avec l’image de la torche enflammée au vers 19 qui va servir à faire flamboyer l’avenir; La connotation  ici du verbe flamboyer est clairement méliorative : on pense notamment au flamboiement de l’automne ou d’une chevelure; Il ne s’agit pas d’un feu dévastateur mais d’une flamme éclairante et réconfortante. Au vers 13, nous retrouvons l’idée que le poète appartient à la fois au monde terrestre et au monde céleste; en effet, il  a bien les pieds sur terre et se doit d’être un homme d’actions, pas un simple contemplatif; mais il lève les yeux au ciel et voit ainsi plus loin que la plupart des hommes ; on retrouve encore dans l’imagerie romantique l’idée d’un lien entre le céleste et l’artiste; Son pouvoir est marqué par l’image de la main  comme celle de Dieu dans laquelle tout tient; Hugo utilise les références au corps humain pour définir la nature du poète: il domine les autres hommes car sa tête est au-dessus des autres : ce qui lui permet d’avoir une meilleure vue notamment sur l’avenir . Rimbaud développera encore davantage cette idée de regard qui porte plus loin avec l’image du poète Voyant. Le mot prophète au vers 15 fait référence à la dimension sacrée du poète considéré par certains hommes comme un envoyé des dieux et celui qui apporte la bonne nouvelle, un message d’espoir et de délivrance pour les peuples opprimés. Le vers 18 fait mention de la position du poète au sein de la société : objet d’admiration il peut parfois être complimenté pour son talent et ce qu’il dit ; mais ses idées peuvent également ne pas être acceptées et il est alors marginalisé, critiqué par les autres hommes d’où la construction binaire de la phrase qui présente une alternative : qu’on l’insulte ou qu’on le loue .

La troisième strophe met en évidence ses différents pouvoirs et s’ouvre sur le verbe voir qui définit ses capacités visionnaires ; le poète selon Hugo est capable d’entrevoir l’avenir et ainsi de conseiller les peuples ; Le verbe végéter qui s’emploie au sens propre pour des plantes dont la croissance est ralentie ou rendue difficile par la mauvaise terre ou l’absence de lumière, nous ramène aux malheurs des temps présents qu’évoquait Hugo dans la première strophe; le poète est ainsi celui qui ramène l’espoir grâce à ses rêves ; il entrevoit , à la manière d’un voyant , des bribes d’avenir grâce aux contacts qu’il peut créer avec les esprits ; ce sont ,en effet, les ombres des choses qui seront un jour qui peuplent ses rêves ; cette idée de communication possible entre les esprits de différentes époques était familière à Hugo qui pratiquait avec ses amis le spiritisme : réunis autour d’une table sur laquelle ils apposaient leurs mains , ils convoquaient les âmes des défunts qui leur transmettaient parfois des messages “codés “.  Les insultes qui pleuvaient sur le poète au vers 18 prennent au vers 25 la forme de railleries c’est à dire de moqueries méchantes ;  La connotation est ainsi nettement péjorative. Cependant  le poète n’en tient pas compte; La construction du vers 25 en trois temps montre sa détermination: On le raille; Qu’importe; Il pense . Penser apparaît alors comme un acte fort, un acte de résistance face à l’opinion publique; Le poète est souvent seul contre tous lorsqu’il évoque l’avenir. Son âme s’oppose aux opinions de la foule présentée ici comme un ensemble de faux sages; Le poète pour Hugo se range toujours du côté de la Vérité et doit ainsi combattre les mensonges et les faux -semblants. Il garde néanmoins de l'amour et de la compassion pour ceux qui ne l'écoutent pas : il les plaint et leur garde son amour  .

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La strophe 4 début sur une apostrophe : le poète s’adresse directement aux peuples et leur lance un appel sous forme d‘impératif qui prend ici plutôt la valeur d’une prière ; cet appel insistant est repris au vers suivant en position forte : à l'attaque du vers.  La périphrase “rêveur sacré” associée au contraste entre l’ombre et la lumière redéfinit les liens entre le poète et la divinité; choisi par Dieu pour être son interprète et son envoyé terrestre, le poète se pare ainsi de différents attributs plus ou moins divins; son front, à la manière des saints, devient éclairé par la lumière qui émane de dieu et le contact se crée également par la voix: en effet, au vers 39 Hugo mentionne les contacts entre le poète et l’esprit divin sous la forme de chuchotements : “Dieu parle à voix basse à son âme ” ; ce lien spirituel donne de la force au poète et des pouvoirs; Il lui permet notamment d’éclairer les zones d’ombre ; Ce contraste entre l‘ombre et la lumière symbolise à toutes les époques  la lutte entre le Bien et le Mal, l’ignorance et la connaissance, ce qui est mauvais et ce qui est bon. Le poète se range toujours du côté de la lumière et son pouvoir le rend unique : lui seul est repris à l’anaphore des vers 34 et 36 et au vers 33, Hugo précise que sans lui , le peuple serait dans une nuit complète; Il réaffirme ici que la société a besoin des poètes : ils lui sont vraiment utiles grâce à leurs capacités visionnaires et leur faculté de dire la Vérité. Le poète est un homme différent des autres et il possède notamment une douceur qui le rapproche du monde féminin : cette idée est présentée sous la forme d’un paradoxe au vers 38 : “Homme ,il est doux comme une femme. ” 

