19. janvier 2016 · Commentaires fermés sur Le décor dans Madame Bovary · Catégories: Divers · Tags:

Cet article expurgé a été écrit par Claudine Vercollier, une universitaire  spécialiste de Flaubert; Je l’ai résumé et j’ai ôté les références savantes pour ne conserver que les citations les plus significatives. Entrainez-vous à retrouver le plan qui a guidé la rédaction de cette synthèse; Quelles fonctions joue le décor dans le roman ? 

Le
décor et sa signification dans
Madame
Bovary

L’univers
dans lequel vit Emma Bovary est fort limité. Le couvent tout
d’abord, où elle
« vivait
(…) sans jamais sortir de la tiède atmosphère des classes »
.
Mais le couvent est déjà lointain et les contours s’en sont peu à
peu estompés. Cette première prison semble douce à Emma qui
« regretta
son couvent »
.
Elle est remplacée par la ferme des Bertaux dont Emma, semble-t-il,
ne franchit jamais les limites :
« Une
jeune femme en robe de mérinos bleu (…) vint sur le seuil de la
maison pour recevoir M. Bovary. »
« Elle
le reconduisait toujours jusqu’à la première marche du perron. »
« Elle
était sur le seuil »
.
Et quand Charles redescend après avoir soigné le père Rouault, il
trouve Emma
« le
front contre la fenêtre »

, celle-ci étant perçue alors comme un obstacle séparant Emma du
monde extérieur. Lors d’une autre visite, Emma est en train de
coudre, tous volets fermés. Et, symboliquement, quand Emma acceptera
d’épouser Charles, le père Rouault ouvrira
« tout
grand l’auvent de la fenêtre contre le mur »
.
C’est comme le signe de libération, Emma ayant d’abord conçu
le mariage comme une évasion.

Nous
saurons dès son arrivée à Tostes, avant qu’elle-même s’en
rende compte que ce n’est qu’une illusion et qu’elle sera plus
prisonnière ici qu’aux Bertaux. Il n’est qu’à lire la
description de la maison. La première phrase déjà est
significative :
« La
façade de briques était juste à l’alignement de la rue, ou de la
route plutôt. »

.Le
jardin lui-même est clôturé, et qui plus est par une
« haie
d’épines »
.  Toute la maison de Tostes est placée sous le signe du petit, de
l’étroit :
« Sur
l’étroit chambranle de la cheminée. »
Le
bureau de Charles est une
« petite
pièce »

et le jardin
« plus
long que large allait, entre deux murs de bauge. »

Toute la maison s’ordonne autour du corridor. Ainsi prédomine une
impression de couloir, de murs qui vous emprisonnent et qui mènent
en peu de temps Emma près de la dépression nerveuse. L’ancien
maître de Charles ayant conseillé de
« la
changer d’air »
,
Charles emmène Emma ailleurs, dans un ailleurs qui sera, en pire,
une reproduction de l’ici.

Yonville-l’Abbaye
est
en fait un

bourg
« au
fond d’une vallée »
,
« au
bout de l’horizon »
.
Enfermé de toutes parts. Flaubert insiste sur le côté limité
d’Yonville :
« La
rue (la seule), longue d’une portée de fusil et bordée de
quelques boutiques s’arrête court au tournant de la route. Si on
la laisse sur la droite et que l’on suive le bas de la côte
Saint-Jean, bientôt on arrive au cimetière. »

Et
si, à Tostes, la grand-route permettait aux rêves d’Emma d’aller
jusqu’à Paris, à Yonville, il n’y a pas de route ;
simplement un
« chemin
de grande vicinalité »
.
Les maisons elles-mêmes sont
« encloses
de haies »
,
avec ce préfixe qui enferme davantage encore. Les toits cachent en
partie les fenêtres,

« comme des bonnets de fourrure rabattus sur des yeux »
,
les murs des jardins sont garnis de tessons de bouteilles pour éviter
qu’on y pénètre.

