06. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Le parcours d’Etienne dans Germinal: naissance de ses idées politiques et naissance d’un leader · Catégories: Seconde · Tags: , ,
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Le personnage d’Etienne est le héros de Germinal, ce nouveau volet de la série des Rougon-Macquart , qui décrit la misère des ouvriers mineurs dans le Nord de la France à la fin du dix-neuvième siècle: En France ; la révolution de 1848 marque la montée des mouvements de revendications des ouvriers qui s’appuient sur les thèmes de Karl Marx et Friedrich Engels ; ces deux hommes fondent la ligue communiste et se battent pour changer les relations entre les bourgeois qui possèdent les moyens de production (les usines ) et  leurs salariés, les ouvriers qui sont contraints de vendre, leur force de travail, leur labeur, en échange d’argent . Dans ce roman social , Zola prend parti pour les travailleurs et entend dénoncer l’exploitation dont ils sont victimes de la part de patrons qui ne pensent qu’à augmenter leur profit. 

 Les origines du personnage : Etienne est fils d’une blanchisseuse Gervaise Macquart,  qui , en raison de son alcoolisme, va sombrer dans la misère et la déchéance (L’Assommoir ) Il est d’abord présenté comme un ouvrier sans travail qui ne possède que quelques effets dans un pauvre baluchon : Il possède la qualification de machineur et comprend que pour pouvoir travailler dans la fosse, il va devoir changer de métier , apprendre à devenir soit un charretier comme Bonnemort, soit un herscheur ; un culbuteur, un haveur , un galibot ou un raccommodeur  ; La situation économique est  alors décrite comme catastrophique : partout les usines ferment ; Autour de Montsou, on voit des sucreries ( qui extraient le jus des betteraves), des forges, mais également une minoterie, une verrerie et des fabriques ; Le décor sinistre  semble relayer la peine des ouvriers : “le vent passait avec sa plainte comme un cri de faim dans la nuit ” ; la fosse est décrite comme un monstre affamé de chair humaine qui dévore les ouvriers : “une bête méchante qui respirait d’une haleine plus grosse et plus longue, l’air gêné par sa digestion pénible de chair humaine ” Grâce à sa conversation avec Bonnement, le grand père de la famille Maheu qui compte à son actif un demi-siècle passé à travailler à la mine, Etienne apprend quelles sont les conditions de vie des ouvriers ainsi que le nom du directeur de la mine , M Hennebeau.

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Le second chapitre nous fait découvrir dans le coron ouvrier , la vie des Maheu, une famille typique de mineurs  : c’est la misère la plus noire ; 7 enfants à nourrir , plus d’argent et la nourriture qui devient une obsession : ils trompent la faim avec des feuilles de chou bouillies, ont des dettes à l’épicerie et Catherine, la fille aînée, a bien du mal à leur trouver de quoi se faire des “briquets ” pour la mine (pain, beurre et fromage blanc ) Zola décrit parfois les ouvriers comme des animaux pour dénoncer l’ampleur de leur misère : il évoque par exemple, à la fin du chapitre 2, leur piétinement de troupeau ou la mamelle pendante de la Maheude qui allaite épuisée sa petite Estelle âgée de 3 mois . 

La pensée politique d’Etienne : le personnage est placé comme un observateur du milieu des ouvriers et Zola s’inspire des notes qu’il a prises durant son séjour dans le pays minier pour faire évoluer son personnage . Tout d’abord il apprend les gestes qui font de lui un mineurs  : “il apprenait de Catherine à manœuvrer sa pelle , montre des bois dans la taille ” . Certains le surnomment l’aristo pour se moquer de sa maladresse liée à l’ignorance du métier . Les premiers temps, il étouffe au fond des veines ; C’est en fait un timide qui craint sa violence intérieure ; Le personnage songe d’abord à reprendre sa route affamée afin de ne plus redescendre dans cet enfer : “car avec son instruction plus large, il ne sentait point la résignation de ce troupeau et finirait par étrangler quelque chef ” (I, VI ) Finalement, au dernier chapitre, il décide de rester à cause d’un vent de révolte . Peu à peu le personnage devient un camarade et se lie d’amitié avec Maheu qui admire son instruction  “il le voyait lire, écrire, dessiner des bouts de plan, il l’entendait causer de choses dont lui, ignorait jusqu’à  l’existence ” (P1, 3) 

L’influence de Souvarine : c’est un ouvrier pauvre, Russe et secret qui a commandité un attentat contre le tsar . Il s’est réfugié en France  et tente de dissuader Etienne de rejoindre l’Association internationale des travailleurs qui venait de se créer à Londres sous l’impulsion de Karl Marx ; Souvarine lui veut tout détruire mais Etienne pense qu’il n’est pas vraiment sérieux : “cette théorie de la destruction lui semblait une pose ” ; Pluchart lui fait partie de cette association : il est même secrétaire de la  fédération du Nord.  Les hommes pensent qu’une révolution des ouvriers est indispensable  ” un chambardement qui nettoierait la société du haut en bas, et qui la rebâtirait avec plus de propreté et de justice ”  Souveraine semble ne savoir long sur les mécanismes économiques qui régissent la loi du marché et il évoque notamment la loi d’airain : le salaire est fixé selon lui à la  plus petite somme indispensable, juste le nécessaire pour que les ouvriers mangent du pain sec et fabriquent des enfants.  “C’est l’équilibre des ventres vides, la condamnation perpétuelle au bagne de la faim ”  Alors Etienne se met à lire des livres dans lesquels il ne comprend pas tout et des idées lui viennent . (P 3, 3) Jusque là , il n’avait eu de la révolte que l’instinct, au milieu de la sourde fermentation des camarades. Toutes sortes de questions confuses se posaient à lui: pourquoi la bière des uns? pourquoi la richesse des autres ? pourquoi ceux- ci sous l étalon de ceux-là, sans l’espoir de jamais prendre leur place ? 

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Sa découverte des livres : il lit tout ce qui lui tombe sous la main; des traités de médecine, des brochures anarchistes, des traités d’économie politique , des livres sur les coopératives mais il reste un grand utopique et  il se contente de  rêver aux améliorations possibles de la société : “ il assistait à la régénération radicale des peuples sans que cela dût couter une vitre cassée ni une goutte de sang. ” Cependant Etienne qui loge désormais chez les Maheu parvient à les convaincre que les choses peuvent changer et il partage ses rêves d’un monde meilleur avec eux : ” Une société nouvelle poussait en un jour, ainsi que dans les songes,une ville immense d’une splendeur de mirage, où chaque citoyen vivait de sa tâche et prenait sa part des joies communes; La devise de ce nouveau peuple: “à chacun suivant son mérite, et à chaque mérite suivant ses oeuvres. ”  

Etienne devient un leader  : son influence peu à peu s’élargissait ; Il crée sa caisse de prévoyance et devient secrétaire de l’association.  Il es transforme intérieurement et extérieurement: “son visage changea et devint grave,il s’écouta parler; tandis que son ambition naissante enfiévrait ses théories et le poussait au idées de bataille. ” Le nouveau mode de paiement des berlines décrété par la compagnie va mettre le feu aux poudres et par conséquent la mine à feu et à sang. La grève va être décidée et l’accident de Jeanlin, le départ de Catherine et de Zacharie contribuent à rendre encore plus précaire l’existence quotidienne des Maheu. La quatrième patrie du roman débute par la visite d’une délégation de mineurs chez les Hennebeau; Etienne en fait partie.  

 

05. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Les degrés de la trahison : véritables traitres et traîtres occasionnels ..essai de synthèse textes et documents · Catégories: Première · Tags:

Notre corpus comportait une dizaine de traîtres et l’objectif consistait à les classer en fonction de leur degré de trahison : il fallait donc examiner avec attention le ou les  motifs de leurs trahison, en envisager les conséquences, examiner leur place et leur rôle au sein de l’oeuvre . L’observation de ces différents critères permet de fabriquer une sort d’échelle des traitres et d’y situer chaque personnage ; Les femmes : Médée, Phèdre,  La Princesse de Clèves ,Roxane et Milady. Et les hommes : Hippolyte le seul innocent pris pour un traitre,  le Vicomte de Valmont, Fernand Mondego, Paul Dounat et Tyroen Meehan que nous retrouverons dans Retour à Killybegs.  

Si  le personage de Milady d’Alexandre Dumas arrive en  tête de tous les classements , c’est sans doute, pour différentes raisons : tout d’abord, elle est celle qui renouvelle sans cesse  la trahison ; la liste est longue de tous ceux qu'elle a trahis avant même d'agir à la solde du cardinal de  Richelieu et de devenir une espionne pour affaiblir la monarchie française.   Elle a voulu nuire à ses fiancés, ses maris et ses amants  dont elle a tenté de se débarrasser . Elle va même jusqu'à empoisonner une de ses rivales et son exécution à la fin du roman est décrite certes dans un registre pathétique mais semble être l’aboutissement logique du destin de cette femme perfide qui  est l’incarnation de la trahison . Le second roman de Dumas, Le Comte de Monte-Cristo comporte également  plusieurs personnages de traitres redoutables; L’auteur a choisi de peindre deux figures de traîtres qui agissent pour deux motifs différents : Fernand Mondego est amoureux de la même femme que Dantès et l’emprisonnement de ce dernier, accusé à tort d’avoir conspiré contre le gouvernement, lui permettra d’obtenir enfin l’amour de la femme convoitée en éliminant ce rival. Le second traître agit lui, par ambition et jalousie car il convoite le poste qui semble avoir été promis à Dantés; Tous deux, Danglars et Mondego  unissent leur désir de nuire au héros et les conséquences seront tragiques pour le personnage qui effectuera 18 ans de cachot avant de pouvoir s’évader pour accomplir sa vengeance. Milady et Mondego  jouent un rôle identique dans le roman : ce sont des opposants au héros et tous deux connaissent le même sort tragique. Dans le roman d’aventures , les rôles sont souvent assez manichéens : les bons contre les méchants . 

