Le dernier sujet d’écriture comportait seulement deux consignes précises : le texte devait être poétique et le titre était imposé : Braves petits soldats: avec ou sans ironie. Les élèves devaient donc s’efforcer de rendre leur écriture poétique en privilégiant les sonorités, le rythme et les images . Les textes étudiés en lecture analytique dans la séquence du même nom balayaient un vaste horizon ; Le romancier Céline y dénonçait l’absurdité de la guerre et la manière dont elle abîme la Nature et les hommes; Victor Hugo y célébrait le courage de la garde napoléonienne qui se sacrifie pour l’Empereur et la Patrie. Laurent Gaudé menait une réflexion à plusieurs voix sur l’approche de la mort pour des poilus condamnés et Giraudoux, au théâtre , faisait prononcer au personnage d’Hector, dans un contexte menaçant, un discours d’hommage à la fois aux soldats morts au combat mais surtout un hymne à la vie . Tous ces textes évoquent le comportement de l’homme au coeur de la tempête. Entre peur et héroïsme, renoncement et bravoure , acceptation et combat : chaque soldat doit trouver sa place et sa ligne de conduite. Voilà quelques unes de leurs réalisations …comment évaluez-vous le respect des consignes et le degré de poésie de leurs écritures ? Plus »
Le titre du roman de Laurent Gaudé Cris nous permet de découvrir le coeur de la guerre par l’intermédiaire des voix des différents personnages comme Jules, Marius , Boris, Ripoll, Barboni, Dermoncourt, Le lieutenant Rénier, Dermoncourt, Le Médecin, le Gazé.
Chacun de ces personnages fait entendre une voix singulière qui le différencie de autres. A votre tour, donnez naissance à d’autres voix : vous travaillerez au minimum à 3 afin que la scène que vous décrivez soit prise en charge par trois points de vue différents. Vosu écrirez à la manière de Laurent Gaudé dans le roman.
Possibilité 1: fabriquez de nouveaux personnages et donne leur une voix ; par exemple, invente la voix du courrier de la page 38 qui vient donner l’orde de monter au front aux hommes commandés par le lieutenant Rénier. Invente la voix d’un soldat de la relève qui croise Jules à la gare lorsqu’ il monte dans le train en direction de Paris (p 48). Invente la voix de la mère de Messard qui loin de ses quatre fils, pense à eux (p 74) . Tu peux aussi inventer la voix du jeune coursier allemand que Barboni va abattre à la page 77 après avoir lancé une dernière prière au Ciel .
Marguerite, la jeune femme avec laquelle Jules va passer une nuit , peut également faire entendre sa voix et son rire p 81 à 83. Tu peux aussi faire entendre la voix douloureuse du blessé avec des douleurs insupportables aux jambes à la page 102 que le médecin s’efforce d’apaiser. Le coureur de la page 111 qui apporte l’ordre de repli pourrait lui aussi devenir une voix du roman . La voix du colonel qui est en place au fort et qui demande qu’on transfère le poste de secours pourrait tout à fait être fabriquée à partir des notations de la page 121. Tu peux aussi faire naître la voix d’un soldat à l’arrière losrqu’il aperçoit la fusée bleue de Castellac comme un dernier adieu (p 134) Tu peux aussi imaginer une des voix qui hantent Jules page 141 et lui donner la forme d’un personnage nouveau , un de ces soldats de l’armée des ombres , un de leurs frères, une de leurs femmes, un de leurs enfants
Possibilité 2 : invente de nouvelles scènes en conservant des personnages qui s’expriment déjà dans le roman
Critères de réussite :
Expression : justesse et qualité / 6
Choix des personnages et mise envoix : un cri particulier et identifiable pour chaque personnage /3
A la manière de Gaudé : polyphonie et construction des points de vue /4
Le lien avec l’action du roman : les événements évoqués correspondront aux situations du roman. /4
On a écrit beaucoup de romans sur la guerre 14/18 alors que peut-on écrire sur ce même sujet de nos jours alors que les derniers poilus ont disparu ? Cris est avant tout un récit contemporain: par sa forme éclatée, polyphonique, qui fait entendre toutes les voix des personnages et par les thèmes abordés également, universels mais tellement actuels ; Cris nous fait réfléchir , au delà des descriptions de la guerre et de ses horreurs, à la manière dont le langage humain peut survivre à la guerre et transformer ces expériences humaines en récits, les mettre en voix. En effet, les Cris des soldats se mêlent aux cris de la guerre personnifiée en une sorte de monstre infra-humain. Comment décrire avec des mots, ces expériences vécues par les soldats : les bruits assourdissants du feu lorsqu’on se trouve en première ligne, le fait de voir mourir ses compagnons dans d’atroces souffrances et d’entendre les hurlements des mourants, es propres récations face à l’ennemi ? L’écrivain montre à quel point ces jeunes gens seront à jamais transformés et marqués dans leur chair par ce qu’ils ont vu, entendu et parfois fait. Plus »