La strophe 5 fait du poète une sort d’image du Christ: comme lui, il est fils de Dieu et comme lui il souffre pour sauver les hommes ; le poète se peint comme une victime de la société et décrit ses souffrances sous la forme d’une énumération : épines, envie et dérision . On retrouve ainsi l’idée qu’il est la cible des moqueries de la foule qui ne le comprend pas ; Les épines font référence à la couronne d’épines dont on avait recouvert le front du Christ pour se moquer de lui et on l’avait affublé du titre de roi des juifs ; L’image du poète en Christ est un topos (cliché )  du romantisme : en effet, les poètes de cette époque ont recours à de nombreuses références religieuses pour dépeindre leur rejet  . Aux vers 43 à 45 apparaît l’image du poète en moissonneur : tel le paysan qui  se penche pour récolter le blé ou ensemencer la terre , il apparait courbé; là encore il s'agit d'un cliché du romantisme qui se fonde sur la métaphore de la culture. Le poète fait naître l'avenir grâce au passé: cette idée est reprise sous différentes formes à l'intérieur du poème; d'abord sous la forme de la fécondation au vers 44 et 45 ; en se servant de la tradition ; c’est à dire de ce qui nous vient du passé, le poète est capable de devenir un trait d’union entre les époques et il n’est pas en rupture avec le passé, il ne lui tourne pas le dos dans un désir de modernité; au contraire, il utilise le passé pour qu’il serve de support à l’avenir; le verbe féconder qui s’emploie également pour tous les êtres vivants ainsi que pour les végétaux  signifie faire naitre la vie : il est associé à des connotations laudatives ( = positives = mélioratives ) ; La même idée d’un lien entre les époques est développée à travers la métaphore de l’arbre : le passé constitue nos racines et le feuillage l’avenir; Hugo refuse ainsi d’apparaître comme un révolutionnaire qui tournerait le dos au passé ; il se pose davantage en continuateur d’une certaine tradition qu’il entend juste moderniser .Poésie de continuité et non pas poésie de rupture : Hugo tente ici de rassurer ceux qui ne verraient en lui qu’un “révolutionnaire ” . Sur le plan de l’ oeuvre poétique, il se montre moins attaché au renouvellement formel que sur scène par exemple avec sa pratique du drame romantique et du mélange des genres . 

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La dernière strophe figure l’apothéose du poète rayonnant de lumière. Le verbe rayonner indique l’intensité de la lumière qui émane de lui et qui irradie son entourage ; Hugo associe la lumière de la flamme, qui est aussi classiquement la métaphore du sentiment amoureux , à la notion de Vérité;  Le poète est comparé à une sorte de vainqueur dans son habit de lumière ; Les hyperboles des vers 54 et 55 : “merveilleuse clarté”inonde de sa lumière ” traduisent bien les pouvoirs du poète; Ces derniers s’étendent partout comme le montre le double parallélisme : “ville et désert, Louvre et chaumière “ ; Ces deux derniers mots désignent la demeure des rois et celle des paysans; Le poète n'est pas seulement un homme de cour qui vit et agit parmi les grands, et uniquement au service des Puissants, c'est également un artiste qui se préoccupe des petites gens, de ceux que Hugo nomme le Peuple . L’idée d’un poète qui prête sa voix et fait entendre la parole des plus démunis fera son chemin au siècle suivant et on la retrouvera avec certains surréalistes comme René Daumal. Elle  se traduira par la notion d’engagement mais ici un engagement pour la cause des plus démunis dans cette société inégalitaire du dix-neuvième siècle.  Ainsi le poète est partout et son pouvoir paraît illimité ; le pluriel du vers 57 les plaines et les hauteurs  a pour effet d’accroître la dimension “extraordinaire ” du poète qui se transforme en une sorte de Dieu qui règne sur le monde; D’ailleurs il est placé en haut (vers 57) d’où il peut surplomber l’humanité , comme une divinité; La dernière image du quatrain assimile la poésie à l’étoile du berger; On retrouve ici l’idée de quelque chose qui brûle, un astre lumineux, placé dans le ciel à la manière d’un être divin et qui sert de guide aux bergers; Grâce à cette image, le poète parvient à unir les trois dimensions du pouvoir poétique : une force divine associée à un guide pour le peuple et quelque chose d’utile . Il rappelle enfin que la poésie  est faite pour tous , pour les rois comme pour les pasteurs; Les connotations du mot pasteurs rappellent  le contexte sacré car dans la Bible l’étoile guide les rois mages vers le Christ et Dieu a choisi de simples bergers pour entourer Jésus; On retrouve ainsi en filigrane l’image du poète associé au chemin qui mène vers le Christ. Pour les romantiques,le poète incompris figure très souvent en Christ pour traduire les souffrances qu’il peut endurer et son désir de sauver les hommes. 

Voilà une lecture expliquée de ce poème mais elle ne constitue pas un commentaire littéraire; Pour l’oral du bac, vous devrez y ajouter

  • une introduction qui rappellera la problématique (il est d’ailleurs d’usage de  la lire  sous cette forme …Pour répondre à la question que vous m’avez posée, nous allons tout d’abord voir comment Hugo montre que le poète est un être atemporel ; nous verrons ensuite que l’auteur assimile le poète à un être divin et ensuite nous montrerons la nécessité pour le poète de servir les hommes et qu’il risque d’en souffrir. 
  • vous rangerez vos remarques et interprétations à l’intérieur d’un plan détaillé
  • une conclusion qui ouvrir sur le thème et qui mentionnera d’autres textes du corpus ou d’autres oeuvres 

Rappel du plan vu en cours qu’il est important de bien mémoriser …

I  Poète à 3 dimensions : relie passé présent et futur 

1/ passé qui sert à construire l’avenir

2/ présent temps de malheurs 

​​​​​​​3/ poète prépare des jours meilleurs 

II Poète être sacré 

1/ sa lumière 

​​​​​​​2/ un rêveur sacré: l’homme des utopies 

3/ un prophète, un guide 

III Poète au service de la Cité toute entière 

​​​​​​​1/ Un homme qui sert 

2/ un penseur utile porteur de la vérité

3/ un homme incompris et qui peut souffrir 

 

Un lien à consulter pour compléter vos notes ou comparer d’autres interprétations ….

Fonction du poète, Victor Hugo : commentaire

18. mai 2017 · Commentaires fermés sur Marianne : une mère éplorée dans Réparer les vivants · Catégories: Première · Tags:
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Le passage à étudier se situe au début du roman p 88 : Marianne , la mère de Simon a reçu un coup de téléphone des pompiers et s’est rendue immédiatement à l’hôpital où Simon vient d’être admis aux urgences dans le coma après un accident de voiture . Le médecin qui la reçoit lui précise que Simon est en état de mort cérébrale et que plus rien ne peut le sauver ; Marianne quitte alors l’hôpital pour attendre le père de Simon auquel elle a laissé plusieurs messages : elle entre, après avoir déambulé dans les rues vides comme une somnambule , un automate, dans un café du Havre ouvert le dimanche; Il est 6 h du matin ; Comment la romancière nous présente-t-elle le personnage de la mère ici ? 

