14. avril 2017 · Commentaires fermés sur La question de l’homme : apprendre à voir le monde autrement .. · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:
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Le sujet de ce second bac blanc  vous proposait de débattre de la question de l’homme à travers quatre textes : Montaigne, auteur humaniste décrit dans un chapitre de ses Essais  au seizième siècle, la rencontre entre trois amérindiens et le roi de France , un véritable choc culturel qui oppose deux manières de vivre en société et de gouverner  ; 50 ans plus tard, Cyrano de Bergerac nous propose d’assister à l’arrivée d’un homme sur une planète peuplée d’oiseaux : ces derniers vivent très différemment des sociétés humaines ; quant à Paul Eluard, sous la forme d’un poème surréaliste, il nous enseigne une forme de liberté intérieure ; Michel Tournioer lui, a décidé de réemployer le mythe de Robinson pour mettre en évidence les préjugés qui nous gouvernent et nous enferment dan des prisons intérieures . 

 

 

Voilà quelques éléments de corrigé pour améliorer voter question de corpus .

  • Présentation des textes : un essai du XVIème siècle de Montaigne, un roman du XVIIème siècle de Cyrano de Bergerac, un poème du XXème d’Eluard et un roman du XXème de Tournier. 
  • Reformulation de la question : Quelles sont les stratégies des auteurs pour permettre au lecteur de se remettre en question et de s’interroger sur son monde ?  
  • Proposition de réponses à la question (chaque réponse peut être une partie du plan) : 
  • Les auteurs font le choix de passer par l’imaginaire (fiction) ou d’évoquer directement la réalité :    

Cyrano de Bergerac et Michel Tournier inventent, dans leurs romans, des histoires (ils passent par un détour afin de faire réfléchir le lecteur, ils s’écartent de la réalité). => argumentation indirecte

Michel de Montaigne et Paul Eluard s’adressent directement au lecteur. Montaigne n’invente pas l’histoire mais relate ses pensées et ses expériences réelles (authenticité). l texte apparait comme la transcription d’un aventure vécue  => argumentation  à la frontière entre directe et indirecte 

Eluard invite directement le lecteur à partir à l’aventure et à découvrir le monde dans son poème, toutefois il fait appel au rêve et à l’imaginaire en jouant sur les mots. Eluard n’exprime pas explicitement le fait que son aventure est un pas vers l’inconnu, la découverte du monde qui permet d’éclairer les esprits. => entre argumentation directe et indirecte 

  • Les auteurs font parler des personnes ou personnages éloignés de leurs sociétés afin que le lecteur puisse voir à travers un regard autre, plus critique et plus objectif, les vices de la société française et européenne (au XVIIème siècle pour Cyrano et XVIIIème pour le mythe de Robinson) : mythe de Robinson Crusoé (Daniel Defoe au XVIIIème siècle)
  • Les auteurs présentent des systèmes politiques qui s’opposent à ceux de la société dans laquelle les auteurs et leurs lecteurs vivent : ces systèmes peuvent être imaginaires ou réels (essai de Montaigne) : antithèses : les oiseaux élisent le roi « le plus faible, le plus doux, et le plus pacifique » tandis que les Hommes ont pour roi les « plus grands, [les] plus forts et [les] plus cruels » + roman Tournier : création d’un nouveau rituel : nouveau style de vie et découverte de nouveaux usages des matériaux et des objets. 

Vous trouverez également en pièce jointe des éléments de corrigé du commentaire composé sur le texte de Montaigne.

 

 

27. mars 2017 · Commentaires fermés sur Autour de la peine de mort : analyse de Dead man walking.. · Catégories: Seconde · Tags: ,
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En 1995, Tim Robbins décide d’écrire un scénario à partir d’un  synopsis qui provient d’un livre rédigé par une religieuse Soeur Héléne Préjean  qui retrace son expérience d’accompagnement d’un prisonnier condamné pour le viol et le meurtre de deux adolescents et  condamné à mort par l’état de  Louisiane. Le titre fait référence aux paroles du gardien lorsque Matthew  Poncelet se dirige vers la chambre d’exécution:  il annonce officiellement “c’est la marche du mort” ; Auparavant soeur Hélène, qui était devenue sa conseillère spirituelle et qui demeura avec lui le dernier jour de sa vie, lui avait interprété un cantique (chant religieux ) où il est également question de marcher vers la mort sans avoir peur . Ce film n’est pas un simple plaidoyer contre la peine de mort: il enseigne aussi la valeur de l’amour et du pardon.

Le film débute par un portrait en actions du personnage de soeur Hélène Préjean: on la voit souriante et occupée à aider les enfants et les femmes de la communauté noire de son quartier alors qu’elle-même est issue, comme on le verra au cours d’un repas de famille, d’un milieu social beaucoup plus favorisé. Cette femme se caractérise par une bonté et un dévouement hors du commun et un désir très marqué d’aider son prochain et particulièrement les plus démunis; C’est sous cet angle que le spectateur comprend son engagement aux côtés du condamné Matthew Poncelet, accusé d’avoir sauvagement violé et tué un couple d’adolescents sans histoire, deux enfants qui faisaient la joie et la fierté de leurs parents et qui étaient promis à un bel avenir. Leur mort atroce paraît d’autant plus injuste et les images que le réalisateur choisit de montrer en montage alterné au moment où Porcelet va être exécuté , tendent à superposer les destins des victimes et celui du tueur; Il a certes ôté la vie et s’est montré inhumain mais sa mort décidée par la société le met dans la même position que les victimes ; la caméra filme ici en plongée les corps des adolescents qui forment une croix et celui du condamné sanglé sur la table . 