Les romans philosophiques du siècle des Lumières présentent plus de nuances et le courant libertin s’efforce d’éclairer les méandres du coeur humain. Laclos a choisi un couple manipulateur et cynique, défiant tout morale , pour en faire les héros noirs de son roman épistolaire. Ils sèment la trahison autour d’eux et séduisent leurs victimes en utilisant des stratégies dignes d’une guerre . Conquérir est leur but  avoué et ils ne reculent devant aucune hypocrisie, brisant les coeurs  pour satisfaire leur ego démesuré. Valmont va provoquer le désespoir des femmes qui tomberont amoureuses de lui et il peut même être considéré comme le principal acteur de la mort de la Présidente de Tourvel. Expert en mensonges de toutes sortes, il finit cependant par se laisser tuer comme une forme de rédemption pour ses nombreux péchés; à noter qu’il disparaît après avoir trahi sa complice la Marquise de Merteuil comme un ultime hommage à la trahison ! Particulièrement détestable, ce personnage parfois peut pourtant séduire les lectrices qui admirent sa rouerie. C’est en quelque sorte un prolongement du mythe de Don Juan, le séducteur éternel.

Dans la tragédie classique, les traîtres ne manquent pas et ils sont souvent associés aux origines de la tragédie : ainsi c’est à partir d’une trahison, celle de Jason,  que débute le conflit tragique dans Médée; cette princesse-sorcière fait passer son désir de vengeance au -dessus de son amour maternel et sacrifie ses propres enfants afin d'atteindre leur père . Le recours à la vengeance est un moteur de la tragédie et ce schéma réapparait chez Racine avec l’histoire de Phèdre presque aussi coupable , à vos yeux que Médée. Certes, Phèdre ne tue pas ses enfants ; D’ailleurs elle ne tue  directement personne mais elle est à l’origine de plusieurs catastrophes : en effet, elle provoque, par son mensonge , la mort de son beau-fils Hippolyte que son père a cru coupable et qu’il a maudit. A noter que Phèdre se termine par le suicide par empoisonnement de l’héroïne alors que dans Médée, l’une des versions de la tragédie , montre la fuite de l’héroïne. L’une comme l’autre sont les victimes de leur folie amoureuse et paraissent des femmes dénaturées, parfois monstrueuses. Ces deux tragédies illustrent avant tout les dangers de la passion et mettent en garde les spectateurs contre les débordements du coeur.

A un niveau inférieur, vous avez classé les personnages de Paul Dounat qui trahit son camp en temps de guerre mais auquel on peut trouver quelques circonstances atténuantes : à noter que ce personnage trouve la mort de manière assez affreuse et c’est aussi ce qui peut le rendre moins détestable aux yeux du lecteur. L’écrivain, à travers son cas , a souhaité  surtout montrer à quel point la guerre rendait les hommes capables de commettre l’irréparable ; Les résistants présentent son exécution comme nécessaire et obligatoire pour ne pas mettre d’autres vies en danger. En le tuant, on l’empêche de nuire. Il n’a même pas droit à un procès et subit son sort sans résister et sans protester comme s’il acceptait sa mort . 

La trahison de Roxane dans Les Lettres Persanes vous a paru , elle aussi, mériter des circonstances atténuantes, car cette jeune femme s’est révoltée contre un sytème inique: celui des harems où l’on emprisonnait les femmes . Elle a menti et trahi  un maître despotique et le lecteur ne peut que prendre son parti ; De plus, elle se punit elle-même en se donnant la mort comme le personnage de Phèdre  dans la tragédie de Racine . 

Quant à La Princesse de Clèves, elle fait preuve d’une très grande sincérité en dévoilant ses pensées les plus secrètes à son époux et si elle avoue ses sentiments pour le Duc de Nemours, elle restera  toujours fidèle à son mari, Le Prince de Clèves .  Cette trahison, d’ordre spirituel et sentimental, vous a semblé la moins grave de toutes en dépit du fait qu’elle cause la mort de son époux, chagriné de ne pas être autant aimé qu’il le souhaiterait. 

Un seul personnage est totalement innocent, il s’agit d’Hippolyte dans Phèdre; La Princesse de Clèves est très légèrement coupable comme Roxane . Phèdre a été emportée par une passion funeste. Quant à Médée et Milady ce sont des criminelles : l’une par amour directement et son crime atroce la rend odieuse, en dépit de sa souffrance pour les spectateurs  et l’autre par essence, véritable serpent qui sème la mort autour d’elle et que les lecteurs détestent . Entre les deux, des traitres de circonstances mus par leurs intérêts comme Mondego, Valmont qui tire du plaisir de ses impostures sentimentales et Dounat dans le roman de Kessel qui, d’un homme admirable , s’est transformé en traître presque sans le vouloir, par faiblesse désespoir

. Quant à notre dernier traitre , Tyrone Meehan , sa trahison demeure  vraiment  une énigme pour le lecteur; il a trahi un pays qu’il aime par- dessus tout en pensant sans doute le servir et faire cesser les morts autour de lui. Au final, le lecteur ne saura vraiment jamais pourquoi ni ce qu’il a fait au juste.  Il est le héros du roman Un traitre et celui de Retour à Killybegs où cette fois, c’est son point de vue qui domine. Tous  ces personnages paient leur trahison d’un prix important : la mort pour presque tous ; mais elle peut être  choisie par eux-même ou orchestrée par leurs victimes qui ainsi se vengent  .

Face au châtiment d’un traître, le lecteur peut ressentir soit une forme de justice soit un certain malaise dans la mesure où cela l’oblige à considérer le personnage comme une victime désormais. Souvent 

04. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Mon traître : le cas de Tyrone Meehan dans le roman de Sorj Chalandon · Catégories: Première · Tags:

Ce roman de Sorj Chalandon, paru en 2007 évoque la question de l’Irlande, pays  divisé entre son désir de paix et son envie de  résistance contre l’Angleterre dont elle ne reconnaît pas la souveraineté sur son territoire . Cette nation ou catholiques et protestants sont  déchirés par une guerre civile depuis le début du vingtième siècle, a été endeuillée , à de nombreuses reprises par des attentats de l’IRA, l’armée clandestine irlandaise . Mais, au delà du cadre politique tragique,  ce roman évoque surtout l’amitié entre deux hommes: un luthier français qui est le narrateur du roman; ce dernier au cour d’un voyage , découvre l’Irlande du Nord  et tombe amoureux de ce pays, de son histoire et de ses habitants  ; Il va nouer une relation très forte, avec  un patriote Irlandais qui s’avèrera être un traitre et qui sera exécuté par l’IRA en 2006  . L’action se déroule à Belfast et commence en 1977 lors de la rencontre des deux hommes dans un club réservé au anciens prisonnier irlandais : le Thomas Ashe; Le passage que nous étudions se situe à la fin du roman. Après avoir appris, en décembre 2016, la trahison de Tyrone qui fait la une des journaux, Antoine , bouleversé, se rend à Belfast et cherche à découvrir les raisons qui ont poussé son ami à trahir une cause pour laquelle il était pourtant prêt à mourir  . Il est autorisé à le rencontrer une dernière fois mais Tyrone , réfugié dans la maison de son père, à Killybegs, est incapable d’expliquer pourquoi il a agi ainsi . Déçu , Antoine décide de faire la tournée des bars et revient sur le lieu de leur première rencontre .

Quelles raisons peuvent avoir  poussé le personnage  à devenir un traître ? Comment devient on un traître et pourquoi ? Antoine se lance en quête d’un vérité mais elle se dérobe sans cesse et cette plongée dans les nuits et les pubs de Belfast est surtout l’occasion pour Antoine de sonder l’âme humaine et d’essayer de comprendre comment un homme respecté et respectable, se transforme une traître . Examinons tout d’abord le cadre de ce passage : c’est  tout d’abord une sorte de parcours emblématique dans Belfast.

Sur Falssroad, Antoine erre de bar en bar et chacun lui rappelle des souvenirs: le Thomas Ashe bien sûr où tout a commencé et où Jim lui a fait faire la connaissance de Tyrone Meehan; Le MacDaids ( l 45 ) le bar où le fils de Tyrone travaille en tant que portier ; ce dernier a passé plus de 15 ans en prison et à sa sortie de Long Kesh, il découvre que le monde a changé et qu'il n'est plus considéré comme un héros car l'IRA a déposé les armes . Comme la plupart des anciens prisonniers, il vit de petits boulots . Le parcours du narrateur passe par le Busybee où il se rendait fréquemment avec Jim, son ami , mort en faisant exploser une bombe ( 55 ) ; L’enterrement de Jim est rappelé à la ligne 56 ; A cette occasion,  il est précisé que Tyrone “avait été tenu pour responsable des incidents” ; En effet, le cercueil de Jim n’avait pu quitter son domicile qu’une fois qu’on avait ôté tous les symboles qui prouvaient que c’était un soldat de l’IRA ; Les Anglais auraient alors “menacé de nombreuse années de détention” Tyrone;  Toutefois, cette raison ne paraît pas suffisante car le personnage a déjà effectué de nombreux séjours à Long Kesh.  L’étape suivante est le Kiities : au fur et à mesure que la soirée avance et que l’état d’ébriété du narrateur s’accentue, les  tentatives d’explications deviennent plus confuses et se mêlent comme pour imiter les altérations  de la perception d’Antoine. La dernière étape: le Rock Bar est l’occasion de revenir sur le motif financier : Tyrone aurait trahi pour de l’argent . 

Le second point qui marque ce parcours c’est celui de l’anonymat des réponses et de leurs points communs; l’écrivain reprend ici les principaux clichés autour des motifs de trahison et il le fait sous forme d’échanges anonymes : ” un homme a dit ” l 2 ” un vieux type qui buvait au bar ” l 12 “un républicain”  “quelqu’un ” l 64  “une femme ” “une autre ” “un jeune gars d’Ardoiyne”  “une dame âgée ” pour finir avec le pronom personnel “on ” qui ne marque ni le sexe ni l’âge de celui qui s’exprime ; Toutes ces voix sont orchestrées pour nous montrer qu’il existe de très nombreuses raisons qui peuvent pousser un homme à trahir mais que dans le cas de Tyrone Meehan, aucune ne semble satisfaisante; Ces personnages anonymes représentent un échantillon de population irlandaise : on y trouve des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux; Toutes les composantes de la  population sont  ici envisagés comme une sorte de représentation de l’humanité dans sa pluralité. 

