01. novembre 2024 · Commentaires fermés sur Combattre contre les inégalités : femmes et hommes de couleur, même combat ? Lecture linéaire 3 oral de bac · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Si le nom d’Olympe de Gouges restera associé dans l’histoire aux combats féministes , en faveur notamment de l’égalité des droits entre les citoyens,  indépendamment de leur appartenance à un sexe, on risque d’oublier qu’elle fut également admise dans la société des amis des Noirs; Ce mouvement abolitionniste fut créé en 1788 et défend notamment l’unité des lois et des droits entre métropole et colonies.  En effet, combattre pour l’égalité des droits entre les hommes  sous l’égide du grand courant intellectuel animé par l’esprit des Lumières , implique de prendre en considération, tous les hommes , indépendamment de leur couleur de peau . Elle va donc s’engager fortement contre l’esclavage et au- delà, contre les préjugés qui feraient de certains hommes des “sous-hommes ” ou des êtres d’une catégorie inférieure : autant d’idées reçues qui font le lit du racisme . Plus »

01. octobre 2024 · Commentaires fermés sur Olympe de Gouges : femme réveille- toi , premier extrait du Postambule de la DDFC lecture linéaire 2 · Catégories: Lectures linéaires, Première

En introduction, vous rappellerez les principaux éléments liés au contexte ( Lumières, Révolution )  et préciserez les circonstances de la création par Olympe de Gouges de la DDFC ( je vous renvoie au billet de présentation de la DDFC ) Le postambule constitue le principal ajout de la DDFC : Olympe de Gouges y prend clairement position et s’adresse directement aux femmes .  Projet de lecture : comment Olympe de Gouges tente-t-elle de convaincre les femmes de se battre pour obtenir les mêmes droits que les hommes ?  Le texte peut se diviser en 3 mouvements : un appel à la mobilisation, un dialogue animé et un appel à vaincre les résistances qu’elles rencontreront.  Plus »

27. septembre 2024 · Commentaires fermés sur Olympe de Gouges : Homme es-tu juste ? Lecture linéaire 1 · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

En guise d’introduction 

Autrice du XVIIIème siècle,  continuatrice des combats des  Lumières, Olympe de Gouges est le nom de plume de Marie Gouze, fille    naturelle du marquis de Pompignac. Mariée à dix-sept ans, mère quelques mois plus tard et très vite veuve, elle ne se remariera pas afin de préserver sa liberté : elle n’aura, ainsi , pas besoin de demander l’autorisation d’un mari pour publier, comme la loi l’exigeait. N’ayant reçu qu’une éducation sommaire comme les jeunes filles bourgeoises de son époque, elle sait à peine lire et écrire:  c’est donc une autodidacte. Elle dicte ses textes à des secrétaires et compose surtout des pièces de théâtre et des essais pour diffuser ses idées novatrices.  Ecrivaine engagée, elle aborde des sujets controversés et partage les idées révolutionnaires comme la condamnation de l’esclavage ou des mariages forcés. Elle s’intéresse aussi à la politique et  milite , dans son essai , pour d’importantes  réformes sociales  qui garantiront aux femmes leurs droits naturels .Sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne parue en 1791, dresse un constat amer de l’oppression masculine: l’ ’extrait que nous allons commenter ,  se situe après l’épître à la reine et avant les articles qui s’inspirent de la DDHC. L’autrice , sur un ton de défi , s’adresse aux hommes et les incite à réfléchir sur la manière tyrannique dont ils se comportent vis-à-vis des femmes. Comment dénonce -elle ici les abus de pouvoir  exercés par les hommes sur les femmes ? Nous pouvons distinguer 3 mouvements :  des L. 1 à 4, O. de Gouges interpelle l’homme ;ensuite, dans le paragraphe suivant, elle compare le comportement masculin  avec les autres espèces dans la nature  et enfin, des lignes  10 à 13, elle  dénonce l’ orgueil et l’ ignorance de l’espèce masculine. Plus »