.
Nous savons donc encore une fois, avant même qu’Emma en ait
conscience, qu’Yonville n’est qu’une copie dégradée de
Tostes ; la simple description du bourg nous a permis de le
déduire. L’assimilation entre les deux villages va d’ailleurs
être faite ensuite par Emma elle-même, peu après son arrivée.
Alors que Léon déplore que
« Yonville
offre si peu de ressources »
,
Emma répond :
« Comme
Tostes, sans doute »
.
Mais elle n’en tire pas alors toutes les conséquences et cela
reste pour elle une assimilation superficielle, car
« elle
ne croyait pas que les choses pussent se représenter les mêmes à
des places différentes »
.

Et
pourtant l’intérieur de la maison présente les mêmes
caractéristiques qu’à Tostes. La salle, par exemple, est une
« longue
pièce à plafond bas »

et rappelle ainsi cette idée de corridor qui sera d’ailleurs pour
Emma l’image même de sa vie :
« L’avenir
était un corridor tout noir, et qui avait au fond sa porte bien
fermée »
.
Une prison, donc, de plus en plus étroite, avec certaines
caractéristiques des cachots, telles le froid ou l’humidité.

Aux
Bertaux déjà, ferme pourtant d’apparence prospère, la peinture
verte du mur
« s’écaillait
sous le salpêtre »

et,

« comme la salle était fraîche, elle (Emma) grelottait tout
en mangeant »
.
De même à Tostes :
« L’hiver
fut froid. Les carreaux, chaque matin, étaient chargés de givre, et
la lumière, blanchâtre à travers eux, comme par des verres
dépolis, quelquefois ne variait pas de la journée »
.

À
Yonville enfin :
« Emma,
dès le vestibule, sentit tomber sur ses épaules, comme un linge
humide, le froid du plâtre »
.

Le
froid est une limite de plus : il enserre directement le
personnage et le confine dans un cercle plus restreint encore, en
atténuant par exemple la lumière ou en obligeant Emma à se
réfugier dans une seule pièce :
« Dès
les premiers froids, Emma quitta sa chambre pour habiter la salle »
.
Le froid finira par pénétrer Emma, pour l’envahir tout entière.
Ainsi, après le départ de Léon :

« Il fut de tous côtés nuit complète et elle demeura perdue
dans un froid horrible qui la traversait »
.

Ce
froid est associé à la mort. Quand Emma revient de ses rendez-vous
avec Léon :
« Emma,
ivre de tristesse, grelottait sous ses vêtements ; et se
sentait de plus en plus froid aux pieds, avec la mort dans l’âme »
.
Il annonce le grand froid final.

« Cependant, elle sentait un froid de glace qui lui montait des
pieds jusqu’au cœur »
.

Le
monde d’Emma est donc extrêmement étroit, rétréci, mais il est
en même temps curieusement
« bourré »,
rempli au maximum, ce qui accentue encore l’effet d’emprisonnement
et crée même une impression d’asphyxie. Emma est symboliquement
sujette aux étouffements. Les mots tels que
« suffoquer »,
« haleter », « étouffer », « étouffement »

reviennent plus de dix fois au cours du roman. Ils accompagnent Emma
depuis son premier printemps à Tostes :
« Elle
eut des étouffements aux premières chaleurs »
.
Jusqu’à sa mort :
« 
Ouvre la fenêtre…, j’étouffe »
.


Comme
Emma, dès notre entrée dans la maison de Tostes, nous sommes
accueillis par une série d’objets accrochés derrière la porte :
« un
manteau à petit collet, une bride, une casquette de cuir noir (…) »
.
De même, la grande pièce qui donne sur la cour est
« pleine
de vieilles ferrailles, de tonneaux vides, d’instruments de culture
hors de service »
.
Le jardin lui-même est soumis à cette profusion et, pour accentuer
encore cette impression de multiplication des objets, Flaubert
emploie

« la description en chaîne »
.
Ainsi,
« sur
l’étroit chambranle de la cheminée resplendissait une pendule à
tête d’Hippocrate, entre deux flambeaux d’argent plaqué sous
des globes de forme ovale »
.
Cette profusion absurde est encore plus évidente à Yonville
lorsque Flaubert en décrit les maisons :
« Elles
sont encloses de haies, au milieu de cours pleines de bâtiments
épars, pressoirs, charretteries et bouilleries, disséminés sous
les arbres touffus portant des échelles, des gaules ou des faux
accrochées dans leur branchage »
.

