18. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Lambeaux : une écriture du souvenir pour se reconstruire · Catégories: Seconde

Charles Juliet compose une oeuvre originale qui poursuit différents buts : tout d’abord, se connaître lui-même et se découvrir au moyen de l’écriture ; Ensuite reconstruire sa vie en ressuscitant le personnage de sa mère , décédée alors qu’il était âgé de sept ans. Enfin recoller les morceaux de son identité divisée par cette adoption qui lui a permis de vivre entouré d’amour et de surmonter le traumatisme originel de cet abandon forcé. 

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juli3.jpg, janv. 2017

 

 

Consignes de travail et de révisions : lis le cours suivant sur le roman  et cherche le sens des mots que tu ne connais pas (certains sont en rouge ou en italique; Note leurs définitions dans ton classeur de français et illustre les par un passage du roman auquel ils semblent particulièrement bien s’appliquer .

Pourquoi écrire ? 

«…Écrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance. Écrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.
… Écrire pour déterrer ma voix.
Écrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m’unifier.
»

 Charles Juliet prend la parole pour tous les sans voix, ceux à qui on a ravalé les mots dans la gorge, ou qui n’ont pas su l’exprimer. Il parle de « toutes ces heures qui ont laissé les mains vides et ces jours que l’on n’a pas su perdre ». Son écriture est un viatique pour autrui.

« Écrire c’est exprimer cette part de soi qu’on découvre chez autrui, cette part d’autrui qu’on reconnaît en soi-même. Écrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de le révéler à lui-même. De l’aider à se connaître et à cheminer »

Il va à la rencontre de ses « ténèbres froides », de ses « traversées de la nuit ». Voyage d’Orphée pour retrouver ses ombres chères, et aussi tentative d’exorcisation d’une vie en miettes.

Lambeaux :  un chemin de l’existence

Parmi cette perpétuelle introspection, descente dans les grottes de l’intime, Lambeaux occupe une place centrale ; ce petit livre est le plus connu de l’auteur. Juliet a voulu dresser une sorte d’hymne à la mère inconnue et à la mère qui l’a recueilli, la « toute- donnée ».
Dans ce livre fondateur enfin la voix du tout petit garçon qui hurle en lui, qui s’en veut de continuer à vivre, se fait entendre et dresse une écharpe de consolation à ses mères. Dans ce chant d’amour et de parole dénouée, de cet hymne de consolation impossible à rassasier, Juliet dresse un mémorial, un livre-tombeau.
Celui du fils qui réenfante sa mère, la remet au monde.
« Il pourrait se faire que ma mère qui est morte d’étouffement de n’avoir pu parler… trouve à parler à travers moi ».

Charles Juliet a sept ans quand sa véritable mère meurt de faim à trente-huit ans, dans l’asile psychiatrique où elle a été enfermée pour dépression après la naissance d’un quatrième enfant, lui. Huit ans d’enfermement abusif pour ainsi mourir comme les quarante mille malades mentaux morts de la faim.

« Celui qui « survit en toi »
continue de te dicter
nombre de tes mots
de tes actes »

Le récit est bâti en deux parties et trace en fait trois portraits : celui de la mère naturelle, celui de la mère nourricière et celui de l’auteur.

Un bref prologue  pose les fondations de cette entreprise : faire ressusciter, récréer la lumière de la mère.
La première partie, la plus longue , fait revivre, ou plutôt vivre, sa mère. Cette mère morte de silence, désespérée qui ne pourra exprimer sa détresse dans ce monde paysan sans pitié qui lui refusera les études. Pris dans l’étau du père et du mari, elle ne peut exister que dans le devoir et la soumission. Cette vie âpre des champs et de dévouement absolu ne sera illuminée que par la lecture de la Bible, et la brève rencontre amoureuse, brève et tragique avec un jeune parisien tuberculeux. Les déchirures se multiplient. Cette descente dans la dépression, cette lente agonie, connaît son apogée avec la naissance de son quatrième enfant, le narrateur. Au lieu de lui insuffler l’amour de la vie, cela l’entraîne dans une tentative de suicide, puis l’enfermement, l’effacement et la mort en juillet 1942, à trente-huit ans. Charles Juliet en gardera un sentiment de culpabilité profond qu’il mettra longtemps à évacuer.

La deuxième partie est le récit « d’apprentissage », de cet enfant placé, à trois mois après l’internement de sa mère, auprès d’une famille d’accueil . Dans cette famille nombreuse de cinq filles, il grandira au rythme des saisons.Une autre mère, pleine d’amour remplace la première absente dès les premiers mois.

Manquant souvent l’école pour garder les vaches au milieu du silence des forêts et des collines, il souffrira de la solitude et il en retirera une sorte de terreur de l’enfance même : « La peur a ravagé ton enfance ». La plus grande peur sera celle de l’abandon.

Enfant de troupe à Aix-en-Provence à douze ans, il découvre la littérature et sa vocation de vouloir vouer sa vie à être un écrivain. Par les études il échappe à la malédiction de la solitude et de l’ennui.
Il découvre aussi le déchirement entre cette vie de caserne et sa vie de paysan. Voulant éprouver s’il était digne de vivre il fait lui aussi une sorte de tentative de suicide en vélo après une visite à son père naturel. Ce sera le tournant dans l’acception du vivre. Il sait qu’il mérite de vivre.

Le reste du livre décrira ses études, sa tentation de devenir médecin militaire et la soumission à la destinée du devoir d’écrire. La difficulté d’écrire, de faire une œuvre entraînera une crise profonde qui durera quinze ans.

Ainsi s’achève ce chemin où l’auteur comprend que sa vie est son œuvre, et son œuvre sa vie.
La boucle se ferme dans les dernières pages quand à l’intérieur même du livre écrit l’écrivain raconte le livre en train de s’écrire. Par cette mise en abyme le miroir de l’écrit reflète enfin la vie. La foi dans l’écriture a trouvé sa création. La thérapie a fonctionné.

Les lambeaux d’écriture

Ce livre est écrit en courts fragments, en lambeaux donc, en refusant toute forme romanesque. Il n’y a volontairement aucun lyrisme apparent. Tout est en suggestions, en ruptures et ellipses. Mots pesés et soupesés, tournés et retournés, pour leur juste densité.

Ce court livre écrit à la deuxième personne désignant indistinctement les trois personnages devient une stèle hiératique à la gloire de la lumière qui finit par percer, un chant sur « la douleur humble et aimante ».

Ce tutoiement et le recours constant au présent, abolissant toute notion de temps, donnent une force prenante à toute cette évocation.

L’écriture de Charles Juliet est frappante à la fois par sa grande nudité, et aussi par cette douceur grave. Une grande pudeur est présente, Juliet emploie d’ailleurs souvent le tutoiement comme pour tenir à distance celui qui écrit, donc lui. Son écriture n’est pas illumination mais longue macération vers le dépouillement. Du silence intérieur à la parole acceptée.

« Être un écrivain, c’est vivre le plus possible dans le silence, et demeurer à l’écoute de ces mots chuchotés qu’il importe de capter et de coucher par écrit. »

La vie enfin acceptée.

Il a réussi à vaincre par l’écriture la pauvreté, l’absence de savoir et de lectures, le silence et la dépression profonde, la tentation incessante du suicide, les doutes et les démons intérieurs.
Ce livre porte toutes les larmes de la mère que Juliet porte en lui :« Pardonne, ô ma mère, à l’enfant qui t’a poussée dans la fosse ».

Cette mère, il la récrée avec une infinie tendresse, il l’imagine prisonnière des hivers et des villages clos, et voulant à chaque printemps s’envoler hors de la glace des gens et des lieux. Il édifie un culte filial pour celle qu’il veut réchauffer d’un peu de chaleur humaine qu’elle n’a pas eue. Il frissonne avec elle dans les levers à l’aube dans le gel, il court avec elle vers la forêt. Il porte sa fatigue, « la fatigue, la fatigue, la fatigue ». Il écrit avec elle sur les murs de l’hôpital psychiatrique :

« Je crève, je crève. Parlez-moi. Parlez-moi. Si vous trouviez les mots dont j’ai besoin vous me délivreriez de ce qui m’étouffe ».

« Ni l’une ni l’autre de tes deux mères n’aura eu accès à la parole. Du moins à cette parole qui permet de se dire, se délivrer, se faire exister dans les mots. Parce que ces mêmes mots se refusaient à toi et que tu ne savais pas t’exprimer, tu as dû longuement lutter pour conquérir le langage. Et si tu as mené ce combat avec une telle obstination, il te plaît de penser que ce fut autant pour elles que pour toi. Tu songes de temps à autre à Lambeaux .