08. septembre 2024 · Commentaires fermés sur Réussir l’oral du bac de français : construire un document efficace en salle d’examen pour guider la lecture linéaire · Catégories: Fiches méthode, Lectures linéaires · Tags: ,

Cette année , tu vas étudier en classe avec tes camarades et ton professeur 16 textes qui constitueront ta liste de textes pour l’oral du bac de français . Le conducteur d’oral est une sorte de plan détaillé, d’aide-mémoire, de fiche  que  tu vas apprendre à construire durant 30 minutes en salle d’examen; Le but de ce document est de te permettre de parler durant 10 minutes de ta lecture linéaire de manière organisée et structurée. Il existe bien entendu plusieurs méthodes pour construire ce document et pour préparer cet examen.  Attention à ce que tu trouveras sur internet car l’épreuve a changé en 2019 et certains sites ne sont pas mis à jour et présentent  des contenus périmés . Voilà donc quelques conseils pour l’édition 2024 du bac de  français.  

Mode d’emploi:  dans un coin de la feuille,  en haut à gauche , dessinez ou matérialisez  un rectangle qui va représenter l’introduction ..commencer par poser les éléments de l’introduction sans faire de phrase; tu peux consulter le site d’Amélie Vioux : commentairecompose.fr

 

Note dans l’ordre les mots clés qui précisent ces 5 étapes de l’introduction . 

  •  précisez d’abord  la date  et Le mouvement littéraire auquel appartient l’auteur (par exemple, pour Olympe de Gouges les Lumières , la Révolution française ) qui forment le contexte historique 
  •  évoquez ensuite l’auteur en vous focalisant sur sa vie au moment où il publie l’œuvre que vous étudiez : Marie de Gouze est une enfant naturelle, autodidacte et qui fréquente les salons parisiens  
  •  rappelez l’objet d’étude et le parcours associé : littérature d’idées  et  écrire et combattre pour l’égalité
  •  citez les thèmes principaux, les droits  des femmes, les inégalités sociales , la supériorité des hommes 
  • situez l’extrait au sein de l’oeuvre et  faites un bref résumé du passage étudié

 

En bref : C A O R S A moyen mnémotechnique pour différencier et mémoriser l’ordre des étapes d’une introduction de lecture linéaire à l’oral 

  • C comme  contexte historique (mouvement , courant, époque, événement important)
  • A comme auteur et éléments biographiques 
  •  O comme œuvre, genre, parcours 
  •  R résumez le texte  aussi brièvement que possible et  n’oubliez pas d’en dégager le thème principal, l’idée directrice
  •  S comme situation de l’extrait
  •  A comme présentation des axes (découpage du texte en 2 ou 3 parties ) 

Une fois l’introduction terminée, il te faudra lire le texte à haute voix en t’appliquant : cette partie de l’épreuve est notée de manière indépendante sur 2 points .. je te conseille d’écrire LECTURE sur ton document  pour être certain de ne pas oublier de lire le texte. 

  • LECTURE du passage ( appelée lecture expressive) 
En face, en haut à droite, sur ton document ,  tu peux noter les mots clés qui vont former ta conclusion . Certains candidats  préfèrent noter les mots clés de leur conclusion à la fin de leur étude , en bas de leur document ou sur une feuille séparée . C’est à toi de choisir ce qui te semble le plus efficace . 
Les points clés de la conclusion à l’oral du bac : c’est la dernière impression que l’examinateur va garder de ta prestation et il attend un contenu bien précis. 
  • Un rappel des axes étudiés en utilisant les temps du passé 
  • L’intérêt du passage  
  • Un rapprochement avec d’autres extraits de l’œuvre ou d’autres œuvres qui évoquent les mêmes thèmes , soit du même auteur , soit de la même époque : cette parti equ’on appelle également l’ouverture, est de loin la plus importante . 