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Le condamné “crucifié”

.Le spectateur s’attache rapidement au personnage d’Hélène incarné par l’actrice Susan Sarandon et il la découvre , au début du film,malmenée par l’aumônier principal de la maison d’arrêt qui lui reproche de ne pas porter l’habit religieux; A travers ce personnage sévère , le réalisateur montre deux conceptions de la religion chrétienne qui s’affrontent : l’une, rigoriste et intransigeante , est basée sur la loi de l’Ancien Testament qui préconise la vengeance et la châtiment pour les fautes alors que soeur Hélène défend plutôt les principes du Nouveau Testament fondés sur le pardon des fautes . L’exemple de Jésus est souvent cité : on rappelle qu”il est mort pour nous sauver et on retrouve des images dans le film qui évoquent la crucifixion du Christ notamment quand le condamné est basculé sur la table d’exécution. On notera aussi que les religieux ne sont pas tous d’accord sur ce que leur foi leur enseigne : les parents de Hope ont perdu leur foi et ne pensent qu’à se venger alors que le père de Percy, Monsieur Delacroix, finit par retrouver le chemin de l’église et de la prière en rejoignant soeur Hélène à la fin du film.A travers cette confrontation des personnages, le cinéaste nous fait prendre conscience que la religion propose plusieurs idéologies qui se retrouvent   en concurrence.

Une autre opposition qui traverse le film , c’est la réflexion sur l’existence et la pratique de la peine de mort et son application légale ; Certains américains comme l’avocat de Matthew Poncelet ou soeur Hélène, se battent pour son abolition alors que les parents des victimes dans le scénario ainsi que beaucoup d’autres (on peut penser à la femme médecin en prison qui pratique l’injection et qui a un rôle ambigu), s’y montrent favorables comme dans les Etats qui la pratiquent sous différentes formes (chaise électrique, pendaison, injection léthale) . L’habileté du film consiste à établir une évolution dans la relation du spectateur avec les deux principaux protagonistes;  Le condamné se montre parfois totalement antipathique et parfois très émouvant .Depuis des dizaines d’années les arguments des abolitionistes reposent sur l’idée qu’en tuant un homme quand bien même il se serait rendu coupable des pires atrocités, on devient soi même, collectivement, des assassins. C’est la thèse à laquelle le réalisateur semble se rallier .

Le personnage du condamné est construit sur plusieurs ambivalences : incarné par l’acteur Sean Penn , il représente à la fois le mauvais garçon (bad boy ) et la victime de la société; Le spectateur le voit tour à tour comme un sale raciste , un fils qui cherche à protéger sa mère, un homme manipulateur, un “pauvre” victime de son incapacité à se défendre avec un bon avocat, un tueur cynique et sauvage. Soeur Hélène entretient avec lui, au cours de ses visites au parloir, une relation faite à la fois de fascination et de compassion. D’ailleurs cette question est posée à plusieurs reprises dans le film, qu’est-ce qui l’attire  chez cet homme : est-ce son désir de sauver les plus faibles, ceux que tout le monde rejette ou sa fascination morbide pour le Mal ? C’est en effet une idée qui traverse également le film : comment devient-on un tueur ? Est-on prédestiné à fair tel Mal ?

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Les derniers instants 

 Lors de ses échanges avec soeur Hélène, Matthew raconte l’alcoolisme partagé avec son père, la pauvreté mais le film montre aussi la haine cultivée dè l’enfance, le poids des préjugés et les difficultés de cette famille ; On sera sensible à la dernière visite en prison des trois jeunes frères du condamné qui ont l’air très mal à l’aise et pourtant, on sent que des sentiments existent entre eux , qu’ils ne parvient pas à exprimer; la peine de la mère du tueur est également un moyen que Tim Robbins utilise pour nous faire prendre le condamné en pitié parce que cette femme éprouve réellement du chagrin de perdre son fils .

Le film ne se contente pas de montrer les conséquences d’un meurtre : il révèle les bouleversements de ce geste meurtrier dans les familles des victimes et du tueur ; on retrouve ainsi des idées que Hugo a envisagées dans son roman Le dernier jour d’un condamné en montrant, la visite de Marie , la fillette du prisonnier qui comme Matthew, s’inquiète de la survie des siens : comment vont-ils s’en sortir sans l’argent qu’il ramenait de son travail ? Les spectateurs envisagent alors le condamné sous un autre angle ne dépit de ce qu’il a commis.

Autre idée clé du scénario : dresser un parallèle entre les souffrances subies par les noirs autrefois esclaves dans les plantations et les souffrances de ces deux jeunes gens victimes d’un duo de malfaiteurs ivres et drogués. On pense notamment à la scène où soeur Hélène, en voiture, regarde les ouvriers noirs travailler dans les champs et imagine , en même temps, la scène du meurtre où elle veut croire à l’innocence de Matthew.  L’action de soeur Hélène apparait ainsi sous cet angle comme un moyen d’apaiser les souffrances humaines , passées et présentes. Ce personnage est totalement convaincant dans son interprétation . L’actrice  a d’ailleurs reçu un oscar pour sa prestation.

 

20. mars 2017 · Commentaires fermés sur Humanisme et Renaissance : les points essentiels · Catégories: Première · Tags:
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François Premier 

Il est difficile de caractériser les conséquences de ce mouvement de pensée qui fit son apparition en Europe au seizième siècle tant ses ramifications sont importantes mais nous pouvons tenter de saisir les différents domaines dans lesquels se sont illustrés les Humanistes, ces hommes nouveaux. Il faut aussi comprendre qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, le mot humanisme était alors à la mode et on l’utilisait pour caractériser des mouvements de pensée qui semblent refaire confiance aux capacités de l’homme de construire un avenir meilleur . On doit donc distinguer les deux sens du mot : le sens historique  et littéraire et le sens courant . 

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La chapelle sixtine par Michel Ange: 

 Qui sont les Humanistes à la Renaissance  et d’où viennent-ils ? Le domaine artistique a été l’un des premiers à refléter l’évolution de la pensée humaniste et la plupart des historiens s’accordent à penser que ce courant trouve son origine en Italie.Les dates symboliques en revanche les divisent : certains voient la prise de Constantinople comme la marque de la désunion entre deux chrétientés : l’occidentale et l’orientale (1517) ; d’autres pensent que c’est Luther et la réforme protestante qui donne en Europe le coup d’envoi des bouleversements majeurs , à l’intérieur cette fois du christianime occidental ; Il faut sans doute penser à la conjonction de ces deux phénomènes et y ajouter les grandes découvertes des voyages maritimes. 