On
passe d’un objet à l’autre sans coupure ; le vide,
semble-t-il, n’existe plus. Et même parfois il y a « 
redondance »
de matière ; les objets se chevauchent les uns les autres :
les flambeaux sont recouverts de globes, les rideaux s’entrecroisent
et les murs du jardin sont recouverts d’abricots en espalier.

De
plus, il faut remarquer que très souvent Flaubert décrit, non pas
les pièces maîtresses de l’ameublement, mais les détails.

Ce
monde clos et restreint est donc rempli d’objets, d’objets
souvent inutiles et, comme pour leur donner plus d’importance
encore, comme pour les rendre plus envahissants, Flaubert en précise
(très souvent et même presque systématiquement) la matière et,
parfois aussi, la couleur. Ainsi, les rideaux sont en
« calicot
blanc »
,
les flambeaux en
« argent
plaqué »
,
la bibliothèque en

« bois de sapin »
,
les murs qui enserrent le jardin
« en
bauge »
,
le curé
« en
plâtre »
,
le cadran solaire en
« ardoise »,
le lit en
« acajou »,
les rubans qui nouent le premier bouquet de mariée, en
« satin
blanc »
.

Emma
est donc doublement prisonnière,
« prise »
d’une part à cause des limites mêmes d’un monde étroit,
d’autre part parce que ce monde est atteint d’une sorte de
cancer, totalement rempli, envahi de matière, étouffant ceux qui
s’y trouvent. Attitude significative que celle d’Emma assise dans
un fauteuil au milieu de sa chambre, tandis
« qu’on
disposait ses affaires autour d’elle »
.

Certes,
cette profusion se manifestait déjà aux Bertaux ; témoins ces
sacs de blé qui envahissaient la salle à manger :

« c’était le trop plein du grenier proche »

ou l’abondance pantagruélique des plats le jour de la
noce :
« Quatre
aloyaux, six fricassées de poulets, du veau à la casserole, trois
gigots et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de
quatre andouilles à l’oseille »
.

Abondance
qui trouve son apothéose dans la pièce montée du pâtissier
d’Yvetot, sorte de pyramide qui n’en finit plus et que Flaubert
décrit minutieusement et à dessein pendant une quinzaine de lignes.

À
Tostes, tout va changer. Cette accumulation va devenir non pas signe
de richesse, mais d’incohérence, car elle se fait absolument
n’importe comment. Emma est entourée d’une sorte de bric-à-brac,
de désordre envahissant. Curieusement, tout ce qui touche de près
ou de loin à
Madame
Bovary

est disparate et traduit certainement la complexité de l’héroïne
elle-même,
« paysanne
d’origine, aristocrate en désir, petite bourgeoise dans sa vie »
.

Rien
chez elle n’est unifié : son éducation est faite de miettes
sans aucun lien entre elles comme le montrent par exemple ses

« connaissances »

en histoire

« où saillissaient encore çà et là (….) sans aucun
rapport entre eux, Saint-Louis avec son chêne, Bayard mourant,
quelques férocités de Louis XI, un peu de Saint-Barthélemy, le
panache du Béarnais»
.

Incohérence
aussi de ses lectures, illustrées de gravures représentant
« à
la fois des palmiers, des sapins, des tigres à droite, un lion à
gauche, des minarets tartares à l’horizon au premier plan des
ruines romaines. »

Et
les rêves qui seront plus ou moins directement inspirés par ces
lectures, seront, bien entendu, marqués par la même accumulation
aberrante. Emma voudrait
« s’accouder
sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un
cottage écossais »
.
Ce qui manque d’unité se manifestera aussi dans l’attitude
d’Emma qui n’a aucun esprit de suite :
« En
de certains jours, elle bavardait avec une abondance fébrile ;
à ces exaltations succédaient tout à coup des torpeurs où elle
restait sans parler, sans bouger »
.

