11. mai 2016 · Commentaires fermés sur Du mythe au film : les ajouts et les transformations. · Catégories: Divers · Tags:

oed16.jpgUn mythe possède est un peu comme une matière vivante qui évolue et que les artistes s’approprient au fil du temps pour y englober leurs préoccupations majeures . Chaque adaptation devient ainsi une nouvelle création et permet aux lecteurs ou aux spectateurs de réfléchir à des questions existentielles. 

 

 

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A l’origine, un mythe est un récit véhiculé oralement qui se présente comme une sorte de vérité, une parabole à décoder qui fait intervenir des éléments divins ou surnaturels et propose un sens caché. De la découverte de ce sens découle une vision de l’homme et de la société. Un mythe peut par exemple expliquer la création du monde (mythe des origines) et évoque l’irruption du divin dans les résolutions des conflit humains (mythe de Prométhée, mythe de Narcisse, Orphie et Eurydice, Pandore) . Ces récits contiennent une fable centrale qui  peut faire l’objet d’ajouts et présente souvent un nombre considérable de variantes : c’est donc une matière malléable qui peut servir de support à des fictions dont elle constitue la matrice. 

 

Le mythe d’Oedipe avant Sophocle raconte l’histoire d’un enfant abandonné puis recueilli qui tue son père (le parricide est toujours  cité en premier ) et couche avec sa mère en ignorant ce qu’il a fait ;  Homère , par exemple, insiste sur le fait que la mère d’Oedipe , Jocaste (appelée alors Epicaste la belle ) : ” commit une action monstrueuse sans le savoir ”  Le poètes grecs mettent en évidence le fait qu’oedipe agit  en “parricide involontaire ” ; agent d’un Destin qui a déclaré la perte de sa lignée, il accomplit ainsi l’oracle d’Apollon. Les Dieux interviennent d’abord en amont (ils décident de punir la faute originelle  de l’aïeul Labdacos) , ensuite au cours de l’action (ils multiplient les avertissements donnés par leurs représentants , prêtres et oracles) et enfin lors du dénouement en rappelant que nul ne peut échapper à son destin et que le sort de l’homme peut subir des variations brutales  : “gardons nous jamais d’appeler un homme heureux avant qu’il ait franchi le terme  de sa vie sans  avoir subi un chagrin ” . Le mythe permet ainsi le rappel des lois divines : tout contrevenant s’expose à une fin horrible.

Le mythe originel se fonde sur différentes étapes : le roi de Thèbes ne peut avoir d’héritier et l’oracle l’informe que son fils le tuera et épousera sa mère ;  le schéma du mythe peut se décomposer en étapes mais il ne faut pas oublier de le relier à la faute originelle de l’aïeul.  Enfant abandonné, père tué, inceste après la victoire sur la sphinge, punition sont les phases du récit mythique. Chacune sera plus ou moins développée par les repreneurs.

 Laïos ; pourtant informé de ce qu’il l’attend s’il a un descendant, décide néanmoins de concevoir un enfant (première transgression ) et ensuite de le faire périr (seconde faute ). Il mourra symboliquement de la main même de celui qu’il a sacrifié dans une sorte de vengeance  : il paye  en partie ses fautes en expirant . L’enfant recueilli  et élevé à Corinthe est l’objet de rumeurs qui font état d’une origine douteuse (enfant supposé ) et ce dernier part alors consulter les Dieux (oracle ). Lorsque la prédiction lui révèle son destin funeste (meurtre du père et inceste) , il s’enfuit pour déjouer les projet divins et en chemin, accomplit la première partie de son destin en tuant son géniteur au hasard d’un carrefour. Il obtient le trône de Thèbes pour avoir déjoué l’énigme meurtrière du monstre et ce faisant, reçoit la main de la reine; Il n’est nullement question, dans le récit mythique ,  d’une quelconque attirance coupable entre Jocaste et Oedipe; Le couple est formé pour des raisons politiques comme on le voit d’ailleurs dans la tragédie de Sophocle.

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La matière originelle mentionne que 20 années environ s’écoulent lorsque Oedipe est au pouvoir avant que la peste se déclare; les Grecs considéraient les épidémies comme des fléaux divins et adoptaient alors une démarche de sacrifice ; on recherchait le coupable , celui qui avait provoqué la colère des Dieux et on l’ostracisait  (bannissement et peut des droit civiques) ou on le mettait à mort (théorie du bouc émissaire : une société charge un individu d’une faute souvent collective et l’offre en pâture aux Dieux; cette victime sacrificielle offerte en holocauste aurait le pouvoir de calmer la colère des buveurs de sang, périphrase qui désigne souvent les dieux courroucés ) . Pour comprendre l’origine de la peste, le roi , chez Sophocle, envoie Créon , le frère de sa femme , consulter les Dieux et au retour de ce dernier mène l’enquête sur le meurtre de LaIos. A noter que dans le mythe ancestral, c’est Oedipe en personne qui consulte l’oracle et découvre l’horrible vérité. Le châtiment  dans le mythe est introduit tardivement , avec les versions des tragiques grecs. Il varie selon les versions mais il présente néanmoins des constantes  : Oedipe se crève les yeux soit  avec les agrafes du vêtement de sa mère qui vient de se pendre ou avec l’épée de son père ou avec ses propres mains; Le fait de  s’arracher les yeux signifie symboliquement que le héros est demeuré aveugle aux paroles divines et c’est ce qu’il finit par admettre;  Sophocle choisit de cacher Oedipe dans le palais et Pasoloni de le faire devenir mendiant dans les rues de Bologne. Selon les différentes versions,   Oedipe  devient un apatride, un exilé et il prend  le chemin d’Athènes  guidé soit par Antigone soit par un messager  comme dans la version de Pasolini .

Le mythe repris par Sophocle devient l’ingrédient essentiel de la tragédie . Le dramaturge effectue des choix et recentre l’action tragique autour de l’enquête sur le meurtre de Laïos : l’épidémie de peste sert d’élément déclencheur à la découverte de la vérité cachée des origines de la faute; La pièce est un retour sur le passé, une sorte de machine à remonter le temps et le destin d’Oedipe s’est accompli sans qu’il en mesure la dimension funeste et criminelle; la tragédie se concentre sur l’élucidation des fautes et l’impiété de Jocaste  ainsi que les doutes du roi sur la vérité de la parole divine sont  souvent mises en évidence. Le personnage d’Oedipe chez Sophocle se caractérise par un questionnement sans fin : sa quête de vérité est entravée par le silence ou le refus de parler des principaux protagonistes : l’envoyé, le corinthien, Tiresias, Jocaste elle-même. L’action tragique se resserre autour des étapes de l’élucidation du meurtre : Oedipe découvre sa vérité et se véritables origines en découvrant son histoire; Paroles des Dieux et paroles des hommes sont désormais unies pour lui révéler ce qu’il n’aurait jamais du ignorer . Néanmoins, cette quête des origines bien qu’importante, semble moins développée que la dimension politique de la tragédie: l’histoire d’Oedipe peut se prêter à une lecture politique : la best est un signe divin qui menace l’ordre social et le coupable doit être démasqué et chassé pour que l’équilibre revienne. Le Choeur souligne constamment cette réflexion politique en montrant la menace que le mauvais roi représente pour son peuple . En bouleversant la généalogie , Oedipe s’est rendu coupable d ‘un désordre grave et a bouleversé l’équilibre social  qui repose sur la transmission générationnelle . Sophocle insiste sur ces manquements à l’ordre : “ce père, mes enfants qui, sans avoir rien vu, rien su,s’est révélé soudain comme vous ayant  engendrées dans le sein où lui-même avait été formé”  (exodos) . Le dramaturge grec donne comme dernière image au spectateur celle de la chute du roi, du passage de la grandeur à la déchéance .  

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Qu’en est-il ensuite sur la scène française avec Corneille et Voltaire ?  Corneille incite sur la culpabilité du roi maudit en montrant un monarque coléreux, tyrannique et violent et Pasolini reprendra dans son film cet héritage classique .  Le dramaturge y pose la question de la légitimité du pouvoir tees risques de l’usurpation . Lorsque Oedipe se sait de sang royal , son rang ne fait plus aucun doute. Voltaire quant à lui, insiste sur le parricide et la culpabilité du personnage en mettant en scène le fantôme de Laïos et une rivalité avec Philoctète, l’amant de Jocaste; les enfants de l’inceste n’apparaissent pas plus que dans la version de Pasolini . C’est surtout le thème de la haine du père qui alimente cette tragédie voltairienne et cette image sera encore nettement présente avec Pasolini. 

Comment Pasolini travaille -t-il à partir de ces différentes versions ? Lire  et résumer les pages 215 à 230 de l’édition folio-classiques . 

02. mai 2016 · Commentaires fermés sur Découvrir le métier de journaliste · Catégories: Divers
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Dans le cadre de l’enseignement d’exploration littérature et société , nous avons proposé deux types de projet aux élèves du groupe. Ecrire un article de société illustré sur un problème qui les touche dans le journal du lycée et réaliser un reportage audio sur un sujet de société, dans le prolongement de leurs recherches ou sur un thème qui les concerne particulièrement.