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L’humanisme de la Renaissance est donc à la fois un mouvement historiquement daté qui donne naissance à une idéologie qui elle va perdurer . Un des aspects essentiels de cette idéologie de la Renaissance est contenue dans le discours de Pic de la Mirandole en 1486 : ” J’ai lu, dans les livres des  Arabes , qu’on ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l’homme.”  Les auteurs vont alors désigner par le terme humanitas ou studia humanitatis, l’ensemble des domaines de la pensée dans lesquels l’homme va trouver l’accomplissement de lui-même et tendre vers un modèle de perfection . 

 

La pédagogie ou science de l’enseignement va peu à peu être au centre des débats car de la qualité de l’éducation des enfants va dépendre leur capacité à es conformer aux modèles hérités de la culture gréco-latine qu’on redécouvre ; Montaigne, ainsi dans ses Essais, va consacrer un chapitre à l’éducation et Rabelais dans ses romans va lui aussi , ériger en modèle, l’éducation reçue par son géant Gargantua.  Erasme développe la théorie selon laquelle l’enfant doit être formé par un maître qualifié et ainsi quitter l’état sauvage pour rejoindre le monde de la culture. Les pédagogues valorisent les activités du corps et de l’esprit ainsi que les aptitudes au dialogue .

Il est possible que les humaniste aient entrevu des différences ou mêmes des incompatibilités entre les sources antiques auxquelles il s’ abreuvent et les enseignements de la religion catholique mais  ils ont privilégié l’esprit de synthèse entre la tradition judéo-chrétienne et le paganisme , à l’image de Saint Augustin et de Saint Jérôme . Peu soucieux de révolutions, ils croient avant tout à la réforme de l’esprit . les conséquences de ce courant e pensée sont nombreuse et touchent des domaines variés.

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Sur le plan artistique, la représentation de l’homme change : il n’est plus seulement une créature de Dieu comme au Moyen-Age ou un citoyen de l’Empire comme dans l’Antiquité, il est désormais une créature vivante et pensante , qui s’efforce d’obéir à la raison et qui va oser s’affirmer en tant que volonté indépendante et oser  dire “Je” comme dans les Essais de Montaigne . Alors que jusque là seul Dieu méritait qu’on lui construise des demeures somptueuses ou qu’on représente des peintures liées aux Ecritures Saintes, désormais, on va ériger des palais en l’honneur des Grands de ce monde et on va es mettre à représenter les familles royales. Le roi François Premier en France accompagne et encourage les artistes qui révolutionnent les techniques artistiques en adoptant notamment des modèles vivants ou en respectant les lois de la perspective.

Les débats traversent les frontières et le dialogue se poursuit entre Budé le français, Erasme le hollandais et Thomas More l’anglais (qui sera décapité par le tribunal religieux pour pensées subversives ) ; En même temps qu’elle découvre sa diversité , l’Europe fait également l’expérience de l’altérité avec la découverte de l’Amérique . Montaigne dira d’ailleurs que chaque homme appelle barbarie ce qui ne correspond pas à son usage ; on découvre également que la terre tourne autour du soleil alors qu’on pensait qu’elle était el centre de l’univers: les liste sud monde connu ne cessent de s’élargir donnantt  lieu à de nombreuses fantasmagories dont témoignent certains écrits qui évoquent des univers mystérieux peuplés de créatures fantastiques.

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Les explorateurs : de Colomb à Vasco de Gama en oassant par Jacques Cartier et Marco Polo , chaque navigateur contribue à éloigner l’inconnu et à faire naître de nouveaux horizons; Mais les explorations se succèdent également dans le domaine des sciences avec Galilée ou Copernic les astronomes ou même Ambroise Paré le chirurgien qui va percer les énigmes du corps et donner accès aux sciences du vivant . 

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Sur le plan politique , les humanistes voient les guerres de religion ravager leurs pays et la royauté devenir de plus en plus centralisée : le pouvoir féodal semble céder du terrain et l’unification de la France par exemple, passe notamment par l’adoption du français comme langue officielle ainsi que le constate le poète Joachim Du Bellay en écrivant en 1549 son manifeste: Défense et illustration de la langue française; Quant au poète Pierre de Rossard, son condisciple de la Pléiade, il voue un culte à la famille royale dont il devient le poète officiel. La poésie va célébrer François Premier et les rimants comme celui de Madame de Lafayette vont refléter le faste de la cour du roi Henri II. 

Quelques pensées célèbres : 

Rabelais : science sans conscience n’est que ruine de l’âme 

Montaigne : il se tire une merveilleuse clarté pour le jugement humain, de la fréquentation du monde. 

Thomas More décrit un pays imaginaire: Utopie où règne la liberté : “Utopus laissa à chacun liberté entière de conscience et de foi (pour éviter le guerres et le querelles ) 

 

19. mars 2017 · Commentaires fermés sur Montaigne face aux Cannibales :quelle est la stratégie argumentative de l’auteur ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:
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Montaigne est un écrivain humaniste qui a réfléchi à ce qui différenciait les Européens des Sauvages et la comparaison tourne ,sous sa plume, souvent à l’avantage des Indiens des Brésiliens.L’Humanisme européen est un mouvement  qui invite à la découverte d’un monde nouveau, à l’exemple du Nouveau Monde justement récemment découvert par les différentes expéditions maritimes . Les grandes découvertes, les récits de voyage, la redécouverte des textes Antiques et de leurs traductions renouvellent les schémas de pensée hérités du Moyen-Age et bousculent la place de l’homme au sein de l’univers . 