I Un cadre réaliste : à la manière des écrivains réalistes, l’auteure dépeint avec beaucoup de précisions le cadre dans lequel évolue ce personnage car il est en symbiose avec ses pensées;

a) les petit détails vrais: impressions et sensations

le lecteur est frappé par l’obscurité : “c’est sombre à l’intérieur ” et les marques des souvenirs de la nuit ” empreintes de dérives nocturnes ” ; Un petit détail comme “émanations de cendre refroidie ” a pour objectif de rendre ce cadre réaliste et de créer une atmosphère dans laquelle le personnage va évoluer . Ainsi l’auteure détaille l’allure du propriétaire comme s’il s”agissait du point de vue de Marianne, d’un point de vue externe; son om n’est pas précisé ; “un type ” demeure très vague et les détails vestimentaires ajoutent une dimension réaliste : “tignasse froissée du saut du lit ” car il est très tôt ce dimanche matin et Marianne est sans doute la première cliente. Le barman est montré en action; il rince un verre tout en zieutant cette femme qu’il sait déjà avoir vue ici ; on notera ici la concordance des informations qui construisent le caractère réaliste du roman; en effet, marraine avait affirmé qu’elle connaissait ce café ce qui corrobore les propos de l’employé; d’autre part, le verbe zyeuter , issu du registre familier , témoigne de l’utilisation d’un procédé réaliste qui consiste à introduire dans le langage des personnages des mots ou expressions qui renvoient à leur condition sociale; l’originalité ici c’est que le vocabulaire qui constitue la parlure des personnages, leur voix caractéristique, est en fait intégré dans le récit ; ainsi la différence entre le style direct et le style indirect libre ou même le style indirect s’estompe; les changements sont fondus à l’intérieur des phrases .

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Mater Dolorosa

b)le rôle de la musique : à plusieurs reprises, la romancière glisse en italique à l’intérieur de son récit des citations qui sont les paroles d’une chanson d’Alain Bashung ; quatre insertions qui  forment comme un refrain à l’intérieur même du roman : “Voleur d’amphores au fond des criques ” “où subsiste encore ton écho” et  “j’ai fait la saison dans cette boîte crânienne” enfin “dresseur de loulous dynamiteur d’aqueducs” ; cette chanson  mélancolique a pour titre La nuit je mens et raconte l’histoire d’un personnage étrange , un sorte d’aventurier qui aime beaucoup la mer, comme Simon ; le choix des citations peut s’apparenter à une sorte de ligne mélodique qui s’entrecroise avec le récit et fait écho à ce que vit le personnage de Marianne; on peut relever , par exemple  la mention de l’écho comme si  la vie de Simon était encore imprimée en elle ; la troisième citation qui évoque la boîte crânienne peut également nous faire penser à ce qui se passe à l’intérieur du cerveau du personnage de Marianne; Le refrain cette chanson évoque le fait de faire l’amour ou le mort dans uns sorte de jeu de mots ; De plus, la mention, d’une chanson connue dans ce café contribue à rendre elle récit encore plus réaliste . 

 

II Un personnage saisi sous un double regard 

a) les changements de points de vue : ils se fondent à l’intérieur de spharses et nous font passer de l’extérieur à l’intérieur sans que nous y prenions garde. 

Confronté à la douleur extrême, le personnage doit rassembler ses forces mais semble très vite impuissant comme l’atteste l’adjectif employé “une douleur qu’elle est impuissante à contrôler à réduire ” ; le narrateur alors omniscient revient sur le passé du personnage et sur son refus de parler de quelque chose d'”irréversible ” ; cette technique qui consiste pour un romancier à montrer que  le personnage finalement,avait tort, est assez réaliste ; les romanciers aujourd’hui jouent avec leurs personnages et leur ajoutent des morceaux de passé mais qu’ils laissent parfois en suspens : ” peut être qu’elle se met à danser ” précise le narrateur qui refuse ainsi d’endosser le statut traditionnel du narrateur totalement omniscient car il feint de ne pas vraiment savoir ce qu’a fait le personnage de Marianne. Parfois un je apparaît qui est lui aussi fondu dans l’ensemble : ” ça va Miss? Marianne détourne les yeux,je vais ma’sseoir ” On devrait avoir ici des guillemets pour encadrer la parole du barman et celle de Marianne avec entre les deux passages qui devraient être au style direct, une phrase de transition assumée par un point de vue omniscient. 

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La vierge aux 7 douleurs 

La fiction se donne ainsi comme fiction tout en maintenant des liens étroit avec la vraisemblance . Par les plongées successives das la tête des personnages, le lecteur ne sait plus très bien où se situe le narrateur et de quel point de vue est assumée la description. Sans s’adresser directement au lecteur comme ont tendance à le faire certains romanciers, l’écrivaine brouille les repères traditionnels des points de vue et passe de l’un à l’autre très rapidement : ce qui a comme effet de nous faire demeurer très proche des personnages qui ainsi s’apparentent à de vraies personnes . Marianne est ici au centre du récit et elle est utilisée pour décrire la lutte de l’homme pour résister à la tristesse d’avoir perdu un proche; La relation mère/fils  été choisie car elle rend compte de manière particulièrement saisissante les vagues de douleur qui assaillent le personnage. 

Dans ce passage, la douleur de Marianne se traduit de différentes manières : le personnage semble d’abord transformé physiquement 

 b) Gros plan sur Marianne

Marianne est comparée à un chien : elle halète et sa voix est inaudible; la douleur la prive de paroles c’est pourquoi nous suivons ses pensées et pénétrons dans son esprit ; L’auteure montre  également, d’un autre point de vue cette fois, de nombreux petit détails anatomiques : elle déglutit  La romancière emploie des phrases qui contient des infinitifs comme si le personnage se parlait à lui-même ” ne pas fermer les yeux, écouter la chanson ” ; d’ailleurs Marianne tente de réorganiser ses pensées comme le révèlent les connecteurs logiques: “Primo, deuxio, Tertio ; Nous sommes à la fois face à elle et en elle et nous enregistrons sa transformation finale : "le grand miroir piqué au fond de la salle lui renvoie un visage qu'elle ne reconnait pas ,elle détourne la tête " ; Il s'agit bien ici d'un regard porté par un narrateur sur le personnage de Marianne et non plus du point de vue de Marianne ; la douleur la transforme même physiquement mais elle décide de se battre ..