N’hésite pas à dire .. pour conclure, ou nous allons maintenant conclure cette étude en …

Que faire ensuite durant les 25 minutes de ton  temps de préparation ? 
Le texte aura été travaillé en cours , préparé en classe et à la maison et vous l’aurez probablement révisé . Il s’agit donc de vous noter des éléments clairs qui vont vous permettre de parler de la manière la plus fluide possible. Là encore , ne rédigez pas : utilisez des abréviations, des flèches, des codes couleurs et adoptez une prise de notes structurée par les lignes du texte et les axes dégagés. C’est en vous entrainant régulièrement et avec application en classe toute l’année que vous pourrez être efficace le jour J .

 Ne pas confondre Fiches « textes d’oral » avec fiches œuvres complètes pour l’écrit

Les  fiches « textes d’oral récapitulent l’analyse  et les lectures linéaires effectuées en cours. Elles doivent contenir une intro , une liste de points incontournables : citation, identification du procédé, analyse de l’effet produit. , une conclusion 

Que faut -il retenir ? 
On ne fait pas de phrases 
On note un déroulement 
On respecte une méthode et un ordre 

 Pour en savoir plus ….Le passage à l’oral (20 minutes)

Ton oral de français va se dérouler en deux temps : 

Un exposé sur un texte choisi par l’examinateur dans ton descriptif (12 minutes, noté sur 12 points)

Après avoir brièvement restitué le passage de texte dans son œuvre ou dans le parcours associé, tu effectueras une lecture à haute voix. Le tout est noté sur 2 points. A toi d’y mettre le ton qui convient, et de faire attention à ta diction.

Tu enchaines ensuite avec une explication d’un passage du texte, notée sur 8 points.

Pour terminer, tu réponds à la question de grammaire posée par ton examinateur, en lien avec une phrase ou un court passage du texte choisi. Cette dernière partie est notée sur 2 points.

La présentation d’une œuvre étudiée (8 minutes, notée sur 8 points)

Tu présentes dans un premier temps l’œuvre que tu as choisie et les raisons de ce choix.

Cette première présentation donnera l’impulsion à la deuxième partie de l’échange avec l’examinateur. Il t’amènera à développer tes explications ou encore défendre ton point de vue. 

Le passage devant l’examinateur ne doit pas être une récitation ni une lecture de brouillon.

Fais un effort sur ton vocabulaire et surtout, au temps ! La politesse et un sourire marquent toujours plus de points que la mauvaise humeur. L’examinateur n’est pas un robot programmé pour te piéger…


 

18. juin 2024 · Commentaires fermés sur Maylis de Kerangal : la colère de Jacob : une puissance destructrice ? · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Dans son roman Naissance d’un pont, écrit en 2010, Maylis de Kerangal nous conte l’histoire de la construction d’un pont fantastique entre la ville imaginaire de Coca quelque part en Amérique du Sud , en bordure de la forêt amazonienne  et la Jungle dans les profondeurs de laquelle vit une  des dernières  tribus indiennes      . Des travailleurs du monde entier convergent alors vers le chantier pharaonique : ils sont américains, indiens, chinois, français , tous les meilleurs dans leur domaine . Il sont 800 en tout et vont devoir apprendre à travailler ensemble et vont s’efforcer de dompter la Nature . Jacob , lui, est un ethnologue américain qui partage la vie des Indiens et s’alarme de “l’intrusion des routes , la dégradation probable de la forêt et la disparition programmée des Indiens ” . Lorsqu’il apprend la nouvelle de la construction du gigantesque  pont , Jacob se sent  envahi par  ” une fièvre noire issue de la colère, une suffocation de bile ” Dans l’extrait que nous présentons, il a décidé, en pleine nuit  de naviguer en pirogue jusqu’à la ville : il lui faudra deux jours pour parvenir à Coca et lorsqu’il découvre le siège de la société de construction, il se jette alors sur le responsable du chantier, un certain Diderot  et le traite de salaud ” il y a de la sauvagerie dans ce corps hirsute en proie à la violence “. Alors Jacob sort un couteau : “fulgurance de lame, brûlure au flanc, sang qui gicle, mille chandelles ” et disparait aussitôt.  Plus »