« Tu as la vague idée qu’en l’écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours su ».

Lambeaux est bien en fait une magnifique lettre d’amour à sa mère Hortense Juliet, et à sa mère d’adoption Mme Félicie Rufieux. C’est aussi une lettre d‘amour à la vie. « Lorsqu’elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s’avancer à leur suite la cohorte des bâillonnés, des mutiques, des exilés des mots.

Ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance.
Ceux et celles qui s’acharnent à se punir de n’avoir jamais été aimés.
Ceux et celles qui crèvent de se mépriser et se haïr.
Ceux et celles qui n’ont jamais pu parler parce qu’ils n’ont jamais été écoutés. Ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte. Ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge.
Ceux et celles qui n’ont jamais pu surmonter leur fondamentale détresse. »

Projet d’écriture : « Un jour, il te vient le désir d’entreprendre un récit où tu parlerais de tes deux mères, l’esseulée et la vaillante, l’étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. Leurs destins ne se sont jamais croisés, mais l’une par le vide créé, l’autre par son inlassable présence, elles n’ont cessé de t’entourer, te protéger, te tenir dans l’orbe de leur douce lumière. Dire ce que tu leur dois. Entretenir leur mémoire. Leur exprimer ton amour. Montrer tout ce qui d’elles est passé en toi. »

Consultez ce lien pour en savoir plus :

 

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13. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY Blas et Hugo face à la critique : imagine que le dramaturge se défende … · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Tout auteur , un jour, doit faire face à la critique; Certains s’agacent de voir leur talent contesté; d’autres comme Molière ,s’en remettent au public; d’autres encore comme Corneille passent leur temps à se justifier dans leur préfaces ou leurs postfaces; Respect des règles, innovation, modes ou imitation des Anciens, chaque point a son importance et les artistes peuvent parfois se montrer indifférents ou au contraire , extrêmement chatouilleux. Hugo n’a pas eu en tant que dramaturge le succès escompté et nombreux sont ceux, à son époque, mai également aujourd’hui , qui l’ont critiqué; Passons- en revue les principaux points sur lesquels il a été jugé..voici un petit florilège critique ..

 Commençons tout d’abord par les deux sujets d’invention  au choix : 

Imaginez  la réponse que Victor Hugo aurait pu écrire à Emile Zola après avoir lu sa lettre (document 4 ) 

Ou 

Imaginez que Hugo aujourd’hui lise les critiques du site Babelio consacré à Ruy Blas (document 3)  : il décide de répondre en écrivant un article où il prend la défense de sa pièce en tentant de comprendre le point de vue d’un lecteur d’aujourd’hui 

 Liste des documents  

Document 1 : un article critique d’un spécialiste du théâtre hugolien 

Document 2 : un rappel de sa position de chef de file du drame romantique 

Document 3 : des articles de lecteurs tirés du site Babelio 

Document 4 : la lettre d’Emile Zola à propos de la représentation de  Ruy Blas en 1880

Document 1 : extrait d’un article publié dans la revue de l’ENS à propos des critiques du théâtre hugolien 

Historiquement et essentiellement, le théâtre est un genre agonistique, pour ne pas dire polémique. Le conflit engendre le théâtre et, en retour, le théâtre provoque le conflit. Les nombreuses querelles et batailles qui jalonnent l’histoire du théâtre – Le Cid et Hernani, pour ne citer que les plus connues sinon les plus violentes – prouvent que le combat est infectieux et qu’il ne reste pas enclos dans le seul espace scénique. Parmi les confrontations que le théâtre appelle, qu’il nourrit et dont il profite, celle qui l’oppose à la critique que l’on appellera, faute de mieux, journalistique est haute en couleurs et en enseignements. Naguère, en effet, le théâtre vivait et mourait par la critique que dispensaient les journaux et leurs censeurs redoutés. Puisqu’il est un art de société, le théâtre s’expose plus qu’aucun autre genre littéraire et les dramaturges sont davantage aux prises avec les critiques que leurs (con)frères romanciers ou poètes. Plus attaqués que les autres, ils ont dû développer davantage leurs systèmes de défense et apprendre à répondre.

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En tant que dramaturge, Hugo a rarement trouvé grâce aux yeux de la critique. Contre ce théâtre trop poétique, trop épique, trop sublime et trop grotesque – trop hugolien, en somme –, celle-ci fait rage et reproche à l’auteur tout ce qui fait son génie .Chacun de ses drames a été l’occasion d’un combat ; la publication en volume lui permet de se justifier et de riposter en cuirassant ses pièces d’un paratexte abondant, varié et destiné à anéantir les critiques qui ont été émises et prévenir celles qui viendront. La dimension agonistique perdure donc, quelle que soit la durée écoulée depuis le tumulte des représentations.

Hugo ne cite jamais les noms de ses détracteurs et ne relaie presque jamais les propos déplaisants qu’il a dû essuyer lors de la création des pièces : inutile d’élever la querelle en débat. Souvent il  donne littéralement son congé à la critique : « L’auteur  pourrait […] examiner une à une avec la critique toutes les pièces de la charpente de son ouvrage ; mais, il a plus de plaisir à remercier la critique qu’à la contredire »

Le vrai jugement est celui de la postérité. « Si son drame est mauvais, que sert de le soutenir ? S’il est bon, pourquoi le défendre ? Le temps fera justice du livre, ou la lui rendra. Le succès du moment n’est que l’affaire du libraire » écrit-il par exemple à la sortie de Cromwell. 

 Que lui a-t-on reproché ? 

Hugo est fréquemment accusé de produire sur la scène des pièces immorales. Dans la préface de Lucrèce Borgia, il réplique et se défend. 

On lui reproche également la dimension grotesque ;

En 1882, si le grotesque dérange toujours, Hugo est devenu une telle idole qu’on lui passerait la plupart de ses excès. La finalité de ces variantes n’est pas pratique mais polémique : montrer à quel point les versions finalement choisies par Hugo sont supérieures en raison même de ce que l’on considère encore comme une faute de goût.

Une autre critique fréquemment adressée à Hugo, comme à tous les forgeurs de fiction, est celle de maltraiter l’histoire dans ses drames. Sur ce point, sa défense ne variera jamais : tout en plaidant sans cesse pour la liberté du créateur, Hugo multiplie les preuves  de bonne foi et d’érudition

Hugo, l’homme-océan, ne peut se contenir dans les limites usuelles qu’on impose aux dramaturges. S’il sait faire parler des personnages, il veut également prendre la parole lui-même jusqu’à l’extrême limite. Il entend montrer qu’il est le maître du jeu dramatique et éditorial, l’énonciateur tutélaire caché derrière tous les personnages, présent d’un bout à l’autre du volume et qui étouffe toute autre voix, fût-elle celle de la critique. Il prouve à nouveau qu’il est bien le « génie sans frontières » dont parlait Baudelaire. La mainmise qu’il voulait sur le théâtre comme art vivant, Hugo la réalise lorsqu’il imprime ses drames. 

 

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Document 2 : un rappel de sa position de chef de file du drame romantique 

Chef de file du Romantisme : Le créateur du drame romantique

En 1827, la préface que Victor Hugo rédigea à sa tragédie, Cromwell – sa première œuvre dramatique -, devint immédiatement le manifeste du théâtre romantique. Ce traité se divisait en trois parties : la première, à finalité destructrice, condamnait les règles aristotéliciennes de l’unité de lieu et de temps (deux des règles appliquées dans le théâtre classique), la deuxième partie recommandait en revanche de conserver la seule règle aristotélicienne acceptable, celle qui concernait l’unité d’action, tandis que la troisième partie affirmait le droit et le devoir, pour l’art, de représenter la réalité sous tous ses aspects. Hugo définissait ainsi, contre l’esthétique du théâtre classique, les règles d’un nouveau genre théâtral, le drame romantique.

Le drame romantique né des théories de Hugo se caractérise par l’introduction du laid et du grotesque sur la scène théâtrale, par un plus grand souci de la couleur locale et surtout par le mélange des genres – puisqu’au sein d’un même drame figurent des éléments tragiques et comiques.

Le 25 février 1830, la représentation de la pièce Hernani, qui donne à Hugo l’occasion de mettre lui-même en pratique ses principes, se déroula dans une atmosphère surchauffée par les polémiques entre défenseurs de la tradition et tenants des nouvelles doctrines. C’est cette soirée mouvementée, restée dans l’histoire littéraire sous le nom de « bataille d’Hernani », qui fit officiellement de Hugo le chef de file du Romantisme français. Hugo illustra encore ses théories au théâtre, notamment avec des drames passionnés comme Le roi s’amuse (1832), interdit par la censure, Lucrèce Borgia (1833) ou Ruy Blas (1838), un de ses drames les plus connus.