c) le combat contre la douleur 

Pour décrire la douleur qui est une abstraction, les écrivains ont souvent retour à des images qui ont pour but de la rendre davantage concrète; Ici on retrouve des métaphores qui détaillent une attaque ” foncent sur elle par vagues successives” ; Marianne doit donc combattre l'irruption des souvenirs pour ne pas sombrer: elle rassemble sa volonté et fait un effort de contrôle de ses pensées ; 

Les images des attaques de la douleur  évoquent des animaux féroces : “les éloigner à grands coups de latte si possible ” comme on le ferait

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violemment en cas d’agression; la familiarité et la crudité de l’expression “à grands coups de latte ” renforcent la dimension réaliste ; on trouve également l’expression “tenir tout cela à bout de gaffe ” La gaffe est une perche qui sert pour les marins à éloigner les bateaux qui passent trop près d’un rocher ou qui se rapprochent du bord ou qui vont heurter un obstacle en mer. On retrouve cette omniprésence de la mer au sein du roman et ce thème de la douleur qui donnera lieu à d’autre images menaçantes comme celles du serpent dans le bureau du médecin ; L’idée est bien de “créer des leurres, détourner la violence et  faire barrage aux images ” Deux de ces trois expressions pourraient caractériser la lutte contre un cours d’eau menaçant ; Le cliché de la douleur qui déferle ou qui arrive par vagues successives balayant tout sur son pasasge est souvent repris dans le roman. Il est associé à des images plus originales car l’auteure cherche à dégager la chimie de la douleur .

En conclusion ……

 

 

10. mai 2017 · Commentaires fermés sur Le personnage de Marianne dans Réparer les vivants : mater dolorosa · Catégories: Première · Tags:
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Marianne et Sean 

Marianne Limbres est interprétée dans le film par l’actrice française Emmanuelle Seigner qui avoue qu’elle a d’abord refusé le rôle car personne n’a envie d’intrepréter ça, cette douleur de perdre un enfant te de devoir faire le choix de donner ses organes  alors même qu’il paraît encore vivant . Marianne c’est avant tout la mère, figure maternelle qui doit affronter un drame qui vient bouleverser l’ordre des choses : un parent qui enterre son enfant . Comment l’auteure a -t-elle construit ce personnage de mère ? 

La présence maternelle est rappelée dès les premières lignes du roman par la mention de la naissance de Simon, ce moment où son coeur a subitement accéléré sous la pression de l’expulsion du corps maternel . Les trois adolescents subissent également les “sommations maternelles ” pour les tirer du lit ; on retrouve ici l’idée d’une mère qui veille. Marianne fait son apparition dans le récit à l page 47 lors de son arrivée à l’hôpital . L’appel de la gendarmerie a eu lieu vers 11h et le chapitre va alors s’organiser sous la forme d’un retour en arrière . On assiste d’abord à l’arrivée de Marianne paniquée : elle doit se rendre aux urgences et une infirmière lui indique la route à suivre.  La page 48 détaille la réaction de Marianne lorsque le téléphone a sonné ; sa première réaction fut la peur. Notre premier extrait montre le regard de la petite Lou sur sa mère qui “enfile ses vêtements à la hâte” et peu à peu se défigure sous l’effet de la terreur . L’écrivain utilise alors la métaphore filée de l’éboulement pour rendre plus concret cet effondrement intérieur et le passage se termine par la pétrification de Marianne. Après avoir déposé Lou, elle prend sa voiture et au volant, concentre sur le trajet à parcourir, elle ressent peu à peu un changement d’atmosphère; Tout autour d’elle devient menaçant comme si une force de destruction inouïe ( p 52) se préparait. Marianne s’emploie à “conjurer l’intuition qui sédimentaire en elle depuis l’appel téléphonique”  comme si elle ressentait intuitivement la mort de Simon ou du moins, son départ . arrivée sur le parking de l;hoîtal qui est comparé à une forêt immobile, close, Marianne tente de joindre à nouveau le père de Simon. Son parcours jusqu’au service de réanimation lui parait interminable et dès qu’il croies son regard, Pierre Révolu sait qu’elle est la mère de Simon : “regard vrillé, joue mordues de l’intérieur” Marianne  attend la phrase par la quelle le malheur va s’engouffrer et elle voudrait s’enfuir, disparaitre ; Le médecin sait qu’elle sait ( 62) ; L’auteure nous présente cette intuition maternelle comme si les mots n’allaient que confirmer ce qu’elle a déjà compris et ressenti dans sa chair; Marianne est désormais  une statue de pierre .

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Maylis de Kerangal 

Elle n’a pas l’autorisation de voir Simon et les souvenirs de son enfance se mettent à lui revenir en mémoire par bribes : d’abord les maladies infantiles et ensuite un souvenir de séjour en classe de neige; elle quitte l’hôpital toujours sans nouvelles de Sean et se dirige vers un café: elle cherche un lieu pour attendre, un lieu pour épuiser le temps . Dans la rue, l’univers semble transformé sous l’effet de sa douleur : “la catastrophe s’est propagée sur les éléments , les lieux, les choses, un fléau  comme si tout se conformait à ce qui avait eu lieu ce matin .” (87) . Rien ne vient injurier la détresse de Marianne qui avance tel un automate, la démarche mécanique et l’allure floue. Elle se met à prier à voix haute et entre dans un café où elle commande un gin. elle ne se reconnaît pas dans le miroir et tente de faire barrage aux images de Simon qui  se fomcent à tout allure et foncent sur elle par vagues successives .( 89) . Sa douleur fait écho à une chanson d’Alain Bashung qu’on entend ; “Les bouffées mémorielles survenues alors qu’elle évoquait Simon dans le cagibi de révolu ont logé dans sa poitrine une douleur qu’elle est impuissante à contrôler, à réduire. ” L’auteure décrit la chimie de la douleur et ses pleurs au téléphone quand elle entend la voix de Sean : “elle pleure traversée par l’émotion que l’on ressent parfois devant, ce qui, dans  le temps, a survécu d’indemne et déclenche la douleur des impossibles retours en arrière.” (91) 

Les parents unis dans la douleur sont présentés comme des naufragés; Au chevet de leur fils, Marianne a bien du mal à ne pas s’évanouir : “elle chancelle, jambe molles, s’agrippe au lit à roulettes.” (99) A l’annonce par le médecin de l’état de mort cérébrale deSimon, les parents accusent le coup. Marianne pense qu’il peut se réveiller du coma mais révolu affirme que c’est impossible. accablés les parents ne réalisent pas “comme si ces deux-là lentement se dissociaient du reste de l’humanité, migraient vers les confins de la croûte terrestre, quittaient un temps et un territoire pour amorcer une dérive sidérale. ” (108) A la fois coupés d’eux-mêmes et coupés du monde qui les entoure . Marlis de Kerangal observe ici les effet sue la douleur et le fait qu’elle nous retranche du monde réel . 