27. mai 2024 · Commentaires fermés sur Parcours émancipations créatrices , extrait 4 Tailler la route , couplet de Gael faye · Catégories: Divers, Lectures linéaires · Tags: , ,
 Proposition  de lecture linéaire

Introduction : La poésie à l’origine mêle texte et musique ; au Moyen-Age, les troubadours composent des airs sur lesquels ils improvisent, le plus souvent, des paroles aux motifs traditionnels qui célèbrent les exploits des héros ou l’amour . Dans le domaine musical, comme dans le domaine littéraire, styles et courants se succèdent et chaque artiste cherche à définir sa place soit en perpétuant la tradition ou en s’émancipant des modèles pour créer du nouveau . Grand Corps malade, un slameur, Gaël Faye, plutôt versé dans un rap mélodique et Ben Mazué , auteur-compositeur interprète , qui alterne entre rap léger et pop , ont décidé de collaborer pour créer un album baptisé Éphémère sorti en 2020.Dans la chanson « Tailler la route », morceau composé en vers libres, ils lancent un appel à la liberté . Les troi sinterprètes s’accordent sur cette volonté d’émancipation. La partie écrite par Gaël Faye  comporte 16 vers . Comment le poète franco-rwandais met il en mots et en musique son désir d’émancipation ? Le premier mouvement est composé de la  strophe 1 : il représente  le désir d’évasion et le second mouvement, strophe 2 , montre le sens du voyage du poète. 

Mouvement 1 : « Ils ne savent pas que je mords, que ma vie sent le soufre Je passe en météore comme on passera tous » – Dès ces deux premiers vers, GF évoque une existence troublée, un rapport conflictuel aux autres, qu’il inscrit dans le présent d’énonciation. La rupture s’exprime par l’opposition entre « ils » et « je » . L’agressivité du locuteur est marquée par les métaphores « mords , et sentir le soufre ». Rappelons que l’expression sentir le soufre a deux origines : dans le domaine religieux, elle désigne les éléments diaboliques qui font peur et dans le domaine militaire, cela signifie que la situation est explosive et risque rapidement de dégénérer ; dans les 2 cas, la vie du poète est associée soit à un rejet soit à une forme de danger. On peut d’emblée faire le lien avec les difficultés existentielles de Gael Faye, tiraillé entre blanc et noir, et qui a vécu les génocides du Rwanda qu’il a du fuir adolescent. Sa mère appartenait à l’ethnie Tutsie qui a été massacrée par les Hutus . Le poète, ici, s’apparente à un animal, à un marginal, à un être maudit que l’on rejette par mépris ou par peur et qui est rempli de colère comme un chien méchant . On pourra commenter l’effet d’homonymie « soufre / souffre », mettant en évidence le rejet qui engendre la souffrance. 