L’homme de génie s’inquiète peu des diatribes, des harangues et des clameurs de ses ennemis; il sait qu’il aura la parole après eux. (Faits et croyances)

·  Le beau n’a qu’un type; le laid en a mille. (Cromwell, préface)

Les grandes révolutions naissent des petites misères comme les grands fleuves des petits ruisseaux.

 

Document 3 : des articles de lecteurs tirés du site Babelio 

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rb85.jpg, déc. 2016

 

  1. Quand un auteur est convaincu de l’enjeu politique et social de la littérature, il est inévitablement porté à s’intéresser au théâtre, art bien plus populaire que celui de la littérature, surtout au XIXe siècle, quand le théâtre était le seul moyen de transmettre une oeuvre écrite inaccessible à la majorité analphabète d’une population.
    Victor Hugo étant un auteur ayant toujours cherché à créer pour ceux qui n’en n’ont pas les moyens et en ont le plus besoin, il était logique qu’il lance définitivement sa carrière littéraire par le théâtre, et pas n’importe quel théâtre, un théâtre débarrassé des restrictions classiques, un théâtre romantique, exalté, lyrique et emporté, cherchant à satisfaire autant l’intellectuel porté sur l’exactitude historique et le caractère des personnages que le sentimental adepte des intenses peintures des passions.
    Lancé par “Cromwell” et surtout par “Hernani” , le drame romantique hugolien atteint son apogée avec “Ruy Blas“. Bien que ce texte puisse heurter, et même faire sourire, les professionnels de notre théâtre contemporain, il n’en garde pas moins une grande fraîcheur par la beauté et la vigueur de ses vers, la force de ses images et son indéniable caractère populaire. Il est vrai qu’aujourd’hui, les auteurs cherchent avant tout à ne pas être populaire et à créer, non pas pour tous, mais pour certains. le théâtre perd ainsi (peut-être au profit de la télévision et du cinéma ?) ce qui fit sa grandeur et lui donnait tout son sens : être l’élément déclencheur d’un engouement populaire, être créateur de lien social. Ce que Victor Hugo réussit à faire par son théâtre, par ce fameux drame éminemment politique d’un valet épris de la reine d’Espagne, d’un homme du peuple ayant des velléités d’insoumission, d’égalité et de liberté, dans un temps où les incompétences de l’aristocratie commençait à faire de l’ombre aux nouvelles forces et aux volontés aiguisées d’une classe bourgeoise désirant tenir, elle aussi, les rênes de son destin.

 

  1. J’adore cette pièce. Une histoire d’amour flamboyante, une imposture, l’arrière-plan du peuple en marche hugolien, un vilain digne de Frollo (Don Salluste) et une fin shakespearienne dans le sang. Je vénère Shakespeare, adore Hugo, et lorsque le second est le plus proche du premier, son maître, je ne peux qu’applaudir. Il déverse dans cette pièce toute sa passion, conjuguée à un décor espagnol qui s’y prête tellement
  2. Assez déçu par cette pièce de théâtre de Victor Hugo (je préfère ses romans et ses poésies à ses pièces de théâtre !). Ma déception est due au célèbre film “la folie des grandeurs” (avec Montand et de Funès) tiré de cette pièce et que j’ai vu et adoré. Dans cette pièce, les passages comiques n’apparaissent pas (ça je m’en doutais un peu, j’imagine mal Victor Hugo écrire le passage comique du chien qui baise la main à Alice Sapritch !!!). La pièce est plus dramatique car Don Salust surprend Ruy Blas avec la Reine et essaie de les faire chanter. Ruy Blas tuera Don Salust et se tuera en avalant du poison, c’est effectivement moins gai que le film !
  3. J’ai trouvé le thème de cette pièce très actuel, même si les hommes de pouvoir dont elle parle sont des aristocrates de l’Espagne du 17ème siècle… C’est son intérêt principal, sans compter, bien sûr, la belle écriture de Victor Hugo ! Mais à mon goût, l’intrigue est trop rocambolesque, l’histoire d’amour trop romantique. Finalement, ce que j’ai préféré, c’est la préface écrite par Victor Hugo ! Je pense que j’aurais plus apprécié cette pièce si je l’avais vue au theâtre, car elle pleine de rebondissements, de portes qui claquent, et il faut que ça aille vite, il faut du spectacle…
  4. Ne criez pas, madame! Je m’appelle Ruy Blas et ne suis qu’un navet!

    Je n’ai pas un grand goût décidément pour le drame hugolien, même si Ruy Blas a des accents légèrement plus convaincants que ceux d’Hernani, tout m’y semble forcé, empesé, ampoulé, téléphoné- pour tout dire vaguement ridicule – alors que l’esthétique du drame devrait être celle d’une fertile liberté de ton, d’un créatif mélange des genres…
    Si je suis tétanisée d’effroi, pétrifiée par la beauté des tragédies classiques, raciniennes ou sophocléennes, le drame hugolien, lui, me laisse de marbre et m’ennuie même énormément…
    Je vais même vous faire une confidence, que je ne me risquerais jamais à faire sur un réseau de doctes lettrés comme celui de Babelio, mais nous sommes entre nous, pas vrai? Ruy Blas ne m’a vraiment transportée d’aise que quand j’ai vu, au cinéma, sa parodie, La Folie des Grandeurs, avec l’inénarrable de Funès dans le rôle de Don Salluste!!

Le théâtre de Victor Hugo – soyons cruel, pour une fois, envers cet immense auteur -, c’est un peu du sous-Shakespeare: ça mélange le tragique et le comique; ça parle beaucoup, dans des vers grandiloquents; ça passe de la perfidie la plus noire à la noblesse (forcément chez le serviteur, Hugo renverse toujours tout) la plus honorable. Un valet aime une reine, un perfide se venge, un voleur se fait voler, et tout cela s’exalte à foison, pousse de hauts cris, se veut grandiose. Bref, nous ne sommes plus des romantiques. Ruy Blas, pour les cyniques du vingt-et-unième siècle, n’est plus que le prélude à La Folie des Grandeurs, dont Hugo, à coup sûr, était atteint.

C’est toujours pareil avec moi et les écrits d’Hugo : je trouve son style puissant, ses vers sublimes, et je déteste ses histoires. Je dois même avouer que j’ai éclaté de rire à la réplique finale !

Je me suis pressé à lire Ruy Blas, je n’ai pas réellement pu apprécier la complexité de la pièce. Malgré tout j’ai particulièrement aimé. Je ne connaissais pas Victor Hugo en tant que dramaturge, et pourtant il y a du talent. J’ai vraiment pénétré dans le Royaume espagnol de l’époque. J’ai adoré découvrir l’aristocratie, j’ai adoré la tirade de Ruy Blas au gouvernement, j’ai adoré la politique du personnage.

 

Document 4 : la lettre d’Emile Zola à propos de la représentation de  Ruy Blas en 1880

 

ZOLA CONTRE RUY BLAS

 

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Zola rend d’abord hommage à Hugo en tant que poète, mais critique sa philosophie “conduisant la jeunesse à tous les mensonges du lyrisme, aux détraquements cérébraux de l’exaltation romantique “. Il poursuit ainsi  :

        […] Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de Ruy Blas, qui a soulevé un si grand enthousiasme.
        C’était le poète, le rhétoricien superbe qu’on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l’éclat de l’or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d’un souffle plus lyrique, d’une vie plus intense.
        Mais personne, à coup sûr, n’acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l’on met à part le clan des admirateurs farouches […] tout le monde hausse les épaules aujourd’hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de prendre ce drame comme un conte de fée sur lequel l’auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu’on l’examine au point de vue de l’histoire et de la logique humaine, dès qu’on tâche d’en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d’erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique.

        Le plus singulier c’est que Victor Hugo a eu la prétention de cacher un symbole sous le lyrisme de Ruy Blas. Il faut lire la préface et voir comment, dans l’esprit de l’auteur, ce laquais amoureux d’une reine personnifie le peuple tendant vers la liberté, tandis que don Salluste et don César représentent la noblesse d’une monarchie agonisante. On sait combien les symboles sont complaisants […] Seulement celui-ci, en vérité, se moque par trop du monde.