Sean et Marianne apparaissent comme frappés par un météore noir qui venait de les percuter de plein fouet et ils suivent Thomas Rémige l’infirmier , dans le dédale des couloirs de l’hôpital. Pris dans une onde de choc, ils concentrent dans leur tête à cet instant, la pleine tragédie du monde . (125) A l’annonce de la possibilité du don d’organes, Marianne et Sean sont assomés: “Bouches bées, regard flottant au ras de la table basse, mains qui se tordent, et ce silence qui s’écoule, épais, noir, vertigineux, mélange l’affolement à la confusion. ” ( 127)  Thomas Rémige fait son travail pour tenter d’arracher le consentement des parents mais il est conscient des vagues de douleur que cela provoque sur “leurs visages torchonnés de souffrance”. Marianne pleure mais désormais parle de Simon à l’imparfait ce qui est le signe qu’elle parvient à réaliser sa mort . Thomas pense qu’elle pourrait accepter les prélèvements mais pas le père. 

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Sean et Marianne vont faire un tour en voiture et Sean a alors un accès de violence contre lui-même ; Marianne tente de l’arrêter et sent la folie les menacer ; Ils se sentent responsables d’avoir donné à leur fils ce goût du surf et de ne pas avoir su le protéger . ” Marianne songe, c’est trop, on va crever.” ( 157) Leurs visages finissent par se caresser au bord du fleuve et les mots de Marianne forment une empreinte dans l’air statique. ” ils ne lui feront pas mal, ils ne lui feront aucun mal”  Elle réussit avec ces mots à obtenir le consentement du père pour les dons d’organes. Ils se retrouvent alors une dernière fois autour de Simon , corps contre corps. Au moment de sortir de la chambre, Marianne se retourne une dernière fois vers le lit et ce qui la fige sur place est la solitude qui émane  de Simon, désormais aussi seul qu’un objet , comme s’il était délesté de sa part humaine . ( 175) 

L’auteure montre dans ce roman un lien très fort entre la mère et le fils et une conscience près que physique de la mort de Simon éprouvée dans sa chair avant même que l’idée fasse son chemin dans son esprit.Ce personnage est rendu patéhtqioue car sa conscience est saisie à la fois au moyen d’une narration anonyme et de plongées dans ses pensées souvent sous la forme de bribes de monologues ou même de dialogues;  De retour chez eux , Marianne et Sean récupèrent Lou et doivent ensuite prévenir leurs proches . La mère pense ensuite à Juliette : “que deviendra l’amour de Juliette une fois que le coeur de Simon recommencera de battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce coeur ? “

Au moment où les équipes prélèvent les organes sur le corps de Simon, Marianne imagine le voyage fantastique de ce coeur dans l’espace : il est 23 h 50 et “la douleur la défonce ” : après avoir visualisé l’envol du coeur de son fils dans la nuit polaire, à l manière d’un objet merveilleux, elle trouve enfin le sommeil : “elle ressent un calme profond ” . Le roman se ferme sur le corps de Claire qui reçoit son nouveau coeur et le corps de Simon sera rendu ad integrum à sa famille le lendemain matin . 

02. mai 2017 · Commentaires fermés sur Portraits de mères · Catégories: Première · Tags:
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Folcoche

La question de corpus se proposait d’étudier quatre portraits de mère dans des romans du XX et XXI siècle . Daniel Picouly, Hervé Bazin et Philip Roth ont créé des récits autobiographiques qui relatent des souvenirs d’enfance marquants  centrés autour de la figure maternelle alors que Maylis de Kerangal a construit une fiction qui interroge l’évolution de la figure maternelle à l’annonce de la mort du fils. Il s’agira d’abord de montrer que le point de vue est celui d’un enfant avant de nous interroger sur les pouvoirs de cette figure maternelle.

 

Bazin est celui qui dresse le portrait le plus critique de sa mère surnommée Folcoche, contraction de folle et cochonne. Ce portrait se démarque des autres dans la mesure où il est nettement critique. On ressent de la haine et de souffrance également à travers ce  bilan de la relation entre le fils et sa mère : la comparaison avec la

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vipère d’abord et son venin, mais également le “jus de pieuvre” et les paroles blessantes et dévalorisantes pour ce fils auquel elle prédit un avenir sinistre attestent d’une relation marquée par l’incompréhension et la colère.  Cependant, à l’approche sans doute de la mort de cette dernière, on note une certaine ambivalence du narrateur , devenu adulte avec la mention l 30    “ toi qui as déjà tant souffert pour nous faire souffrir .” Sans accorder le pardon à cette mauvaise mère, il montre quel horrible héritage il a reçu. C’est également une question d’héritage dans l’admiration que voue le narrateur de 5 ans  à sa mère qu’il redoute autant qu’il l’adore mais qui en revanche semble beaucoup moins aimer sa fille qu’elle dévalorise  “cette petite n’est pas un génie” alors qu’elle considère son fils comme un “ Albert Einstein II ” Le petit garçon voue une admiration sans borne à cette figure maternelle qui se caractérise par la toute puissance et l’a conduit , par peur, sur le chemin de l’honnêteté.

