Article du journal de l’environnement, le 08 juin 2012 par Geneviève De Lacour.
Les abeilles, victimes du “Colony collapse disorder”
Un virus très contagieux transmis par la mite parasite Varroa (un acarien) contribuerait à la propagation et probablement à la mort de millions d’abeilles dans le monde, selon des chercheurs américains et britanniques.
La mite varroa (1,5 x1 millimètre) qui se nourrit du sang des abeilles au stade larvaire ou adulte, perce la peau des abeilles, déforme leurs ailes et s’y reproduit. Outre la parasiter, elle inoculerait un virus mortel à son hôte, directement dans le sang. Or les abeilles jouent un rôle essentiel pour la pollinisation de plusieurs récoltes de fruits et légumes aux Etats-Unis, estimées de 15 à 20 milliards de dollars (12 à 16 milliards d’euros) par an.
Cette étude, qui paraît dans la revue américaine Science datée du 8 juin, a été menée à Hawaii, où la fameuse mite a été introduite accidentellement, il y a quelques années seulement, par des chercheurs de l’université de Sheffield (Royaume-Uni), de la «Marine Biological Association» et de l’université d’Hawaii. L’étude montre que le pathogène viral a accru sa fréquence dans les ruches de 10 à 100%. Elle met aussi en lumière une réduction progressive de la diversité virale qui conduit à l’émergence d’une seule souche très virulente, comme si la mite l’avait «sélectionnée».
La capacité de cette mite à bouleverser de façon permanente l’environnement viral des abeilles domestiques pourrait être un facteur dans le phénomène, aux origines toujours mystérieuses, dit de «Colony collapse disorder», ou CCD, observé depuis 2005. Marqué par la disparition soudaine dans les ruches de millions d’abeilles adultes, ce phénomène a été observé aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs dans le monde. L’arrivée et la propagation de cette mite sur l’ensemble des îles hawaiiennes ont offert une occasion unique, en 2009 et en 2010, de traquer les changements dans l’évolution de l’environnement viral de ces abeilles.
La mite facilite la dissémination des virus en agissant comme un réservoir viral et un incubateur. Les auteurs de l’étude notent toutefois que 4 des virus souvent liés à la disparition soudaine des abeilles dans les ruches n’ont pas été véhiculés par la mite Varroa à Hawaii. Cette nouvelle souche virale se transmet naturellement entre abeilles via la nourriture ou au moment de se reproduire. Mais les mites font pénétrer ce pathogène directement dans le sang des abeilles quand elles se nourrissent, créant une nouvelle voie de transmission en évitant nombre de protections naturelles de l’abeille, précisent ces chercheurs.
Le virus, qui compte seulement 9 gènes, est similaire dans sa structure au virus responsable de la poliomyélite chez l’humain. Le virus infecte de nombreuses abeilles qui montrent sur les ailes des difformités classiques. Mais la vaste majorité des abeilles infectées n’ont aucun signe morphologique d’une infection. La souche virale dominante trouvée dans les grandes îles d’Hawaii est identique à celle trouvée dans d’autres régions du monde, ce qui indique que la situation à Hawaii est un miroir de ce qui s’est passé partout.
Par ailleurs, fin mars, des études françaises et britanniques avaient révélé qu’un pesticide très utilisé dans le monde depuis les années 1990, le thiamethoxam (famille des néonicotinoïde), est nuisible aux bourdons et abeilles en perturbant leur système nerveux (voir JDLE).