Chaque étape est donc l’occasion pour Antoine de récolter des avis et des points de vue divers qui sont d’ailleurs âprement disputés  et font l‘objet de désaccords.  Le motif qui est cité en premier : l 1 c’est la trahison par amour ; Cependant cette hypothèse est aussitôt écartée par Antoine car il connaît Sheila, la femme de Tyrone et surtout il n'a jamais vu "Tyrone jouer du regard avec une autre femme “  ( 8); En effet, si la trahison par amour peut expliquer un coup de folie , elle ne s’aurait s’accommoder d’une aussi longue période : plus de 25 ans ( l 10 ) . Les locuteurs émettent alors des hypothèses qu’ils s’efforcent de rendre convaincantes comme s’ils étaient persuadés de détenir la véritable raison : ” un homme m’a juré qu’il  avait fait ça pour protéger son fils ” ( 48) : c’est pour ça qu’il a craqué, pour ne pas retourner encore une fois en prison  “m’ a expliqué le gars ” ( 63) Au fur et à mesure, les paroles devient moins claires  et parfois même fantaisistes :   Une femme croyait savoir ( l 68 )  Un dame âgée avait entendu dire que Tyrone avait peut être un grand-père anglais” ( 78 ) ; Au final , lorsqu’il est à nouveau question de l’argent perçu par Tyrone, on affirme au narrateur que ce dernier a bien été payé :  “personne ne savait combien mais pas grand chose  ( 97 ) ; Le lecteur ne sait plus quoi penser et  il risque , comme le personange, de ne jamais connaître, la ou les véritables raisons de la trahison de Meehan; A noter qu’il ne saura pas non plus en quoi elle a consisté exactement ni quel type de renseignements l’ancien combattant révélait  aux autorités britanniques ni ce qu’il faisait au cours de ses voyages à Paris ni quelles ont été les conséquences de sa trahison. 

Cette indétermination est nécessaire pour que le lecteur puisse encore continuer à s’identifier au personnage du traître qui est plutôt un héros attachant : bon père, bon mari et ami fidèle, il est respecté de tous en tant qu’ancien prisonnier nationaliste et  lieutenant de l’IRA . Au- delà du cas du personnage, ce passage permet de rappeler ce qui peut transformer un homme en traître . Voyons tout d’abord les hypothèse les plus fréquentes : amour, chantage et appât du gain .

L’idée d’une trahison sentimentale, a été rapidement écartée comme nous l’avons déjà dit ; l’idée saugrenue d’une “liaison de Meehan avec l’épouse d’un officier de l’Ira emprisonné ” l 15 mêle sentiments et peur d’être découvert mais comme le rappelle un des personnages : “le chantage peut marcher une fois mais pas toutes ces années “ ( l 25 ) 

Ce même buveur de bière prétend connaître la nature humaine et les raisons qui poussent les  mouchards ( 28 ) à agir : l’argent est un des motifs qui revient le plu souvent et qui sera cité par plusieurs témoins . Les interlocuteurs évoquent d’ailleurs le chantage sous différentes formes : ” les Brits le tiennent avec ça “: cette expression sous-entend qu’on exerce une pression forte sur Meehan en le menaçant ; Les avis différent d’ailleurs , entre les consommateurs, sur la meilleure manière de faire pression sur un individu ; selon les uns”   ils essaient de séduire le traître , pas de l’obliger  ”  “un bon traître ne pouvait pas haïr l’autre camp ”  “que le chantage et la force le rendaient volatile,versatile, fragile et sans valeur pour l’ennemi ” ( 42 )  ; un autre personnage emploie le terme “collaborer ” avec l’ennemi ( 50 ) contre une remise de peine pour son fils ; Ce type de chantage  “ça fait  réfléchir un soldat  et ça peut faire fléchir un homme (  60 ) . On note ici la gradation qui tend à montrer qu’un soldat est plus qu’un simple homme . Le verbe fléchir traduit également la défaite de celui qui accepte de trahir comme s’il se courbait devant quelque chose de plus fort que sa volonté .  

 En fait le personnage aurait pu trahir pour de multiples raisons et le texte les énumère , chacune avec ses variantes .On retrouve dans cet extrait les principaux motifs traditionnels de trahison : nous avons évoqué l’amour , le chantage mais le texte mentionne également des raisons plus avouables comme “en finir avec la violence ” ; dans le cas de l’IRA, un de se membres pouvait décider de ne plus recourir à la violence ; On peut penser à la mort de Jim qui pour Tyrone a sans doute été l’élément déclencheur mais également à l’emprisonnement de son fils Jack. ( 50 à 54 ) : “contre des informations, on libère ta femme ou ton gosse ”  Tyrone aurait ainsi pu trahir son camp nationaliste pour accélérer le processus de paix et faire taire la branche la plus radicale de l’IRA; ce qui serait tout à son honneur . Cependant , il aurait pu également agir par peur de la prison et aurait “craqué” ; Une femme "croyait savoir que Tyrone était fatigué et qu’il voulait que la guerre s’arrête ” . C’est sans doute un mélange de toutes ces raisons que  le romancier a choisi de représenter à travers ce personnage de Tyrone Meehan.

  Ce vieil Irlandais symbolise donc l’archétype du traître  et l’écrivain utilise une analogie avec un film de John Ford intitulé Le Mouchard. Le scénario de ce long métrage est basé sur la trahison d’un Irlandais nommé Gypo Nolan, qui vend à la police britannique son meilleur ami pour obtenir une récompense de vingt livres qui va lui permettre de partir en voyage avec sa fiancée. Néanmoins, le romancier laisse supposer que dans le cas de son personnage Tyrone, ce n’est pas l’argot qui fut l émotif déterminant mais plutôt un ensemble de raisons . Les hypothèses les plus romanesques sont d’ailleurs citées comme la possibilité qu’il soit un agent double   : il aurait ainsi” joué les traîtres pour aider la République ”  ou tout simplement un “salaud “

En conclusion, le mystère de la trahison de Tyrone Meehan demeure entier : il avait de très nombreuses raisons pour devenir un traître et le lecteur doit appréhender ce personnage dans sa complexité : ni tout à fait un héros admirable, ni tout à fait un anti-héros ; Le roman illustre la complexité d’une situation politique, d’une population qui souffre et montre les ravages de la guerre en Irlande sur les coeurs et les esprits . A travers le personnage de Tyrone Meehan, Sorj Chalandon tente de cerner certains choix idéologiques et nous fait réfléchir sur le  “problème” Irlandais : ce pays en a t-il  vraiment fini avec la violence ? 

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Retour à Killybegs de Sorj Chalandon · Catégories: Le livre du mois · Tags: ,
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Cela démarre très fort avec la mention : “à ceux qui ont aimé un traître” et il est vrai qu’il est difficile de ne pas s’attacher à ce personnage de Tyrone Meehan.Sur fond de conflit fratricide, Sorj Chalandon sou suivre une version de plus de ses réflexions sur la guerre qui dévore les hommes . Belfast sert de cadre à ces événements tragiques tant sur le plan historique que sur le plan humain; Loin de tout manichéisme, le romancier brosse des portraits de personnages avec leurs petites fêlures et leurs grandes failles et même les seconds rôles ne vous laisseront pas indifférents. C’est une Irlande de patriotes et de buveurs de bières , de vent mauvais et d’ânes qui s’appellent Georges comme le roi d’Angleterre  , de prisonniers politiques et de haines ancestrales, de famines et de grèves de la faim. Emboîtons le pas aux héros de ce livre …

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Une maison de Killybegs

La porte opaque du Mullin’s s’ouvre sur un monde où chacun connaît les chants gaéliques , la guerre  perdue et l’honneur blessé. La bière brune, mélange de terre et de sang était leur eau de vie et leur eau de mort ,celle mêlée de larmes amères dans laquelle ils noyaient leurs chagrins durant les longues nuit brumeuses. Le père de Tyrone a servi dans l’armée républicaine irlandaise et a refusé en 1921 l’édification de la frontière qui scellait le déchirement de la nation irlandaise. Torturé par les anglais , il le fut tout autant par les irlandais  désormais “libres” qui poursuivaient les derniers membres de l’IRA. premier destin tragique de ce père surnommé “bastard “par les habitants de Killybegs et qui décidera de se suicider en 1940 laissant une famille dans la misère la plus noire . Sauvée d’une mort certaine  par un oncle providentiel, la famille s’installe à Belfast , dans un ghetto catholique cerné par les loyalistes protestants ; lorsque les premières bombes frappent la ville, Tyrone qui n’a que 16 ans, décide qu’il n’est plus un enfant et regarde la mort en face .

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Peu à peu il va écrire sa vie , d’épisodes meurtriers en épisodes guerriers mais il finira par revenir mourir sur le sol irlandais, dans la maison de son père qu’il a quittée en 1941; En 2006, il commence alors son Journal “parce qu’il est le seul à pouvoir dire la Vérité “et qu’après lui, il espère le silence . Suivez le dans ce parcours tragique qui finira par le ramener à ses racines; Un roman âpre est fort où souffle la colère du vent irlandais, de cette terre meurtrie et divisée qui abrite  ces hommes libres et sauvages , indomptables . Vous découvrirez également l’histoire de l’IRA ,cette armée secrète et clandestine qui se bat de toutes ses forces contre l’Empire Britannique en employant parfois des moyens qui ne servent pas sa cause. Mais la guerre se charge de tous les faire marcher au pas, ces hommes qui sont prêts à tout pour la servir elle  “sous ce casque de guerre, il ne pouvait pas y avoir un homme mais seulement un barbare ” . Penser le contraire, c’était faiblir, trahir.” C’est ainsi que leurs instructeurs formaient les jeunes qui rejoignaient les  brigades de l’IRA. On leur parle aussi de la misère ; “De la Grande Famine. des enfants sans chaussure dans la boue;De la lèpre du pain qui suinte au coin des bouches mal nourries. De mon père mort de givre ; Nous avions une colère commune . Et de la haine aussi . ”  Tyrone finira par être tué par cette haine qui irrigue encore en 2007 l’armée secrète appelée IRA.