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Picouly et de Kerangal ont choisi de montrer deux moments importants où la figure maternelle se transforme sous les yeux de l’enfant : dans le premier cas, le petit garçon découvre une cicatrice sur le dos de son père et la mère surprend ce regard et das le second cas, la petite fille est témoin de la transformation de sa mère sous l’effet du coup de fil qui annonce l’accident mortel de son grand frère. Dans les deux cas,  on vit l’événement à travers les yeux de l’enfant qui remarque, par exemple, que sa mère “enfile ses vêtements à la hâte” ( l 15 )  : la petite a “le regard fixé sur sa mère qui ne la voit pas ” (10 ) et elle est attentive aux changements de son comportement “elle halète comme un chien, gestes précipités et visage tordu ” ( ‘l 11) sous l’effet de la peur . Ensuite, le lecteur , grâce au changement de point de vue, pénétrera dans l’intimité du personnage qui sera alors décrit de l’intérieur.  La m’am de Picouly, elle, a surpris le regard de l’enfant  et elle se “fige comme si elle avait déjà compris ce qui allait se passer ” ; Le narrateur raconte des souvenirs de l’époque où il mesurait un mètre vingt et il avoue son impossibilité de “retrouver le même angle ” pour décrire notamment ce que fut la relation mère / fils.

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Dans les quatre portraits, les mères sont présentées, en partie ,  à travers les yeux des enfants et elles sont dotées de nombreux pouvoirs ; Roth et Bazin sont ceux qui accordent le plus d’importance à la domination de la figure maternelle qu’on pourrait presque qualifier de toute -puissante . Pour le petit garçon de cinq ans, il a l’impression de vivre sous la surveillance constante de sa mère qui peut changer de forme à volonté ou devenir invisible; elle l’accompagne partout et c’est avec humour qu’il raconte qu’elle lui apparaissait déguisée sous les traits de chacun de ses professeurs. Il ne parvient pas à se détacher de la figure maternelle et lui accorde le don d’ubiquité . Bazin reconnait également que Folcoche possède de nombreux pouvoirs ; elle aussi a un don de seconde vue ( l 24 ) par moments et surtout elle a le pouvoir de moduler son avenir car il ne peut se détacher des valeurs qu’elle lui a transmises et de cette haine tenace : “haïr c’est s’affirmer ” écrit -il et on mesure à quel point il est demeuré prisonnier de son éducation. La mère est dotée de pouvoirs quasi divins où on retrouve encore l’ambivalence : “ange ou démon “. En effet, dans la pensée des enfants, leurs mères sont toujours omnipotentes et Picouly choisit l’image de la déesse Shiva dans la religion hindoue , qui possède des dizaines de paires de bras afin d’illustrer ainsi l’efficacité de cette mère de famille très nombreuse. Seule la mère de Simon paraît au contraire  totalement en perdition: pétrifiée par la douleur et on mesure à quel point elle est terrorisée à la pensée de perdre son fils ;  Le    lecteur  a ainsi conscience de la force de l’amour maternel mais du point de vue cette fois de la mère.

Pour conclure, la mère est souvent décrite par son enfant comme un être fascinant et auquel il demeure profondément rattaché, bien au delà de l’enfance, parfois même en dépit des mauvais traitements subis.Ce lien mère/enfant fait l’objet de nombreux romans .

20. avril 2017 · Commentaires fermés sur Clémenceau : Un discours contre la colonisation · Catégories: Première · Tags: ,

Parlons d’abord de l’auteur de ce discours … Qui est Clémenceau ?

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Georges Clémenceau

Médecin , il commence sa carrière politique par une fonction de maire  d’un arrondissement de Paris  , ensuite élu  député en 1871 ;il rejoint le parti républicain. Il défend l’idée d’une séparation entre l’Eglise et l’Etat et surtout  s’oppose à la politique de colonisation faisant tomber le gouvernement sur cette question. Il rejoindra également les rangs des dreyfusards et se battra pour que les Communards de 1871 soient amnistiés.Élu en 1902 sénateur  il est nommé ministre de l’Intérieur  en 1906. Se désignant lui-même comme le « premier flic de France »,  ,il est surnommé « le Tigre » et va réformer durablement la police ,  À la fin de l’année 1906, il devient président du conseil, l’équivalent du poste de premier ministre .

 

 

  Quel est ensuite le contexte  ?

 Georges Clémenceau s’exprime devant la Chambre des députés le 30 juillet 1885. Il répond au discours prononcé par l’ancien président du Conseil Jules Ferry, deux jours auparavant, au cours d’un débat sur la politique d’expansion coloniale de la France. Chef du gouvernement à deux reprises (1880-1881, 1883-1885), mais renversé par la Chambre le 30 mars précédent, Jules Ferry défend sa politique. Clemenceau entend la dénoncer. Nous sommes donc face à un débat idéologique .

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Le discours à l’assemblée

Le discours de Clémenceau : lecture analytique n° 4 

 

Points de méthode : tout discours suppose qu’on accore une attention particulière à l’éloquence de l’orateur c’est à  dire aux marques son élocution ; les plus fréquentes sont : les adresses aux auditeurs qui peuvent être soit des apostrophes soit des verbes à l’impératif ; les questions rhétoriques ; la présence des indices de subjectivité  du locuteur (je, moi, pour ma part ) . On cherchera également les figures de construction comme les antithèses, les répétitions et les parallélismes de construction. 

 

A noter que ce discours constitue une réponse à des arguments évoqués par Jules Ferry : il faudra donc repérer les arguments de la partie adverse dénoncés par l’orateur ainsi que les concessions faites aux thèses adverses. L’ironie peut également être une arme utilisée par le locuteur et on sera attentif à la rhétorique de l’éloge (les compliments ) et du blâme (les critiques ) 

 

Quelle est la thèse de Clémenceau ? les colons  français dissimulent la violence qu’il infligent aux populations colonisées sous le nom de devoir rendu aux races inférieures par la race supérieure; ils sont hypocrites et cruels. Il va également démontrer qu’il n’y  pas de race inférieure.  `

Quelle est la thèse combattue ? Ferry défend l’idée que la colonisation est un devoir des races supérieures envers les races inférieures . Il va donc s’efforcer de démontrer que ces arguments ne sont pas justifiés  en combattant l’idée d’inégalité des races notamment et en donnantt des illustrations concrètes (les chinois, les Hindous et l’exemple allemand qui fait référence à la désastreuse défaite française de 1871 face à l’Allemagne. ) 

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Quel est son sentiment dominant ?  l’indignation 