Les questions religieuses cependant commencent à diviser sensiblement les Européens et la sécession protestante initiée par Luther et Calvin , va conduire à des exodes massifs et à une reconstitution de l’espace géographique européen. L’esprit scientifique continue sa lente percée un peu partout mais les réticences sont fortes et sur le plan social, la société chrétienne reste dominée par l’aristocratie et sa fortune : l’écart entre les riches et les pauvres ne se réduit pas et le développement des art demeure l’apanage d’une frange aisée de la population. Les rois et les Grands aiment à s’entourer d’artistes afin qu’ils célèbrent leur prestige . Le mécénat impose à certains écrivains une ligne de conduite prudente …. Exemple d’introduction sommaire  : Ecrivain  humaniste du seizième  siècle, Montaigne est célèbre pour avoir rédigé des Essais. Il s’agit d’un recueil de pensées , regroupées par chapitres thématiques  et qui ont fait l’objet de nombreuse années de travail. Montaigne consacre un chapitre, intitulé Des cannibales, à la découverte des réactions des Sauvages confrontés aux modes de vie en vogue à la cour de France. Loin de blâmer la rudesse des moeurs de ces étrangers, l’auteur fait l’éloge du raisonnement de ces hommes; il met ainsi à jour , de manière implicite, les travers de ses contemporains. Quelle stratégie argumentative emploie-t-il dans cet extrait ? Découvrons cet extrait des Essais…

 Plan d’étude : Dans un premier temps, nous verrons que Montaigne se sert de procédés d’authentification et se présente comme un témoin direct des faits rapportés; Nous verrons ensuite qu’il met au service de son argumentation le regard de l’étranger ; Pour conclure, nous aborderons la dimension polémique du texte.

1. Procédés d’authentification : récit personnel d’un anecdote vécue avec de nombreux détails qui font vrai comme le trou de mémoire et les pseudo-regrets , la précision du souvenir avec les expressions exactes utilisées par les Sauvages ( moitié pour désigner l’homme). Montaigne raconte même la bêtise de l’interprète et feint de se souvenir que l’un des étrangers est appelé roi par les matelots. Le dialogue finit d’ailleurs  par se nouer en dépit de l’absence de traduction entre Montaigne et l’un des habitants du Nouveau-Monde. Cette mise en scène a pour but de favoriser la crédibilité des propos tenu et donc emporter l’adhésion du lecteur aux thèses de l’auteur.

2. Le regard de l’étranger : Montaigne attache des connotations ambivalentes à leur regard qu’il qualifie à deux reprise d’étrange; peu sensible au faste et aux richesses étalées sous leurs yeux, ces hommes se montrent pourtant clairvoyants; ils s'étonnent , à juste titre , pourrait-on dire, de la jeunesse du roi et des inégalités  entre les riches et les pauvres; certains sont en effet décrits comme gorgés de toute sortes de bonnes choses (amplification) alors que d’autres sont mendiants, décharnés par la faim et la pauvreté; Le contraste est saisissant. Il s’agit, par le biais du regard de ce personnage, d’une critique implicite du fonctionnement de  la monarchie et du caractère inégalitaire de la société française où l’on voit les écarts de richesse se creuser, en temps de guerre et de famine notamment. Montaigne critique ainsi implicitement le spectacle qu’offre , aux yeux d’un étranger, le fonctionnement même de la société française et de al monarchie absolue de droit divin. 

3. La  tonalité polémique est présente dès le début du texte avec l’opposition entre la quiétude et le bonheur des Sauvages de l’autre côté de l’Océan  (la périphrase traduit ici l’éloignement entre les deux nations)et la découverte des corruptions de ce côté -ci. La fin du passage révèle le début d’un questionnement  de la part de l’auteur sur le principe de royauté tel qu’il est exercé chez ce peuple; à l différence des souverains occidentaux, le roi indigène mène son peuple au combat et il bénéficie d’un privilège , une fois la guerre terminée, qui consiste à ce qu’on lui ménage en chemin dans la jungle ” où il pût passer bien à l’aise” 

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A retenir : procédé du témoin externe = regard de l’étranger ; permet d’avoir un oeil neuf , sans préjugés sur des réalités auxquelles les occidentaux sont trop habitués pour en discerner la partie critique; 

éloge des sauvages : s’intéressent aux hommes et à leurs conditions de vie, négligent le faste et les richesses, défendent l’égalité  et la solidarité entre les hommes , valeurs humanistes. 

la dimension critique : elle porte sur la pseudo supériorité des Français qui pensent impressionner les étrangers (critique sociale), sur la monarchie (critique politique) sur la détention de certains privilèges qui ne semblent pas justifiés.

Pour conclure, un récit imagé qui frappe par la qualité et la variété de son argumentation: les lecteurs sont priés de juger par eux-mêmes les faits rapportés et de se faire leur propre idée ;Montaigne se défend de chercher à influencer leur jugement mais en réalité, il manipule les faits et les présent de manière à ce qu’ils servent sa cause. La modernité de son point de vue peut être notée; il sait dépasser les apparences et s’interdit de juger de la valeur d’un homme à partir d’un simple détail vestimentaire comme le rappelle plaisamment le trait d’humour qui constitue la chute du texte. L’auteur y rapporte les paroles xénophobes, qu’il condamne implicitement, d’un simple quidam, représentatif de l’opinion publique , qui s’arrête lui, au détail de l’absence de haut de chausse et en déduit abusivement que les Sauvages sont inférieurs car leur façon de se vêtir est différente de celle des français.

 Nom des principaux procédés à réutiliser : argumentation indirecte, implicite, ironie, technique des paroles rapportées (style indirect et style indirect libre), regard de l’étranger, témoin externe, polémique, éloge et blâme, authentification, détail vrai.

Entraînez-vous maintenant à refabriquer ce plan  et cette explication en y incluant les lignes et les citations tirées de votre texte.Etoffez l’introduction en insérant vos connaissances sur l’Humanisme.

17. mars 2017 · Commentaires fermés sur Montaigne et l’humanisme : des cannibales. · Catégories: Première · Tags:
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Montaigne

Michel Eyquem de Montaigne est un auteur du seizième siècle qui entreprit de rédiger des Essais pour exprimer ses pensées ; il  représente le courant humaniste qui s’efforce de repenser la juste place de l’homme dans le monde.  Les Essais forment un ensemble de réflexions sur des thèmes , un peu comme des discussions ou des conversations entre lettrés. Montaigne y mêle des propos sur sa vie (ce qu’il a mangé, son état de santé ) et des propos plus généraux sur la Vie en général: de l’amitié, des ennuis, de la mélancolie, de la guerre.. Les Essais appartiennent au genre argumentait: l’auteur tente d’y saisir sa pensée en mouvement . 