Le premier projet a été réalisé en classe durant environ 6 semaines : ils ont effectué des recherches documentaires, mis en forme leurs textes et inséré des illustrations. Les fichiers obtenus ont ensuite été publiés dans le journal web du lycée dans la rubrique “articles de société”. 

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Le second projet leur a pris environ 4 semaines et ils ont passé pas mal de temps à enregistrer leurs fichiers audio, disséminés dans des salles de l’étage pour leurs prises de son. Il a été difficile pour certains groupes de trouver un sujet porteur et d’autres ont  eu du mal à imaginer sous quelle forme ils allaient enregistrer leurs voix. 

Ces deux réalisations leur ont, en tout cas, permis de découvrir un aperçu du métier de journaliste et de comprendre le fonctionnement d’un site web.

16. avril 2016 · Commentaires fermés sur Mon héros romantique arrive à Milan .. · Catégories: Divers
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Le sujet d’invention comportait plusieurs difficultés : essayons de les examiner dans l’ordre et de proposer un panel de solutions pour chacune . Il était question d’inventer un incipit de roman qui présente un héros romantique et son arrivée à Milan . Les critères d’évaluation sont les suivants : construction du personnage, motivation de son arrivée à Milan et utilisation du cadre “romantique ” , finesse de l’analyse des sentiments ,  qualité de l’ expression. 

Qui dit personnage dit caractérisations de ce personnage ! un nom, un portrait physique brossé à grands traits et un portrait moral détaillé étaient attendus. Alfred, le Comte Albert Vernon , Peter Mc Laggen , jeune lord héritier à la mort de ses parents d’un vaste domaine , Oscar de Rouvel, riche propriétaire terrien finlandais, veuf depuis peu, Monsieur De Fontenay , autant d’identité qui pouvaient convenir à une jeune héros romantique . Que lui est -il arrivé? Une rupture amoureuse, la perte d’un être aimé, ou simplement  une mélancolie tenace , étaient des raisons plus que suffisantes pour procéder à une description exhaustive de ses états d’âme : “ la solitude au sein d’une foule est une émotion toute particulière ” Il était important d’utiliser un lexique des sentiments précis et d’explorer l’éventail des symptômes liés aux passions  : “ seule l’amertume resta collée à son palais “il trônait dans la mélancolie” 

La mise en confiance du lecteur est un atout important pour les écrivains romantiques : ” Cette histoire est celle d’un homme nommé Simon , c’est à dire mon histoire mais elle pourrait aussi être la vôtre “

Les bonnes idées : le personnage romantique peut devenir artiste ; en tout cas , sa sensibilité artistique est manifeste. Quelques extraits particulièrement réussis  : “il prit une toile et commença à peindre la basilique Saint Ambroise: il sut que c’était là, sous la lumière tamisée de l’aurore que sa nouvelle vie commençait ”  Il s’assit au bord d’un lac et commença à écrire un poème sur la France : son pays lui manquait ” Les liens entre le personnage et le cadre  italien étaient importants : ” au sommet de cette cathédrale, il resta longtemps à réfléchir sur lui et sur sa vie.”  Voilà un exemple de l’effet que pouvait produire le cadre sur le personnage : “ la beauté du lieu procurait à Ruben un intense et plaisant vertige .” ou encore à l’inverse : ” elle marcha des heures et des heures sans savoir où aller et continuait à ressentir une espèce d’inutilité de continuer à vivre ; elle se sentait encore plus misérable face à l’immensité de la ville” 

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 Le sujet nécessitait également que vous puissiez justifier le voyage en Italie : Plusieurs possibilités s’offraient à vous . Le personnage pouvait, par exemple, revenir dans la ville de Milan parce que c’est là qu’il avait rencontré son épouse décédée : “le dôme déclenchait une vague terrible d’émotions qui le déchirait à chaque fois : il voulait revivre ses souvenirs à travers une ville qui lui rappellerait la femme tant aimée ” ou le héros vient à Milan, ville dans laquelle ses parents décédés avaient choisi de venir vivre dix an plus tôt . Ou bien parce qu’il souhaite découvrir les paysages  que son père avait tant de fois évoqués devant lui . Ou parce que des amis lui conseillent d’aller soigner son chagrin au milieu des merveilles des villes d’art italiennes et d’y goûter à la “dolce vita” , la douceur de vivre italienne. Ou encore parce qu’il désire y retrouver un être cher. ” elle devait retrouver sa mère qui vivait  ici à Milan, par tous les moyens possibles ”  Ou bien encore son départ a pu être provoqué par un événement non pas familial  mais  historique : “la noblesse est désormais persécutée en France depuis la révolution qui a fait triompher les idéaux voltairiens.” 

 Il était important de ne pas rester focalisé sur l’histoire de lord Oswald Nelvil car votre imagination se trouvait ainsi limitée par celle de Madame de Staël . La distance avec le modèle est un élément important de l’évaluation le jour de l’examen final. Il est préférable également de ne pas multiplier les personnages : il est plus facile de vous concentrer sur le récit du héros plutôt que de devoir inventer des conversations avec d’autres personnages . 

04. mars 2016 · Commentaires fermés sur Sophocle et le spectacle tragique · Catégories: Divers · Tags:

Après la mort de Sophocle, on fit représenter à Athènes sa dernière pièce : Oedipe à Colone ; lui même originaire de cette ville, le dramaturge reprend ici la figure d’Oedipe en insistant sur sa dimension héroïque ; Revenu sur les lieux de son enfance, Oedipe réalise la seconde partie de l’oracle : il dépasse ses souffrances et devient une figure légendaire. «  Souvenez-vous de moi après ma mort et que la fortune vous soit fidèle »

Les
choix artistiques de Sophocle sont avant tout des choix politiques :
homme public, il participe au développement et au renforcement de la
puissance d’Athènes qui vient d’accéder à la démocratie  et
de remporter deux victoires décisives sur l’Empire Perse de Darius à
Marathon et face à l’ armée de Xerxès à Salamine. Sophocle
participe activement à la vie politique en devenant hellétomane,
c’est à dire magistrat trésorier et ensuite , en exerçant à
plusieurs reprises la fonction de stratège , aux cotés de Péricles
par exemple.

Un artiste renommé et un citoyen célèbre 

Dramaturge
connu, vainqueur de nombreux concours organisé notamment aux grandes
Dyonisies, il écrit plus de 100 pièces et on lui doit l’invention
du troisième acteur sur scène ainsi que le décor. Ses tragédies
s’inspirent toutes de figures mythiques comme Antigone, Electre ,
Hercule, Ajax et bien sûr Oedipe.

La
tragédie grecque est en lien étroit, à la fois avec la religion et
la politique : elle pose les problèmes principaux auxquels
sont confrontés les cités et leurs citoyens : la guerre ou la
paix ? quel roi choisir ? à qui faire confiance pour
exercer le pouvoir ? Espace public d’échanges et de réflexion,
le théâtre grec organise des représentations codifiées : le
spectateur comprend qui sont les héros et quels combats ils vont
devoir livrer ; le spectacle fait se suivre les dialogues des
acteurs et les interventions du choeur qui souvent commente l’action
en cours.Une tragédie commence par un prologue qui précède la
parodos : la première entrée du choeur, et ensuite alternent
stasima et dialogues jusqu’à la sortie du choeur appelée exodos.
Au fur et à mesure de son évolution, la tragédie grecque tend à
réduire les parties chorales pour donner plus d’importance aux
échanges entre les acteurs. Les confrontations entre acteurs portent
le nom d’agon et constituent l’essentiel des parties dialoguées. De
plus, Sophocle renonce à la trilogie et ainsi, le destin d’Oedipe se
sépare peu à peu de celui de sa lignée : celle des
Labdacides.

La
dynastie des Labdacides

A
l’origine de cette famille maudite , un roi de Thèbes Labdacos le
boîteux mais la légende commence avec son grand-père Cadmos,
fondateur de Thèbes qui épouse une fille du Dieu de la Guerre ;
Son petit fils Labdacos fera la guerre contre Athènes et à sa
mort, son fils Laïos est trop jeune pour gouverner : chassé
par le régent, il s’exile chez le roi Pélops dont il séduit et
enlève le fils. Héra va alors maudire tou slse membres de sa lignée
à venir ; Laïos devenu finalement roi de Thèbes à son tour
épouse Jocaste mais un oracle lui prédit que son fils sera à
l’origine de sa perte. Un soir où il a trop bu, il fait l’amour
avec Jocaste et cette dernière met au monde Oedipe. Il remet alors
l’enfant à des bergers afin qu’ils aillent l’exposer en haut du mont
Cithéron. La suite est connue : Oedipe tue Laïos et épouse sa
mère dont il aura quatre enfants : deux garçons Etéocle et
Polynice qui à la mort de leur père s’entretueront pour régner et
deux filles Ismène et Antigone . Selon les versions du mythe,
Antigone s’enfuit avec son père ou est enterrée vivante par son
oncle Créon dont elle a enfreint l’interdiction d’honorer la
sépulture de Polynice

Chaque
dramaturge puise, en fait, dans le mythe un fonds d’inspiration et
réordonne les épisodes légendaires selon ses besoins. Pour les
spectateurs grecs, Oedipe est avant tout le héros d’une histoire et
sa tombe était localisée soit à Colone, soit à Athènes .