Quels sont ses arguments ? il emploie des arguments variés et s’efforce de réfuter les arguments adverses ;

argument 1 de Ferry : la colonisation rapporte des profits même si elle entraîne des dépenses. (de luxe ) 

réponse  : dépenser cet argent pour les Français serait utile et fructueux ; Clémenceau oppose le luxe à l’utilité (convaincre ) et il reprend cet argument dans la péroraison de son discours : “mon patriotisme est en France “ : ce qui signifie qu’il faut faire porter les efforts du gouvernement sur les citoyens français de métropole avant de penser aux colonies.

argument 2 de Ferry : les races supérieures auraient un droit sur les races inférieures  qu’elles exercent et pour justifier la colonisation, Jules ferry emploie le terme de devoir qui est son contraire; il souligne ainsi par cette formulation adroite la contradiction de la thèse de son opposant ; l’expression transformation particulière est particulièrement ironique . 

il détaille ensuite l’expression exercer son droit en utilisant une expression imagée : allant guerroyer et le convertissant de force ; on voit bien ici qu’il oppose encore une fois la notion de droit à la notion de force ; un droit qu’on exerce par la violence est-il encore un droit ? 

il remet en cause ensuite l’existence même d’inégalité des races en arguant du fait que cette différence n’a pas été scientifiquement prouvée mais résulte d’un jugement hâtif : c’est bientôt dit signifie c’est vite dit ( l 8 ) et donc pas forcément vrai. Cette formulation remet en cause la validité même de l’affirmation de Ferry. Il discrédite ainsi la thèse adverse.

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première illustration : pour étayer son argument sur les erreurs de jugement , Clémenceau reprend l’exemple récent (1871 ) de la défaite française face à l’ Allemagne que d’aucuns prétendent liée à l’infériorité de la race française ; il provoque ainsi la fibre patriotique de son public

en même temps l’orateur adopte une attitude de modestie : pour ma part, j’en rabats singulièrement ( l 8) et j’y regarde à deux fois ( l 11) . Il montre ainsi de manière fort adroite qu’il faut se méfier des jugements hâtifs et de cet argument de race inférieure . Il permet ainsi au public de reconnaître ses erreurs .

Il prend ensuite l’exemple des Hindous dont il vante en termes élogieux la “grande civilisation raffinée “  l 13 et la civilisation Chinoise avec “cette grande efflorescence d’art “ et ses “magnifiques vestiges “ Il fait donc ici clairement l’éloge de ces deux civilisations anciennes sur le plan artistique et intellectuel en citant notamment le vénérable Confucius, modèle de sagesse universellement reconnu. 

De plus, cet argument est aussitôt relayé par un second argument politique qui fait clairement allusion à des négociations diplomatiques gagnées par les asiatiques; de plus, Clémenceau reprend l’idée de jugement hâtif évoqué dès le début de son discours avec la phrase : “ceux qui se hâtent trop de proclamer leur suprématie “  

Ce paragraphe mêle donc habilement illustrations historiques, allusions à des événements politiques et critiques des partisans de la théorie des races supérieures. 

Le paragraphe suivant critique directement les défauts des colons : le mot vices ainsi que les références  à l’alcool et à l’opium sont des accusations directes de l’attitude des colons français; On peut d’ailleurs comparer cette stratégie argumentative à celle qu’emploie Diderot dans son Supplément au voyage de Bougainville. 

L’orateur met le public de son côté avec les allusions historiques et politiques dans un premier temps et passe

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Elu président du conseil 

ensuite au blâme avec des critiques des pratiques coloniales ; il peut alors réfuter la notion de droit et la remplacer par la notion de violence ; Il fustige ainsi l’hypocrisie des colons et il remplace , au final (l 30) l’opposition entre race inférieure et race supérieure par une différence entre civilisation scientifique et civilisation rudimentaire ; les mots abus et tortures désignent les actes des colonisateurs dont la mission civilisatrice est carrément remise en cause : prétendu civilisateur peut on lire à la ligne 31, ce qui est une critique directe des alibis des colons.

Clémenceau dénonce ainsi de manière polémique les pratiques coloniales qui dissimulent une violence sous  couvert d’une mission humaniste. Point par point, il réfute les thèses de son adversaire politique et parvient à la conclusion que ces façons d’agir nient les droits des populations indigènes :” ce n’est pas le droit (l 32) : c’en est la négation.” Une formule finale très efficace et frappante .

 

Exemple d’introduction (vous ajouterez des éléments biographiques donnés au début de cet article )

En 1885, l’Empire colonial français se dessine et  certaines voix au gouvernement militent pour son expansion et la multiplication des guerres de conquête; cependant le pays, sorti défait de sa confrontation avec l’Allemagne en 1871, a besoin de clarifier se priorités budgétaires; d’aucuns pensent que la colonisation pourra rapporter de gros profits et y voie t une possibilité pour al France de es reconstruire; Clémenceau n’est pas d’accord avec cette ligne de conduite et il le fait savoir ; (développement biographique sur l’auteur à placer ici ) .… son discours prononcé à la chambre des députés constitue une réponse à celui d’un  membre du gouvernement : Monsieur Jules Ferry ;  les deux hommes ont une vision différente de l’avenir même s’ils militent tous deux  au sein du parti républicain ; il s’agit donc de montrer en quoi ce discours éloquent constitue  une attaque contre la politique de colonisation menée par le gouvernement français  et reflète donc une confrontation politique et idéologique .

Exemple de plan détaillé pour un commentaire 

1 un discours éloquent ou polémique 

a) la contestation des thèses adverses : reprise et réfutation 

b) les indices de subjectivité :

et la création de  liens avec le public : l’absurdité de la thèse de l’infériorité des races avec l’exemple franco-allemand

  c)   l’utilisation du registre ironique très présent : transition une dénonciation virulente qui reflète l’indignation de Clémenceau

2. Une critique de la politique coloniale 

a) des conquêtes onéreuses : le poids économique 

b) les vices des colons : leurs abus

c) la violence des conflits : ils n’ont pas de droits sur ces populations 

3. La défense des civilisations  “rudimentaires “

a) l’éloge des grandes civilisations

b) la création d’une nouvelle distinction qui remplace l’idée d’infériorité

c) du droit à l’abus : contestation des pratiques coloniales désignées comme la négation des droits 

en conclusion ( à étoffer ) Une contestation idéologique et une remise en question de la politique coloniale française à cette époque : visée politique et idéologique  

20. mars 2017 · Commentaires fermés sur Humanisme et Renaissance : les points essentiels · Catégories: Première · Tags:
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François Premier 

Il est difficile de caractériser les conséquences de ce mouvement de pensée qui fit son apparition en Europe au seizième siècle tant ses ramifications sont importantes mais nous pouvons tenter de saisir les différents domaines dans lesquels se sont illustrés les Humanistes, ces hommes nouveaux. Il faut aussi comprendre qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, le mot humanisme était alors à la mode et on l’utilisait pour caractériser des mouvements de pensée qui semblent refaire confiance aux capacités de l’homme de construire un avenir meilleur . On doit donc distinguer les deux sens du mot : le sens historique  et littéraire et le sens courant . 