        Voyez-vous le peuple dans Ruy Blas, dans ce laquais de fantaisie qui a été au collège, qui rimait des odes avant de porter la livrée, qui n’a jamais touché un outil et qui, au lieu d’apprendre un métier, se chauffe au soleil et tombe amoureux des duchesses et des reines ! Ruy Blas est un bohème, un déclassé, un inutile : il n’a jamais été le peuple. D’ailleurs admettons un instant qu’il soit le peuple, examinons comment il se comporte, tâchons de savoir où il va. Ici, tout se détraque. Le peuple poussé par la noblesse à aimer une reine, le peuple devenu grand ministre et perdant son temps à faire des discours, le peuple tuant la noblesse et s’empoisonnant ensuite : quel est ce galimatias ? Que devient le fameux symbole ? Si le peuple se tue sottement, sans cause aucune, après avoir supprimé la noblesse, la société est finie.
        On sent ici la misère de cette intrigue extravagante, qui devient absolument folle, dès que le poète s’avise de vouloir lui faire signifier quelque chose de sérieux. Je n’insisterai pas davantage sur les énormités de Ruy Blas, au point de vue du bon sens et de la simple logique. 

        Comme poème lyrique, je le répète, l’œuvre est d’une facture merveilleuse ; mais il ne faut pas une minute vouloir y chercher autre chose, des documents humains des idées nettes, une méthode analytique, un système philosophique précis. C’est de la musique et rien autre chose. 

        J’arrive à un second point. Ruy Blas, dit-on, est un envolement dans l’idéal ; de là, toutes sortes de précieux effets : il agrandit les âmes, il pousse aux belles actions…(la suite sur votre document polycopié..)

À propos de l’entrée de Ruy Blas à la Comédie-Française, en août 1880

 

08. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY BLAS m’a tué : le meurtre de Salluste sur scène · Catégories: Première · Tags:
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Le spectateur a vu progressivement la relation se dégrader entre le maître et son valet qui a pris goût à la liberté et qui a également pris de l’assurance grâce à son déguisement de ministre et à l’amour partagé de la reine d’ Espagne ; Il pressent donc que l’issue sera fatale d’autant qu’avec le retour de Salluste, le piège se referme sur les deux amants . Hugo va-t-il aller jusqu’à faire mourir le méchant sur scène , en rupture avec la tradition du théâtre classique ? 

Tout d’abord , précisons le contexte et la situation exacte. Il s’agit de montrer sur scène la vengeance de Salluste comme l’indique le dramaturge : “ma vengeance est assez complète de la sorte” ; Ce point est à mettre en relation avec le début de la pièce; le spectateur assiste à une partie du dénouement qui voit la victoire de Salluste dont le plan a fonctionné. 

Le personnage est présenté sous un jour particulièrement sarcastique et il se moque de la naïveté du héros tout en se montrant irrespectueux envers la souveraine; les anaphores révèlent , à la fois , le passé et les sentiments du personnage qui met en relation ce qu’on a lui a fait avec ce qui s’accomplit sous les yeux du spectateur : “Vous m’avez cassé ! je vous détrône; Vous m’avez banni,  je vous chasse” On note que dans le premier hémistiche, on trouve une action mise en relation avec les agissements de Salluste qui sont ainsi présentés comme les conséquences logiques de ce qu’a fait la reine; Mais la faute initiale a été commise par le marquis de Finlas et les deux vers suivants , construits à la fois sur des antithèses et sur un chiasme, donnent à lire la nature de cette vengeance : “vous m’avez pour femme offert votre suivante /” moi je vous ai donné mon laquais pour amant.”

Ruy Blas a donc été l’instrument de la vengeance de ce grand d’Espagne dont le mépris est affiché ainsi que les préjugés de classe : la didascalie “éclate de rire ” montre que pour Salluste il est inconcevable qu’une telle union entre deux personnes de rang social différent, soit réalisée; l’amour tiendrait donc compte de la position sociale de la personne aimée; le marquis es montre clairement menaçant à la fin de sa réplique et la gradation qu’il emploie traduit sa fureur : “vous m’aviez brisé, flétri, mis sous vos pieds” ; il termine en traitant la reine de folle "vous dormiez en paix, folle que vous étiez ” ; Folle ici est à prendre au sens d’insensée ; Salluste veut dire que la reine ne s’est pas suffisamment méfiée de lui et qu’elle a sous-estimée l’offense qu’elle lui avait faite en lui ordonnant de s’exiler .

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Ruy Blas va réagir violemment après cette insulte qui déclenche sa propre colère; les didascalies nous montrent les préparatifs de ce qui s’apparente à un meurtre prémédité: il a condamné la porte en poussant le verrou et s’avance l’épée à la main “terrible ” ; cette indication fait de lui un héros de tragédie. Sous l’effet de cette colère, on sent le personnage capable de tout: c’est à son tour de se montrer menaçant et de justifier ce qu’il s’apprête à faire; Hugo multiplie les analogies avec le Diable et Salluste devient une incarnation diabolique : ” Satan te protégea, on écrase un serpent ou même “personne n’entrera ni tes gens ni l’enfer.” Le héros doit faire en sorte que le public le soutienne et qu’aux yeux de la reine, il passe pour un protecteur ou un justicier et pas pour un vulgaire assassin.

Ruy Blas se livre alors à un portrait charge de Salluste pour rappeler le danger qu’il représente pour la jeune femme : “c’est un monstre..il n’a point d’âme ” ou bien , “il m’étouffait ” et il m’a broyé le coeur” ; Ici les métaphores renvoient d’une part, à l’image diabolique du serpent ou à une figure surhumaine à la force herculéenne, et d’autre part, à la capacité de destruction du personnage. Mais on sent bien que le valet n’agit pas seulement pour protéger la reine du danger de la calomnie, il agit également pour se venger des offense subies qu’il rappelle, quelques vers plus bas : “il m’a fait fermer une fenêtre et j’étais au martyre. ” Hugo fait ici référence au retour de Salluste à la scène 5 de l’acte III.

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La détermination du valet est marquée par des images telles que “talon de fer”  ou un peu plus loin, il mentionne que le marquis vit ses derniers moments. Pourtant Ruy Blas semble conscient qu’il risque de franchir une frontière déterminante et Hugo rappelle les règles en vigueur par l’intermédiaire du valet qui déclare “je me blâme d’accomplir devant vous ma fonction Madame ” En assimilant le meurtre à une chose à faire de manière obligatoire, Ruy Blas se place en défenseur de la reine outragée. De plus, il affirme qu’il ne discutera pas ni n’argumentera avec Salluste ; Il se contentera de l’exécuter .

Pourtant Hugo débute un plaidoyer en faveur du fait de se rendre justice soi-même et les mots employés donnent une forme de légitimité au meurtre : ” noble ou manant, écrit-il, tout homme a droit..de venir lui cracher sa sentence au visage ” De plus, comme pour mieux se convaincre que le meurtre est nécessaire, il rappelle les méfaits du marquis : vous osez l’outrager ” “Misérable ” L’assassinat découle donc , selon la manière dont il est justifié, des insultes de Salluste envers la reine . Mais Ruy Blas semble déplorer de devoir en arriver à une telle extrémité et c’est sous cet angle qu’on peut lire la sentence suivante : “Pardieu, j’étais laquais! quand je serais bourreau ? On peut y voir en effet, le rapprochement entre le statut d’opprimé et le meurtre qui figure une forme de libération; En effet, Ruy Blas représente symboliquement le personnage du peuple et Salluste incarne l’aristocratie ; La suite de la scène prend des allures de règlement de comptes. 

Le face à face entre le maître et le valet tourne à l’avantage cette fois du second et le motif du meurtre s’apparente plutôt à une vengeance personnelle.

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04. décembre 2016 · Commentaires fermés sur Faites entrer l’accusé: la réalisation du procès · Catégories: Seconde
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Notre projet est maintenant commencé et les groupes avancent ..à des rythmes différents ; un point rapide sur l’organisation du travail et la répartition effective des rôles ; Nous avons 5 Don Juan à notre disposition ; les spectres également sont plus nombreux que dans la pièce ainsi que les ex abandonnées . La mère de Don  Don juan hésite entre la défense et l’accusation contrairement à son père qui le considère (à tort selon Molière ) comme un bon fils. Notre tribunal est constitué d’une greffier, d’une juge est de différents avocats , plus ou moins efficaces d’ailleurs. Voyons un peu ce qui reste à travailler …

Tout d’abord, la première difficulté réside dans la prise en charge de la partie technique : les metteurs en scène doivent penser aux accessoires , au montage du plateau (mise en place rapide et démontage) , à la bande son et éventuellement à la création d’un document projeté (  qui comporterait les noms des acteurs ..des photo -montage, des bandes musicales,  et des enregistrements pourraient compléter le dispositif technique de régie) 

Ensuite les metteurs en scène devront régler le déroulement des scènes avec un ordre de passage strict qui sera distribué à chaque groupe de comédiens et des consignes précises qui seront données à l’ensemble des participants durant la répétition générale du mercredi, veille du spectacle et de la représentation. L’idéal serait de minuter les scènes répétées par les groupes de personnages. 