  

 En 1492, on découvre, grâce aux voyages maritimes que tous les hommes ne se ressemblent pas forcément et ne vivent pas de la même manière. Ce choc des civilisations et des cultures est raconté par l’auteur dans un chapitre de ses Essais intitulé Des cannibales.

 Il s’y met en scène sous la forme d’un témoin et raconte l’arrivée à la cour des Sauvages, source d’étonnement pour les courtisans occidentaux. L’écrivain nous amène à  réfléchir sur le sens du mot sauvage et raisonne à partir  de différents arguments : il va , par exemple; dans certains chapitres qui évoquent les Cannibales, raisonner du caractère fondé ou pas de leur appellation de Sauvage. Montaigne explique que , dans la nature, des fruits sauvages que l’on trouve  ne sont pas inférieurs aux créations de l’homme : la plante qui pousse à l’état sauvage dans la Nature serait même supérieure à une création artificielle car plus robuste, plus naturelle. Cette argumentation se fonde sur un raisonnement analogique et conduit Montaigne à affirmer paradoxalement la supériorité des Sauvages , plus proches de la Nature , adeptes de lois naturelles, sur les Civilisés, corrompus par les vices. Montaigne entend ainsi nous convaincre que la nature humaine est foncièrement bonne et digne de confiance : à l’état de Nature, les rapports humains se passent de lois et de règlements; cette thèse est à l’origine, deux siècles plus tard  du mythe du Bon Sauvage.qui sera repris par les philosophes des Lumières comme Rousseau ou Diderot dans Son Supplément au Voyage de Bougainville notamment. Vous trouverez, à propos de ce mythe, des explications supplémentaires dans le fichier joint ….

12. mars 2017 · Commentaires fermés sur Le dernier jour d’un condamné : pourquoi écrire ? · Catégories: Seconde · Tags: ,
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 Exemple d’introduction : Le premier roman de Victor Hugo écrit à l’âge de 27 ans témoigne de son engagement contre la peine de mort : il imagine un personnage de condamné à mort qui a pour fonction de sensibiliser les lecteurs sur la souffrance morale des prisonniers dès lors qu’il savent qu’ils vont être exécutés. Au chapitre 5, le romancier justifie l’écriture même du prisonnier . Ce dernier ,en effet , se demande à quoi bon écrire . Tout d’abord, nous verrons que l’écriture lui permet de lutter contre l’ennui. Ensuite, nous montrerons que le journal du condamné a pour but de lutter our l’abolition de la peine capitale. Nous démontrerons enfin qu’écrire lui permet de mieux se comprendre.

Le prisonnier se trouve “pris entre quatre murailles de pierre nue”: il n’a que très peu d’espace et ses déplacements sont limités ; sa seule distraction consiste comme il le précise l 280,  à suivre la progression des ombres au fur et à mesure que le jour s’écoule; Pour lutter conter ce désoeuvrement, l’écriture apparaît comme un dérivatif; mais il doute de pouvoir trouver quelque chose qui vaille la peine d’être écrit (287). Il a alors l’idée de noter les mouvements qui se font en lui : cette tempête, cette lutte, cette tragédie ( 290) . Vue sous cet angle, la matière lui parait riche : il a trouvé un sujet d’inspiration et peindre ses états d’âme le “distraira ”  et lui permettra d’ailleurs “d’en moins souffrir” .  L’écriture va ainsi lui permettre d’oublier que tout autour de lui est “monotone et décoloré”  ( 289 ) ; Se consacrer à son monde intérieur semble alléger quelque peu ses souffrances et lui donne ainsi “de quoi user cette plume et tarir cet encrier

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De plus, le condamné envisage que cette autopsie intellectuelle qu’il s’apprête à pratiquer “ne sera peut être pas inutile”  : en effet, il pense que le journal de ses souffrances et l’histoire de ses sensations portera avec elle “un grand et profond enseignement ” ( l 307) Ainsi , en prenant connaissance de sa souffrance morale et des tortures liées à son arrêt de mort , ceux  qui condamnent auront  peut être la main moins légère (ligne 312 ) . Ils pourront se rendre compte qu dans l’homme qui va mourir, il y a une intelligence et surtout “une âme qui n s’est point disposée pour la mort  ( l 319 ) . En fait, le prisonnier espère que ses quelques lignes vont servir la cause des abolitionnistes et le romancier plaide , à travers ce personnage, contre la peine de mort qu’il juge inhumaine . Il compte sur sa fiction pour convaincre ses lecteurs du caractère atroce d’une sentence ; Il compte sur l’avenir : ” un jour viendra, et peut -être ces mémoires, derniers confidents d’un misérable, y auront-ils contribué.. ( l 330 ) 

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L’écriture du prisonnier  peut également avoir une autre fonction : thérapeutique elle l’aide à  moins s’ennuyer, didactique , elle délivre un enseignement et enfin, elle lui permet de mieux se comprendre; elle a ainsi une fonction d’ expliquer ce qu’il ressent; L’écriture intime fixe ainsi les changements qui se font en lui : il s’observe et note ce qu”il “éprouve de violent et d’inconnu”  (295) L’écriture donne ainsi un nom à des sentiments confus, les démêle et valide leurs transformations. Ses pensées, en effet, se présentent à lui “à chaque heure, à chaque instant, sous une nouvelle forme ” ( 291). Ecrire donne une forme à des pensées mouvantes . 