Ce
désordre, cet amalgame incohérent qui est peut-être une des
raisons du malheur d’Emma, des tendances aussi diverses et
contradictoires ne pouvant être satisfaites toutes en même temps,
vont se retrouver dans les lieux où vivra Emma, dans les objets qui
l’entoureront et même, curieusement, dans les personnes qu’elle
sera amenée à rencontrer.

Mais
c’est surtout à Tostes que le désordre va éclater ; dès
qu’elle ouvre la porte de sa nouvelle maison, la jeune Madame
Bovary découvre par terre, dans un coin,
« une
paire de houseaux encore couverts de boue sèche »
,
et, dans la chambre conjugale, trône encore le bouquet de mariée
de la première épouse. Mais ce n’est encore rien, comparé au
capharnaüm que découvrira Emma en pénétrant dans sa
« nouvelle »
maison d’Yonville :
« Au
milieu de l’appartement, pêle-mêle, il y avait des tiroirs de
commode, des bouteilles, des tringles, des bâtons dorés avec des
matelas sur des chaises et des cuvettes sur le parquet »
.
Un tel désordre indique une certaine hostilité : Emma n’est
pas attendue ; elle arrive en intruse dans un milieu au sein
duquel elle ne pourra trouver sa place.

N’oublions
pas qu’Yonville lui-même est
« une
contrée bâtarde »
« sur
les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’Ile de
France »
.
Son pharmacien exerce illégalement la médecine ; le gardien
du cimetière y est tout à la fois fossoyeur et bedeau et le
cimetière lui sert à enterrer les morts, mais aussi à faire
pousser des pommes de terre.

Le
caractère désordonné est donc encore accentué par le fait que les
objets ou les lieux sont déviés de leur utilisation ou de leur
destination première ; ainsi, à Tostes, la
« grande
pièce délabrée qui avait un four (…) servait maintenant de
bûcher, de cellier, de garde-magasin »

et par conséquent elle perd toute fonction précise. Même la
voiture que Charles offre à Emma est faite de pièces rapportées :
« 
Son mari (…) trouva un boc d’occasion, qui, ayant une fois des
lanternes neuves et des garde-crottes en cuir piqué, ressembla
presque à un tilbury »
.

Cet
aspect disparate est grotesquement renforcé lorsqu’ils se rendent
au bal de la Vaubyessard, par l’ensemble des cartons et des colis
accrochés un peu partout :
« Une
grande malle attachée par derrière et une boîte à chapeau qui
était posée devant le tablier. Charles avait, de plus, un carton
entre les jambes »
.

Au
début, pourtant, Emma a cherché à lutter contre ce désordre :
elle a fait poser du papier neuf et Flaubert constate qu’elle
« savait
conduire sa maison »
 ;
mais elle n’a pu résister longtemps et bientôt
« elle
laissait tout aller dans son ménage »
,
renonçant à rétablir un ordre quelconque, se laissant envahir par
la dégradation de la plupart des objets, s’assimilant au décor
qui l’entoure :
« Elle
restait à présent des journées entières sans s’habiller,
portait des bas de coton gris »
.

En
effet, et c’est la dernière caractéristique de ce décor, le
cadre dans lequel vit Emma est souvent vieux, plus ou moins délabré :
le papier est posé sur une toile mal tendue, la brochure du
Dictionnaire des sciences médicales qui se trouve dans le bureau de
Charles est usée, la grande pièce délabrée qui s’ouvre sur la
cour est « pleine de vieilles ferrailles, de tonneaux vides,
d’instruments de culture hors de service, avec quantité d’autres
choses poussiéreuses dont il était impossible de deviner l’usage ».

Et
cela va expliquer la comparaison qu’Emma va employer pour traduire
ce qu’est sa vie :
« Mais
elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au
nord »
.
Le grenier, c’est justement l’endroit où l’on rejette tous les
objets défigurés, les objets morts, comme cet absurde bouquet de
mariée,

« le bouquet de l’autre »

qu’Emma trouve en arrivant à Tostes et que Charles
« alla
porter au grenier »
.