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Les liaisons dangereuses : Valmont expert en trahisons sentimentales .. · Catégories: Première · Tags:

Le roman épistolaire de Laclos rédigé en 1782 a failli lui coûter sa carrière militaire car ses supérieurs l’ont considéré comme une violente critique  contre la noblesse dépravée.  Le succès du roman a été très important et la traduction anglaise parut moins de deux ans plus tard.  L’intrigue principale met en scène un couple manipulateur formé par la Marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont qui trompent tous les membres de leur entourage et se font passer pour des gens vertueux et aimables alors qu’en réalité, ils sont égoïstes et fourbes. La structure du roman par lettres met le lecteur dans une position particulière : il connaît tous les échanges entre les protagonistes et ainsi, il devient une sorte de voyeur car il entrevoit leurs moindres secrets et tous  leurs mensonges. Valmont incarne les dangers du libertinage : calculateur, il s’efforce de ne rien laisser au hasard et prémédite la manière dont il va séduire la Président de Tourvel, une jeune femme devant laquelle il va  tenter de se faire passer pour un homme pieux et sincère. Après de longs mois d’une cour acharnée , il a finalement réussi à se faire aimer d’elle ; pendant tout ce temps, il a continué à voir d’autres femmes et  lui menti constamment sur la sincérité de ce qu’ il éprouve pour elle .  Alors qu’il passait la journée en sa compagnie et qu’elle désirait sortir, il a prétexté un rendez-vous important et a pris congé d’elle; La Président  a finalement décidé d’aller dîner chez des amis et ne chemin, sa voiture rencontre celle de Valmont, près de l’opéra, accompagné par une courtisane, une fille connue pour vivre de ses charmes.  Nous allons étudier la lettre 137 envoyée par Valmont à la présidente de Tourvel  : elle constitue la réponse à la lettre de la jeune femme, désespérée, qui pense alors être trompée et  demande à son amant  de mettre un terme à leur relation. Le vicomte se défend  avec beaucoup d’éloquence en employant une stratégie argumentative astucieuse. 

 

 

 

Dans cette lettre , Valmont tente de  se justifier auprès de la Présidente qui se considère trahie : elle lui avoue avoir eu tort de lui faire confiance et s’accuse de son propre aveuglement. Il tente alors de la rassurer et de regagner sa confiance. Nous examinerons la stratégie argumentative de Valmont : comment tente t-il de convaincre Madame de Tourvel qu’il ne l’a pas trahie ?

Notons tout d’abord qu’il s’efforce de faire naître sa pitié en utilisant un registre pathétique . Dès les premières lignes, on trouve des points d’exclamation qui traduisent son émotion . Le verbe frémir traduit, par exemple, l’intensité de ses sentiments et pourrait désigner , à la fois la peur mai également le frisson de l’amour. Valmont reprend point par point les reproches  contenus dans la lettre qu’il a reçue: Il évoque ainsi “l’affreuse idée” que se fait de lui la jeune femme pour mieux tenter de lui donner tort. Il concède tout d’abord un argument à la partie adverse en affirmant qu’il a eu des torts  mais il tente aussitôt de lire minimiser. Le modalisateur “sans doute ” tend à réduire sa part de responsabilité . Cette une technique argumentative efficace  est appelée concession. Cette technique est  employée également aux lignes 6 lorsqu’il est question des apparences; Valmont concède qu’elles ont pu le desservir et donner de lui une image négative pour mieux tenter ensuite de réfuter cette idée et de se faire passer pour innocent.  

La syntaxe expressive fait ressortir l’indignation du vicomte grâce notamment aux parallélismes de construction et aux répétitions : “ Qui moi vous humilier vous avilir ” ( l 4 ) ; Ces deux verbes ont un sens critique très fort et la technique employée ici porte le nom de dénégation; l'accusé nie  en partie les faits et  se défend d'avoir voulu nuire à la jeune femme.  Cette fausse indignation est suivie d'une déclaration respectueuse : “quand je vous respecte autant que je vous chéris ” ( l 4 ) On note le contraste entre les deux parties de la phrase et la conjonction de subordination quand  qui marque la simultanéité des deux actions a ici,  presque la avaleur d’une opposition ; On pourrait le traduire par : alors que. Le vicomte tente de donner de lui l’image d’un homme respectueux alors que les faits disent le contraire. 

Il fait appel aux sentiments de son amante en utilisant une question rhétorique ligne 7 “ n’aviez vous  pas dans votre coeur ce qu’il fallait pour les combattre ? ” Ici le mot coeur est une métonymie qui désigne à la fois le siège des sentiments, des émotions mais également le siège de l’intelligence et du jugement comme on le voit avec la phrase suivante : “ vous m’avez jugé capable de ce délire atroce ” . Valmont tente de retourner la situation en se faisant passer pour une victime et développe une argumentation dans ce sens ; “si  vous vous trouvez dégradée à ce point  par votre amour , je suis donc moi-même bien vil à vos yeux ” La première partie de la phrase développe un système hypothétique qui fait dépendre la situation du Vicomte du simple jugement de sa maîtresse; Il se décrit comme dévalorisé par l’image négative que la présidente a de lui et qu’il s’ efforce de corriger . Le registre pathétique réapparaît à de nombreuses reprises  notamment aux lignes 11 où le vicomte se prétend “oppressé par le sentiment douloureux ” d’être mal jugé ; ou à la ligne  17 où il évoque un “événement cruel ” et également “la crainte de vous déplaire ou de vous affliger ” ligne 24. Le vicomte rejette  de manière habile en grande partie sa faute sur sa véritable victime  et se plaint de sa cruauté alors que c’est justement sa cruauté à lui qui est affichée par son attitude  ; C’est un habile retournement de situation que de se faire passer pour la victime alors que l’on est accusé à juste raison . 

La question rhétorique est souvent un moyen de persuasion dans la mesure où elle implique elle lecteur dans l’argumentation : celle de la  ligne 17 “cependant qui le croirait  ? “  marque un changement dans la stratégie argumentative du vicomte: après les reproches, c’est le moment d’exposer les faits sous un jour nouveau  et de tenter de faire douter sa maîtresse. Il avance tout d’abord la responsabilité de la présidente qui lui aurait fait perdre la tête et oublier ses obligations : “ cet événement cruel a pour première cause le charme tout puissant que j’éprouve auprès de vous ” C’est une manière habile de présenter les faits en rendant son amante responsable de ses agissements  et en rejetant la faute sur elle au lieu d’assumer un écart de conduite et une tromperie préméditée . L’amour de la Présidente  est donc ici qualifié de “charme tout puissant ” comme pour lui rappeler le pouvoir et la domination qu’elle exerce sur son esprit alors qu’en réalité, c’est le Vicomte qui la manipule entièrement depuis le début en ne cessant de mentir . Il s’agit cette fois de reproches déguisés comme la phrase “je vous quittai trop tard ” ( l 19 )  Le but est toujours de faire culpabiliser la jeune femme et on touche ici le comble de la mauvaise foi

En effet, le lecteur qui a connaissance depuis le début du roman de tous les mensonges de Valmont espère que la jeune femme ne continuera pas à être dupe de ses agissements et finie par découvrir la vérité sur ce séducteur sans scrupules .

Au lieu d’exposer les faits et d’avouer qu’il a retrouvé une de ses anciennes maîtresses nommée Emilie, Valmont rend ainsi  la présidente responsable de tout ce qui s’est passé. Il va même jusqu’à vouloir justifier le fait d’avoir voulu dissimuler la présence de la courtisane par “crainte de vous déplaire ou de vous  affliger ” et évoque ainsi, de sa part “une précaution de la délicatesse “ .( l 25 ) ; Nous voyons ainsi qu’il donne de lui l’image d’un amoureux transi qui craint d’être jugé “coupable “ ; alors qu'il s'est mal conduit, il persiste à se trouver des excuses qui semblent toutes plus ridicules les unes que les autres : il aurait rencontré la demoiselle par hasard et elle lui aurait demandé de la déposer chez elle . 

En effet, la culpabilité du vicomte  ne fait aucun doute dans l’esprit du lecteur et c’est ce qui rend cette lettre particulièrement comique ou tragique selon le points de vue. De plus , ce même lecteur ne va pas tarder à connaitre  une autre  version de cette rencontre, cette fois du point de vue de Valmont lorsqu’il  raconte, deux lettres plus tard, ce même événement  à la Marquise. Dans cette lettre, il ridiculise volontairement la Présidente .  Alors qu’il tente , pour justifier sa tromperie,de faret passer sa maîtresse pour une sorte   de bourreau , de juge impitoyable, il se moque d’elle un peu plus tard  “ je sentis sur le champ que vous seriez portée à me juger coupable ” l 23: cette phrase  a l’allure d’une sentence et parait très sévère . On retrouve à cette occasion un des reproches que les libertins adressaient à la société qui les entourait : elle les jugeait amoraux et donnait d’eux une image négative. 

Valmont va même jusqu’à accuser la femme qui l’accompagnait en évoquant une sorte d’ abus de pouvoir : à travers ses propos, il laisse deviner qu’il méprise Emilie qu’il qualifie de “fille” ce qui sous -entend qu’elle n’est pas mariée et il  lui reproche, à elle aussi, d’avoir voulu profiter de cette occasion si éclatante ” (l 27 ) . Il prend alors, à nouveau la position de victime en évoquant sa “peine cruelle “ et en  renouvelant à l’intention de sa destinataire, son “amour et son respect” . Cette lettre a clairement pour but d’éviter une rupture avec une femme dont , bien qu’il s’en défende, il commence à tomber amoureux : ce qui entre en opposition avec son libertinage . 

