25. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Sophocle et le personnage d’Antigone : retour sur la tragédie grecque · Catégories: Première · Tags: ,
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Sophocle 

 Sophocle  est l’un des trois grands poètes tragiques grecs, avec Eschyle et Euripide.Ils écrivent tous trois de nombreuses pièces dont seules quelques unes sont parvenues jusqu’à nous. 
La structure de la tragédie grecque : Elle repose sur une alternance des parties parlées (épisodes) et des parties chantées (station) et comporte un choeur présent sur scène ainsi qu’un coryphée. 

 

  • –  le prologue est la présentation : il correspond à l’exposition de la situation. Antigone révèle à Ismène sa décision de rendre les derniers hommages à Polynice.
  • –  Parodos ou entrée solennelle du chœur : avec alternance de parties chantées et de parties parlées. 
  • –  Premier épisode : entrée de Créon qui marque la fin du prologue et le début de l’action (l’épisode correspond à l’acte des tragédies classiques). Arrivée du garde qui révèle que quelqu’un a eu l’audace de répandre une poussière sur Polynice. Créon est en colère. Sortie du garde.
  • –  Premier stasimon : intermède musical chanté par le chœur seul en scène.  
  • –  Deuxième épisode : entre le garde poussant Antigone. Il révèle à Créon que c’est elle qui a recouvert le corps de Polynice. Violent échange entre Créon et Antigone. Antigone refuse de céder devant la loi de la cité. Entre Ismène qui veut partager le sort d’Antigone, c’est-à-dire la mort. Refus d’Antigone. 
  • –  Deuxième stasimon : évocation par le chœur des malheurs des Labdacides. Le chœur classe Antigone et Créon dans la même situation comme s’ils avaient été frappés de folie par Zeus. 
  • –  Troisième épisode: Hémon s’oppose à son père Créon et affirme son soutien à Antigone. 
  • –  Troisième stasimon : le chœur chante l’amour. 
  • –  Quatrième épisode : c’est le kommos d’Antigone. Ce sont les adieux au soleil et au monde de celle qui va être enterrée vivante. Le kommos est un chant plaintif et Antigone se remémore ce qu’elle fut et ce qu’est son destin. 
  • –  Quatième stasimon : le chœur évoque des épisodes mythologiques terribles. 
  • –  Cinquième épisode : entre Tirésias, le devin qui s’adresse à Créon. Il lui dit que tous les signes sont de mauvais augure pour lui. Créon est furieux mais effrayé et persuadé par le coryphée, il court délivrer Antigone de son cachot. 
  • –  Cinquième stasimon : le chœur invoque Dionysos.
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– Exodos ou dénouement. Le messager vient rendre compte des malheurs. Hémon est mort, il s’est transpercé d’une épée. Antigone s’est pendue. Et Eurydice, épouse de Créon et mère d’Hémon, qui a tout entendu se donne la mort. Créon revient, portant Hémon dans ses bras, frappé par le destin. 
La tragédie sophocléenne expose une action où fatalité et volonté constituent les deux ressorts principaux, de sens contraire et où toute l’intensité dramatique repose sur la volonté inébranlable du protagoniste. Celui-ci, enfermé dans une situation où seul le compromis permettrait la survie, mène un double combat en s’opposant à l’autorité (incarnée par le roi, les chefs ou les dieux), mais également aux instances de ses proches : ainsi Antigone s’expose à la mort (et la subit) pour accorder les rites funéraires à son frère Polynice tué sur le champ de bataille, défiant ainsi l’autorité de Créon, maître de Thèbes, et n’écoutant pas les conseils de sa sœur Ismène.  

La mise en scène est bien comme le disait Vitez « l’art de l’interprétation ». En ce sens toute mise en scène est une « adaptation » de l’œuvre, dans la mesure où elle en est une interprétation. Le metteur en scène doit donc se poser un certain nombre de questions incontournables et y répondre en termes de choix. 

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 Le théâtre sophocléen met ainsi en jeu l’essence de la condition humaine certes mais aussi l’essence du politique. L’argument est connu et pourtant il fascine et interroge toujours autant. Autant de questions qui brûlent nos lèvres à la lecture de cette œuvre : pourquoi cette marche à la mort inexorable d’Antigone ? Pourquoi Créon, roi fraîchement couronné, déclare-t-il la guerre à un mort ? ) 

Antigone est l’une des héroïnes les plus problématiques, les plus sereinement violentes du répertoire. Vingt-cinq siècles plus tard, elle se révèle toujours aussi fascinante dans ses contradictions, son énergie adolescente et son attirance pour la mort. Elle se dresse avec une pureté nouvelle, inspirant terreur et pitié et son arme la plus acérée est l’« insolence sublime » qu’admirait tant Hölderlin. Elle nous semble presque inhumaine dans son entêtement à ne s’intéresser qu’aux dieux de l’Hadès, à refuser de vivre. 

La figure d’Antigone n’a cessé de susciter nombre de problématiques : les figures de la révolte, du sacrifice, de la charité… Antigone n’est pas loin de devenir le porte-parole de ce que l’on veut lui faire dire (…). Ainsi, Antigone en tant que mythe semble avoir pris le pas sur le personnage de la pièce et c’est actuellement cette lecture mythologique qui prévaut . Toutefois Antigone n’est pas l’unique figure de la pièce, elle ne prend véritablement corps qu’en présence de son principal opposant, Créon. On ne peut assurément pas isoler Antigone de Créon : ce sont deux figures qui s’opposent et s’éclairent l’une l’autre, deux façons différentes d’appréhender le monde. 

C’est la volonté d’hybris de Créon qui bouleverse l’ordre naturel des choses qui est à l’origine de la tragédie. Il transgresse en refusant d’enterrer Polynice car il refuse d’honorer les Dieux. Mais Antigone aussi bouleverse l’ordre : elle ne vit que pour les morts en ignorant les vivants. Tout comme Créon elle bouleverse l’ordre des choses. Malgré son rôle apparemment secondaire, Créon n’est pas un faire-valoir d’Antigone ; mais un tyran au fort caractère : il existe une véritable dualité entre lui et Antigone, tous deux, dans leur obstination, leur solitude et leur certitude sont de purs héros sophocléens. 

 Antigone et Créon sont tous les deux dans l’hybris, la démesure. Aucun d’eux ne saisit les limites du droit qu’il prétend défendre. Il faut percevoir cette symétrie profonde entre les deux protagonistes, qui seule permet de continuer à lire Antigone comme une tragédie et non comme un drame qui adopterait exclusivement le point de vue de l’héroïne. 

Monter Antigone, c’est oser questionner un texte qui nous parle de la relation entre les vivants et les morts, des liens du sang et de la présence des Dieux, qui explore la part d’ombre qui est en nous.