– Le 2e vers, alexandrin si l’on ne prend pas en compte la prononciation des /e/ (c’est le cas dans le texte chanté), souligne par la métaphore la fugacité de la vie mais surtout l’égalité de tous devant le temps : bourreaux, victimes, oppressés ou oppresseurs, nous sommes tous mortels. Il s’agit donc de mettre à profit notre passage sur terre. J’suis fait de pierre granit mais d’un cœur grenadine Quand t’effriteras ton shit moi je taillerai ma mine” – Le poète  présente la dualité de sa personnalité grâce à l’antithèse « granit / grenadine) : l’armure qu’il se forge pour affronter la difficulté de son quotidien protège son humanité (peut-être ici envisagée comme une fragilité). Dans le cœur grenadine, on retrouve la couleur rouge du fruit qui peut suggérer un cœur qui saigne, qui a mal.  Alors que le granit est une roche extrêmement dure que rien ne peut altérer : force et faiblesse cohabitent.  Ainsi, le parallélisme qui suit au vers 4 , éclaire cette double personnalité : le poète se tourne vers l’écriture (« ma mine »), qui désigne par métonymie le crayon avec lequel on écrit ,  devient salvatrice. L’idée de tailler la mine qui rappelle le titre du morceau « tailler la route”  prend le sens d’affûter son stylo pour pouvoir écrire des mots qui font mouche, qui touchent . C’est l’acte de création qui est souligné ici par l’emploi du verbe « tailler », par opposition 2 à la destruction , marquée par le verbe « effriteras », réduire en petits morceaux . La volonté d’écrire s’oppose à l’inaction du rêveur . On pourrait par ailleurs commenter l’antithèse entre le « granit », pierre particulièrement dure qui ne s’érode pas avec le temps et le « shit », matière friable qui se consume, comme pour souligner la détermination du poète à affronter le monde. Alors que les fumeurs de shit se perdent dans des paradis artificiels et ne font rien de constructif pour changer le monde dans lequel ils vivent ( ils se contentent de fuir la réalité) , le poète lui se présente comme investi d’une mission qui concerne ses semblables. Cette métaphore exprime la volonté du poète de construire sa propre voie [voix] et cette métaphore du travail de l’écrivain-artisan est soutenue par le rythme des alexandrins et l’allitération en /t/. On notera par ailleurs que la première strophe trouve son rythme dans les rimes internes et  chaque hémistiche se construit alors en contraste avec l’autre partie du vers. Cette première strophe dessine, par l’écriture, la figure du poète et sa mission . “Ouais je taillerai la route, ici j’ai plus d’attache J’irai m’planquer dans la soute, si pour moi y a plus la place” – Le futur simple marque ici l’idée d’une action à venir .Dans le vers 5, la métaphore « tailler la route », en reprenant donc au sens figuré le verbe « tailler » indique un départ volontaire pour de longues distances . On trouve une explication à cette envie de « tailler la route « ; le poète indique qu’il n’a plus d’attache : cette image suggère celle du bateau qui largue les amarres : ce voyage impérieux fait également référence à ceux qui émigrent et aux passagers clandestins qui se cachent dans les soutes des avions pour fuir un pays en guerre ou une oppression politique. – ce départ, nécessaire devient donc une fuite clandestine : fuir, coûte que coûte, pour trouver « sa » place. On pourra en effet interpréter « y a plus la place » dans différents sens : plus la place pour lui dans ce monde qui le rejette ou il ne trouve pas sa place , il se sent de trop, différent ou rejeté . Le vers suivant a le ton d’une imprécation “Qu’ils aillent gratter leurs croûtes cette bande de fils de lâches Obsédés par leur souche, moi j’suis amoureux du large” – Cette idée du poète rejeté, incompris (on retrouve-là l’image du poète maudit avec Baudelaire, Rimbaud) est lié à sa différence. Il insulte ici ceux qui ne veulent pas de lui : la métaphore “gratter leurs croûtes” les décrit comme des êtres purulents, atteints par une maladie qui les ronge. On peut penser au racisme assimilé à une gangrène. L’expression familière détournée « bande de fils de lâches » permet au poète d’exprimer avec véhémence le mépris qu’il a envers tous ces individus qui se cachent derrière une attitude hypocrite. On perçoit ici la critique acerbe d’une certaine forme de nationalisme mise en évidence par l’enjambement « obsédés par leur souche » (n’oublions pas que Gaël Faye est franco-rwandais, il a fui son pays en guerre et s’est tourné vers l’écriture pour extérioriser sa douleur liée à l’exil et exprimer ses difficulés identitaires). A son arrivée en France , il a souffert du racisme anti-noir – et plus largement du mépris pour les Africains de souche. L’image du poète« amoureux du large » vient s’opposer, par antithèse , à la précédente, établissant une opposition entre ces individus méprisables et le poète , citoyen du monde. On pourrait également commenter la paronomase « lâches/large » comme moyen d’opposer le poète aux autres : sa largesse d’esprit contrasterait avec la dimension étriquée des nationalistes, ceux qui jugent les gens en fonction de leurs origines, ou de leur ethnie comme au Rwanda.Dans ce premier mouvement, le poète justifie son besoin d’évasion. Cette nécessaire fuite vers un ailleurs s’accompagne d’une véritable quête de sens que l’écriture va rendre possible.