 Voilà un exemple de conclusion : En nous plongeant au coeur des réflexions imaginaires d’un prisonnier condamné à mort, le romancier lui donne ici la possibilité de s’interroger sur le bien- fondé de l’écriture et par là-même, il rappelle l’intérêt et l’utilité  de cette opération; Se pencher sur soi-même permet d’y voir plus clair; écrire délivre de l’ennui et permet momentanément d’oublier l’enfermement et enfin , les questions du condamné servent ici la cause de Hugo, fervent défenseur de la suppression de la peine de mort. Il espère toucher un large public et le rallier à sa cause grâce à cette fiction.

 

19. février 2017 · Commentaires fermés sur Lambeaux :que retenir ? · Catégories: Seconde
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Charles Juliet est un écrivain à part dans le paysage littéraire :  fortement attiré dès son plus jeune âge par l’écriture, en grande partie autodidacte, il écrit l’histoire de sa vie et donne voix à sa mère biologique ainsi qu’à sa mère adoptive, en leur rendant hommage. Ecriture du souvenir, de la mémoire, mais également écriture thérapeutique, qui tente du soigner les blessures et de refermer les plaies de l’existence, Lambeaux se donne à nous comme un témoignage sincère mais fictif .

Le titre désigne les petits morceaux de la vie que l’autre tente du recoller les uns aux autres , souvenirs auxquels l’écriture s’efforce  douloureusement de donner une forme; L’écrivain se heurte à l’impossible envie de tout dire, tout expliquer, tout exhumer de ce passé terrible qui fut avant tout celui de l’abandon. L’écriture met en forme l’informe : elle donne forme au tissu épars des souvenirs de vie. A la fois récit autobiographique et biographie de la mère décédée dont il recrée l’existence avant même sa naissance, le livre surprend par son tutoiement qui implique fortement l’adhésion du lecteur et fait de lui le témoin muet des souffrances passées.

Les souvenirs se succèdent et se ressemblent , à la fois pour la mère et le fils : solitude, sensation d’être incompris, isolé du reste du monde, différent. La dure vie des paysans ne semble guère convenir à ces deux êtres sensibles et fragiles. Le jeune garçon se construit et apprend à surmonter ses peurs : peur de l’abandon, peur du noir, peur de déplaire, d’être rejeté comme avec son père biologique qu’il surnomme “le père de la montagne” , peur de ne pas avoir de valeur à tel point qu’âgé d’ une quinzaine d’années, le narrateur n’ hésite pas à  adopter des conduites à risque et notamment à jouer sa vie à pile ou face; très fortement marqué par des événements survenus durant sa petite enfance ou même avant cette dernière, l’auteur utilise l’écriture pour tenter de sortir du brouillard et de faire fuir les ombres qui l’entourent. Il reprend, dans l’épilogue du récit, le modèle qu’a employé Virgile, un auteur latin, pour décrire la sortie des Enfers de son héros Enée.

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Récit touchant et auquel on ne reste pas indifférent, lambeaux nous entraîne dans un voyage au coeur de ce qui constitue notre existence individuelle.

Quelques rappels de méthode : pour écrire l’introduction du commentaire composé sur l’épisode de l’accident de vélo, on pouvait procéder de la manière suivante .

On commence par décrire le cadre de publication, l’époque et / ou le mouvement littéraire; ensuite on évoque l’auteur, l’ oeuvre, l’extrait et son thème, sa place au sein du roman; on choisit une problématique qu’on rédige sous forme de question et on termine par annoncer un plan dont chacune des parties répond , à sa manière à la question posée. 

 Voilà un modèle d’introduction possible pour un commentaire composé qui porterait sur cette partie du roman: l’accident de vélo. 

Roman en partie autobiographique composé en 1995 par Charles Juliet , Lambeaux retrace deux vies et  rend hommage aux deux mères du narrateur : sa mère adoptive décédée lorsqu’il avait 7 ans et sa mère adoptive qui lui a donné beaucoup d’amour. Alors qu’ il vient de se voir éconduire par son père qu’il ne voit que rarement , le héros décide de ne pas freiner dans une descente à vélo: il pense ainsi voir s’il mérite de vivre. Dans quelle mesure cet épisode déterminant témoigne-t-il d’une souffrance profonde ? Dans un premier temps, nous évoquerons le récit de l’accident avant de montrer que le narrateur éprouve des sentiments ambivalents et nous terminerons en soulignant la souffrance du personnage. 

16. février 2017 · Commentaires fermés sur Le dernier jour d’un condamné : un plaidoyer contre la peine de mort et une préface importante. · Catégories: Seconde · Tags:
 
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Victor Hugo est âgé de 27 ans lorsqu’il écrit ce court roman, construit comme une nouvelle autour du personnage anonyme du condamné à mort. Conçu sous la forme d’un journal intime , cette histoire a pour but de susciter un débat autour de la peine de mort; Hugo militera, en effet, dès les années 1830, pour son abolition et son opinion est loin d’être majoritaire à son époque. Notons qu’il faudra attendre 1981 en France pour que François Mitterand, alors nouveau président de la République,  fasse abolir la peine de mort par son ministre de la justice : Robert Badinter qui prononça , à cette occasion un discours demeuré célèbre. 

Le lecteur ne peut s’empêcher de s’identifier à ce narrateur anonyme et de s’apitoyer sur son sort. L’auteur s’attache à susciter l’émotion en jouant sur le registre pathétique plus souvent  et tragique parfois. Les passages argumentatifs sont nombreux et défendent la thèse de l’existence pour chaque homme d’un droit inaliénable à la vie; A sa parution, en 1829, le roman a déclenche un scandale et Hugo a été jugé subversif. Il le sera encore plus dans ses romans à venir en défendant les droits de ceux qui souffrent sans pouvoir s’exprimer : les enfants, les pauvres , les illettrés .