Les
choix de Sophocle

Sophocle
choisit de ne pas mentionner la première malédiction de Laïos qui
punit sa faute envers son hôte dont il a séduit le fils ; le
dramaturge choisit ainsi de concentrer la culpabilité dans le
personnage d’Oedipe et de montrer la violence de la chute du roi . La
pièce s’ouvre sur la peste de Thèbes ; Oedipe en roi
bienveillant déclare qu’il a envoyé Créon consulter l’oracle. La
réponse du devin mentionne le meurtre impuni de Laïos comme cause
des malheurs des habitants ; le roi décide donc de reprendre
l’enquête pour démasquer le véritable coupable. Le choeur est
partagé entre espoir et inquiétude. Oedipe bien décidé à
élucider les circonstances du meurtre de son prédécesseur fait
apple à Tirésias ; comme ce dernier refuse de parler, Oedipe
se fâche et l’accuse d’être le meurtrier ; Tirésiais à son
tour finit par accuser le roi avant de de partir. Le choeur doute des
paroles du devin. Créon est alors rapidement pris à parti par
Oedipe qui l’accuse de comploter contre lui et menace même de le
tuer ; Jocaste intervient pour faire cesser la querelle entre
les deux hommes et Créon se retire sain et sauf. Jocaste et Oedipe
reviennent sur le meurtre de Laïos et Oedipe ment en prétendant que
c’est Créon qui l’a accusé d’être le véritable meurtrier de
l’ancien roi ; Jocaste raconte alors la prédiction qui a
précédé sa naissance et Oedipe commence à penser qu’il est bien
ce fils abandonné devenu meurtrier de Laïos ; Il se remémore
alors ce que l’oracle de Delphes lui a révélé à propos de son
destin : qu’il tuerait son père et épouserait sa mère ;
Il s’est alors enfui de Corinthe pour échapper à la malédiction et
c’est là que sa route a croisé celle de Laïos, son père
biologique . 

Oedipe n’a plus qu’un espoir : c’est que l’unique
survivant du drame lui ôte ses soupçons en lui racontant sa version
des faits . Au cours de l’épisode suivant, Jocaste récuse la
parole des oracles et fait preuve d’impiété : elle refuse de
croire les messages divins. Un messager apporte la nouvelle de la
mort de Polybe le père adoptif d’Oedipe et ce dernier se moqu ealors
des paroles divines mais lorsque le messager lui révèle ses
véritables origines, et son adoption, Oedipe commence à douter ;
Jocaste, elle , a compris et quitte la scène : ce qui déclenche
l’inquiétude du choeur. Le serviteur finit par avouer la vérité à
Oedipe sur ses origines et ce dernier effondré, rentre dans le
palais ; le messager révèle alors la pendaison de Jocaste
et la mutilation du roi qui s’est crevé les yeux ; ensanglanté
sur scène , Oedipe s’entretient avec le choeur qui veut savoir ce
qui s’est passé ; Il revient sur son passé et demande une
dernière faveur à Créon le nouveau roi : il souhaite pouvoir
quitter la ville et ne pas être séparé de ses filles.

02. mars 2016 · Commentaires fermés sur Question de synthèse : bac blanc théâtre · Catégories: Divers

Construire une question de corpus n’est pas toujours facile et ces quelques petits trucs pourraient vous aider ; la synthèse portait sur trois extraits qui présentaient un conflit amoureux: Done Elvire quittée par Don Juan vient lui demander les raisons de son départ ;  Le Comte Almaviva est persuadé de surprendre la Comtesse en flagrant délit d’adultère dans Le mariage de Figaro et Electre apprend à son amant à mentir, domaine qu’elle semble maitriser parfaitement . 

Le libellé faisait état de l’expression d’un conflit : comme nous sommes en présence d’un texte théâtral, ce conflit est visible doublement : par les échanges verbaux et les indications scéniques. Il était tentant de constituer son plan à partir des éléments de la question posée et c’est ce que vous avez le plus souvent fait. Mais , vous êtes partis très vite dans le repérage des procédés de style (rythme des échanges , stichomythies qui au passage, ne servent pas seulement à exprimer les conflits mais traduisent une intensité émotionnelle, une vivacité dans les réparties et une forme d’ accélération ) sans les relier à la situation des conflits amoureux. Très peu ont évoqué les relations conflictuelles hommes/femmes ne rapport avec le mariage et l’adultère . Il était plus facile de partir , par exemple, du mensonge et de montrer comment le mensonge provoque le conflit dans le cas de Don Juan ou met fin au conflit dans le cas du Mariage de Figaro ; Don juan en effet, pour se soustraire aux injonctions d’Elvire qui lui demande les raisons de son départ après leur mariage, fait mentir son valet à sa place. Ce dernier , menacé par son maître , se prête de mauvaise grâce à cette comédie et invente des excuses totalement ridicules : leur départ a été causé par « Alexandre et les autres mondes «  Quant à l’extrait d’Electre, il a été souvent peu mentionné : l’absence de didascalie vous a , semble-t-il suffi comme remarque alors qu’il présente un conflit original : une femme enseigne à son jeune amant comment mentir à son mari s’ils les découvrent ensemble et se met à mentir effrontément pour dissimuler sa liaison avec un troisième homme ; ses mensonges ressemblent d’ailleurs étrangement à ceux qu’elle vient d’enseigner au jeune homme ; pourtant le ton demeure léger et le public rit de pour plusieurs raisons. L’énormité des mensonges fait ressembler le procédé comique à la pièce de Molière mais le jeune homme se montre beaucoup moins agressif que Done Elvire ; en revanche, le personnage le plus furieux des trois personnages trompés, c’est bien le Comte qui se déclare prêt à tuer l’amant de son épouse. Cette violence fort heureusement va être neutralisée par l’intervention et le stratagème de Suzanne qui elle réussit parfaitement là où Sganarelle échoue dans Don Juan. Les deux premières scènes de ménage correspondent à un schéma classique  : le mari cocu ou la femme trompée vient demander des comptes à son conjoint : la tension monte , atteint son paroxysme «  Je n’écoute plus rien » s’exclame le Comte et l’échange es termine par les menaces de Done Elvire qui vont causer la perte du héros  : «  Sache que ton crime ne demeurera pas impuni  et que même le Ciel dont tu te joues me saura venger de ta perfidie » ; En effet Don Juan meurt puni par le Ciel, en partie pour son outrecuidance  et les mauvaises actions commises ; en revanche, dans l’extrait de Giraudoux, on ne retrouve pas cette montée en tension ; la trahison est avérée mais le jeune homme victime de la tromperie ne se montre pas aussi agressif même s’il finit par poser un ultimatum à sa maîtresse « Avoue-le ,Agathe ou je pars  » auquel elle répond..par un mensonge éhonté qui est tout de suite cru par son amant , rassuré . Nul besoin ici de faire intervenir un troisième personnage car le conflit amoureux est résolu par les aveux mensongers d’ Electre. On pouvait noter assez facilement la multiplication des reprises de mots qui assurent la cohésion de l’échange bien plus que la ponctuation .

Attention d’ailleurs aux observations de la ponctuation : aucun signe de ponctuation n’a une valeur unique ;

Si les points de suspension indiquent qu’un personnage coupe la parole à un autre et donc sa supériorité dans l’échange , ils peuvent également refléter son hésitation, ses doutes , sa timidité.

Un point d’exclamation a de multiples sens : colère, surprise, indignation, douleur..

Un point d’interrogation matérialise une question : les personnages trompés cherchent à obtenir des explications mais Agathe, par exemple, utilise des questions pour faire répéter son jeune amant et vérifier qu’il a bien retenu la leçon . Ne construisez pas une partie entière autour de la ponctuation : on ne va pas très loin avec ce genre de remarques ; on pouvait tirer davantage d’interprétations de l’usage de l’aparté ou de la relation maître/valet , éléments souvent négligés dans vos réponses.

N’oubliez pas que le plus important est de faire apparaître les liens entre les textes : il est exclu de procéder en juxtaposant trois analyses différentes des trois extraits .

L’introduction d’une question de corpus doit être courte ; elle ne comporte pas nécessairement d’accroche de type histoire du théâtre ou présentation des auteurs ; De même la conclusion de la synthèse n’est pas une ouverture : elle reprend ce qui a été vu sans forcément élargir comme dans un commentaire le propos à d’autres auteurs ou d’autres types de disputes au théâtre . Vous gagnerez davantage de points en augmentant la qualité de vos observations, de votre organisation et en multipliant les passages d’un texte à l’autre :

Ne perdez pas de vue ce questionnement : qu’est-ce que ces trois conflits ont en commun et qu’est-ce qui les rend cependant différents ?