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Il faudra aussi que les textes écrits par les acteurs soient ponctués d’indications scéniques ; en effet, il est important de savoir comment devront être prononcées les répliques .

La présentation du spectacle : elle pourra être assurée par la greffière qui, à la manière d’une journaliste sur un reportage, devra donner aux spectateurs des indications sur ce qu’ils vont voir; la pièce imite elle déroulement d’un procès et juge un accusé Don Juan. 

La juge qui préside les débats a un rôle important sur plusieurs plans : elle doit introduire les différents témoins , prévoir les enchainements entre les groupes et imiter le véritable déroulé d’un procès en appelant les témoins à la barre, en s’entretenant avec les avocats et en faisant régner l’ordre dans la salle d’audience. 

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Les avocats se relaient auprès de l’accusé pour prendre en charge les accusations (on les appelle alors des procureurs) ou pour défendre leur client; ils questionnent les témoins, demandent au juge des reports d’audience ou la permission d’interroger un nouveau témoin . Le vocabulaire juridique doit être employé à bon escient  : chefs d’accusation, preuves , alibi, reconstitution du crime, plaidoirie, réquisitoire, liste des griefs , liste des charges. 

Les témoins : leur rôle est déterminant et ils vont nous faire découvrir différents aspects du personnage ; certains sont en concordance avec l’intrigue imaginée par Molière; d’autres en revanche,sont issus de votre imagination et apportent quelques notes de fantaisie à une histoire connue qu’il permettent ainsi de transformer. On entendra donc plusieurs ex- compagnes du séducteur : certaines en colère et d’autres encore amoureuses.  

Les textes des acteurs  : dans l’ensemble , vos répliques ne sont pas suffisamment étoffées et les didascalies très lacunaires . 

Bon courage car il faut que tout soit prêt pour le 15….

02. décembre 2016 · Commentaires fermés sur Moderne, vous avez dit moderne ? Qu’est-ce que la modernité d’une oeuvre ? · Catégories: Fiches méthode
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Un adjectif comme moderne mérite tout d’abord d’être défini avec précision et dans tous ses sens. Est  d’abord moderne ce qui s’affiche en rupture avec une tradition ou un passé; Ainsi la poésie moderne est une poésie qui cherche à rompre avec les règles de la prosodie (absence de versification ou vers libre,sujet prosaïques) ; Mais la modernité peut également se baser sur l’emploi de nouvelles technologies ou d’innovations; Un cinéaste moderne va tourner ses films avec des caméras mobiles ou en utilisant une bande son  et en enregistrant les dialogues des acteurs (les premiers films étaient muets et les actions étaient commentées par des cartons comme le fait Pasolini à certains moments de son film) ; En fait , la modernité est une notion qui ne peut s’aborder que dans la relativité car toute époque possède ses modernes qui s’opposent aux classiques ainsi que l’a illustré, au dix-septième siècle, la fameuse querelle des Anciens et des Modernes. Leur différend portait sur l’usage de l’imitation des Anciens et le respect des règles  et la possibilité d’introduire des sujets d’actualité en littérature ou des formes nouvelles.  Enfin dans une acception plus large, la modernité  peut se traduire par l’expression de caractères qui définissent des goûts personnels en opposition à une norme ou à un ensemble d’habitudes. On dit alors que l’oeuvre est originale. Le film de Pasolini devra donc être examiné sous plusieurs angles afin d’en définir la modernité.

Après avoir défini les différents sens de l’adjectif moderne, il nous appartient désormais de procéder aux repérages qui vont permettre de construire un plan d’étude .

Etape 1 : Problématiser 

Où réside la modernité du film ? comment la lire te la comprendre ? que traduit-elle sur le plan idéologique ? 

Etape 2 : le réservoir d’idées 

Passage en revue de tous les aspects du film qui pourraient faire lien avec la notion de modernité .

Modernité du jeu des acteurs ? forte expressivité, ils survolent, antinaturel mais est-ce moderne dans le cinéma des année s60 en Italie ou est-ce juste décalé ? 

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Modernité du sujet : Non, Oedipe est un mythe antique donc absolument pas moderne car très ancien. Néanmoins, Pasolini le revisite et lui amalgame les découvertes de la psychanalyse et le complexe d’oedipe; Il en fait une lecture personnelle plus que moderne. Toutefois le choix partiel de l’autobiographie peut apparaître comme moderne. 

Modernité de la forme ? un format standard, des techniques connues comme le champ contre champ, le panoramique , l’utilisation de filtres de couleur ; Quelques innovations comme la surexposition pour traduire la force et l’illumination du sacré mais rien de très moderne techniquement; De détails intéressants comme le mélange des cartons ave les dialogues et l’imitation d’un vieux cinéma celui des années 20, contemporain de la naissance de l’auteur. 

Modernité dans la vision de la société : un cinéma de rupture ou de réconciliation ? il aborde des thèmes universels mais évoque également dans l’épilogue l’Italie des années 60 avec sa bourgeoisie catholique et ses ouvriers désargentés ; 

Modernité dans le traitement du mythe: oui ; Pasolini ne choisit pas le cadre  de la Grèce antique mais élargit la dimension mythique à un univers primitif, tribal et folklorique avec des musiques chorales du monde entier (chants roumains, japonais, musique classique , flûte) , des décor marocains et des costumes qui empruntent à l’Afrique et au Maghreb. Ce traitement peut sembler moderne  et original car il traduit les aspirations du réalisateur, ses choix artistiques . 

Modernité de la manière de filmer : pas de techniques révolutionnaires certes mais un cinéma poétique et peu naturel.Les acteurs sont souvent filmés en gros plans, silencieux et regardent fixement la caméra. Leur jeu est outré, artificiel et met aussi parfois le spectateur mal à l’aise. Cette expressivité pour Pasolini traduit le langage des corps qui est son langage préfère au cinéma. 

Modernité du traitement du mythe : en plus de la transposition Grèce/Maroc , Pasolini introduit dans la partie centrale du mythe des éléments originaux comme le changement d’Antigone en Angelo; son amant à l’époque du tournage; est-ce un moyen indirect d’afficher le choix de son homosexualité et de l’assumer artistiquement en effectuant ce remplacement significatif ? Une autre scène ajouté à la pièce de Sophocle montre un Oedipe qui renonce à la femme offerte le jour des noces dans ce village où il va consulter l’oracle transformé ne sorcière africaine . Là encore le choix de ces représentations de la Pythie et du Sphinx peuvent être qualifiées de modernes . Autre point : Pasolini ne choisit pas le cadre  de la Grèce antique mais élargit la dimension mythique à un univers primitif, tribal et folklorique avec des musiques chorales du monde entier (chants roumains, japonais, musique classique , flûte) , des décor marocains et des costumes qui empruntent à l’Afrique et au Maghreb. Ce traitement peut sembler moderne  et original car il traduit les aspirations du réalisateur, ses choix

Modernité de l’adaptation : loin de transposer uniquement l’action de la pièce de Sophocle, Pasolini étoffe son film avec l’ajout d’un épilogue te d’un prologue autobiographiques et il retrace pour le spectateur l’avant-mythe qui conduit aux premières images de la peste qui s’est abattue sur Thèbes comme la punition des offenses commises. On peut ici parler de vision religieuse du mythe avec cette peste venue des Dieux pour châtier les mauvaises actions des hommes. 

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Modernité dans la provocation : Pasolini affiche une certaine forme d’hostilité envers la société bien pensante de son époque et il cherche sans doute à choquer les esprits en évoquant clairement l’inceste et en filmant les scènes avec ce désir trouble des personnages et la brutalité d’Oedipe.Le spectateur est alors mal à l’aise et perçoit lui aussi l’ambiguïté du désir des deux personnages : à quel moment précis ont-ils su quel était le lien de parenté qui les unissait et à quel moment ont-ils consciemment transgressé le tabou ? C’est la question que chaque spectateur se pose quand il visionne certains passages.

Modernité du choix du cinéma: est-ce que choisir le cinéma dans les années 60 plutôt que le livre comme support artistique relève d’un geste moderne ? c’est une forme moins connue, plus récente et qui peut sembler plus attractive pour de jeunes artistes . 