Le vicomte  cherche également à culpabiliser la présidente en faisant appel à son intelligence , à sa raison ; Il cumule ainsi des techniques de persuasion fondées sur l’usage de sentiments avec des techniques de conviction qui se basent sur l’usage du raisonnement . Cette lettre déploie des trésors d’éloquence mais le lecteur n’est pas dupe des techniques employées par ce séducteur. il devra toutefois attendre encore deux lettres pour comprendre l’étendue des mensonges et  de l’hypocrisie du personnage.  La cruauté de Valmont atteindra son paroxysme avec la fameuse lettre de rupture qui va suivre . Cette  lettre de rupture terriblement cruelle  a été écrite par Madame de Merteuil et sera recopiée, puis envoyée par le vicomte. Dans cette  lettre  particulièrement humiliante, Valmont déclare qu’il ne l’a jamais aimée. Cette révélation provoquera, à moyen terme, la mort de la jeune femme, victime de ce duo de séducteurs sans scrupules .

Pour les libertins, l’amour  véritable est considéré comme une faiblesse et la Marquise se moque de Valmont lorsqu’elle comprend qu’en dépit de toutes ses dénégations, il éprouve des sentiments pour la Présidente . C’est elle qui va le pousser à la rupture par jalousie .Valmont apparait ici hypocrite et fourbe; Dans  la lettre suivante, Valmont se moque ouvertement de Madame de Tourvel qu’il qualifie d’austère dévote et lorsqu’il mentionne cet épisode, il avoue avoir souhaité rejoindre Emilie, avoir passé la nuit chez elle . De plus, il sait que Madame de Tourvel a  fait envoyer chez lui un messager qui est revenu en mentionnant que le vicomte passait la nuit à l’extérieur .

La lettre  que nous avons étudiée montre une sorte de tentative de reconquérir le coeur et la confiance de la présidente en comptant sur sa naïveté et sur la force des mensonges “admirables ” .Le vicomte est ainsi pris au piège ; d’un côté; la Marquise de Merteuil  continue à lui faire croire qu’elle acceptera de devenir sa maîtresse s’il exécute sa volonté : rompre définitivement avec Madame de Tourvel. D’un autre côté, Valmont aimerait prolonger sa laissions car il éprouve un véritable attachement pour la Présidente . Cette lettre cruelle  mettra définitivement un terme aux illusions de la présidente et révélera toute la noirceur de l’âme de Valmont   La fin tragique du roman est enclenchée :  la jeune femme trahie et blessée se retirera du monde ,  et mourra de chagrin et de remords quelques mois plus tard . Valmont se laissera tuer en duel par le chevalier Danceny et la Marquise, défigurée par la petite vérole  et ruinée par un procès, devra quitter la France définitivement . 

La morale de ce roman est mentionnée dans la dernière lettre “Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ! et quelles peines ne s’éviterait-on point en y réfléchissant davantage ! Quelle femme ne fuirait pas au premier propos d’un séducteur ? ” Pour ne pas avoir réussi à fuir et pour avoir cru aux mensonges de Valmont , de nombreuses femmes ont souffert . 

Quelques exemples d’axes de lecture : 

une réthorique du mensonge : les fausses accusations (, concession et dénégations ) et les explications .

le registre pathétique :  se faire passer pour une victime, se plaindre et culpabiliser l’autre

rejeter la faute sur l’autre : hypocrisie et libertinage.  

 

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Portrait d’un traître : M comme Mouchard ; Le cas de Paul Dounat dans l’Armée des Ombres . · Catégories: Première · Tags:

Délateur, dénonciateur, rapporteur, cafard, barbouze : les qualificatifs aux connotations péjoratives ne manquent pas pour désigner celui qui trahit son camp et livre des renseignements à l’ennemi. La littérature compte certains mouchards célèbres mais la plupart des modèles de personnages fictifs sont issus de l’Histoire. Le succès des films d’espionnage et le cliché de l’agent double continuent aujourd’hui à alimenter les images des traîtres . Dans l’Armée des Ombres, Joseph Kessel invente le personnage de Paul Dounat et nous fait assister à son exécution. 

A peine sorti de son camp de prisonniers, Paul Gerbier doit superviser l’exécution de celui qui l’a trahi . Le chapitre deux s’intitule l’exécution donc le lecteur connaît clairement l’issue fatale . Dè les premières lignes du chapitre, l’identité du traître est révélée ; Paul Dounat parait sous son véritable patronyme alors que comme tous les résistants, il est connu sous un faux-nom; Il a endossé le pseudonyme de Vincent Henry et ignore qu’il a été démasqué par son organisation. C’est donc en toute confiance qu’il se rend au rendez-vous à Marseille et les résistants, venus pour l’arrêter ,  se font passer pour des policiers   . Le lecteur comprend ce qui se passe au moment où l’auteur lui précise que Paul Gerbier devenu André Roussel ,est assis dans la voiture : “ Tout le sang de Paul Dounat lui afflua d’un seul coup et il s’affaissa comme un pantin désarticulé ” . Cependant le personnage du traître est  présenté très rapidement comme “indifférent ” à son sort , au delà de la peur .  ” Le premier choc avait épuisé en lui tout sentiment vivant. Comme toujours et du moment qu’il n’avait pas à choisir , il s’accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges.” 

 Le personnage de Dounat est vu par les yeux de Gerbier qui le juge assez sévèrement  ‘lui parut plus vague encore plus inconsistant qu’à l’ordinaire.  “ paresse manifeste de la  volonté,” pensait distraitement Gerbier . Le style indirect libre est utilisé pour rendre compte des pensées du héros. Gerbier éprouve une sorte d’ennui comme s’il exécutait une formalité fastidieuse. L’épisode de l’exécution est utilisé dans le roman pour montrer le caractère exceptionnel de ces instants qui transforment de simples citoyens en tortionnaires . Le traître comprend qu’il va être effacé de l’ordre humain; cette expression rend sa mort à la fois dramatique et inéluctable. Sa mort était un fait acquis . Lorsqu’il est emmené,   vers la maison où il va être exécuté, Paul pense à la manière dont les communistes se débarrassait de leurs traîtres : “On attirait l’homme de nuit , au bord de la mer, on l’assommait, on le déshabillait, on l’enroulait dans un treillage en fil de fer et on le jetait à l’eau. Les crabes à travers les mailles dévoraient entièrement le corps. ” Ce souvenir revient en mémoire de Paul: il avait entendu cette histoire en compagnie de sa maîtresse et elle avait prononcé ces mots très durs : ” Il n’y a pas de mort assez sale pour les gens qui vendent leurs camarades. “; Le narrateur ajoute le commentaire suivant : il montait docilement entre Gerbier et Félix comme pour établir un lien entre les paroles de Françoise et le sort de son amant. Le romancier utilise ici une alternance de points de vue pour rendre compte à la fois des faits et des effets produits par la trahison sur les personnages ; Gerbier se caractérise , tout au long du roman, par une forme d’impassibilité, allant parfois jusqu’à la froideur ou du moins l’apparence du détachement .

Au moment où le traître lève les yeux vers son bourreau, ce dernier les voit “humbles ,honteux et troublesavec une telle misère humaine qu’il eut envie de crier . On dit de Paul qu’Il redoute particulièrement la souffrance physique et  l’autre le montre en train d’esquisser un geste de protection avec ses mains qu’il place “paumes ouvertes devant son visage. ” Gerbier a une dernière hésitation avant de donner l’orde d’étrangler Paul Dounat mais renoncer à le tuer, c’est tuer Félix et mettre en danger le réseau ; finit-il par penser ; “ce n’était pas la faute de Paul Dounat s’il allait mourir ce n’était pas la faute de ceux qui l’assassinaient . Le seul, l’éternel coupable était l’ennemi qui imposait aux français la fatalité de l’horreur . ” Que pensez-vous de cette  affirmation ? Etes-vous d’accord avec ce raisonnement ?  Chaque convulsion du traître donne à Gerbier une haine nouvelle contre les allemands et le résistant Claude Le Masque se met à pleurer. Gerbier lui conseille alors avec bonté  d’avoir toujours du cyanure sur lui afin de s’empoisonner pour ne pas risquer de parler sous la torture . 

Des idées de plan pour répondre à la question : comment le traître est-il représenté ? 

En introduction, présenter le roman, le cadre de la Résistance et la situation des personnages; expliquez ce qu’il a fait et les raisons de sa trahison ; on peut dans un premier temps présenter ose caractéristiques du personnage et analysez le point de vue de Gerbier et ensuite  montrer que le titre du chapitre l’exécution annonce la dimension tragique du passage.

I un portrait contrasté

Des qualités qui le redent attachant , humain : utile intelligent courageux  AVANT bonne famille, bonne manières, traits agréables 34 belle bouche tendre : fait pour l’amour et pas pour la guerre 36 grain de beauté : petit détail 

Le mépris affiché de Gerbier fait ressortir sa froideur : lui parait vague inconsistant 22 , paresse manifeste de la volonté 40 , incapable de décider  42 : portrait d’un veule : menton indécis , un peu gras 39

Il est devenu un traître par  désespoir amoureux ou par faiblesse  : deux interprétations possibles  inertie 24  ou  devenu instrument de la police 25

le lecteur juge peut être moins sévèrement le personnage que Gerbier 

II Un homme condamné : une fatalité 

prêt à mourir l 1 “c’est alors qu’ils me tueront ” 1 ; absence d’interrogatoire 46 : inutile de vous poser des questions 

déjà mort indifférent :  n’a plus peur , premier choc , plus de sentiment vivant , veines creuses 3 à 10

s’érige en victime : ne releva pas la tête 49  s’accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges 8

 ccl Une exécution qui met en évidence la dureté de la guerre : transforme les hommes et révèle le meilleur comme le pire. Personnage pathétique et scène de l’étranglement qui révèle les difficultés des résidants à commettre ce meurtre. Carapace de Gerbier pour se protéger des émotions ? 