Lequel est le plus drôle et pourquoi ? Qu’est ce qui les rend drôles ? Lequel est le plus grave ? Quels rôles jouent le troisième personnage ? Qui ment à qui et pourquoi ? Qui l’emporte ? Est-ce que ça finit bien ou mal ? Si vous prenez le temps de poser ces questions et de dresser au brouillon la liste des réponses que vous obtenez, alors vous enrichirez vos synthèses.

07. février 2016 · Commentaires fermés sur Au théâtre ce soir · Catégories: Divers · Tags:

Une vingtaine d’élèves de première sont allés découvrir, le soir même de leur premier bac banc de français,  une pièce de Koltès au Théâtre de la ville , place du Châtelet  à Paris  : récit de l’opération .

Tout le monde était à l’heure au rendez-vous à la gare d’Ermont-Eaubonne ..ou presque ; Clément avait malencontreusement oublié son sac chez lui (et on verra plus tard au cours de ce récit l’importance de ce sac ) ; Trajet sans encombre jusqu’à  à la sortie Châtelet même si, pour quelques uns, le trajet souterrain, train de banlieue-RER B, ne semblait pas aller de soi. Heureusement que l’option GPS équipe le smartphone de base.C’est avec un peu d’avance que nous arrivons au théâtre où madame Heniqui nous attendait; Le théâtre de la ville est une salle où la fort déclivité facilite la vue de la scène : pas de poteau, pas de voisins qui pourraient nous gêner, nous prenons place en hauteur , tous côté pair. La pièce contemporaine, raconte , sur fond de Guerre d’Algérie, la vie de Province en France dans les années 60.Au sein de la famille Serpenoise, la tension est à son comble: la fille Mathilde revient avec ses deux enfants, Edouard et Fatima, réclamer la maison familiale, son héritage, Dans cette demeure vivent son frère, la seconde épouse de ce dernier et le fils Mathhieu, un grand benêt qui n’est jamais sorti du jardin et veut s’engager dans l’armée. Le frère et la soeur ne cessent de se disputer : elle est en colère contre leur père qui l’a chassée et humiliée car elle était enceinte ; D’ailleurs Mathilde est en colère contre la terre  entière et en veut à tout le monde de ce qui arrive; les affrontements se succèdent sur scène, entre frère et soeurs, entre cousins, également , entre maîtres et domestiques aussi  car Aziz et madame Queleu sont fatigués des disputes permanentes chez les Serpentine; Catherine Hiegel qui interprète le rôle de Mathilde , crie beaucoup et sa voix n’est pas toujours audible; Didier Bezace, son frère , a un registre de jeu très étendu et son interprétation montre la complexité de ce rôle au sein de la pièce; La mise en scène est sobre : un pavillon avec une baie vitrée représente la maison qui divise les personnages et le jardin symbolise leur univers clos, leur désir de se couper de l’extérieur et de se protéger de la marche du monde. Les  insultes pleuvent, on en vient aux mains à plusieurs reprises et le spectateur peut parfois être affecté par la violence de ce qui est dit contre l’institution familiale  : Mathilde représente en fait l’attitude de révolte permanente , une sorte d’Antigone moderne , une figure du défi ”  Eh bien, oui, je te défie, Adrien; et avec toi ton fils, et ce qui te sert de femme. Je vous défie, vous tous, dans cette maison, et je défie le jardin qui l’entoure et l’arbre sous lequel ma fille se damne, et le mur qui entoure le jardin. Je vous défie, l’air que vous respirez, la pluie qui tombe sur vos tètes, la terre sur laquelle vous marchez ; je défie cette ville, chacune de ses rues et chacune de ses maisons, je défie le fleuve qui la traverse, le canal et les péniches sur le canal, je défie le ciel qui est au-dessus de vos tètes, les oiseaux dans le ciel, les morts dans la terre, les morts mélangés à la terre et les enfants dans le ventre de leurs mères.’ “
La pièce se termine par le départ du frère et de la soeur pour 
l’Algérie; Koltès a voulu également montrer dans cette pièce jusqu’où pouvait mener la peur de l’Autre , de l’Etranger ; Le parachutiste noir, le père des futurs enfants de Fatima , prononce ces quelques mots sur scène avant de disparaître , amenant la guerre avec lui : 
On me dit que les frontières bougent comme la crête des vagues, mais meurt-on pour le mouvement des vagues? On me dit qu’une nation existe et puis n’existe plus, qu’un homme trouve sa place et puis la perd, que les noms des villes, et des domaines, et des maisons, et des gens dans les maisons changent dans le cours d’une vie, et alors tout est remis en un autre ordre et plus personne ne sait son nom, ni où est sa maison, ni son pays, ni ses frontières. Il ne sait plus ce qu’il doit garder. Il ne sait plus qui est l’étranger”  Une pièce amère et sans concession  qui nous fait donc réfléchir sur la place de chacun , au sein de sa fratrie, de sa famille, de sa ville, de son pays, de l’univers .
Au retour, nous avons musardé un peu et au lieu de descendre sous terre, nous avons rallié les Halles à 
pied, profitant ainsi de Paris by night. Le dernier train, quelque peu bondé, nous attendait sagement sur le quai et à minuit, tous avaient rejoint leur domicile; Merci à vous pour cette très belle soirée. Mais au fait que contenait le sac de Clément ?  de nombreuses victuailles qui ont permis à leur propriétaire de se sustenter à toute les étapes de notre périple.


19. janvier 2016 · Commentaires fermés sur Le décor dans Madame Bovary · Catégories: Divers · Tags:

Cet article expurgé a été écrit par Claudine Vercollier, une universitaire  spécialiste de Flaubert; Je l’ai résumé et j’ai ôté les références savantes pour ne conserver que les citations les plus significatives. Entrainez-vous à retrouver le plan qui a guidé la rédaction de cette synthèse; Quelles fonctions joue le décor dans le roman ? 

Le
décor et sa signification dans
Madame
Bovary

L’univers
dans lequel vit Emma Bovary est fort limité. Le couvent tout
d’abord, où elle
« vivait
(…) sans jamais sortir de la tiède atmosphère des classes »
.
Mais le couvent est déjà lointain et les contours s’en sont peu à
peu estompés. Cette première prison semble douce à Emma qui
« regretta
son couvent »
.
Elle est remplacée par la ferme des Bertaux dont Emma, semble-t-il,
ne franchit jamais les limites :
« Une
jeune femme en robe de mérinos bleu (…) vint sur le seuil de la
maison pour recevoir M. Bovary. »
« Elle
le reconduisait toujours jusqu’à la première marche du perron. »
« Elle
était sur le seuil »
.
Et quand Charles redescend après avoir soigné le père Rouault, il
trouve Emma
« le
front contre la fenêtre »

, celle-ci étant perçue alors comme un obstacle séparant Emma du
monde extérieur. Lors d’une autre visite, Emma est en train de
coudre, tous volets fermés. Et, symboliquement, quand Emma acceptera
d’épouser Charles, le père Rouault ouvrira
« tout
grand l’auvent de la fenêtre contre le mur »
.
C’est comme le signe de libération, Emma ayant d’abord conçu
le mariage comme une évasion.

Nous
saurons dès son arrivée à Tostes, avant qu’elle-même s’en
rende compte que ce n’est qu’une illusion et qu’elle sera plus
prisonnière ici qu’aux Bertaux. Il n’est qu’à lire la
description de la maison. La première phrase déjà est
significative :
« La
façade de briques était juste à l’alignement de la rue, ou de la
route plutôt. »

.Le
jardin lui-même est clôturé, et qui plus est par une
« haie
d’épines »
.  Toute la maison de Tostes est placée sous le signe du petit, de
l’étroit :
« Sur
l’étroit chambranle de la cheminée. »
Le
bureau de Charles est une
« petite
pièce »

et le jardin
« plus
long que large allait, entre deux murs de bauge. »

Toute la maison s’ordonne autour du corridor. Ainsi prédomine une
impression de couloir, de murs qui vous emprisonnent et qui mènent
en peu de temps Emma près de la dépression nerveuse. L’ancien
maître de Charles ayant conseillé de
« la
changer d’air »
,
Charles emmène Emma ailleurs, dans un ailleurs qui sera, en pire,
une reproduction de l’ici.

Yonville-l’Abbaye
est
en fait un

bourg
« au
fond d’une vallée »
,
« au
bout de l’horizon »
.
Enfermé de toutes parts. Flaubert insiste sur le côté limité
d’Yonville :
« La
rue (la seule), longue d’une portée de fusil et bordée de
quelques boutiques s’arrête court au tournant de la route. Si on
la laisse sur la droite et que l’on suive le bas de la côte
Saint-Jean, bientôt on arrive au cimetière. »

Et
si, à Tostes, la grand-route permettait aux rêves d’Emma d’aller
jusqu’à Paris, à Yonville, il n’y a pas de route ;
simplement un
« chemin
de grande vicinalité »
.
Les maisons elles-mêmes sont
« encloses
de haies »
,
avec ce préfixe qui enferme davantage encore. Les toits cachent en
partie les fenêtres,

« comme des bonnets de fourrure rabattus sur des yeux »
,
les murs des jardins sont garnis de tessons de bouteilles pour éviter
qu’on y pénètre.