Modernité du sens : que retient-on des choix opérés par Pasolini sur le contenu et l’interprétation du mythe? il amplifie la dimension recherche des origines et quête initiatique  mais laisse glisser la caméra longuement sur l’espace ( à la fois vide et peuplé) et le cadre semble au moins aussi signifiant que les cations des personnages ; Ainsi le pré semble être le point de départ et d’aboutissement du héros comme si Pasolini mettait ainsi en images l’idée selon laquelle la vie finit toujours là où elle a commencé; phrase de la pièce qui peut également être traduite par le premier jour de ta vie est aussi le dernier .

Un cinéma d’avant garde à l’époque ? en 1968 , certains critiques cinématographiques, comme Henry Chapier en France, par exemple,  analysent le film

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comme une rupture avec la tradition psychologique. pasolini a toujours affirmé avoir voulu créer un cinéma poétique en donnant aux images et aux sons une place au premier plan de son oeuvre.Ce qui donne au film une dimension esthétique incontestable qui le démarque des oeuvres dites grand public ou d’un cinéma de simple divertissement.L’écriture magmatique de Pasolini est moderne dans la mesure où il agrège différents éléments de nature différente  (les couleurs, les musiques, les images , les visages) et où il travaille à les mettre en relation formelle avec des jeu d’échos, de reprise, de miroirs; Ainsi le choeur antique peut se faire entendre à travers les phrases musicales qui sont répétées et orchestrent les différentes ambiances du film. La bande sonore introduit des thèmes associés à des sonorités comme la musique militaire pour le père, Mozart pour la mère et cette flûte stridente pour le destin. 

Une modernité dans l’emprunt ? Pasolini se nourrit de références classiques pour les agréger (tableaux de Raphaël , tragédie antique, psychanalyse) et l’ensemble forme un tout à la fois homogène et hétéroclite. Aujourd’hui regarder ce film c’est es retrouver face à des choix artistiques que nous ne partageons pas forcément mais qui ont une cohérence et auxquels le film confère une véritable cohésion. …..

A partir de ces différentes pistes et de celles que vous pourrez ajouter, construisez un plan détaillé et rédigez pour vous entraîner, la dissertation …

13. novembre 2016 · Commentaires fermés sur Les lettres au théâtre : simples accessoires ou véritables instruments ? · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Quoi de moins scénique qu’une lettre?  par définition, elle est écrite pour être lue par son destinataire et son contenu n’a pas pour vocation d’être exposé au public .A moins qu’il s’agisse justement d’une lettre publique appelée aussi lettre ouverte ; De nombreux dramaturges ont eu recours à ce qui n’est parfois qu’un artifice pour rendre le hors- scène présent ; prenons quelques exemples ..

Dans Cyrano de Bergerac, pièce d’Emond Rostand, Roxane lit à voix haute, les lettres d’amour qu’elle pense avoir été écrites par Christian mais au cours d’une scène célèbre, les spectateurs apprennent que Cyrano est en réalité l’auteur des mots d’amour que Roxane reçoit ; il prête se mots et sa plume au beau Christian et masque ainsi sa laideur et sa timidité derrière le visage d’un autre . Dans Ruy Blas, plusieurs lettres vont jouer un rôle important ; Au début de la pièce, Salluste, marquis de Finlas, fait écrire à Ruy Blas son valet, une sorte  de contrat d’allégeance qui stipule qu’il agit pour son compte exclusivement; Ensuite, nous apprenons que Ruy Blas écrit, en secret, des mots d’amour à la reine et les dépose sur un banc dans le jardin avec un bouquet de ses  fleurs préférées.

La reine va même recevoir une lettre totalement anodine du roi qui lui annonce fièrement qu’il a tu six loups; A cette occasion, elle

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va découvrir que Ruy Blas est l’auteur des billet doux qu’elle reçoit régulièrement car elle a reconnu son écriture ; en effet, le roi a dicté osa propre émettre à Ruy Blas et ce dernier est chargé de l’apporter à la reine ; la lettre jeu donc ici un double rôle dramatique; elle donne une présence te une voix au personnage du roi mais elle fait également avancer l’intrigue dans la mesure où elle permet à la reine de découvrir l’identité de son mystérieux amant romantique . 

Vous avez le choix , pour compléter l’intrigue de Ruy Blas , de composer une de ces 4 lettres 

  • Un lettre de Don Sallust dans laquelle il tente de trouver des arguments afin que son cousin césar alias Zafari accepte de lui prêter main-forte dans ses projets de nuire à la reine.
  • une lettre du roi d’Espagne qui en mission à l’étranger écrit à la reine; il lui révèle des secrets d’Etat, le contenu de sa mission qui a pour but de rendre à l’Espagne sa gloire passée ; A la fin de sa missive, il glisse quelques mots plus intimes pour son épouse.
  • Ruy Blas avant de se suicider en buvant la fiole de poison, laisse une lettre pour la reine et lui tend juste avant de mourir; elle la lit sur scène au moment où le jeune homme agonise ou juste après son trépas.
  • Après la mort de Ruy Blas, la reine découvre qu’elle est enceinte ;  elle cache  au roi cette liaison secrète avec Ruy Blas  mais elle  décide alors d’écrire une lettre destinée à son futur enfant pour lui révéler les circonstances de sa conception . 
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Dans tous les cas, quel que soit le sujet qui vous inspire, vous devrez mettre en scène la lettre en précisant dans quelles circonstances elle est, soit écrite, soit lue. Votre texte comporter donc une série de didascalies qui indiquent clairement la mise en scène avec la position des personnages, des éléments de décor et de scénographie. (4 pts) 

Votre lettre se composera ensuite des formules d’usage : adresse, date , envoi et signature; vous veillerez à respecter la langue du dix-neuvième siècle et l’orthographe en usage actuellement  (4 pts) 

Les éléments de contenu de cette épître seront en relation, à la fois avec le personnage mais surtout avec les éléments  déjà connus de l’intrigue ; vous pourrez donc vous inspirer librement de certains scènes pour inventer ces lettres mais vous respecterez scrupuleusement les indications données par le dramaturge à l’intérieur de Ruy Blas. (8 pts) 

30. octobre 2016 · Commentaires fermés sur Le procès de Don Juan : projet de classe · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Après avoir lu et en étudiant en classe la pièce de Molière , vous avez désormais une idée plus précise du personnage de Don Juan  et vous allez devoir mettre en scène son  procès. Il faudra tout d’abord reconstituer une cour de justice et désigner un juge qui dirigera les débats, un avocat de la défense qui prononcera une plaidoirie en faveur de l’accusé, un procureur qui instruira à charge en rappelant les griefs contre l’accusé.Vous devrez également imaginer les différents témoins qui se succéderont à la barre et leurs témoignages.  Vous jouerez cette pièce dans la salle polyvalente du lycée devant une autre classe qui elle aussi a étudié la pièce.

Pour reconstituer ce tribunal, vous pourrez bien évidemment vous inspirer des différents personnages de la pièce comme le valet Sgnarelle et celui de doña Elvire Gusman, les frères d’Elvire qui rêvent de venger l’honneur bafoué de leur sœur. Les femmes seront nombreuses à ce procès et en plus d’Elvire, de Mathurine et de Charlotte, il est tout à fait possible d’inviter et d’imaginer plusieurs anciennes conquêtes de Don Juan que vous ferez venir pour l’occasion et que vous présenterez au public. Les hommes seront également représentés avec Pierrot qui devra s’exprimer avec son accent paysan ainsi que Lucas . Vous pouvez aussi créer en plus du personnage de marchand de  Monsieur Dimanche, de nouveaux personnages comiques ou tragiques de créanciers.   Certains témoignages sont particulièrement attendus comme celui du pauvre et celui du Commandeur. En plus de ces témoins que vous avez croisés dans la pièce , vous avez l’opportunité d’inventer de nouveaux caractères . 

Consignes pour le travail de groupe. 

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Vous formerez des groupes de 4  au maximum et au sein de chaque groupe, vous travaillerez individuellement le texte du personnage dont vous jouerez le rôle le jour de la représentation . Le personnage de Don Juan principal accusé ,sera interprété , à tour de rôle  par au moins 6 élèves différents car il devra répondre à chaque accusation 

Liste des rôles à distribuer . L’idée est que chacun joue un rôle …à sa mesure

6 Don Juan au minimum 

2  ou 3 juges qui auront en charge l’organisation des débats 

 Au moins  3 avocats pour la défense et 3 ou 4 pour l’accusation 

une douzaine de témoins dont les interventions  ne seront pas  limitées à des prises de paroles car ils devront répondre aux questions des avocats 

Chaque groupe écrira entièrement les répliques des personnages et les questions des avocats . Il sera nécessaire que les groupes désignent un coordonnateur qui travaillera avec les coordinateurs des autres groupes, à la reconstitution du déroulement du jugement. 