L’homme pris dans la tourmente de la guerre
3/ Violence intra-familiale : le Père et le Fils Olivier Demangel, le scénariste explique que la relation père- fils a constitué le point de départ de son travail . ” Cette relation est l’angle principal. L’idée générale – universelle – est que cette guerre-là a plongé tous les êtres dans une réalité tellement atroce qu’elle a tout redéfini. Y compris d’ailleurs le rapport entre Noirs et Blancs puisque certains historiens datent de la Première guerre la naissance des mouvements de décolonisation, notamment avec la création du premier mouvement panafricain. Dans TIRAILLEURS, c’est le rapport père-fils qui est bouleversé par le conflit parce que la guerre, par définition, invente un autre système d’autorité, et parce que la rivalité qui naît entre les deux personnages fait exploser leur relation, même s’ils finissent par se retrouver.” 4/ Violence et fraternité : le rôle de la mémoire
La seconde guerre mondiale constitue un choc dans l’histoire de la pensée occidentale et marque une sorte de tournant dans notre Histoire . Au- delà du nombre effarant de morts, au delà du déferlement de violence sur plusieurs continents, au- delà de la découverte et de l’expérimentation sur des êtres humains ,des armes de destruction massive comme le gaz et la bombe nucléaire à Hiroshima, les hommes découvrent, peu à peu le système concentrationnaire mis en place par le régime nazi, l’organisation des camps et la solution finale pensée par les architectes du Reich. Ils découvrent l’ampleur du Mal et sa “banalité” pour reprendre elle concept d’Hannah Arendt .
De nombreuses œuvres artistiques tentent de rendre compte de cet événement majeur : livres, films , témoignages des survivants et documentaires historiques auront beau essayé de nous faire approcher ce qui a pu être vécu par les combattants et les populations civiles , il demeure parfois difficile de réaliser que des hommes ont voulu en exterminer tant d’autres pour des motifs idéologiques . Plus »
Si les historiens ne sont pas tous d’accord sur les limites de la définition du terme génocide, on pénètre avec ce mot dans l’univers des crimes de masse perpétrés au nom d’une idéologie. Le terme a été utilisé par le juriste polonais Raphael Lemkin en 1944, pour désigner « la pratique de l’extermination de nations et de groupes ethniques ».Ensuite , ce mot été employé rétrospectivement pour le massacre systématique des Herero et Nama dans le Sud-Ouest africain allemand (1904-1908), celui des Arméniens par les Turcs (1915-1916), et , plus récemment celui des Tutsi au Rwanda (1994). Ces précisions émanent du mémorial de la shoah , autre terme hébreu ( traduction: catastrophe) qui cette fois, désigne l’Holocauste ou la persécution et l’assassinat systématique de 6 millions de Juifs, organisé par l’État nazi et ses collaborateurs de 1933 à 1945. En plus de commettre le génocide des Juifs, les nazis ont commis le génocide des Roms et des Sinti. Plus »
Témoignages et fictions abordent différents aspects de la violence telle qu’elle apparaît dans les affrontements historiques . Comment la littérature parvient -elle à nous donner un aperçu notamment de la manière dont la guerre et son cortège de violences est perçue par les enfants ? Nous étudierons la manière dont le regarde de l’enfant déréalise l’extrême violence dans le roman de Nancy Huston Lignes de faille ; L’action se passe en 2004 et il s’agit de relater l’expérience de Sol, un enfant qui regarde sur internet des images de cadavres de soldats irakiens massacrés par l’armée américaine en 2003 . Nous verrons tout d’abord quel est l’univers de références de l’enfant : le monde des dessins animés où la mort n’est jamais montrée comme définitive ; Nous montrerons ensuite que le regard de l’enfant enregistre une vision des événements et qu’il prend conscience progressivement d’une réalité à laquelle il n’est pas préparée ; enfin, nous comparerons l’écart entre ce que décrit l’enfant et ce que notre regard d’adulte perçoit de la mémoire réalité . Se servir d’un regard innocent ou naïf permet ainsi ,au lecteur, de mesurer l’extrême violence .