.
Nous savons donc encore une fois, avant même qu’Emma en ait
conscience, qu’Yonville n’est qu’une copie dégradée de
Tostes ; la simple description du bourg nous a permis de le
déduire. L’assimilation entre les deux villages va d’ailleurs
être faite ensuite par Emma elle-même, peu après son arrivée.
Alors que Léon déplore que
« Yonville
offre si peu de ressources »
,
Emma répond :
« Comme
Tostes, sans doute »
.
Mais elle n’en tire pas alors toutes les conséquences et cela
reste pour elle une assimilation superficielle, car
« elle
ne croyait pas que les choses pussent se représenter les mêmes à
des places différentes »
.

Et
pourtant l’intérieur de la maison présente les mêmes
caractéristiques qu’à Tostes. La salle, par exemple, est une
« longue
pièce à plafond bas »

et rappelle ainsi cette idée de corridor qui sera d’ailleurs pour
Emma l’image même de sa vie :
« L’avenir
était un corridor tout noir, et qui avait au fond sa porte bien
fermée »
.
Une prison, donc, de plus en plus étroite, avec certaines
caractéristiques des cachots, telles le froid ou l’humidité.

Aux
Bertaux déjà, ferme pourtant d’apparence prospère, la peinture
verte du mur
« s’écaillait
sous le salpêtre »

et,

« comme la salle était fraîche, elle (Emma) grelottait tout
en mangeant »
.
De même à Tostes :
« L’hiver
fut froid. Les carreaux, chaque matin, étaient chargés de givre, et
la lumière, blanchâtre à travers eux, comme par des verres
dépolis, quelquefois ne variait pas de la journée »
.

À
Yonville enfin :
« Emma,
dès le vestibule, sentit tomber sur ses épaules, comme un linge
humide, le froid du plâtre »
.

Le
froid est une limite de plus : il enserre directement le
personnage et le confine dans un cercle plus restreint encore, en
atténuant par exemple la lumière ou en obligeant Emma à se
réfugier dans une seule pièce :
« Dès
les premiers froids, Emma quitta sa chambre pour habiter la salle »
.
Le froid finira par pénétrer Emma, pour l’envahir tout entière.
Ainsi, après le départ de Léon :

« Il fut de tous côtés nuit complète et elle demeura perdue
dans un froid horrible qui la traversait »
.

Ce
froid est associé à la mort. Quand Emma revient de ses rendez-vous
avec Léon :
« Emma,
ivre de tristesse, grelottait sous ses vêtements ; et se
sentait de plus en plus froid aux pieds, avec la mort dans l’âme »
.
Il annonce le grand froid final.

« Cependant, elle sentait un froid de glace qui lui montait des
pieds jusqu’au cœur »
.

Le
monde d’Emma est donc extrêmement étroit, rétréci, mais il est
en même temps curieusement
« bourré »,
rempli au maximum, ce qui accentue encore l’effet d’emprisonnement
et crée même une impression d’asphyxie. Emma est symboliquement
sujette aux étouffements. Les mots tels que
« suffoquer »,
« haleter », « étouffer », « étouffement »

reviennent plus de dix fois au cours du roman. Ils accompagnent Emma
depuis son premier printemps à Tostes :
« Elle
eut des étouffements aux premières chaleurs »
.
Jusqu’à sa mort :
« 
Ouvre la fenêtre…, j’étouffe »
.


Comme
Emma, dès notre entrée dans la maison de Tostes, nous sommes
accueillis par une série d’objets accrochés derrière la porte :
« un
manteau à petit collet, une bride, une casquette de cuir noir (…) »
.
De même, la grande pièce qui donne sur la cour est
« pleine
de vieilles ferrailles, de tonneaux vides, d’instruments de culture
hors de service »
.
Le jardin lui-même est soumis à cette profusion et, pour accentuer
encore cette impression de multiplication des objets, Flaubert
emploie

« la description en chaîne »
.
Ainsi,
« sur
l’étroit chambranle de la cheminée resplendissait une pendule à
tête d’Hippocrate, entre deux flambeaux d’argent plaqué sous
des globes de forme ovale »
.
Cette profusion absurde est encore plus évidente à Yonville
lorsque Flaubert en décrit les maisons :
« Elles
sont encloses de haies, au milieu de cours pleines de bâtiments
épars, pressoirs, charretteries et bouilleries, disséminés sous
les arbres touffus portant des échelles, des gaules ou des faux
accrochées dans leur branchage »
.

On
passe d’un objet à l’autre sans coupure ; le vide,
semble-t-il, n’existe plus. Et même parfois il y a « 
redondance »
de matière ; les objets se chevauchent les uns les autres :
les flambeaux sont recouverts de globes, les rideaux s’entrecroisent
et les murs du jardin sont recouverts d’abricots en espalier.

De
plus, il faut remarquer que très souvent Flaubert décrit, non pas
les pièces maîtresses de l’ameublement, mais les détails.

Ce
monde clos et restreint est donc rempli d’objets, d’objets
souvent inutiles et, comme pour leur donner plus d’importance
encore, comme pour les rendre plus envahissants, Flaubert en précise
(très souvent et même presque systématiquement) la matière et,
parfois aussi, la couleur. Ainsi, les rideaux sont en
« calicot
blanc »
,
les flambeaux en
« argent
plaqué »
,
la bibliothèque en

« bois de sapin »
,
les murs qui enserrent le jardin
« en
bauge »
,
le curé
« en
plâtre »
,
le cadran solaire en
« ardoise »,
le lit en
« acajou »,
les rubans qui nouent le premier bouquet de mariée, en
« satin
blanc »
.

Emma
est donc doublement prisonnière,
« prise »
d’une part à cause des limites mêmes d’un monde étroit,
d’autre part parce que ce monde est atteint d’une sorte de
cancer, totalement rempli, envahi de matière, étouffant ceux qui
s’y trouvent. Attitude significative que celle d’Emma assise dans
un fauteuil au milieu de sa chambre, tandis
« qu’on
disposait ses affaires autour d’elle »
.

Certes,
cette profusion se manifestait déjà aux Bertaux ; témoins ces
sacs de blé qui envahissaient la salle à manger :

« c’était le trop plein du grenier proche »

ou l’abondance pantagruélique des plats le jour de la
noce :
« Quatre
aloyaux, six fricassées de poulets, du veau à la casserole, trois
gigots et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de
quatre andouilles à l’oseille »
.

Abondance
qui trouve son apothéose dans la pièce montée du pâtissier
d’Yvetot, sorte de pyramide qui n’en finit plus et que Flaubert
décrit minutieusement et à dessein pendant une quinzaine de lignes.

À
Tostes, tout va changer. Cette accumulation va devenir non pas signe
de richesse, mais d’incohérence, car elle se fait absolument
n’importe comment. Emma est entourée d’une sorte de bric-à-brac,
de désordre envahissant. Curieusement, tout ce qui touche de près
ou de loin à
Madame
Bovary

est disparate et traduit certainement la complexité de l’héroïne
elle-même,
« paysanne
d’origine, aristocrate en désir, petite bourgeoise dans sa vie »
.

Rien
chez elle n’est unifié : son éducation est faite de miettes
sans aucun lien entre elles comme le montrent par exemple ses

« connaissances »

en histoire

« où saillissaient encore çà et là (….) sans aucun
rapport entre eux, Saint-Louis avec son chêne, Bayard mourant,
quelques férocités de Louis XI, un peu de Saint-Barthélemy, le
panache du Béarnais»
.

Incohérence
aussi de ses lectures, illustrées de gravures représentant
« à
la fois des palmiers, des sapins, des tigres à droite, un lion à
gauche, des minarets tartares à l’horizon au premier plan des
ruines romaines. »

Et
les rêves qui seront plus ou moins directement inspirés par ces
lectures, seront, bien entendu, marqués par la même accumulation
aberrante. Emma voudrait
« s’accouder
sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un
cottage écossais »
.
Ce qui manque d’unité se manifestera aussi dans l’attitude
d’Emma qui n’a aucun esprit de suite :
« En
de certains jours, elle bavardait avec une abondance fébrile ;
à ces exaltations succédaient tout à coup des torpeurs où elle
restait sans parler, sans bouger »
.

Ce
désordre, cet amalgame incohérent qui est peut-être une des
raisons du malheur d’Emma, des tendances aussi diverses et
contradictoires ne pouvant être satisfaites toutes en même temps,
vont se retrouver dans les lieux où vivra Emma, dans les objets qui
l’entoureront et même, curieusement, dans les personnes qu’elle
sera amenée à rencontrer.