Deux  ou trois élèves pourront s’improviser metteurs en scène, scénographes et accessoiristes. Ils seront chargés de la mise en scène du projet et dirigeront toutes les répétitions . Il est bien entendu possible de se servir du texte de Molière et d’inventer de nouveaux aspects du personnage , en concordance avec ceux que vous avez entrevus. 

Modalités d’évaluation

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Ce travail de longue haleine sera évalué de trois manières  . Une note  d’investissement  par groupe sur 5 qui sera l’indicateur du sérieux et de la motivation de l’ensemble du groupe. Une seconde note évaluera le travail écrit qui sera rendu par chaque élève soit sous forme d’un texte de théâtre monologue et dialogue , soit sous la forme de notes de mises en scènes . La troisième note tentera d’évaluer la performance  scénique le jour de la représentation et reposera sur la maîtrise du texte , la conviction du jeu et  parfois la capacité à improviser et  à se montrer crédible . 

13. octobre 2016 · Commentaires fermés sur Don Juan ou défendre l’indéfendable: l’éloge paradoxal ! · Catégories: Seconde · Tags:
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Dans sa pièce de théâtre, Molière prend position sur des sujets de société qui font débat à son époque . Il craint la censure de l’Eglise qui grâce à certains de ses membre haut placés dans l’entourage du roi  Louis XIV et de la reine Catherine de Médicis, pourraient réussir à faire interdire les représentations . C’est pourquoi il dissimule certaines de ses critiques derrière l’humour de Sganarelle , ce valet poltron qui admire son maitre tout en le détestant .  Mais qu’est-ce au juste qu’un éloge paradoxal et comment se fabrique-t-il  ? 

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Ainsi la comédie s’ouvre sur un éloge paradoxal du tabac; A cette époque, les médecins sont partagés sur les bienfaits et les méfaits du tabac; Certains docteurs recommandent son usage à des fins thérapeutiques: le tabac permettrait de soigner certaines affections et il aurait des vertus curatives ainsi que l’affirme Sganarelle dans sa tirade; toutefois, l’Eglise qui juge l’usage du tabac amoral , tente d’interdire sa vente pour ainsi en limiter l’usage; Molière juge cette attitude abusive et invite ici une forme de défense des fumeurs en imaginant des arguments loufoques pour soutenir leur point de vue; ainsi le tabac  rendrait généreux, et seuls les fumeurs seraient dignes de vivre ; cet éloge est comique parce qu’il est exagéré et que les arguments employés par Sgnarelle ne sont pas tous recevables; certains sont mêmes totalement fallacieux, erronés, illogiques, irrecevables.

Plus tard dans la pièce,c’est Don Juan cette fois qui se livrera à un éloge de l’infidélité ; ce qui peut là encore sembler paradoxal car l’infidélité est considérée comme quelque chose de mal, de contraire aux usages et d’immoral. Il peut donc paraître étrange de voir un personnage défendre les thèses de ceux qui soutiennent l’infidélité amoureuse. On les appelle des libertins à l’époque de Molière car ils ne pensent qu’à leur liberté d’action et refusent les contraintes , les normes et les usages en vigueur. En faisant de Don Juan un libertin en amour et un libre-penseur, Molière nous amène à réfléchir sur l’intolérance et les moeurs de son époque; Ainsi Don Juan donne plusieurs arguments en faveur de l’infidélité : lis ce passage (en pièce jointe à la fin de l’article ) , repère les principaux arguments avancés par Don Juan et choisis à ton tour de défendre l’indéfendable en imaginant et en créant une tirade d’un personnage qui prendrait la défense, sur un ton comique,  de quelque chose qu’habituellement tout le monde condamne .

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L’évaluation de ton travail  sera établie sur les critère suivants

  •  pertinence du choix de l’objet à défendre (2 pts)
  • qualité des arguments employés (4 pts-)
  • qualité des exemples inventés (4 pts) 
  • variété des arguments (2 pts) 
  • correction de la langue (vous n’êtes pas obligés de demeurer dans le contexte du dix-septième siècle  )   4pts) 
  • présence du registre comique (4 pts) 

Pour t’aider ..

L’éloge paradoxal valorise ce qui peut être tenu d’ordinaire pour trivial ou néfaste. Cette pratique est devenue une sorte de tradition littéraire dans les écoles de rhétoriques. Elle laisse libre cours aux vertus ironiques du paradoxe.

Dom Juan comporte de nombreux éloges paradoxaux :

  • –  Eloge du tabac, I, 1

  • –  Eloge de l’inconstance, I, 2

  • –  Eloge de la médecine, III, 1

  • –  Eloge de l’hypocrisie, V, 2

    Les effets conjugués de l’ironie et de la parodie favorisent une double démystification des thèmes de l’idéologie de l’époque (morale, religion, honneur, mariage, gloire). Mimés, parodiés par Don Juan, ils deviennent ridicules. Parodiés par Sganarelle, ils nous renvoient une image caricaturale de l’idéologie. 

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    L’éloge paradoxal emploie la parodie que l’on peut définir comme un mécanisme par lequel un texte littéraire imite en déformant pour faire rire (emploi de l’ironie, de l’emphase, de l’hyperbole, du burlesque, de l’héroï-comique…) soit un autre texte, soit certaines caractéristiques et procédés d’un genre, d’un courant de pensée… Les effets de décalage sont nombreux, ils comportent l’apparition d’un élément inattendu et incongru (par ex. référence à Aristote et à la philosophie dans l’éloge du tabac), ce qui est noble ou sérieux est dévalorisé, les sujets triviaux sont présentés comme nobles. 

  • Un peu moins sérieux , voici quelques (bonnes)  idées trouvée dans un forum sur web-tricheur ; Un élève voulait faire un éloge paradoxal de la guerre… voilà son brouillon ..

  • Guerre: les points à défendre 

    -réponse à la surpopulation en cas de guerre nucléaire ou quand y’a bcp de monde, fait fonctionner l’économie avec les armes et autres traffics, fait évoluer la science, permet à la fin des conflits de créer des organisations internationales du style la SDN après la WWI, l’ONU ou même l’OTAN pour se protéger, ça fait de l’audience pour le 20h… . Ca permet aussi à certains d’être connus : héros de guerre comme les hommes de band of brothers ou les écrivains /scénaristes qui s’inspirent du conflit pour écrire, ex “platoon” de Olivert Stone.

  • Cet élève a commencé par des arguments et il a également cité 2 exemples avec la SDN,  et le film Platoon. Essayez pour votre travail  de trouver un exemple pour chaque argument  !

 

04. octobre 2016 · Commentaires fermés sur Composer un paysage état d’âme · Catégories: Seconde · Tags:
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Comment et à partir de quels éléments construire un paysage état d’âme ? 

Cette notion a été abordée dans le cadre de l’étude de l’écriture poétique et elle caractérise les tentatives des poètes d’établir des correspondances entre des éléments naturels et des éléments spirituels. Ils se servent , par exemple, de symboles comme les saisons  pour suggérer leurs sentiments. Prenons quelques exemples avec Verlaine, Baudelaire et quelques autres …

Lorsque Verlaine écrit “les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone” , il établit des correspondances ,  c’est à dire des liens entre ce qu’il ressent (sentiment de lassitude et d’ennui traduit au moyen du nom langueur) et une sorte de paysage imaginaire qui contient les éléments suivants :

  • des sensations auditives mêlées avec sanglots qui connote la tristesse et violon qui est un instrument de musique souvent utilisé pour des compositions tristes 
  • une saison à savoir l’automne qui est la saison de la mélancolie

Prenons un autre exemple avec L’Invitation au voyage de Baudelaire : le poète invite le lecteur à l’accompagner dans un endroit idéal où ” là tout n’est qu’ordre et beauté , luxe calme et volupté” 

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Il compose ce lieu idéal avec des objet qu’il apprécie particulièrement comme des meubles précieux; il ajoute également des sensations olfactives avec des fleurs aux parfums rares et  la senteur de l’ambre; il place au centre de ce paysage la femme aimée et le lieu de leur amour : une chambre dans laquelle ils sont ensemble et d’où ils contemplent un magnifique coucher de soleil sur la ville : ” hyacinte et or ” sont les couleurs choisies par Baudelaire. Les couleurs vont jouer un rôle important dans votre paysage ; Pensez à les décliner et à en indiquer les nuances: beau outremer, bleu turquoise, clan, pourpre, rubis, rouge carmin…

A vous de jouer maintenant ..