26. décembre 2018 · Commentaires fermés sur Je résisterai ..la résistance palestienne mise en mots par Samih -Al- Qassim · Catégories: Première

Le conflit israélo-palestinien déchire encore aujourd’hui le Moyen-orient et fait partie de nos tragédies contemporaines; fondé en 1948 l’Etat d’Israel qui a servi tout d’abord de refuge aux juifs persécutés du monde entier, n’a cessé de s’étendre pour abriter des millions d’habitants . Pour pouvoir accueillir les Juifs du monde entier, il a peu à peu colonisé les territoires arabes situés à proximité de ses frontières : ce qui  a déclenché la colère des peuples chassés, obligés de s’exiler de la terre de leurs ancêtres; L’Etat palestinien  a décidé  de résister, par les armes notamment , à cette politique de colonisation et la violence ne cesse de croître dans ce qu’on nomme désormais ” les territoires occupés”.

Un écrivain et journaliste palestinien, Sami Al Qassim a rédigé un poème pour évoquer la résistance de son peuple . Samih al-Qâsim ou Samih al-Qâssim est  né le 11 mai 1939 dans la ville de Zarka et mort le 19 août 2014 à Rameh, près d’Acre.Poète et journaliste palestinien, druze d’Israël, né en Transjordanie, son œuvre, en arabe, comporte plus d’une trentaine d’ouvrages: des recueils de poèmes, des récits et des essais. Ecrivain engagé ,Samih Al- Qasim a souvent subi les affres de la censure, du harcèlement, de la résidence surveillée et de l’incarcération pour avoir dénoncé ouvertement la violence de la politique israélienne en Cisjordanie et à Gaza ainsi que pour avoir refusé de servir dans l’armée israélienne.  Samih Al-Qassim est donc un résistant. Dans tous les sens du terme, un homme qui ne plie pas, qui ne cède pas, qui contrarie, qui combat. Nous allons étudier l’un de ses poèmes qui s’intitule ” je resisterai” , en répondant a la question : En quoi l’auteur illustre t-il la resistance dans ce poème? 

Formé de trois strophes de 9 vers irréguliers et   rythmé  par le vers isolé  en guise de refrain : je résisterai, cette composition poétique fait état de la farouche détermination du poète . Comment le poème illustre-t-il le combat qui est mené ? Dans un premier temps, nous étudierons la vision de l’occupation et  la cruauté des ennemis et nous évoquerons ensuite le caractère absolu de la résistance

Notons tout d’abord que l’occupant est partout dans le poème et pousse le poète dans ses derniers retranchements; La première conséquence de la guerre est  peut être l’appauvrissement qui se traduit par la vente des derniers biens du poète : “je vendrai peut être mes habits et mon matelas” au vers 2. Le dénuement est d’ailleurs marqué au vers 5 par les adjectifs “nus et affamés ” . La souffrance de la population se traduit donc sur un plan matériel avant d’atteindre dans la dernière strophe , une dimension spirituelle. En, effet, il est possible de remarquer une gradation dans les images utilisées pour traduire les souffrances de la population. Aux privations matérielles succède , dans la seconde strophe, la menace de l’emprisonnement avec l’expression “jetteras peut être ma jeunesse  en prison ” . Cette image traduit concrètement ce que risquent les opposants et les combattants ; L’auteur lui-même n’a pas échappé à certaines menaces d’emprisonnement et de résidence surveillée à cause de ses engagements politiques. L’image de la prison est amplifiée dans la troisième strophe avec l’hyperbole “tu élèveras peut être autour de moi des murs et des murs ” au vers 25. On retrouve ici une vision du ghetto avec ces zones fermées par des frontières contrôlées par l’armée d’occupation ;Le contrôle du territoire est ici un moyen d’imposer sa domination territoriale qui se double d’une forme du domination culturelle . Les habitants des territoires occupés sont donc enfermés , privés de nourriture et de biens essentiels ; la première strophe montre à quel point leur situation est difficile et leur survie menacée; Ainsi, ils sont réduits à fouailler la terre comme des animaux pour se nourrir : “ Je chercherai peut- être dans le crottin des grains “ . Les grains symbolisent ici une forme de nourriture  rudimentaire basique et le crottin désigne les excréments ; L’occupation prive ainsi les habitants de leur dignité et les amène à se comporter comme des bêtes qui retournent la terre à la recherche de nourriture . On mesure ainsi l’humiliation que fait subir l’occupant et la dureté du régime d’occupation. On peut penser également aux situations de blocus et à l’isolement des habitants des territoires occupés qui ne peuvent se déplacer librement. 

L’occupant est présenté à travers ce poème comme un véritable tortionnaire : la périphrase  ennemi du  soleil répétée dans les trois strophes, assimile l’occupant à un semeur d’ombre, celui par qui arrive la nuit ou celui qui empêche de voir le jour. Cette hypothèse se confirme au vers 21 avec l’idée que les bourreaux vont “éteindre peut être tout lumière ” Et cette privation de lumière qui fait suite aux privations de nourriture et aux privations de liberté peut correspondre au stade ultime de la souffrance, son point culminant en quelque sorte . En effet, les images de la dernière strophe sont marquantes et reprennent des idées déjà mentionnées dans les deux premières strophes mais avec une forme d’amplification collective; La souffrance individuelle devient ici la souffrance d’un peuple tout entier.  Les trois âges de la vie sont représentés : la jeunesse jetée en prison fait place ici à  l’enfant privé de la tendresse de sa mère au vers 22 qui désigne les orphelins de guerre; le poète fait état également de la politique de communication israéleienne qui présente aux occidentaux les palestiniens comme des terroristes qui s’en prennent à d’innocents civils alors que la situation est beaucoup plus complexe sur place  ; Le poète dénonce ainsi une entreprise de falsification historique emmené par son propre gouvernement qui présente les événements de manière partiale. 

Au delà du risque d’enfermement et de séparation, la résistance se traduit par d’autres risques comme celui de perdre des êtres chers ou d’être coupé de ses racines. Les pertes subies sont énumérées dans la seconde strophe : tu me dépouilleras peut- être du dernier pouce de ma terre. La terre est ici l’image des liens entre les habitants et leur sol natal et le poète reprend l’idée d’un rétrécissement du territoire palestinien  au fur et à mesure de l’extension de l’état hébreu. Non seulement les Palestiniens sont contraints à l’exode ce qui peut provoquer l’occupation de leurs maisons comme à Jaffa qui est devenue une colonie israélienne; Les maisons vides de leurs habitants ont  été attribuées aux nouveaux arrivants : la spoliation s’ajoute ici à la tristesse d’avoir du partir . Le vers 14 fait allusion à des autodafés qui rappellent aux occidentaux d’autres périodes d’occupation où on brûlait les livres; La disparition d’un peuple, en effet s’accompagne souvent de la tentative de destruction de sa culture et de sa mémoire. Enfin, la strophe centrale se termine par une image de terreur : “l’épouvantail de la terreur ” qui nous suggère que la plupart des habitants s’enfuient par peur de mourir . Et pour terminer , le poète mentionne qu’il se battra jusqu’à la dernière pulsation de ses veines “; on retrouve l’idée selon laquelle il est prêt à mourir pour sa cause .  Grâce à des mot simples et à des répétitions, le poème diffuse une sorte d’hymne à la résistance; Le poète se présente , à travers le Je , comme la victime sacrificielle d’occupants sans coeur , prêts aux pires horreurs comme “jeter son corps aux chemins ” . Le registre pathétique est ainsi déployé tout au long des trois strophes , à travers des notations précises mais qui ne font jamais  directement référence à un contexte historique déterminé. Ce qui permet au texte d’atteindre à l’universalité et de dépasser la simple évocation d’un conflit en particulier . Cette prétention à l’universalité lui donne une force peu commune qui traduit, de tous temps et à toutes les époques , les souffrances des opprimés .

Ce poème peut , sous cet angle,  être considéré comme un hommage à la Résistance envers et contre tout.  Ainsi,  “je résisterai” peut être lu  comme un blâme d’un aspect de la politique israélienne , dans une volonté de dénonciation de ses excès. Le poète exprime ainsi son engagement au sein du  conflit Israélo-palestinien . Il prend fait et cause pour les habitants de territoires occupés. Mais le poème “je résisterai” peut également se lire comme un hymne à la vie et à la résistance d’un peuple  Ce poète manifeste ainsi son engagement :  avec des mots le poète fait  oeuvre de résistant. Grâce à la poésie, la résistance se fait absolue et englobe le monde. L’auteur démontre ainsi que le pouvoir de la poésie transforme cette détermination en texte universel que chacun peut s’approprier. 

 

 

 

 

12. décembre 2018 · Commentaires fermés sur Les repas dans Bel -Ami : décrire un repas de manière réaliste … · Catégories: Seconde

On mange beaucoup dans le roman de Maupassant et souvent . A quoi servent les scènes de repas au juste ? Sont-elles décrites uniquement pour nous donner faim ? 

En fait les repas sont des occasions de montrer le milieu dans lequel évolue le personnage : à l’aise dans un Paris nocturne qui boit de la bière le long des boulevards, le héros n’est pas encore dans son élément au sein de la bourgeoisie d’affaires mais son féroce appétit lui ouvrira bientôt toute les portes .  Pour décrire votre scène de repas , vous devrez d’abord choisir un endroit précis dans le roman : chez les Forestier, au restaurant, à l’extérieur et expliquez à quelle occasion se déroule ce repas. Un repas est d’abord composé d’un menu : les plats défilent de l’entrée  au potage en passant par les poissons, les viandes, les fromage et les desserts . La vaisselle joue également un rôle important : penser aux nappes, aux assiettes , à la décoration de la table ou aux ustensiles de cuisine  . Enfin, placez les convives autour de la table et détaillez pour chacun d’eux une manière de manger, de couper sa viande, de demander à être resservi ou de pencher son verre de vin . N’oubliez pas de détailler l’ambiance générale (vous pouvez évoquer les sujets de conversation, les sourires ou la gêne des invités )  et terminez soit par le départ des invités soit par une note globale . “ce fut un interminable repas ” ou “ce fut un moment très agréable ” ? Vous trouverez quelques exemples ci-dessous…

On mange beaucoup dans le roman de Maupassant et souvent . A quoi servent les scènes de repas au juste ? Sont-elles décrites uniquement pour nous donner faim ? 