Mais
c’est surtout à Tostes que le désordre va éclater ; dès
qu’elle ouvre la porte de sa nouvelle maison, la jeune Madame
Bovary découvre par terre, dans un coin,
« une
paire de houseaux encore couverts de boue sèche »
,
et, dans la chambre conjugale, trône encore le bouquet de mariée
de la première épouse. Mais ce n’est encore rien, comparé au
capharnaüm que découvrira Emma en pénétrant dans sa
« nouvelle »
maison d’Yonville :
« Au
milieu de l’appartement, pêle-mêle, il y avait des tiroirs de
commode, des bouteilles, des tringles, des bâtons dorés avec des
matelas sur des chaises et des cuvettes sur le parquet »
.
Un tel désordre indique une certaine hostilité : Emma n’est
pas attendue ; elle arrive en intruse dans un milieu au sein
duquel elle ne pourra trouver sa place.

N’oublions
pas qu’Yonville lui-même est
« une
contrée bâtarde »
« sur
les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’Ile de
France »
.
Son pharmacien exerce illégalement la médecine ; le gardien
du cimetière y est tout à la fois fossoyeur et bedeau et le
cimetière lui sert à enterrer les morts, mais aussi à faire
pousser des pommes de terre.

Le
caractère désordonné est donc encore accentué par le fait que les
objets ou les lieux sont déviés de leur utilisation ou de leur
destination première ; ainsi, à Tostes, la
« grande
pièce délabrée qui avait un four (…) servait maintenant de
bûcher, de cellier, de garde-magasin »

et par conséquent elle perd toute fonction précise. Même la
voiture que Charles offre à Emma est faite de pièces rapportées :
« 
Son mari (…) trouva un boc d’occasion, qui, ayant une fois des
lanternes neuves et des garde-crottes en cuir piqué, ressembla
presque à un tilbury »
.

Cet
aspect disparate est grotesquement renforcé lorsqu’ils se rendent
au bal de la Vaubyessard, par l’ensemble des cartons et des colis
accrochés un peu partout :
« Une
grande malle attachée par derrière et une boîte à chapeau qui
était posée devant le tablier. Charles avait, de plus, un carton
entre les jambes »
.

Au
début, pourtant, Emma a cherché à lutter contre ce désordre :
elle a fait poser du papier neuf et Flaubert constate qu’elle
« savait
conduire sa maison »
 ;
mais elle n’a pu résister longtemps et bientôt
« elle
laissait tout aller dans son ménage »
,
renonçant à rétablir un ordre quelconque, se laissant envahir par
la dégradation de la plupart des objets, s’assimilant au décor
qui l’entoure :
« Elle
restait à présent des journées entières sans s’habiller,
portait des bas de coton gris »
.

En
effet, et c’est la dernière caractéristique de ce décor, le
cadre dans lequel vit Emma est souvent vieux, plus ou moins délabré :
le papier est posé sur une toile mal tendue, la brochure du
Dictionnaire des sciences médicales qui se trouve dans le bureau de
Charles est usée, la grande pièce délabrée qui s’ouvre sur la
cour est « pleine de vieilles ferrailles, de tonneaux vides,
d’instruments de culture hors de service, avec quantité d’autres
choses poussiéreuses dont il était impossible de deviner l’usage ».

Et
cela va expliquer la comparaison qu’Emma va employer pour traduire
ce qu’est sa vie :
« Mais
elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au
nord »
.
Le grenier, c’est justement l’endroit où l’on rejette tous les
objets défigurés, les objets morts, comme cet absurde bouquet de
mariée,

« le bouquet de l’autre »

qu’Emma trouve en arrivant à Tostes et que Charles
« alla
porter au grenier »
.

La
vie d’Emma est une collection de choses, de moments inutiles, car
le temps est dévastateur : témoins certains objets, tel le
curé de plâtre dont la figure se couvre de gales blanches et qui
finit par se briser lors du transport de Tostes à Yonville ;
tel le propre bouquet de mariée d’Emma, dont les boutons d’oranger
ont jauni et dont les rubans se sont effilochés.

Pour
montrer ce rôle prépondérant du temps, Flaubert place au milieu du
jardin de Tostes un cadran solaire en ardoise, pierre tendre qui
évoque plus la fragilité et l’effritement que la solidité.

Yonville
non plus n’échappera pas à la destruction du temps. Le mot
« ruines »
est associé au nom d’Yonville. Flaubert note
« 
Yonville-l’Abbaye (ainsi nommé à cause d’une ancienne abbaye de
Capucins dont les ruines n’existent même plus) est un bourg à
huit lieues de Rouen »
.

Le
temps ici a tout nivelé, effaçant jusqu’au moindre souvenir.
Peut-on trouver une image plus frappante que celle utilisée dans le
dernier paragraphe de cette description d’Yonville :
« Les
fœtus du pharmacien, comme des paquets d’amadou blanc, se
pourrissent de plus en plus dans leur alcool bourbeux »
.
Le temps n’est donc jamais source de richesse et ne fait que
renforcer l’idée de prison.

Les
signes eux-mêmes perdent leur valeur et se figent en une série de
gestes. Ainsi, les marques de tendresse que Charles manifeste à sa
femme :
« C’était
une habitude parmi les autres, et comme un dessert prévu d’avance,
après la monotonie du dîner »
.

Tout
se répète toujours ; les moments, comme les objets, sont
doubles ; au premier mariage de Charles en succède un
deuxième ; Yonville se substitue à Tostes ; même la
petite fille d’Emma, cet être neuf, portera un nom chargé pour sa
mère de souvenirs, puisque c’est celui de Berthe qu’elle avait
entendu au bal de la Vaubyessard. Quand il ne dégrade pas, le temps
pétrifie et on retrouve en lui la même continuité que dans la
matière : pas de rupture par laquelle pourrait s’échapper le
rêve ; les journées se suivent, liées les unes aux autres
comme les maillons d’une chaîne, semblables comme les barreaux
d’une prison.
« La
série des mêmes journées recommença »

. L’écriture de Flaubert exprime cette monotonie avec cette
succession de mots chargés d’une même idée :
« série »,
« mêmes »,
et le préfixe
« re- »
qui indiquent la reprise continuelle des mêmes gestes. Les mots

« mêmes »

et
« toujours »
sont constamment repris :
« Elle
retrouvait aux mêmes places les digitales et les ravenelles »
.
« Cinq
ou six hommes, toujours les mêmes »
.

Rythme
monotone, comme le débit de cette conversation, ennuyeux comme
l’aspect de ce gros garçon qui termine sa journée en ronflant.

Ainsi,
Flaubert décrit un monde caractérisé par l’étroitesse, un monde
oblong. De plus, ce décor est délabré, rempli d’objets ayant
perdu leur beauté, attestant le passage du temps. Cela laisse mal
augurer de l’avenir d’Emma. Comment pourrait-il se passer du
nouveau dans un décor qui se répète et qui n’est toujours qu’une
copie de soi-même : le couvent, les Bertaux, Tostes, Yonville ?

Emma
est non seulement enserrée par d’étroites limites extérieures
mais elle est, à l’intérieur même de ces limites, comme cernée
par un afflux d’objets, de
« choses ».

Comment
les rêves d’Emma pourront-ils éclore dans un monde où triomphe
la matière et où Emma elle-même, victime et bourreau à la fois,
aide à ce triomphe par le désir de posséder qui la pousse à
acheter chez Lheureux ?

Comment
ne pas pressentir déjà, à la vue même de ce décor, qu’Emma
verra se faner toutes ses illusions ? Et ne peut-on voir un
signe dans cette démarche d’Emma qui va chercher la mort dans le
capharnaüm d’Homais.

18. janvier 2016 · Commentaires fermés sur Chronologie du roman · Catégories: Divers · Tags:

Connaître avec précision la chronologie des événements du roman peut vous permettre de gagner du temps dans vos préparations. En espérant que ce travail effectué par un spécialiste de Flaubert, vous sera utile. A vos calendriers, prêts, notez…

Chronologie
de
Madame
Bovary

Année

Jour/
mois / saison

Événements

1828
(6)

octobre

Entrée
de Charles en 5ème

1831

juillet
novembre

Charles

s’inscrit
en vue de l’officiat de santé

1834

juillet

Charles
« recalé » à l’examen final

1835

juillet
(7)

automne

Charles
reçu

Installation
à Tostes

1836

mars
(8)

Mariage
avec la Veuve Dubuc

1837

5
janvier (9)

Fracture
du père Rouault

21
ou 22 février

Le
père Rouault guéri

mars

Jalousie
d’Héloïse. Charles suspend ses visites aux Bertaux

avril/mai

Mort
d’Héloïse

fin
juillet (10)

Charles
retourne aux Bertaux

28-30
septembre (11)

Demande
en mariage de Charles

1838

mai
(12)

Mariage
de Charles et d’Emma

été
(13)

Emma
déçue

fin
septembre

Bal
de la Vaubyessard

1839

printemps-été
(14)

Mélancolie
d’Emma

septembre

Anniversaire
du bal

1840

hiver

« L’hiver
fut froid ». Mélancolie

Carême
(15)

Séjour
à Tostes de Mme Bovary mère

fin
février

Visite
du père Rouault

reste
de l’année

Malaises
d’Emma – Charles prospecte

1841

début
mars

Déménagement

Départ
pour Yonville – Emma enceinte

fin
mai – début juin

Naissance
de Berthe

début
juillet (16)