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Ecrite en 1832, trois ans après la première parution du récit, la Préface justifie et précise le projet hugolien de plaidoyer contre la peine de mort. “Ce livre, écrit-il, est adressé à quiconque juge “; Du coup, l’auteur a gommé volontairement tous les indices qui pourraient permettre de rendre cette histoire individuelle; Ce criminel anonyme représente l’ensemble de ceux qui ont été jugés, déclarés coupables et vont être exécutés. L’idée d’écrire ce livre lui est venue des exécutions auxquelles il a pu assister place de Grève à Paris, et il espère ainsi pouvoir “empêcher le sang de couler ” En 1830, lors de la Révolution de Juillet, une première fois la Chambre des députés proposa de voter l’abolition de la peine de mort pour sauver quatre ministres condamnés pour avoir comploté contre l’Etat mais Hugo s’il était bien sûr d’accord pour les épargner, aurait préféré qu’on abolisse la peine de mort pour sauver tous “ces pauvres diables que la faim pousse au vol et le vol au reste; enfants déshérités d’une société marâtre que la maison de force prend à 12 ans, le bagne à 18 et l’échafaud à 40. ” Hugo raconte ensuite toutes les exécutions qui se sont mal déroulées avec des condamnés en sang épargnés par la guillotine défectueuse  et qu’on achève devant la foule ; le romancier termine ensuite par un passage en revue des principaux arguments employés par les partisans de la peine de mort ; 

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  • ils la jugent  nécessaire pour retrancher de la communauté un membre qui pourrait encore lui nuire mais Hugo rétorqué que l’isolement en prison suffit à protéger la communauté : ” pas de bourreau où le geôlier suffit ” écrit-il.
  • ils la jugent indispensable pour punir et se venger mais Hugo affirme que Dieu seul a la droit de punir et de décider qui doit vivre et qui doit mourir. La société selon lui doit “corriger pour améliorer ” 
  • ils la jugent importante pour faire des exemples et dissuader ainsi les futurs criminels de passer à l’acte : toutefois Hugo précise que depuis un certain temps,la plupart des exécutions à Paris ne sont plus vraiment publiques et  ont lieu discrètement, tôt le matin , de peur des émeutes et des mouvements de foule coutumiers en place de  Grève . ” sous la patte de velours du juge, on sent les ongles du bourreau ” Pour le futur député républicain, la décision de justice masque en réalité la cruauté de la nature humaine . Hugo se moque ensuite de la rhétorique des procureurs qui parviennent à dissimuler, en choisissant leur mots avec soin, l’horreur de la mort . Il argumente point par point et construit un véritable réquisitoire contre la peine de mort en prenant soin de ménager des transitions : ” la raison est pour nous, le sentiment est pour nous, l’expérience est aussi pour nous ” écrit-il avant de commencer à évoquer les pays qui ont  déjà aboli la peine capitale et qui voient,paradoxalement, leur taux de criminalité baisser . 

En réalité, Victor Hugo ne veut pas seulement faire disparaître la peine de mort: il souhaite réformer le système judiciaire dans son ensemble en séparant , par exemple, les crimes par intérêt des crimes passionnels , qui selon, lui devraient être jugés avec moins de sévérité.  Pour rassurer ceux qui craignent que l’abolition de la peine de mort sème l’anarchie, Hugo fait remarquer que  ” l’ordre ne disparaîtra  pas avec le bourreau.”  

Que pensez-vous des arguments rencontrés dans cette préface ? Lesquels vous semblent les plus convaincants ? et Pourquoi ? 

23. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Panorama des critiques autour de Ruy Blas · Catégories: Seconde · Tags: ,

De nombreux reproches ont été adressés au drame romantique , particulièrement à ses débuts (Souvenez-vous de la célèbre bataille d’Hernani ) et la pièce de Hugo , jouée pour la première fois en 1838, n’a pas été épargnée. En 1880, Zola se montrait particulièrement sévère dans son jugement et reprochait notamment à Hugo d’avoir falsifié la vérité et imaginé un conte de fées abracadabrant. Les lecteurs actuels n’apprécient pas toujours la beauté de ce drame et peuvent eux aussi se montrer de  vigoureux critiques.

Votre sujet d’invention consistait , dans les deux cas, à imaginer la défense de Victor Hugo: ce dernier devait répondre à ses détracteurs sous la forme d’une lettre qui contient ses arguments; les critères d’évaluation sont au nombre de 4

  • la qualité de votre écriture  4 pts
  • la prise en compte de la nature des critiques 4 pts
  • l’invention d’arguments variés et pertinents 4 pts
  • l’utilisation de l ‘oeuvre en elle-même dont certains passages précis illustrent les arguments théoriques  4 pts

 

21. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Polémique autour de Ruy Blas · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Zola s’attaque à Hugo

Emile Zola admire en Victor Hugo le poète lyrique mais il critique sa prétention à vouloir , à travers son drame romantique, représenter les ambitions du Peuple; On peut d’abord se demander si les critiques de Zola paraissent fondées et s’il a raison de reprocher à Hugo ses contre-sens historiques . On peut également émettre l’hypothèse que les deux auteurs n’ont pas la même conception du rôle du théâtre en particulier et de la littérature ,en général.N’oublions pas que cette lettre de Zola est publiée en 1880 soit presque 50 ans après la parution de la pièce.

Comment répondre aux critiques de Zola ? Une première étape consistait à prolonger les analyses du cours et à formuler clairement ce qui est critiqué par le romancier naturaliste  en reprenant point par point les accusations formulées.

Vous trouverez en rouge dans le document les principaux reproches de Zola, en jaune les éléments qu’il admire dans l’oeuvre; en vert apparaît la conception de l’écriture et de l’oeuvre artistique et en bleu les interprétations de Zola qui sont discutables.

Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de Ruy Blas, qui a soulevé un si grand enthousiasme.

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Zola himself

        C’était le poète, le rhétoricien superbe qu’on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l’éclat de l’or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d’un souffle plus lyrique, d’une vie plus intense.
        Mais personne, à coup sûr, n’acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l’on met à part le clan des admirateurs farouches […] tout le monde hausse les épaules aujourd’hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de prendre ce drame comme un conte de fée sur lequel l’auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu’on l’examine au point de vue de l’histoire et de la logique humaine, dès qu’on tâche d’en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d’erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique.