Comment mange-t-on à l’époque de Maupassant ? 

A u XIX°, l’élite sociale se compose de la haute bourgeoisie et de la nouvelle bourgeoisie . La première continue de recevoir chez elle et véhicule les manières qu’elle avait déjà sous l’Ancien Régime. Dans les banquets qu’elle donne, tout comme dans le banquet traditionnel, il est toujours question pour l’hôte d’étaler sa richesse et pour les convives de briller intellectuellement. Quant à la seconde, ses revenus lui permettent l’accès aux mets de luxe du siècle précédent, mais elle ignore le savoir-vivre et les bonnes manières de la table. N’osant pas encore afficher un train de vie trop luxueux chez elle, mais voulant se montrer et prouver que son capital lui permet d’avoir des goûts de luxe, elle mange au restaurant et fréquente les meilleurs tables de Paris. Tout au long du XIX°, elle cherche à imposer ses habitudes pour légitimer et renforcer sa nouvelle position. Parmi les valeurs qu’elle promeut, certaines ont un lien direct avec les représentations du repas. Son goût pour ce qu’il y a de meilleur et le développement des marchés et des restaurants conduisent à une nouvelle révolution gastronomique. Contrairement à la haute bourgeoisie, elle ne recherche pas de capital culturel : les discussions intellectuelles laissent la place à l’orgie et à la nourriture charnelle. 

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Le déjeuner sur l’herbe de Manet 

Cependant, jusqu’au milieu du XIX°, se nourrir reste une hantise quotidienne pour la majorité des gens. C’est pourquoi, le plaisir de manger, quand il est possible, rime avec abondance de nourriture et banquets interminables. 

DansBel-AmiMaupassant montre tout d’abord l’obsession de la nourriture pour le héros désargenté : Georges Duroy, arrivé à Paris sans le sou, doit choisir entre boire ou manger à tous les repas et la première fois qu’il est invité à dîner chez son ami Forestier, il est fasciné à la fois par le luxe de la table et par l’abondance des mets et des vins. « Le dîner était fort bon et chacun s’extasiait. M Walter mangeait comme un ogre, ne parlait presque pas . » 

Au XIX°, l’art culinaire jouit d’une importante popularité, surtout dans la deuxième moitié du siècle. Enfin, les écrits gastronomiques détaillent, sur un ton plaisant, les plaisirs raffinés da la bonne chère et prescrivent l’étiquette et les dernières modes alimentaires. En 1900, c’est la création du premier Guide Michelin. 

Dans la première moitié du XIX°, les plaisirs de la table ne sont que très lentement représentés dans la littérature. En effet, pour un certain romantisme du début du siècle, la nourriture, au même titre que les réalités physiologiques, est occultée. Les scènes de repas sont utilisées à des moments stratégiques du parcours du héros comme son arrivée, son mariage, sa réussite . C’est Balzac qui, le premier, a compris l’intérêt pour un romancier, de faire entrer les plaisirs de la table dans la littérature. Par contre, dans la deuxième moitié du XIX°, la littérature romanesque, s’ouvre plus largement à la représentation des plaisirs de la table avec des écrivains comme Flaubert, Zola, ou Maupassant. Ceux-ci mettent en scène les repas, de façon très détaillée, parce qu’ils y découvrent de véritables instruments pour montrer lemode de vie des personnages et les usages en société.La nourriture devient alors un des thèmes majeurs du réalisme .Le motif du repas devient un motif inscrit dans le temps de la narration et développé, sur le mode de la scène, pour aborder des problèmes comme : la famille toute puissante et aliénante, les rapports de pouvoir, la pauvreté et la richesse. 

Les repas dans le roman marquent l’ascension du héros . La première promenade du héros sans le sou sur les boulevards pleins des couleurs et des reflets des boissons, qu’il convoite, introduit son amour de l’argent et son goût pour les plaisirs .  “une soif chaude, une soif de soir d’été le tenait et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la bouche; ” Il conjugue souvent les plaisirs de la bonne chère avec les plaisirs de la chair comme lors du repas au restaurant avec Clotilde et les Forestier .  ” Une table carrée de quatre couverts étalait sa nappe blanche si luisante qu’elle semblait vernie. Et les verres , l’argenterie , le réchaud brillaient gaiement sous la flamme de douze bougies portées par deux hauts candélabres.”  On note à cette occasion une érotisation de la nourriture : «  Puis après le potage on servit une truite rose comme de la chair de jeune fille.. et on se mit à parler d’amour. Et comme la première entrée n’arrivait pas, ils buvaient de temps en temps une gorgée de champagne en grignotant des croûtes arrachées sur le dos des petits pains ronds . Et la penséede l’amour, lente eenvahissante entrait en eux, enivrait peu à peu leur âme, comme le vin clair, tombé goutte à goutte en leur gorge, échauffait leur sang et troublait leur esprit. » 

Au fur et à mesure qu’il s’élève socialement, le personnage de Bel -Ami semble moins s’intéresser à la nourriture : Le voilà désormais qui compte souvent parmi les invités de Madame Walter, la femme de son patron au Journal. « Le dîner fut banal et gai, un de ces dîners où l’on parle de toutsans rien dire . Duroy ne resta pas tard trouvant monotone la soirée ». Il rentrera seul d’ailleurs sans Clotilde de Marelle. Lorsque cette dernière l’invite à dîner chez elle, il se sent un peu gêné : « il se sentit étrangement troublé non pas qu’il lui répugnât de prendre la main de ce mari,de boire son vin et de manger son pain, mai sil avait peur de quelque chose sans savoir de quoi. » 

Lorsque Madeleine lui demande de la rejoindre car elle craint que son mari décède , les repas ne sont plus une source de plaisirs dans ces circonstances tragiques : « Enfin le dîner fut annoncé. Il sembla long à Duroy, interminable. Ils ne parlaient pas, mangeaient sans bruit, puis émiettaient du pain du bout des doigts. » 

Après avoir épousé Madeleine devenue veuve, en décidant qu’ils formeraient un couple libre, Georgesqui es fait désormais appeler Du Roy De Cantel emmène son épousen Normandie afin de la présenter à ses parents,des paysans aisés. «  Ce fut un long déjeuner de paysans aveunsuite de plats mal assortis, uen andouille après un gigot, uneomelette après l’andouille. Le père Duroy mis en joie par le cidre et quelques verres de vin, lâchait le robinetde ses plaisanteries dechoix. » Cette description critique montre que Madeleine ne se sent pas à sa place : « Le repas du soir , à la lueur d’une chandelle, fut plus pénible encore pour Madeleine que celui du matin. »

En revanche lorsque Madeleine dîne avec son nouvel amant le ministre Laroche-Mathieu , voilà ce qu’on trouve dans leur chambre : « Ils traversèrent une salle à manger dont la table non desservie montrait les restes du repas : des bouteilles à champagne vides, une terrine de foie gras ouverte, une carcasse de poulet et des morceaux de pain à moitié mangés . Deux assiettes posées sur le dressoir portaient des piles d’écailles d’huîtres. »

En exécutant son dernier coup d’homme de proie – s’assurer le mariage avec la très riche Suzanne – Bel-Ami jette dans l’eau du bassin de l’hôtel un morceau de pain : “Tous les poissons se jetèrent avidement sur ce paquet de mie qui flottait […] et ils le dépecèrent”.

La nourriture tant enviée par Georges Duroy au début du roman ne lui fait désormais plus envie car il a pu satisfaire d’ autres appétits : celui des femmes et plus encore celui du pouvoir. Le dernier regard qu’il jette dans le roman n’est pas pour le banquet de ses noces mais pour la chambre des Députés qui se profile à l’horizon. 

En résumé il est devenu celui qui a croqué les autres.  

11. décembre 2018 · Commentaires fermés sur La place du traître : motif central ou ressort de l’intrigue ? Initiation à la dissertation · Catégories: Fiches méthode
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Dans quelle mesure peut-on dire que la figure du traître est centrale dans l’univers romanesque et théâtral ?  Voilà la question qui va servir de point de départ à nos cogitations et  à laquelle il va falloir répondre sous la forme d’une dissertation . Les méthodes et les modes d’emploi pour apprendre à réaliser cet exercice de réflexion et d’argumentation , ne manquent pas ; mais, si, aujourd’hui, il n’est  choisi que par 5% des candidats au bac de français, c’est  surtout parce qu’il paraît effrayant pour beaucoup d’élèves. Que signifie au juste disserter au lycée  ? Pour certains , il s’agit simplement de discuter , pour d’autres, de vérifier le domaine d’application ou d’extension d’une notion ; pour la plupart, au final, disserter en français se réduit à faire étalage de sa culture et de ses connaissances. La réalité est autre : disserter s’apparente  avant tout  à une  démarche réflexive  qui effectue un va- et- vient permanent entre des connaissances, certes, mais surtout la construction d’une réflexion qui met à jour les rouages de la pensée …suivez le guide !

 Tout d’abord, disserter dépasse le cadre étroit d’une matière : on disserte en histoire, en économie, en philosophie, et en mathématiques également ainsi qu’ en sciences : l’exercice prend alors le nom et  la forme d’une démonstration . Les Anciens ont,  d’ailleurs, donné des noms aux différentes  étapes de cette démarche  au sein de la rhétorique :  Inventio avec un I qui désigne l’art d’inventer, de trouver des idées ou arguments , D comme dispositio : l’art de faire des plans , de ranger, d’ordonner les arguments ; L’ Elocution désigne l’art de bien parler et peut être remplacée par la rédaction lorsqu’il s’agit d’écrire . Les orateurs ajoutaient M comme Memoria pour désigner l’art d’apprendre son discours (mémoriser ) , A comme Actio pour désigner les performances des orateurs . 

Je vous propose d’employer un moyen mnémotechnique pour vous souvenir des étapes du travail de dissertation. 