Visite
à la mère Rolet

automne

Sympathie
grandissante d’Emma pour Léon

1842

février

Emma
amoureuse de Léon

mars

Elle
se reprend

avril
– mai

Départ
de Léon.

juillet

Apparition
de Rodolphe

août

Comices
agricoles

octobre

Emma
maîtresse de Rodolphe

octobre-février
1843

Liaison
d’Emma et Rodolphe

1843

avril

Refroidissement
de leur amour

mai

Opération
du pied bot – Echec – Leur liaison repart

août

Querelle
d’Emma et de sa belle-mère.

lundi
4 septembre

Rupture

septembre

Maladie
d’Emma (première phase)

octobre

Charles
emprunte 1.000 Frs à Lheureux

Seconde
phase de la maladie d’Emma

1844

mai

Convalescence
d’Emma

juin

Lucie
de Lammermoor – Visite de la cathédrale – Le fiacre

Emma
à Rouen pour la procuration

été-automne

Emma
maîtresse de Léon – Les rendez-vous du jeudi

1845

début

Première
négociation Lheureux (la masure de Barneville)

juillet-septembre

Seconde
négociation Lheureux :

octobre-décembre

Emma
reçoit le solde de Barneville,

dimanche
22

Départ
pour Rouen : dernière rencontre avec Léon, Guillaumin,
Rodolphe

lundi
23

Arsenic

mardi
24 matin

11
heures

12
heures

14
heures

16
heures

24/25
et 25/26 mars

Canivet

Larivière

Déjeuner
chez Homais

Les
saintes huiles

MORT
D’EMMA

Veillées
funèbres

jeudi
26 mars matin

Mise
en bière

Arrivée
du père Rouault

31
mai (Pentecôte)

Départ
de Félicité en compagnie de Théodore

début
juin

Faire-part
du mariage de Léon

Tombeau
d’Emma

été

Charles
découvre au grenier la lettre de rupture de Rodolphe

automne-hiver

Déchéance
de Charles – Charles et Berthe au coin du feu

1847

janvier,
puis avril ?

Double
brouille de Charles et de sa mère

mai-juin

Charles
découvre la correspondance d’Emma

Juillet

Charles
et Berthe au cimetière

août

Rencontre
avec Rodolphe au marché

MORT
DE CHARLES

date
imprécise (nov. ou décembre)

Mort
de Mme Bovary mère

1848

début

Berthe
recueillie par une tante

185…

 

Berthe
dans une filature

1856 ?

1856

 

Homais
triomphant

« Il
vient de recevoir la croix d’honneur »

16. janvier 2016 · Commentaires fermés sur Les scènes clés dans Madame Bovary : le top 40 ! · Catégories: Divers

Quels sont les épisodes les plus importants de ce roman ? Voilà les résultats de la classe et la reconstitution chronologique des scènes que vous avez choisies. 40 passages que vous devez être capables de situer, de commenter et d’expliquer.

A l’oral du bac en littérature, il est fréquent d’interroger les élèves sur un passage des oeuvres au programme;  le temps de préparation de cette épreuve est bref: 20 minutes , soit 1/3 de moins que le temps imparti à la préparation de votre oral de première.  Il est donc nécessaire de profiter de ce laps de temps pour vous poser les questions essentielles et construire votre exposé. Il faut rapidement situer le passage choisi  en introduction et en dégager les fonctions essentielles . Que nous apprend en, effet ce passage? Nous permet-il de découvrir un nouveau personnage ? de mieux saisir les liens entre deux personnages ? de fair avancer l’intrigue ? de mettre un terme à une partie du l’intrigue ? En bref, quelles sont les fonctions de cette scène ? On évitera de se montrer trop descriptif (en se contentant par exemple de raconter la scène ) et on favorisera les liens , notamment en conclusion, avec d’autre passages de l’oeuvre qui ont les mêmes thématiques  ou qui complètent la scène étudiée . On montrera ainsi sa connaissance de l’oeuvre et de ses enjeux. 

La pagination est celle de l’édition GF 1306

1 la découverte de Charles : l’ histoire de sa casquette , c’est l’histoire de sa vie: un personnage balourd qui ne trouve pas sa place et dont on se moque de manière cruelle I 
2 la rencontre avec Emma : arrivée à la ferme, sensualité de la jeune fille  et de son col blanc et épisode de la cravache p 75 ..galanterie, pommettes rose et lèvre charnues :prélude amoureux..
3. le mariage : une noce décevante : médiocrité de Charles. mais un autre homme le lendemain .à partir de la page 87
4. une enfance au couvent : retour sur la jeunesse d’Emma et son éducation, une des causes de ses tourments ..à partir de la page 95.;
5. un quotidien décevant : la naissance de l’ennui..à partir de elle voulut se donner de l’amour, promenades et paysage tristes ..p 105
6. Le bal : la coupure dans sa vie, le regret lui resta, Charles n’est pas à sa place, elle touche son rêve  (intégralité du chap VIII p 107/117
7. le début de la maladie: irritée, difficile, capricieuse , tristesse, laisser-aller  /inquiétude de Charles de 122 à fin de la première partie
Deuxième partie
8. Arrivée à Youville : laisse présager l’ennui 
9. l’auberge du Lion d’Or : les bourgeois de Yonville; le pharmacien 
10. L’arrivée d’Emma Ii p 143
11.  la rencontre avec Léon p 147 à 148 : une conversation qui révèle leurs points communs, leurs goût communs sous le signe du romantisme : un événement considérable pour Léon
12. la naissance de Berthe p 153

<div>13; la visite à la nourrice,  la mère Rolet en compagnie de Léon : p 157 à 161 désir impossible de l'intimité, peur d'être indiscret, vagues abîmes 

14. Emma se sent amoureuse : la visite de la filature de lin IV  son âme remplie d’un enchantement nouveau,le trouve charmant et se sent aimée 
15. rencontre avec Monsieur Heureux , un homme habile, p 167 Emma résiste 
16. Emma dépérit : son renoncement la rend malade : pleine de convoitises, de rage , de haine; maigrit, souffrance liée au appétits de la chair, convoitises de l’argent, mélancolie de la passion ..V, p 170 à 175
17.VI, la visite à l’abbé Bournisien qui ne la comprend pas 180
18. Les adieux avec Léon : le départ du clerc à Paris las d’aimer sans résultat p 186/190
19. la rencontre avec Rodolphe Boulanger p 193 : tente de la séduire , la trouve à son goût et cherche une occasion de la revoir (nous ne savons pas du tout ce que pense Emma de cette rencontre ) p 196
20 le chapitre VII consacré aux Comices mêle la satire des moeurs yonvilloises avec l’entreprise de séduction de Rodolphe notamment lors du festin le soir ( sa figure comme un miroir magique, la forme de ses lèvres, les plis de sa robe et les hourdées d’amour dans son avenir p 219)
21. le premier adultère en octobre lors de la promenade à cheval p 225/228
22. l’enthousiasme d’Emma transfigurée et ensuite ses craintes p 236/241 ( fin chap XI)
23.l’intervention chirurgicale ratée sur le pied-bot chapitre XI en entier ; Emma ne supporte plus son mari et souhaite s’enfuir avec Rodolphe: cette tendresse s’accroissait davantage sous la répulsion du mari  255
24. Emma commence à dépenser de l’argot en achetant une cravache  pour Rodolphe à Monsieur Lheureux : ses rêves de départ 259/265
25. la lettre de rupture ; chap XIII, p 275 , pense à mourir, s’évanouit, 43 jours de fièvre cérébrale..

<div>26; Chap XIV la convalescence et la sortie à l'opéra Lucie de Lammermoor : mise en abyme de la tragédie de l'adultère et Emma revit sa passion ; fait taire Charles qui l'exaspère p 296 ; Rencontre avec Léon  

Troisième partie 
27. Léon et Emma se revoient et deviennent amants p 307/314 rdv à l’église sacrilège et scène du fiacre /318 fin du chapitre 
28. retour à Yonville; épisode du poison avec Homais et Justin qui subit la colère du pharmacien et annonce du décès de M Bovary père 323
29. les avancées de Lheureux et la signature de la procuration p 328
30. la lune de miel d’Emma et Léon : 3 jours de rêve 
31. la description des joies du jeudi 334 /339
32. la rencontre avec l’aveugle p 340: amas de guenilles, fouetté par le cocher, tombe dans un hurlement : à rapprocher de la vision durant l’agonie d’Emma.
33. le rendez- vous gâché à cause d’Homais qui a monopolisé Léon : Emma exaspérée le déteste et pourtant l’aime en même temps sans être heureuse : espoirs déçus 364
34. la fin d’un amour coïncide avec l’accumulation des dettes chap Vi et VII : Maître Hareng l’huissier 369
35. ultimes tentatives d’Emma pour obtenir l’argent : humiliation finale avec le notaire (pas à vendre) et avec Rodolphe 387
36.l’agonie d’Emma 315 et suivantes : une description naturaliste et choquante ? 
37. L’arrivée du professeur Larivière : un épisode burlesque, contrepoint à la tragédie : à partir de 395/399
38. les dernières minutes d’Emma et sa vision infernale 399/401 fin chap VIII
39. la dispute entre Homais et Bournisien 404 /409 lors de la veillée du corps
40. un dénouement qui marque le triomphe d’Homais, la mort de Charles et la ruine de Berthe /425
12. janvier 2016 · Commentaires fermés sur Les scènes de ruptures dans Madame Bovary · Catégories: Divers · Tags:

Emma Bovary est un personnage qui va de rupture en rupture au sein du roman: elle rompt avec son milieu d’origine pour épouser un homme d’une classe sociale supérieure ; peu après son mariage  elle commence d’abord à se couper du réel ,  déjà atteinte de bovarysme ; devenue la maîtresse de Rodolphe, elle subira avec ce dernier une rupture qui la rendra malade et la fera beaucoup souffrir ; Comment ces ruptures successives construisent-elles le personnage de Madame Bovary  ? 