[Mouvement 2] strophe 2 : La 2e strophe opère un changement de rythme, une accélération du tempo comme pour mimer le départ de ce voyage initiatique, comme un moyen d’accéder au déchiffrement du monde

“J’veux faire des milliers de miles, me languir de mille romans” M’arrimer au rythme lent, l’ire en moi la calmer de milliers de mots” – On relèvera tout d’abord les jeux sonores qui rythment cette 2e strophe : de nombreuses allitérations en /m/ et /l/ et assonance en /i/, à travers lesquelles on pourra entendre une célébration de la liberté et de la puissance des mots comme outils de cette émancipation. Les hyperboles « milliers de miles, mille romans » disent cette soif intense d’expériences à travers les distances parcourues et de l’accumulation de connaissances notamment livresque. – De plus, on peut noter que le voyage est tout autant spirituel (« mots, romans ») que physique avec l’indicateur « miles » qui désigne les kilomètres parcourus, notamment en bateau. Le poète n’erre pas sans but : il cherche une terre d’accueil pour s’arrimer, c’est à dire trouver un point d’ancrage, une patrie spirituelle Le parcours doit permettre d’atteindre la stabilité mais également l’apaisement (« l’ire en moi la calmer ») . Le mot ire désigne en ancien français une violente colère , celle du début de la chanson lorsque le poète affirme qu’il mord et on retrouve un jeu de mots avec le verbe lire ; Cette homonymie (« l’ire / lire ») permet de percevoir les mots comme  des portes d’accès à la connaissance de soi (« lire en moi ») et  à la découverte de son identité . On retrouve cette idée que l’écriture peut mener à la connaissance de soi , un peu à la manière d’une introspection. 
Admirer le monde, la lune, l’onde de la mer au loin” La lumière de l’aube sur l’eau en naviguant d’îles en îlots” – les phénomènes sonores se poursuivent, grâce à l’allitération en /l/, en /m/et l’assonance en /o/ : le poète célèbre musicalement la beauté du monde. Un paysage maritime apparaît sous sa plume . Le champ lexical de la navigation se déploie peu à peu : quête mystique, l’eau étant symbole de vie et de purification. Le poète se pose en observateur, humble, face à l’immensité du spectacle qui l’entoure. Les rimes intérieures créent une véritable harmonie et décrivent poétiquement un voyage maritime au long cours. Mais le poète n’est pas un simple observateur . Il doit aussi combattre . “Eviter les vagues et livrer combat à l’hydre du Mal” J’ai vidé les larmes de longue date, j’habite le large” – . Il faut, métaphoriquement, « éviter les vagues, livrer combat et vider les larmes » : le voyage n’est pas sans heurts et exige de se purger de ses propres souffrances. C’est un voyage à conduire sans faiblir car « l’hydre »  est un monstre qu’il lui faut terrasser : c’est une sorte de serpent géant à neuf têtes de la mythologie , créature aquatique qu’Hercule fut chargée de tuer ; ce monstre légendaire , incarne bien sûr ce mal tentaculaire qui se renouvelle constamment. – par ailleurs, la métaphore « j’habite le large » place désormais le poète sur un autre plan : son esprit est ouvert au monde, purgé des souffrances passées qui pouvaient entraver sa quête de l’ailleurs. 
La dimension spirituelle et mystique du voyage est alors évoquée avec la destination finale “S’attifer de l’or des jours qui passent pour raviver l’âme” Marcher le feu dans la lanterne jusqu’à Lalibela” -Le poète, libéré des chaînes qui le retenaient, peut désormais s’enrichir spirituellement de toutes ses expériences : la métaphore « s’attifer de l’or des jours », semble conférer au poète un pouvoir lumineux . Il est littérallement revêtu d’habits de lumière comme une créature divine, surnaturelle. Cette lumière intérieure va lui permettre de « raviver » son âme . Raviver signifie donner plus de couleurs, rendre plus vivante  Elle est un enrichissement, un trésor précieux- D’ailleurs, Lalilbela évoquée dans le dernier vers est un sanctuaire très ancien : cette ville d’Ethiopie abrite de très anciennes églises taillées dans la pierre, et représente un haut lieu de pèlerinage pour les Chrétiens de cette partie du monde. Symbole de spiritualité , avec son nom poétique qui rappelle la libellule mais également belleile . On y entend liberté et beauté . Ce sanctuaire semble être le lieu d’arrivée de la quête. Après avoir fui, après avoir lutté contre de nombreux ennemis, le poète atteint ainsi, dans cet endroit, une forme de paix intérieure . On notera enfin que le poète est aussi « guide » pour les autres hommes grâce au « feu dans [s]a lanterne ». On retrouve alors l’image du poète voyant, porteur de lumière  qui guide l’autre dans le déchiffrement du monde pour accéder à la Connaissance. La lanterne désigne l’instrument en verre dans lequel on emprisonne la lumière afin qu’elle puisse servir de point de repère, qu’elle ne s’éteigne pas au premier courant d’air et qu’on puisse la transporter.