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La chapelle sixtine par Michel Ange: 

 Qui sont les Humanistes à la Renaissance  et d’où viennent-ils ? Le domaine artistique a été l’un des premiers à refléter l’évolution de la pensée humaniste et la plupart des historiens s’accordent à penser que ce courant trouve son origine en Italie.Les dates symboliques en revanche les divisent : certains voient la prise de Constantinople comme la marque de la désunion entre deux chrétientés : l’occidentale et l’orientale (1517) ; d’autres pensent que c’est Luther et la réforme protestante qui donne en Europe le coup d’envoi des bouleversements majeurs , à l’intérieur cette fois du christianime occidental ; Il faut sans doute penser à la conjonction de ces deux phénomènes et y ajouter les grandes découvertes des voyages maritimes. 

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L’humanisme de la Renaissance est donc à la fois un mouvement historiquement daté qui donne naissance à une idéologie qui elle va perdurer . Un des aspects essentiels de cette idéologie de la Renaissance est contenue dans le discours de Pic de la Mirandole en 1486 : ” J’ai lu, dans les livres des  Arabes , qu’on ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l’homme.”  Les auteurs vont alors désigner par le terme humanitas ou studia humanitatis, l’ensemble des domaines de la pensée dans lesquels l’homme va trouver l’accomplissement de lui-même et tendre vers un modèle de perfection . 

 

La pédagogie ou science de l’enseignement va peu à peu être au centre des débats car de la qualité de l’éducation des enfants va dépendre leur capacité à es conformer aux modèles hérités de la culture gréco-latine qu’on redécouvre ; Montaigne, ainsi dans ses Essais, va consacrer un chapitre à l’éducation et Rabelais dans ses romans va lui aussi , ériger en modèle, l’éducation reçue par son géant Gargantua.  Erasme développe la théorie selon laquelle l’enfant doit être formé par un maître qualifié et ainsi quitter l’état sauvage pour rejoindre le monde de la culture. Les pédagogues valorisent les activités du corps et de l’esprit ainsi que les aptitudes au dialogue .

Il est possible que les humaniste aient entrevu des différences ou mêmes des incompatibilités entre les sources antiques auxquelles il s’ abreuvent et les enseignements de la religion catholique mais  ils ont privilégié l’esprit de synthèse entre la tradition judéo-chrétienne et le paganisme , à l’image de Saint Augustin et de Saint Jérôme . Peu soucieux de révolutions, ils croient avant tout à la réforme de l’esprit . les conséquences de ce courant e pensée sont nombreuse et touchent des domaines variés.

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Sur le plan artistique, la représentation de l’homme change : il n’est plus seulement une créature de Dieu comme au Moyen-Age ou un citoyen de l’Empire comme dans l’Antiquité, il est désormais une créature vivante et pensante , qui s’efforce d’obéir à la raison et qui va oser s’affirmer en tant que volonté indépendante et oser  dire “Je” comme dans les Essais de Montaigne . Alors que jusque là seul Dieu méritait qu’on lui construise des demeures somptueuses ou qu’on représente des peintures liées aux Ecritures Saintes, désormais, on va ériger des palais en l’honneur des Grands de ce monde et on va es mettre à représenter les familles royales. Le roi François Premier en France accompagne et encourage les artistes qui révolutionnent les techniques artistiques en adoptant notamment des modèles vivants ou en respectant les lois de la perspective.

Les débats traversent les frontières et le dialogue se poursuit entre Budé le français, Erasme le hollandais et Thomas More l’anglais (qui sera décapité par le tribunal religieux pour pensées subversives ) ; En même temps qu’elle découvre sa diversité , l’Europe fait également l’expérience de l’altérité avec la découverte de l’Amérique . Montaigne dira d’ailleurs que chaque homme appelle barbarie ce qui ne correspond pas à son usage ; on découvre également que la terre tourne autour du soleil alors qu’on pensait qu’elle était el centre de l’univers: les liste sud monde connu ne cessent de s’élargir donnantt  lieu à de nombreuses fantasmagories dont témoignent certains écrits qui évoquent des univers mystérieux peuplés de créatures fantastiques.

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Les explorateurs : de Colomb à Vasco de Gama en oassant par Jacques Cartier et Marco Polo , chaque navigateur contribue à éloigner l’inconnu et à faire naître de nouveaux horizons; Mais les explorations se succèdent également dans le domaine des sciences avec Galilée ou Copernic les astronomes ou même Ambroise Paré le chirurgien qui va percer les énigmes du corps et donner accès aux sciences du vivant . 

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Sur le plan politique , les humanistes voient les guerres de religion ravager leurs pays et la royauté devenir de plus en plus centralisée : le pouvoir féodal semble céder du terrain et l’unification de la France par exemple, passe notamment par l’adoption du français comme langue officielle ainsi que le constate le poète Joachim Du Bellay en écrivant en 1549 son manifeste: Défense et illustration de la langue française; Quant au poète Pierre de Rossard, son condisciple de la Pléiade, il voue un culte à la famille royale dont il devient le poète officiel. La poésie va célébrer François Premier et les rimants comme celui de Madame de Lafayette vont refléter le faste de la cour du roi Henri II. 

Quelques pensées célèbres : 

Rabelais : science sans conscience n’est que ruine de l’âme 

Montaigne : il se tire une merveilleuse clarté pour le jugement humain, de la fréquentation du monde. 

Thomas More décrit un pays imaginaire: Utopie où règne la liberté : “Utopus laissa à chacun liberté entière de conscience et de foi (pour éviter le guerres et le querelles )