Pour un enfant, la pensée magique domine : on meurt pour de faux, on a mal pour rire ainsi que l’indique la “fessée pour rire ” que son père lui donne le soir avant de le coucher et de lui chanter une chanson; L’univers des comptines s’impose d’emblée dans la mémoire d l’enfant avec une de ses chansons préférées qui est, en fait l’occasion de lui faire des chatouilles en marquant la solidarité des différentes parties de son corps et en lui apprenant à les nommer (le pied, le genou, la jambe ) ; L’enfant associe donc spontanément les corps de soldat morts avec des jouets cassés et constate qu’on ne peut pas les réparer ; L’expression arriver au Ciel est un euphémisme pour désigner la mort et l’enfant établit , là encore , un lien entre les images des héros de dessins animés qui meurent “cent fois ” et leur résurrection l’instant suivant ; les conditions de leurs morts sont détaillées “ s’aplatissent comme des crêpes ” ou se “font écrabouiller par des grosses pierres “ “hâcher et mâcher par des ventilateurs électriques ” ; On note ici que la violence de leur mort nie toute forme de souffrance : ils sont comparés à des objets sans importance, à de la matière morte comme de la viande hachée ; cette transformation des corps les fait apparaître comme de vulgaires objets cassés:les cadavres des soldats sont comparés à des poupées, aux torses “emmaillotés dans de vieux bouts de vêtements ” ; En adoptant le point de vue d’un enfant et en substituant ses images à celles de la réalité des cadavres , l’auteure déréalise la violence . Toutefois, la vision de l’enfant n’est pas exempte d’une certaine prise de conscience ;
On distingue, tout d’abord, l’émergence de sentiments ; la joie initiale de l’enfant “j’adore cliquer sur les cadavres des soldats ” qui est l’indication d’une activité ludique, de son point de vue , cède peu à peu la place à un sentiment de tristesse ; L’enfant commence par s’étonner de ce qu’il voit et du morcellement des corps “ un torse, peut-être , une jambe ? “ avant de se sentir que ça évoque pour lui quelque chose de triste en prenant conscience que l’os qu’il aperçoit n’est plus relié à rien ; L’enfant rejoint alors , en partie , le point de vue de l’adulte : ” je me dis que ce truc là n’est tout simplement pas réparable” L’imprécision du vocabulaire donne à entendre la perception de la mort comme la fin de l’activité humaine . Ce soldats réduit à des morceaux de corps à demi -enfouis dans le sable du désert, n’ont plus rien de commun, avec les êtres vivants qu’ils furent ; Réduits à l’état d’objets , ils inspirent néanmoins une forme d’empathie lorsque l’enfant réalise que pour eux, “l’époque des aventures est terminée ” ; Une fois de plus, ses mots traduisent l’irrémédiable .
Nancy Huston, en tentant de restituer le point de vue d’un enfant , emploie un procédé qui consiste à utiliser un point de vue interne afin de créer un décalage entre la vision du personnage et la réalité de cette vision pour le lecteur . Dans son conte philosophique, Candide, le philosophe Voltaire utilisera la même technique dans le chapitre qu’il consacre à la description de la violence du conflit entre les abares et les bulgares ; Voltaire , indigné par les horreurs des guerres incessantes que mènent les princes européens avides d’agrandir leurs empires , décide d’utiliser le point de vue naïf de son héros, un jeune homme “ordinaire ” , appelé Candide ; ce dernier, enrôlé de force se retrouve sur un champ de bataille et constate les dégâts : “
Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.
Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres : c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.
Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l’avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre…
Dans cette description, Voltaire commence par déréaliser la guerre en la présentant comme le résultat mécanique d’une suite d’actions : comme si les armes agissaient seules sans qu’aucun homme ne soit responsable du massacre. L’oxymore boucherie héroïque traduit cette ambivalence de la violence de la guerre: un mélange d’admiration pour le courage des hommes et de répulsion pour ce déchainement de violence qui s’apparente, parfois, à de la bestialité . Le second paragraphe place le lecteur face à l’horreur la plus crue avec la multiplication des hyperboles et des détails réalistes ; Mais ce tableau provoque plutôt l’indignation : l’homme y apparaît comme déshumanisé , anonyme et morcelé ; La dernière métaphore ” membres palpitants ” mélange l’idée des corps déshumanisés avec celle dérangeante, qu’ils abritent encore un peu de vie donc d’humanité ; cette distance est peut être nécessaire pour nous permettre justement de penser la violence dans toute son horreur et de réfléchir à ce qui reste justement d’humanité dans ces restes humains ;
Laurent Gaudé, romancier contemporain, a choisi lui de montrer , dans Cris la violence de la guerre , à hauteur d’hommes ; chaque personnage est un soldat au front et chaque voix fictive restitue la portion de réalité que le combattant entrevoit ; Ce kaléidoscope crée un effet saisissant d’immersion : le lecteur a , en effet l’impression, d’être plongé , avec ces personnages , dans une violence qui les détruit , les fait glisser vers la folie, la mort mais aussi la création artistique à l’image de Jules , ce rescapé qui érige des statues de boue à la mémoire de ses compagnons tués dans les tranchées. En nous plaçant justement à hauteur d’homme, le récit nous fait entrevoir le caractère profondément inhumain de ces massacres qui mutilent atrocement les corps et les esprits . L’analyse du romancier apparente cette guerre d’un nouveau genre à une violence intérieure et mythique : celle de l’ogre qui dévore ses propres enfants : “un siècle béant qui happe des hommes et vomit de la terre “; la violence ici a un caractère monstrueux et annonce un nouveau déchaînement : “je vois le grand siècle du progrès .. éructer des bombes et éventrer la terre de ses doigts ” Ici la fiction , avec son côté prophétique, se substitue à la force des témoignages ; le travail narratif effectué sur le mixage des voix déréalise la guerre mais permet d’atteindre une dimension mythique et philosophique : les déplacements des personnages sont les métaphores de l’enfermement et chacun, rattrapé par la spirale de la violence , atteint les limites de son humanité ; Coupés de l’ancrage historique, ils rejoignent le temps du mythe: Titans hilares, Vulcain , gorgones monstrueuse ou ogres . Les paroles , sous l’effet de la souffrance, deviennent des cris et les hommes , des bêtes fauves ou des cochons qu’on égorge ; là réside peut être le principal danger de la violence : faire sortir l’homme de son humanité; ne plus se reconnaître comme créature humaine en perdant le logos ( ici le langage articulé ) et la raison , demeurer à jamais prisonnier du cri en basculant vers la folie sous l’effet du traumatisme.
La défaite de 1870 a bouleversé les esprit mais le traumatisme provoqué par la guerre de 14/18 sera encore bien plus profond; en , effet, ce conflit mondial a causé une crise de conscience internationale et nous a amené à repenser la place de l’homme dans la guerre , à repenser même le visage de la guerre . Un peu plus d’un siècle après Verdun et le terrible chemin des Dames , la littérature ne cesse de produire des récits qui réinventent cette guerre alors qu’aucun poilu vivant n’ est plus là pour témoigner. Si Céline a combattu sur le front et dans les tranchées avant d’écrire Voyage au bout de la Nuit , si Guillaume Apollinaire a connu les combats et les bombardements, si Roland Dorgelès en écrivant Les croix de bois ou Henri Barbusse en écrivant Le feu, peuvent s’inspirer de leur vécu de soldats, il n’en va pas de même pour des romanciers qui naquirent par§s la seconde guerre mondiale . Pierre Lemaître avec Au revoir là haut, Sébastien Japrisot avec Un long dimanche de fiançailles, Markus Malte avec Le garçon, ou Laurent Gaudé avec Cris, Marc Dugain avec La chambre des officiers , tous témoignent de la violence de cette guerre avec des fictions . Quel rôle joue alors la fiction au moment où les témoins disparaissent ? Est-elle un instrument plus efficace pour refléter la violence des événements et les traces qu’ils laissent dans la mémoire des hommes
Les romans prennent , en quelque sorte, le relais de l’histoire tout en infléchissant son cours dans nos mémoires. Quatre années de guerre, plus de huit millions de mobilisés, plus de 1 million de morts, 3 millions 1/2 de blessés et 750 000 mutilés. La littérature patriotique va relayer la doctrine officielle : les patriotes comme Anatole France, Maurice Barrés, et Maurras exaltent la guerre , l’héroïsme, rappellent les combat anciens et vantent les exploits des guerriers; ils dénigrent tout ce qui est allemand et dépeignent les soldats du Kaiser comme des brutes sanguinaires. En opposition violente avec ces écrivains, les pacifistes comme Romain Rolland, Roger Martin du Gard , Jean Giono et Jean Giraudoux se révoltent contre l’imbécillité de la guerre et ce qu’ils nomment une incompréhensible folie collective. Bertol Brecht en Allemagne est également antibelliciste ; parmi les pacifistes, certains refusent tout simplement l’idée de la guerre, d’autres tentent de sauvegarder la paix à tout prix comme Giono qui sera arrêté pour pacifisme au début de la seconde guerre mondiale pour avoir affirmé : “j’aime mieux vivre à genoux que mourir debout.” De nombreux intellectuels réfléchissent aux causes des guerres : Alain accuse l’honneur d’être le responsable de la plupart des conflits mais force est de constater que la guerre est capable de séduire de très nombreux hommes; si cet attrait de la violence se retrouve dans de nombreux livres, les ouvrages rédigés par d’anciens combattants montrent surtout le dégoût de la guerre: “Je suis écoeuré, saoul d’horreur” écrit Genevois et Henri Barbusse, auteur du récit Le feu, ajoute à ce tableau d’horreur une note critique d’inspiration marxiste contre les gouvernements et le Vieux Monde : “les trente millions d’esclaves jetés les uns sur les autres par le crime et l’erreur dans la guerre de la boue , lèvent leurs faces humaines où germe enfin une volonté ” .