Pour conclure : on retrouve dans cet extrait de « Tailler la route », les images d’un poète voyageur qui chante son désir de liberté et d’évasion , de grands espaces, loin des foules. Ce voyage , à la fois matériel et spirituel mène à une forme d’ascèse : le poète s’éloigne des préoccupations de ses semblables et atteint une autre dimension ; Il vide son âme de tout ce qui pourrait l’empêcher de s’émanciper:il doit se débarrasser de la colère qui l’étouffe, de la souffrance ensuite pour ne garder que cette lumière en lui, reflétée par la beauté du Monde. C’est seulement une fois arrivé à ce stade qu’il paut devenir un passeur de lumière . Baudelaire dans Le Voyage et Rimbaud dans Le Bateau ivre ont tous deux exprimé ce voyage spirituel, sous la forme d’un voyage en bateau . A la fin c’est la mort qui attend Baudelaire avec  ce « vieux capitaine » qui l’invite à lever l’ancre  et l’emporte avec lui et Rimbaud lui , après avoir écumé les mers du monde entier, découvert des archipels sidéraux, désire finalement une eau noire et froide , celle de son enfance et il se revoit , à la fin de son voyage frêle enfant triste qui joue à lancer un petit bateau sur l’eau . Chaque poète à sa manière cherche à tracer sa route et à donner un sens à son parcours. Ce voyage métaphorique, c’est celui de notre propre vie . 
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13. mai 2024 · Commentaires fermés sur La peau de chagrin : Raphaël est pris au piège ..extrait 2 · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags:

Roman de jeunesse, La peau de chagrin, se veut une réflexion philosophique  sur le sens de la vie . Un jeune aristocrate issu d’une famille ruinée , dégradée socialement , rêve de fortune , de réussite et d’amour. Installé pauvrement à Paris , Raphael perd le peu d’argent qui lui reste au jeu et décide d’en finir avec la vie. Alors qu’il s’apprête à se jeter dans la Seine, il découvre un étrange parchemin au fond de la boutique d’un vieil antiquaire qui prétend l’objet magique et surtout dangereux; Ignorant les mises en garde du marchand, notre héros se saisit de  la peau de chagrin et commence à voir son destin se transformer . Il est forcé de constater que c’est bien l’objet magique qui réalise ses moindres désirs . Dans le passage que nous allons présenter, alors qu’il désire avoir de l’argent , il apprend qu’il vient de recevoir un énorme héritage d’un parent inconnu, vague cousin de sa mère. Autour de lui, les discussions vont bon train pour savoir ce qu’il va pouvoir réaliser avec cette fortune . Raphael s’aperçoit alors, non sans effroi, que sa peau de chagrin a rétréci et il s’imagine sa Mort prochaine. Le premier mouvement montre la peur du héros , le second les réactions des convives et enfin , dans la dernière partie du texte, le rêve fou d’une existence mécanique et sans désir qui pourrait allonger l’espérance de vie du jeune homme qui se pense condamné.  Plus »