        Le plus singulier c’est que Victor Hugo a eu la prétention de cacher un symbole sous le lyrisme de Ruy Blas. Il faut lire la préface et voir comment, dans l’esprit de l’auteur, ce laquais amoureux d’une reine personnifie le peuple tendant vers la liberté, tandis que don Salluste et don César représentent la noblesse d’une monarchie agonisante. On sait combien les symboles sont complaisants […] Seulement celui-ci, en vérité, se moque par trop du monde.

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        Voyez-vous le peuple dans Ruy Blas, dans ce laquais de fantaisie qui a été au collège, qui rimait des odes avant de porter la livrée, qui n’a jamais touché un outil et qui, au lieu d’apprendre un métier, se chauffe au soleil et tombe amoureux des duchesses et des reines ! Ruy Blas est un bohème, un déclassé, un inutile : il n’a jamais été le peuple. D’ailleurs admettons un instant qu’il soit le peuple, examinons comment il se comporte, tâchons de savoir où il va. Ici, tout se détraque. Le peuple poussé par la noblesse à aimer une reine, le peuple devenu grand ministre et perdant son temps à faire des discours, le peuple tuant la noblesse et s’empoisonnant ensuite : quel est ce galimatias ? Que devient le fameux symbole ? Si le peuple se tue sottement, sans cause aucune, après avoir supprimé la noblesse, la société est finie.
        On sent ici la misère de cette intrigue extravagante, qui devient absolument folle, dès que le poète s’avise de vouloir lui faire signifier quelque chose de sérieux. Je n’insisterai pas davantage sur les énormités de Ruy Blas, au point de vue du bon sens et de la simple logique.

        Comme poème lyrique, je le répète, l’œuvre est d’une facture merveilleuse ; mais il ne faut pas une minute vouloir y chercher autre chose, des documents humains des idées nettes, une méthode analytique, un système philosophique précis. C’est de la musique et rien autre chose.

        J’arrive à un second point. Ruy Blas, dit-on, est un envolement dans l’idéal ; de là, toutes sortes de précieux effets : il agrandit les âmes, il pousse aux belles actions, il rafraîchit et réconforte. Qu’importe si ce n’est qu’un mensonge ! il nous enlève à notre vie vulgaire et nous mène sur les sommets. On respire, loin des œuvres immondes du naturalisme. Nous touchons ici le point le plus délicat de la querelle.

        Sans le traiter encore à fond, voyons donc ce que Ruy Blas contient de vertu et d’honneur. Il faut d’abord écarter don Salluste et don César. Le premier est Satan, comme dit Victor Hugo ; quant au second, malgré son respect chevaleresque de la femme, il montre une moralité douteuse. Passons à la reine. Cette reine se conduit fort mal en prenant un amant ; je sais bien qu’elle s’ennuie et que son mari a le tort de beaucoup chasser : mais, en vérité, si toutes les femmes qui s’ennuient prenaient des amants, cela ferait pousser des adultères dans chaque famille. Enfin, voilà Ruy Blas, et celui-là n’est qu’un chevalier d’industrie, qui, dans la vie réelle, passerait en cour d’assises. Eh quoi ! ce laquais a accepté la reine des mains de don Salluste ; il consent à entrer dans cette tromperie, qui devrait paraître au spectateur d’autant plus lâche que don César, le gueux, l’ami des voleurs, vient de la flétrir dans deux superbes tirades ; il fait plus, il vole un nom qui n’est pas le sien. Puis, il porte ce nom pendant un an, il trompe une reine, une cour entière, tout un peuple et ces vilenies, il s’en rend coupable pour consommer un adultère ; et il comprend si bien la traîtrise, l’ordure de sa conduite, qu’il finit par s’empoisonner ! Mais cet homme n’est qu’un débauché et un filou !Mon  âme ne s’agrandit pas du tout en sa compagnie. Je dirai même que mon âme s’emplit de dégoût car je vais malgré moi au-delà des vers du poète, dès que je veux rétablir les faits et me rendre compte de ce qu’il ne montre pas ; je vois alors ce laquais dans les bras de cette reine, et cela n’est pas propre.

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        Au fond Ruy Blas n’est qu’une monstrueuse aventure qui sent le boudoir et la cuisine. Victor Hugo a beau emporter son drame dans le bleu du lyrisme, la réalité qui se trouve par-dessous est infâme. Malgré le coup d’aile des vers, les faits s’imposent, cette histoire n’est pas seulement folle, elle est ordurière ; elle ne pousse pas aux belles actions, puisque les personnages ne commettent que des saletés ou des gredineries, elle ne rafraîchit pas et ne réconforte pas, puisqu’elle commence dans la boue et finit dans le sang. Tels sont les faits.

        Maintenant si nous passons aux vers, il est très vrai qu’ils expriment souvent les plus beaux sentiments du monde. Don César fait des phrases sur le respect qu’on doit aux femmes ; la reine fait des phrases sur les sublimités de l’amour ; Ruy Blas fait des phrases sur les ministres qui volent l’État. Toujours des phrases, oh ! des phrases tant qu’on veut !
        Est-ce que par hasard les vers seuls seraient chargés de l’agrandissement des âmes ? Mon Dieu ! oui, et voilà où je voulais en arriver : il s’agit simplement ici d’une vertu et d’un honneur de rhétorique. Le romantisme, le lyrisme met tout dans les mots. Ce sont les mots gonflés, hypertrophiés, éclatant sous l’exagération baroque de l’idée. L’exemple n’est-il pas frappant : dans les faits, de la démence et de l’ordure ; dans les mots, de la passion noble, de la vertu fière de l’honnêteté supérieure. Tout cela ne repose plus sur rien : c’est une construction de langue bâtie en l’air. Voilà le romantisme. […]

        Victor Hugo reste un grand poète, le plus grand des poètes lyriques. Mais le siècle s’est dégagé de lui, l’idée scientifique s’impose. Dans Ruy Blas, c’est le rhétoricien que nous applaudissons. Le philosophe et le moraliste nous font sourire.

 

Émile Zola, Lettre à la jeunesse (fragments).
À propos de l’entrée de Ruy Blas à la Comédie-Française, en août 1880