Choisissez des objets que vous aimez , qui vous semblent beaux, un endroit dans lequel vous vous sentez bien (soit un décor naturel comme une plage , une clairière ) soit à l’intérieur d’une maison ; décrivez ces objets ou ce décor en utilisant des adjectifs qualificatifs mélioratifs ; Pensez à ajouter des couleurs, des odeurs, des saveurs, des éléments qui suggèrent la douceur du toucher (pensez par exemple aux matières comme le velours, la soie, le taffetas.) N’oubliez pas les sensations visuelles avec la beauté des éléments naturels ( le soleil mais pas trop brûlant, le vent tiède, l’herbe si vous appréciez la campagne ou  le sable si vous préférez la plage ). Pensez également à des lieux sécurisants, des refuges où on se sent à l’abri : “la courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur”  , écrit le poète Paul Eluard pour parler de celle qu’il aime .

L’ être aimé peut à lui seul représenter le paysage idéal et son corps se transforme alors en territoire comme avec ce poème de Senghor dédié, à la fois à l’Afrique et à la femme noire. 

 

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Femme nue, femme noire
Vétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au coeur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l’éclair d’un aigle 

Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais 
lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du 
Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée 

Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux 
flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta 
peau. 

Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire 

A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains 

de tes yeux. 

 

 

 

23. septembre 2016 · Commentaires fermés sur Spleen d’automne · Catégories: Seconde
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Emile Verhaeren, comme de très nombreux poètes , se montre sensible à cette mélancolie inspirée par l’automne ou que la saison automnale sert à traduire .  Poète symboliste, il est l’un des premiers à utiliser le vers libre pour ses compositions souvent intimistes.  A l’approche de l’hiver, le poète se sent plutôt d’humeur sombre et il compose un paysage état d’âme en 21 vers qui comporte à la fois des éléments naturels et des sentiments.

Examinons de plus près les correspondances entre les différents composants de ce texte poétique. Une fois notre inventaire terminé, il vous faudra répondre à quelques questions et en classe, nous tenterons de mettre de l’ordre dans nos idées pour ébaucher un commentaire littéraire. N’hésitez pas à imprimer ce billet si vous le pouvez. 

Voyons tout d’abord la versification : 21 vers irréguliers 

Les plus courts comptent 4 syllabes comme le 3 et le 5 ; beaucoup sont des octosyllabes ( le 2, le 4, l e10 )   ou des décasyllabes (le1 ,le 6 ) et on repère même des alexandrins comme le 7 , le 8 ..) on parle donc de mètre irrégulier ou de vers hétérométriques  

Quelques rimes à retenir : suivies et ensuite embrassées et même croisées ; Le poète ne suit pas un schéma particulier : il utilise différentes possibilités pour combiner les rimes. 

Les couples intéressants : automne et monotone;  pourrir et mourir qui fait un lien entre la Nature et la vie de  l’Homme; ce qui crée une correspondance entre le matériel et le spirituel . Jour et regret sourds qui montre la mélancolie du poème. 

Les éléments naturels : ils forment un paysage triste avec d’abord le ciel ; il pleut et le ciel est gris 

pluie morne : personnification de la pluie qui est vue comme quelqu’un de triste

Filasse , connotation péjorative avec le suffixe asse; signifie débris de fils non encore tissés, tissu effiloché et par extension, cheveux blonds pâles , fins et mal peignés (fin rayons de soleil ? ) 

Suie v1 couleur de la cendre, connote le gris et la saleté.

le vent : plusieurs qualificatifs comme tenace (personnification ) et monotone: on imagine un vent qui souffle en permanence ; ce vent est connoté lui aussi négativement comme la pluie; on l’accuse d’être responsable de la chute des feuilles ; ainsi dénudés par le vent, les arbres perdent leurs couleurs et leur beauté. Le vent est comparé à un rôdeur c’est à dire un voleur qui vient dérober la vie ,accélérer le processus de la mort des feuilles.

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or et pourpre sont deux couleurs qui désignent les feuilles jaunes, dorées et les feuilles rouges de certains feuillus qu’on trouve au mois d’octobre dans les contrées tempérées ;

les feuilles apparaissent  au vers 9 et  sont comparées à des mains ; leur chute symbolise leur mort avec d’une part la couleur noire et ensuite le verbe gésir qui signifie demeurer sans bouger particulièrement quand on est mort (un gisant est une tombe qui reproduit la forme d’un corps allongé) 

Il s’agit d’un paysage de plaine banal de campagne  avec  un chemin bordé d’arbres et on entend la cloche d’une église qui sonne le glas ; il s'agit de la sonnerie aux morts.

Après avoir repéré les différents éléments naturels qui forment ce paysage , on peut passer à l’étude des champs lexicaux dominants ; 

Le champ lexical de la mort est assez développé dans le poème : pourrir au vers 3 et mourir au vers 6, le verbe gésir au vers 10 et surtout le vers 15 “sous un vague tombeau d’ombre et de crépuscule” qui mêle la tombée de la nuit et l’obscurcissement à l’idée de la mort- avec des mots qui peuvent faire penser aux deux domaines , matériel et spirituel comme ombre. (les ombres désignent les morts pour les Anciens ) ; La mort avance et la vie recule , se tasse jusques au fond du sol : cette image d’une vie recroquevillée , à terre , peut nous faire penser à la victoire de la mort dans ce combat sans merci qui l’oppose à la vie . Ainsi la cloche finale annonce de manière symbolique cette mort à l’approche. Le mot mort se retrouve en position forte, dans le dernier vers du poème, associé à sac de bois . La comparaison ici rapproche la fin de l’année à quelque chose qu’on jetterait violemment ; L’image du sac de bois qui rejoint le tas de bûches peut aussi montrer qu’une fois que l’année est terminée, on ne se souvient plus de ce qui s’est passé; on perd la mémoire du temps écoulé et on ne peut plus différencier au milieu du tas de bois, les différents moments passés du temps. 

Les sentiments présents dans le poème  : le poème n’exprime que rarement ses sentiments personnels de manière directe  en employant le registre lyrique; il se sert plutôt du symbolisme en associant à un objet concret un sentiment abstrait, le plus souvent sous la forme d’un adjectif qualificatif .  Ainsi la pluie est morne, le vent tenace, et les feuilles frémissantes. Ce frémissement qui est d’abord une sensation traduit le plus souvent soit le froid, soit la peur . Les feuilles sont également tristes alors qu’en fait il faut comprendre que cette tristesse qui émane du paysage, est celle qui imprègne l’esprit du poète, son état d’âme. Le verbe s’épuiser qui est associé à l’heure nous fait songer à une sorte d’épuisement moral du poète lui-même qui se sent abattu et la présence  de regrets dans le poème indiqué une tonalité élégiaque.  le poète s’adresse même au lecteur avec cette question rhétorique du vers 16 à 18 qui dramatise encore l’arrivée de la mort et la présente comme une fatalité avec cette “vieille et morne destinée ” . La reprise de l’adjectif morne qu’on trouvait déjà au vers 2 assure une forme d’écho entre les différentes parties du poème ; De plus, morne et mort n’ont qu’un seul  son qui diffère et le poète se sert ici de la paronomase : procédé qui consiste à choisir des mots parce qu’ils sont des sonorités très proches. 

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La poésie de Verhaeren crée donc des correspondances, des échos sonores et musicaux à l’intérieur de ce paysage état d’âme qui caractérise , à travers l’évocation d’une plainte automnale venteuse et pluvieuse , la peur de la mort et du temps qui passe inexorablement . On retrouve dans de nombreux paysages tristes les mêmes caractéristiques .

Maintenant que tu as lu le cours, réponds sur ton cahier à ces quelques questions : 

1. Quelles caractéristiques communes retrouve-t-on entre nos trois paysages ? 

2. Quels sentiments y sont exprimés ?

3. Comment les poètes mettent-ils en correspondance les objets, les sensations et les sentiments ? 

4. Quels types de paysage te semblent particulièrement indiqués pour évoquer le Spleen ? 

5.  Le poète évoque les feuilles mortes  : quelles autres  images de la mort tirées de la Nature  peut- on mettre en relation avec un paysage état d’âme. 

6. Imagine maintenant  un paysage idéal qui traduit  le bonheur , la joie de vivre et compose sous forme poétique ce paysage état d’âme : rédaction à rendre le lundi 03 octobre . En cliquant sur le lien ci – dessous,  tu verras un poème de Baudelaire dont tu pourras t’inspirer. Tu peux aussi l’imprimer à partir du fichier joint.

Vers l’nvitation au voyage …