La rupture originelle est triple; Emma Rouault  change de nom pour devenir Emma Bovary, elle passe du statut de demoiselle à celui de Madame et de jeune fille à mère. Mais les ruptures interviennent également sur le plan géographique ; de la ferme située à 6 lieues de  Tostes  en Normandie, à Yonville, une région limitrophe “sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’ile de France ,contrée batarde où le langage est sans accentuation comme le paysage sans caractère.” Dans cette bourgade , Emma va très vite s’ennuyer et ne parvient pas à oublier ce qui est arrivé d’extraordinaire dans sa vie: ce bal à la Vaubyesseard un an et demi plus tôt: Cet événement avait creusé comme un “trou dans sa vie à la manière de ces grandes crevasses qu’un orage en une seule nuit creuse quelque fois dans les montagnes ” Si la maternité ne représente un changement attendu chez le personnage, elle semble toutefois entraver son aventure avec Léon qui demeure platonique; Le départ de ce dernier à Paris marque pour la jeune femme une étape douloureuse : “le lendemain fut pour Emma une journée funèbre” En partant à Paris , Léon emporte avec lui une partie des rêves et des espoirs de cette dernière.

 Lorsqu’on évoque le motif de la rupture et sa place au iien de l’intrigue du roman, on pense bien sûr, avant tout,  à la rupture amoureuse  et  à l’adultère entre Emma et Rodolphe. Lorsque
Rodolphe déclare son amour à Emma, celle-ci n’a pas le temps d’y
répondre verbalement parce que Charles interrompt le processus des
confessions en surgissant accidentellement dans le champ . Une fois
de plus, Charles nous apparaît comme un homme inconvenant, auteur de
gestes néfastes.  En étant mariée à Bovary, Emma ne peut ni atteindre sa juste
place, ni s’affirmer dans l’univers. Ou alors elle ne le peut que
très temporairement quand elle s’abandonne enfin à Rodolphe
séduite par cette espèce de virilité sidérante de l’homme qui
bombe le torse et qui débite des paroles séductrices.
Emma est transfigurée , momentanément intégrée dans une ambiance
pastorale où la nature se fait complice d’une perfection de
sentiment. . Elle entre ainsi avec son amant dans une période
d’amours clandestines, excitantes et palpitantes. Mais cette période se termine de manière tragique :alors qu’elle échafaude des plans pour s’enfuir avec son amant, ce dernier lui envoie une lettre cynique de rupture : ” car je me punis par l’exil de tout le mal que je vous ai fait.  Je pars; Où ? Je n’en sais rien; Je suis fou. Adieu”  ; En découvrant la lettre et en voyant passer la voiture de Rodolphe, d’abord elle s’évanouit et contracte une fièvre cérébrale qui va durer 43 jours. En ayant commis l’adultère, elle a rompu ses voeux de mariage et trahi ses engagements; C’est une rupture importante qui sera renouvelée lorsqu’elle deviendra la maîtresse de Léon, son premier amour.Bien plus qu’une rupture, c’est une cassure essentielle qui s’empare d’Emma. De femme typiquement projective, elle se change en femme chosifiée, plongée dans un mysticisme incongru, objet d’un amour prétendument universel à défaut d’avoir été autrement aimée que par un amour insignifiant et balourd. Cette prostration prend d’ailleurs la suite d’une tentation pour le suicide , Emma ayant définitivement basculé dans une irréversible mélancolie.

 Une autre rupture  est intervenue peu de temps avant  dans sa vie conjugale cette fois,  rupture provoquée par l’échec de Charles lors de l’opération du pied-bot. Attiré
par l’hypothèse d’une gloire qui redorerait son image auprès de son épouse dont il ressent le mépris, , Charles procède à l’intervention
chirurgicale sur le pied d’Hippolyte Tautain, le valet d’écurie
de l’auberge du Lion
d’or
.
Dans la mesure où l’opération est un succès apparent, Emma
réévalue immédiatement  les qualités de son époux La vitesse d’exécution de
Charles a pu surprendre : «Charles
piqua la peau; on entendit un craquement sec. Le tendon était coupé,
l’opération était finie»

. Sauf que le sectionnement du tendon constitue la traduction
matérielle d’une rupture qui ne tarde pas à venir. Les effets
secondaires de l’opération arrivent subitement. On rapporte que le
valet d’écurie « se meurt ». Son état empire à mesure que la
gangrène le gagne et Emma perd se dernières illusions sur les capacités de son mari: elle se sent humiliée d’avoir pu penser “qu’un pareil homme pût valoir quelque chose comme si vingt fois déjà, elle n’avait pas suffisamment aperçu sa médiocrité. Il l’agace prodigieusement et elle a l’impression d’avoir abîmé son existence en restant auprès de lui.Autrement
dit Charles Bovary est progressivement dégradé dans la liste des
personnages – on l’a découvert force de médiocrité dès
l’incipit et il s’est écroulé dans une insupportable faiblesse
de caractère. Donc si le roman a commencé par Charles, il se défait
de lui par la suite. 

Ainsi
le tendon coupé d’Hippolyte est la marque d’une rupture
essentielle et définitive entre Charles et Emma. Cet échec
parachève une série de catastrophiques désillusions. C’est un
vrai docteur en médecine qui sauve Hippolyte de la mort, un certain
M. Canivet . Ulcérée par son mari, à jamais dégoutée de lui,
Emma le remet à sa place quand il est pris d’une déambulation
comparable à celle d’un prisonnier qui fait les cent pas dans sa
cellule. Charles est agité parce que le Dr. Canivet doit effectuer
une amputation sur la jambe putride du valet d’écurie. Emma
l’accable d’un «
Assieds-toi

qui n’est pas sans nous rappeler le «
Reste
à ta place»

qu’elle lui avait lancé chez le marquis, mais avec cette fois une
nuance supplémentaire d’agacement. Cette hiérarchie de
l’exaspération parviendra à son sommet lorsque Charles emmènera
Emma à l’opéra dans l’espoir de la distraire de son apathie.
Pendant la représentation, alors qu’il se risque à un commentaire
laconique, elle lui jette un «
Tais-toi
! Tais-toi !
»
sans ambiguïté , ne supportant plus aucune des manifestations
vivantes de cet homme.


Quant
à l’avant dernière rupture, elle concerne Emma et Léon. Le prolongement
de cette relation n’était de toute façon pas possible  et Emma es sentait lasse de cet  amour : “elle était aussi dégoûté de lui qu’il était fatigué d’elle”  . C’est Léon  qui se retire du jeu pour respecter les attentes sociales et prendre la place qui lui revient  Il déçoit Emma lorsqu’il refuse d’emprunter de l’argent pour elle et elle se dévalorise en danseuse de bal masqué; Nous sommes bien loin du bal de la Vaubyessard; lors de ce bal masqué à Rouen, l’aristocratie s’est transformée en “
un clerc, deux carabins et un commis” ; Quant aux filles, elle sont toutes "du dernier rang. ” 

La rupture finale sera constituée par l’empoisonnement : Emma a choisi de mettre fin à une existence qui la déçoit sur tous les plans : lorsque le réel lui devient insupportable, elle a pris l’habitude de s’absenter soit par le rêve, soit par l’évanouissement qui la rend provisoirement inaccessible ; cette fois, son agonie marquera une rupture définitive avec son existence; En s’empoisonnant, elle a le sentiment du devoir accompli: “elle en avait fini, songeait-elle , avec toutes les trahisons, les bassesses et les innombrables convoitises qui la torturaient. ” Charles , veuf éploré , a du mal à réaliser la rupture avec celle qu’il aimait et il s’efforce d’imaginer “qu’elle était partie en voyage, bien loin, depuis longtemps” . Lors de l’enterrement d’ Emma , la présence de son père rappelle son parcours jalonné de ruptures : fille Rouaut, femme de Charles Bovary, mère de Berthe; Emma ne laisse que du malheur derrière elle.Au delà de la mort, Charles continue à s’habiller pour lui plaire comme si elle vivait encore  et il se met également  à la désirer furieusement car son désir était maintenant irréalisable. Il ne se résigne pas à la rupture et la mort seule pourra mettre un terme à sa souffrance de ne plus être avec elle.