D comme définir le sujet : prendre le temps de l’analyser, de le comprendre, de le reformuler…

I comme inventorier les idées ,  des exemples, faire des listes, des tableaux, des cartes mentales , noter des noms, des titres d’oeuvres, des noms de personnages..

S comme synthétiser : regrouper ce qui se ressemble, faire apparaître les idées voisines ou les oppositions , classer, rassembler. 

S comme souffler : attendre un peu que les idées lèvent  ..l’idéal est de reprendre le lendemain ou plusieurs jours plus tard 

E comme élaborer un plan , ordonner, construire , enlever ce qui fait doublon, étoffer , équilibrer 

R comme rédiger un plan détaillé , l’armature du travail final dans lequel on fait apparaître les idées, les exemples à la place choisie et les liens entre  les parties qu’on nomme 

T comme transitions : les jointures indispensables pour un travail solide 

E comme écrire  enfin sur sa copie

R comme ne pas oublier de se relire

Pour simplifier la recette finale  : définir, inventorier,synthétiser, souffler ,élaborer un plan, rédiger le plan détaillé, transitions, écriture, relecture . 

Commençons aujourd’hui par les deux premières étapes 

D comme définir le sujet : Dans quelle mesure peut-on dire que la figure du traître est centrale dans l’univers romanesque et théâtral ?

Le mot clé est bien sur le mot traître .Il va falloir discuter des trahisons mentionnées dans les textes et démontrer quelle est la place de cette trahison dans l’oeuvre ;

L’expression dans quelle mesure nécessite qu’on quantifie cette place : on peut , par exemple, penser à un pourcentage . Thème central à 100 % : le roman n’évoque que la trahison: c’est l’action essentielle ou unique ; Ou la trahison n’apparaît que fortuitement dans l’histoire (à la fin , comme déclencheur, dans une péripétie , en tant que thème secondaire ) Pour chaque oeuvre, il conviendra donc de se poser des questions que nous pourrions résumer sous cette forme : qui trahit qui? pour quelles raisons ? quelles sont les conséquences de cette trahison? quelle place cette trahison occupe-t-elle dans la totalité de l’oeuvre ? la trahison apparaît-elle au début ? est-elle un déclencheur de l’action ? est-elle un thème récurrent dans l’oeuvre ? le traître est-il le héros ? un personnage secondaire ? un figurant ? trahit-il le héros ? s’oppose-t-il à lui ? 

 I comme inventorier : Une fois ce travail de questionnement des œuvres  effectué, nous pourrons alors élargir l’inventaire des idées à vos lectures personnelles  et séparer ensuite arguments et illustrations (idées et oeuvres ) 

Voilà le résultat de notre sondage à propos du degré de trahison des traîtres de notre corpus : 

06. décembre 2018 · Commentaires fermés sur Adapter une œuvre littéraire au cinéma : tentatives de traductions . · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Peut-on parler véritablement de trahison? L’oeuvre écrite, dès qu’elle ne se limite pas à une simple nouvelle, possède une densité trop grande pour être toute entière mise dans l’œuvre filmée, et il serait étonnant de penser que des dizaines d’heures de lecture peuvent se transférer dans une à trois heures de cinéma. Le langage cinématographique va ainsi utiliser des condensés.

Les grands films tirés de grands livres sont toujours la vision de deux artistes qui ont apporté chacun deux visions du monde.

Julien Gracq disait de l’adaptation cinématographique :” pour qu’un roman devienne un très bon film , il faut que le film soit autre chose. Il s’agit de chercher une sorte d’équivalent mais qui ne se limite pas à la simple transposition visuelle”.

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Comment passer du texte à l’image

L’ adaptation libre d’une oeuvre littéraire peut en modifier de profonds aspects : elle peut ainsi être transposée dans un autre pays à une toute autre époque . Il est également possible ne garder qu’un personnage et de lui faire vivre d’autres aventures, l’important est de conserver un aspect du roman, de le rendre unique et inoubliable. On parle alors de libre -adaptation ou de transposition . 

Deux langages différents 
– Le langage des images ne reflète pas le langage des mots. Par exemple, les ellipses au cinéma (flash-back, fondus)représentent le temps qu’on ne voit pas. Ainsi, il y a un décalage réel entre une scène racontée et une séquence de film. La voix-off au cinéma fait entendre au specatteur les pensées du personnage ; Le procéd est beaucoup plus fréquent dans lseromans avec le point de vue omniscient.
– Un film de 2 heures ne peut pas reprendre tous les événements et les gestes d’un récit de 300 pages. Le cinéaste doit donc faire des choix. Il peut décider de supprimer certains détails, de réduire le nombre de personnages, de passer des faits sous silence. 

– Enfin, en adaptant, le cinéaste propose sa lecture, sa vision de l’œoeuvre, son interprétation. 

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Dans L’Armée des Ombres , adaptation par Jean-Pierre Melville plus de 20 ans après la sortie du roman de Kessel, de nombreux petits détails ont disparu . Le cadre chronologique du récit est respecté avec les différentes séquences comme l’arrivée au camp de prisonniers, l’évasion, l’exécution du traître, le départ en Angleterre , les différentes missions des résistants . Les personnages principaux sont tous conservés: autour de Philippe Gerbier interprété avec beaucoup de sobriété par Lino Ventura, on retrouve des acteurs célèbres de l’époque; Simone Signoret joue Mathilde, Jean-François est interprété par Jean-Pierre Cassel et le grand patron Luc Jardie est incarné par Paul Meurisse. Toutefois, dans un souci d’économie , le cinéaste réduit certains rôles secondaires: on aperçoit Augustine la paysanne généreuse et on entrevoit à peine sa fille alors que dans le roman, Mathilde envoie un commando pour la délivrer et l’auteur raconte avec force détails, les séances de torture qu’on lui fait subir. On note d’ailleurs, à ce sujet, que les images de torture sont beaucoup moins détaillées à l’écran sans doute pour ne pas trop choquer le spectateur et pour que le film soit accessible à tous les publics. Autour des figures principales de résistants: Lemasque, Félix, Le Bison, Jean-François, certains détails ont été concentrés ; Ainsi, alors que dans le roman, Gerbier s'évade avec la complicité de Legrain et grâce à son sacrifice, dans le film, Melville a choisi de reprendre une anecdote qui est racontée par Jean-François; ce dernier s'est enfui du siège de la Gestapo , a trouvé refuge chez un barbier et celui-ci lui a donné un imperméable afin qu'il ne soit pas reconnu par les allemands.  Dans cette scène, à l'écran, Gerbier remplace Jean-François. Toutes les aventures des récitants ne sont pas reprises : ainsi on ne voit pas tous leurs déguisements ou tous leurs voyages comme lorsque Mathilde se travestit en femme enceinte . Le film montre l'agonie du Félix et le sacrifice de Jean-François pour le rejoindre en prison ; dans le roman, il s'agit d'un épisode raconté par Le Masque qui reste auprès d'un camarade trop souffrant pour pouvoir s'échapper. 

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Le cinéaste  a choisi de conserver des détails symboliques comme l’appartement de Saint Luc : il modifie toutefois la scène de reconnaissance entre les deux frères: l’identité du patron est dévoilée à son frère dans le roman alors que dans le film , Jean-François ne peut identifier son frère dans le noir de la nuit. Seul le spectateur sait qu’il s’agit du chef et dans le générique de fin qui mentionne la mort tragique de tous les résistants, il est précisé :  Luc Jardi ne donna qu’un nom : le sien . Lorsque Mathilde serre la main de Gerbier après avoir organisé son évasion avec la corde, le cinéaste a voulu montrer l’émotion de ces instants et même s’il n’a pas donné à Mathilde un rôle aussi important que dans le roman, il a conservé ses qualités d’organisation et montre que les résistants qui travaillent sous ses ordres, l’admirent beaucoup. Le dénoument du roman est conservé avec l’arrivée dans la planque de Gerbier du grand patron pour prendre la décision de tuer Mathilde avant qu’elle ne livre les noms d’autres résistants pour sauver sa fille. La scène de l’assassinat de Mathilde et l’incertitude dans laquelle se trouve le chef des résistants apparaît bien à l’écran avec le visage sidéré de l’actrice qui laisse penser au spectateur qu’elle ne s’attendait pas à être tuée .

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Au final, quelques détails ont été passés sous silence et quelques personnages ont disparu (Louis H , l’abatteur clandestin qui abrita Gerbier , la Comtesse qui cachait des clandestins sous sa robe mais les scènes principales ont été conservées et transposées (camp, évasion, parachutages, passage à Londres, arrestations, tortures) et surtout l’atmosphère sombre du roman de Kessel, parfaitement restituée avec de nombreuses scènes nocturnes notamment . L’exécution du traître reprend le scénario du livre mais les pensées des personnages sont moins détaillées et l’expression de leurs visages se substitue à ce qu’ils peuvent ressentir . Le roman nous informe davantage sur les raisons qui poussent les êtres à agir , leurs motivations, leur passé; l’image elle, fixe des moments d’émotion mai ne permet pas aussi facilement la superposition des plan temporels à moins d’utiliser des techniques particulières comme la surimpression ou le flash-back qui plongent le spectateur dans les souvenirs des personnages . 

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La musique, les gros plans, le jeu des acteurs , le découpage des plans, le rythme du montage, les différents éclairages  sont des outils propres au cinéma. La variété des points de vue, la précision des détails , l’expressivité du style, l’utilisation du registre tragique ou pathétique  sont des techniques romanesques. Le film ed Melville s’inspire du roman mai sous offre un nouvelle vision personnelle de l’héroïsme des résistants et de ce que la guerre pousse l’homme à accomplir, en bien comme en mal. Il se clôt sur une dimension pathétique avec le générique de fin qui fait défiler les nom de ceux qui vont mourir avant la libération de Paris . Le film d’ailleurs s’ouvre sur un défilé allemand sous l’arc de Triomphe, image symbolique de l’occupation allemande sur le territoire français : principal motif invoqué par les résistants pour continuer la lutte armée .