06. mars 2024 · Commentaires fermés sur Le poète selon René Barbier : vers le commentaire littéraire · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,
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René Barbier himself…

Qu’est-ce, au juste ,  qu’un poète et quel rôle peut -il jouer dans la société  ? Inlassablement répétée , cette question hante l’histoire de la littérature. Un chercheur en sociologie, René Barbier, présente en 2001 sa réponse, sous forme de vers libres. Le poème que nous nous proposons d’étudier présente, en effet,  différentes facettes du poète et  ses nombreux  pouvoirs. Formé de 36 vers irréguliers (hétérométriques ) , il comporte quelques rimes soit en fin de vers soit à l’intérieur des vers mais sans schéma prédéfini ; caractéristique de la poésie moderne qui s’est affranchie des règles de la prosodie classique instaurées au dix-septième siècle, ce poème présente donc les pouvoirs du poète et tente d’en saisir les différentes métamorphoses.  L’anaphore contribue à construire une sorte d’inventaire des formes qu’emprunte la poésie et on aperçoit, dès la première lecture , de nombreux paradoxes , parfois à la limite de l’antithèse. Il nous faudra analyser méthodiquement les images qui le composent. Toutes  renvoient aux principales fonctions attribuées aux poètes au cours des siècles  : à la fois guide,  voyant, extralucide , et capable de changer le monde en le transformant sous nos yeux.   Plus »

02. janvier 2024 · Commentaires fermés sur Louise Michel, une femme combattante et militante · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Commençons par des éléments biographiques :  Olympe de Gouges fut une femme engagée, révolutionnaire et militante des droits des femmes ; Son combat pour l’égalité des droits s’est poursuivi au siècle suivant et la femme que nous allons présenter, Louise Michel,  qui sera surnommée la Vierge Rouge , a bien des points communs avec l’autrice de la DDFC . Tout d’abord Louise Michel est une enfant naturelle : sa mère était servante pour un couple de châtelains et à la naissance de Louise, leur fils quitte le château. L’enfant sera élevée par ses parents comme leur fille mais à la mort de ces derniers, sa mère et elle se retrouvent à la rue; Elles viennent vivre à Paris où Louise devient institutrice ; Très vite elle  se fait remarquer par Clémenceau et entretient une correspondance avec Victor Hugo qui lui consacrera , bien des années plus tard ,un poème intitulé  “Viro major” Plus grande que l’homme , poème dans lequel  il fait d’elle un mythe de la Révolte et loue son courage face à la menace de son exécution en 1871, quand elle sera arrêtée parmi les communards. Plus »

05. novembre 2023 · Commentaires fermés sur L’île des esclaves : une utopie sociale inventée par Marivaux · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , , ,

En  1725 ,lorsqu’il met en scène L’ile des esclaves, cette comédie philosophique,  Marivaux a déjà connu le succès au théâtre avec ses comédies sentimentales :  La Surprise de l’amour  et La double inconstance ; Il y analyse les rouages des relations amoureuses et tente de faire découvrir à ses personnages ce qu’est une relation sincère , qui ne se fonde ni sur les apparences ni sur la vénalité ou l’intérêt mais simplement sur les mouvements et le langage du coeur; Observateur avisé de ses semblables , le dramaturge se lance avec l’Ile des Esclaves, dans une comédie sociale: il s’agit de critiquer la manière dont les aristocrates traitent leurs domestiques et de leur apprendre , grâce à un renversement des rôles, à se montrer plus humains et plus respectueux .  Plus »