Comment la violence de cette guerre est -elle traduite dans les romans ?
Texte 1 : Céline
Analyses et observations au fil du texte
D’emblée la guerre est décrite avec son cortège de violences : L’expression “croisade apocalyptique “fait appel à des références bibliques qui promettent la fin du monde ; En effet l’apocalypse est synonyme de destruction du monde avec le Jugement dernier . L’homme face à la guerre est comparé à un puceau , qui n’a pas d’expérience et qui va découvrir pour la première fois, non pas le plaisir ici mais l’Horreur ; Céline , en mettant sur le même plan, deux univers aux antipodes l’un de l’autre , montre à quel point la guerre apparaît comme une expérience traumatisante. Elle surprend l’homme , le prend en quelque sorte au dépourvu comme le traduisent les questions rhétoriques qui marquent ici l’étonnement ” qui aurait pu prévoir -tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? ” Contrairement à certains penseurs qui voyaient la guerre comme une punition divine , Céline accuse directement les hommes d’être responsables de ces horreurs . La périphrase “meurtre en commun” montre que les valeurs qui s’appliquent en temps de paix , sont révolues ; un crime de guerre se justifie par la situation et ne peut être considéré comme un “crime ordinaire ” ; Le soldat reçoit le droit de tuer et on récompense les assassins les plus efficaces ; L’allusion de la fin du premier paragraphe: ça venait des profondeurs peut faire référence aux sources de la violence latente en chacun de nous.
Le second paragraphe brosse quelques éléments de portrait du colonel : ce qui peut sembler absurde aux combattants , c’est qu’on les envoie sans cesse au front , reprendre elles quelques centaines de mètres , perdus la veille . Les massacres à la sortie des tranchées de tous ces soldats fauchés par les balles ennemies, parait une “abomination ” . La puissance de feu qui résulte de l’utilisation des armes modernes a été largement sous-estimée par les autorité militaires et les hommes pensent qu’on sacrifie inutilement leurs vies . En 1917, on note d’ailleurs que le nombre des mutineries et des mutilations volontaires ne cesse d’augmenter : les soldats préfèrent s’infliger des blessures douloureuses plutôt que de retourner au front.
Jusqu’au bout Ferdinand Bardamu voudrait croire à une erreur : le champ lexical de la méprise apparait à plusieurs reprises avec “abominable erreur “ maldonne et la nouvelle question rhétorique : “donc pas d”erreur ? ” au début du troisième paragraphe . Le point de vue du soldat envisage alors le droit de tuer en toute impunité comme un renversement des valeurs communément admises , une sorte d’irrationalité “se tirer dessus.. sans même se voir .. faisait partie des choses qu’on peut faire ” ; On ressent ici la stupéfaction te même l’indignation du soldat ; L’auteur utilise la focalisation interne afin de faire épouser au lecteur l’avis de son personnage . Le combattant se retrouve seul face à un ennemi puissant , la Guerre , ici insultée avec l’expression familière “la vache” .
Céline termine de décrire la violence en mentionnant le caractère inéluctable de la mort imminente qui terrorise les soldats “ De la prison , on en sort vivant, pas de la guerre ” ; La formule lapidaire, le coté sentencieux, reflètent une forme de fatalité ; Les combattants vivent avec ces pensées morbides qui les assaillent ; Bardamu ne vient même , à regretter, par une sort ed paradoxe, de ne pas avoir été condamné à une peine ede prison: ce qui lui aurait évité d’être en danger de mort au front.