La
vie d’Emma est une collection de choses, de moments inutiles, car
le temps est dévastateur : témoins certains objets, tel le
curé de plâtre dont la figure se couvre de gales blanches et qui
finit par se briser lors du transport de Tostes à Yonville ;
tel le propre bouquet de mariée d’Emma, dont les boutons d’oranger
ont jauni et dont les rubans se sont effilochés.

Pour
montrer ce rôle prépondérant du temps, Flaubert place au milieu du
jardin de Tostes un cadran solaire en ardoise, pierre tendre qui
évoque plus la fragilité et l’effritement que la solidité.

Yonville
non plus n’échappera pas à la destruction du temps. Le mot
« ruines »
est associé au nom d’Yonville. Flaubert note
« 
Yonville-l’Abbaye (ainsi nommé à cause d’une ancienne abbaye de
Capucins dont les ruines n’existent même plus) est un bourg à
huit lieues de Rouen »
.

Le
temps ici a tout nivelé, effaçant jusqu’au moindre souvenir.
Peut-on trouver une image plus frappante que celle utilisée dans le
dernier paragraphe de cette description d’Yonville :
« Les
fœtus du pharmacien, comme des paquets d’amadou blanc, se
pourrissent de plus en plus dans leur alcool bourbeux »
.
Le temps n’est donc jamais source de richesse et ne fait que
renforcer l’idée de prison.

Les
signes eux-mêmes perdent leur valeur et se figent en une série de
gestes. Ainsi, les marques de tendresse que Charles manifeste à sa
femme :
« C’était
une habitude parmi les autres, et comme un dessert prévu d’avance,
après la monotonie du dîner »
.

Tout
se répète toujours ; les moments, comme les objets, sont
doubles ; au premier mariage de Charles en succède un
deuxième ; Yonville se substitue à Tostes ; même la
petite fille d’Emma, cet être neuf, portera un nom chargé pour sa
mère de souvenirs, puisque c’est celui de Berthe qu’elle avait
entendu au bal de la Vaubyessard. Quand il ne dégrade pas, le temps
pétrifie et on retrouve en lui la même continuité que dans la
matière : pas de rupture par laquelle pourrait s’échapper le
rêve ; les journées se suivent, liées les unes aux autres
comme les maillons d’une chaîne, semblables comme les barreaux
d’une prison.
« La
série des mêmes journées recommença »

. L’écriture de Flaubert exprime cette monotonie avec cette
succession de mots chargés d’une même idée :
« série »,
« mêmes »,
et le préfixe
« re- »
qui indiquent la reprise continuelle des mêmes gestes. Les mots

« mêmes »

et
« toujours »
sont constamment repris :
« Elle
retrouvait aux mêmes places les digitales et les ravenelles »
.
« Cinq
ou six hommes, toujours les mêmes »
.

Rythme
monotone, comme le débit de cette conversation, ennuyeux comme
l’aspect de ce gros garçon qui termine sa journée en ronflant.

Ainsi,
Flaubert décrit un monde caractérisé par l’étroitesse, un monde
oblong. De plus, ce décor est délabré, rempli d’objets ayant
perdu leur beauté, attestant le passage du temps. Cela laisse mal
augurer de l’avenir d’Emma. Comment pourrait-il se passer du
nouveau dans un décor qui se répète et qui n’est toujours qu’une
copie de soi-même : le couvent, les Bertaux, Tostes, Yonville ?

Emma
est non seulement enserrée par d’étroites limites extérieures
mais elle est, à l’intérieur même de ces limites, comme cernée
par un afflux d’objets, de
« choses ».

Comment
les rêves d’Emma pourront-ils éclore dans un monde où triomphe
la matière et où Emma elle-même, victime et bourreau à la fois,
aide à ce triomphe par le désir de posséder qui la pousse à
acheter chez Lheureux ?

Comment
ne pas pressentir déjà, à la vue même de ce décor, qu’Emma
verra se faner toutes ses illusions ? Et ne peut-on voir un
signe dans cette démarche d’Emma qui va chercher la mort dans le
capharnaüm d’Homais.