Question d’interprétation : Par quels moyens Céline révèle-t-il le sentiment d’absurdité face à la guerre ?
Plan détaillé :
- La guerre : une erreur ? question rhétorique, champ lexical méprise, incompréhension
- Une abomination meurtrière focalisation interne , insistance sur la mort , croisade apocalyptique
- Un événement qui renverse l’ordre du monde et les valeurs , le droit de tuer, le meurtre en commun , puceau de l’Horreur
Textes complémentaires : extraits de Markus Malte Le garçon
La der des der : même pas
Les soldats de 14 espéraient que leurs épreuves et leurs témoignages empêcheraient de nouveaux massacres pour qu’au moins, cette guerre soit la der des der comme ils l’avaient surnommée. Il n’en fut rien et certains qui , en 14 justement défendaient la paix , se mirent en 39, à désirer la guerre pour des raisons idéologiques . Simone Weil , par exemple , qui affirmait “qu’aucune paix n’est honteuse quelles qu’en soient les causes” ira combattre en 1936 en Espagne contre le général Franco et finira déportée en 1943.Dans les années 20, l’optimisme est encore de rigueur avec la Société des nations et le désarmement: les chefs d’Etat se bercent pourtant d’illusions à Locarno et à Thoiry; en moins de 15 ans, la conquête de la Mandchourie par le Japon, la montée du parti nazi en Allemagne et la victoire du fascisme en Italie sont pourtant des signes annonciateurs du désastre. Le danger devient manifeste avec le réarmement de l’Allemagne , la guerre d’Espagne et l’annexion des Sudètes ainsi que la partition de la Tchécoslovaquie. Ce qui change cette fois , c’est la nature de la menace; il ne s’agit plus de lutter contre l’impérialisme de Guillaume II mais de résister contre ce qui menace les valeurs humanistes .
Louis Ferdinand Céline alias Monsieur Destouches est un écrivain sulfureux qui a longtemps été mis au ban de la littérature enseignée aux jeunes dans la mesure où durant la seconde guerre mondiale, il clairement pris parti pour Hitler et écrit plusieurs pamphlets violemment antisémites . Toutefois c’est surtout en tant qu’ancien combattant de la première guerre mondiale qu’il faut considérer la dimension autobiographique de son expérience sur le champ de bataille à travers Bardamu, le héros-soldat de son roman Voyage au Bout de la Nuit. Céline , dans un langage oral, parfois familier et un style très particulier , retrace l’épopée, sorte de découverte initiatique du monde à la manière voltairienne , d’un jeune homme ordinaire : Ferdinand Bardamu . Céline dénonce à la fois les horreurs de la guerre, le fait qu’elle rende l’homme bestial mais également son absurdité . Il rejoint ainsi les auteurs qui critiquent la guerre mais son ouvrage va bien au- delà et s’attaque aux abus du colonialisme, fustige l’invention du travail à la chaîne qui abrutit le travailleur et critique également les illusions amoureuses ; l’extrait que nous étudions se situe au début du roman; Bardamu essuie avec son régiment une attaque allemande qu’il décrit d’une drôle de manière . Plus »
La Guerre de Troie revue et corrigée
Quelques années avant la seconde guerre mondiale, alors que l’Europe traverse een période de montée des nationalismes, le dramaturge et romancier français, germanophile, Jean Giraudoux, écrit une pièce de théâtre qu’il intitule La Guerre de Troie n’aura pas lieu; L’action de sa pièce se situe à l’époque où le jeune prince troyen Paris enlève Hélène, femme du roi grec Ménélas pour la ramener à Troie; De nombreux anachronismes dans la pièce nous font cependant penser à la situation de l’Europe à la veille du déclenchement de la guerre. Hector, le prince troyen veut renvoyer Hélène à son mari mais les vieillards de Troie , ainsi que le roi Priam , sont partisans de la garder car ils admirent sa beauté . Les femmes troyennes pensent qu’il faut à tour prix éviter la guerre et Andromaque, la femme d’ Hector s’emploie à faire triompher la Paix en démontrant à quel point la guerre est meurtrière et prives le enfants de leurs parents; elle pense attendrir son mari car elle est enceinte de leur premier enfant. Les arguments des femmes semblent l’avoir emporté et une solution diplomatique est envisagée : l’émissaire Ulysse est reçu afin de négocier le retour d’Hélène en tentant d’épargner l’honneur de son mari. Ulysse rejoint alors son bateau pour prendre une décision mais les coups de théâtre s’enchainent .
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