Roman de jeunesse, La peau de chagrin, se veut une réflexion philosophique sur le sens de la vie . Un jeune aristocrate issu d’une famille ruinée , dégradée socialement , rêve de fortune , de réussite et d’amour. Installé pauvrement à Paris , Raphael perd le peu d’argent qui lui reste au jeu et décide d’en finir avec la vie. Alors qu’il s’apprête à se jeter dans la Seine, il découvre un étrange parchemin au fond de la boutique d’un vieil antiquaire qui prétend l’objet magique et surtout dangereux; Ignorant les mises en garde du marchand, notre héros se saisit de la peau de chagrin et commence à voir son destin se transformer . Il est forcé de constater que c’est bien l’objet magique qui réalise ses moindres désirs . Dans le passage que nous allons présenter, alors qu’il désire avoir de l’argent , il apprend qu’il vient de recevoir un énorme héritage d’un parent inconnu, vague cousin de sa mère. Autour de lui, les discussions vont bon train pour savoir ce qu’il va pouvoir réaliser avec cette fortune . Raphael s’aperçoit alors, non sans effroi, que sa peau de chagrin a rétréci et il s’imagine sa Mort prochaine. Le premier mouvement montre la peur du héros , le second les réactions des convives et enfin , dans la dernière partie du texte, le rêve fou d’une existence mécanique et sans désir qui pourrait allonger l’espérance de vie du jeune homme qui se pense condamné. Plus »
Les poètes se différencient-ils des autres écrivains et qu’ont-ils de particulier ? A priori, si l’on songe à Victor Hugo ou Alfred de Musset, à la fois romanciers, dramaturges et poètes , le poète ne serait qu’une facette de l’artiste ; Toutefois, depuis l’Antiquité, on prête au poètes des pouvoirs magiques , surnaturels et on sépare du reste des hommes comme une sorte de magicien des mots. Les définitions sont nombreuses et toutes, elles tentent de cerner l’essence de ce créateur pas tout à fait comme les autres. Nous allons faire ensemble un inventaire des définitions du poète et tenter de mieux cerner , à travers des poèmes et des essais, la personnalité de cet artiste , orfèvre et sculpteur de mots. Plus »
Qu’est-ce qu’un poète et à quoi sert la poésie ? Beaucoup d’artistes ont tenté de répondre à cette double question et leurs prises de positions, souvent antagonistes, permettent de dessiner une image du poète selon les époques et les mouvements littéraires. Essayons d’y voir un peu plus clair et examinons les différents arguments qui sont résumés dans les Arts Poétiques célèbres. Commençons par la fin : voilà ce que dit le poète aujourd’hui..
Ce qu’il nous faut, c’est la parole vivante, qui bondit d’une cervelle à l’autre sans coup férir, avec le naturel des oiseaux et des fleurs qui finissent toujours par revenir au poème.
Ce qu’il nous faut, c’est la poésie génitrice qui franchit les biefs et les obstacles, sans perdre ses idées ni ses plumes, les chemins de la sève, les catacombes de la mémoire, la page ciselée polie à la main, le mot-action se propageant comme le feu dans l’universelle conscience. JP Rosnay
Bref, une très haute idée de la poésie..ce qui ne change pas tellement finalement de la conception du poète dans l’Antiquité.
Dans l’Antiquité, les poètes sont considérés comme des envoyés des Dieux: ces derniers parlent par leur bouche et la parole poétique prend un caractère sacré. Orphée et Apollon sont les figures mythiques du poète : le premier est capable de charmer tous les êtres vivants au son de sa musique et le second est le Dieu des Arts du Soleil et il règne sur le Parnasse, domaine des Muses. Voilà ce qu’en dit Platon …en traduction
“Ce n’est pas… par art, mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes; et les grands poètes lyriques de même. Car le poète est chose légère, ailée, sacrée, et il ne peut créer avant de sentir l’inspiration, d’être hors de lui et de perdre l’usage de sa raison. Tant qu’il n’a pas reçu ce don divin, tout homme est incapable de faire des vers et de rendre des oracles.[…] . Et si le dieu leur ôte le sens et les prend pour ministres, comme il fait des prophètes et des devins inspirés, c’est pour que nous qui les écoutons sachions bien que ce n’est pas eux qui disent les choses si admirables, puisqu’ils sont hors de leur bon sens, mais que c’est le dieu même qui les dit et qui nous parle par leur bouche.”
La Renaissance célèbre en Pierre de Ronsard le prince des poètes et la Pléiade remet au goût du jour l’Antiquité; L’influence italienne de Pétrarque nous apporte le sonnet . L’idéal classique célèbre les vertus de la rime , de la versification et prône l’utilisation d’une langue soutenue qui se démarque de la langue commune. La poésie est considérée comme une activité bien plus noble que le roman . Au théâtre Racine et Corneille sont célébrés comme de grands poètes avant d’être considérés comme des dramaturges et on admire avant tout la musique de leurs vers.
Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;
Que le début, la fin, répondent au milieu ;
Que d’un art délicat les pièces assorties
N’y forment qu’un seul tout de diverses parties,
Que jamais du sujet le discours s’écartant
N’aille chercher trop loin quelque mot éclatant.
Boileau, Art Poétique, 1674
Les Lumières privilégient la littérature d’idées et se méfient de la poésie qu’ils considèrent comme trop éloignée souvent des préoccupations du peuple . Ils cherchent surtout à réformer les moeurs et à diffuser de nouvelles connaissances. La poésie leur paraît dangereuse car elle habille et travestit les idées avec des mots savants ou précieux qui risquent de ne pas être compris par tous. Ils la considèrent comme un art élitiste, ornemental et peu utile pour diffuser les idées essentielles au Progrès; Pourtant Voltaire écrit ses tragédies en vers et se plaint en poésie dans Le Mondain de ceux qui es tournent ver l’âge d’or et refusent ce siècle de fer.
Au dix-neuvième siècle, deux mouvements vont s’affronter et à travers eux, deux conceptions du poète vont être antagonistes ; il s’agit du romantisme et du Parnasse. Ecoutons Hugo et examinons ses arguments :
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l’homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C’est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,
Comme une torche qu’il secoue,
Faire flamboyer l’avenir !
Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.
On mesure à quel point le rôle du poète est important pour Hugo ; En revanche , Alfred de Musset à qui on demandait pourquoi il était devenu poète, répondit en des termes simples qui excluent toute forme d’engagement moral ou politique .
Faire une perle d’une larme :
Du poète ici-bas voilà la passion,
Voilà son bien, sa vie et son ambition.
Les Parnassiens et les disciples de Théophile Gautier qui a défini un mouvement appelé l’Art pour l’Art , défendent l’idée que la poésie est totalement inutile sur le plan social et politique; elle a comme unique fonction , selon ,eux de créer de la Beauté. Le poète dans l’idéal Parnassien devient alors un artisan habile qui met des rêves en mots. Le travail formel, selon eux, permet au message poétique de devenir pérenne et de résister à l’usure du temps
Sculpte, lime, cisèle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !
Baudelaire partage cet avis parnassien même si on le situe plutôt au carrefour de trois courants romantisme, symbolisme et Parnasse : Ainsi, le principe de la poésie est strictement et simplement l’aspiration humaine vers une beauté supérieure […] ; En 1857, Baudelaire représente une étape importante dans l’histoire de l’évolution de la poésie : romantique par sa forme, il partage certaine idées des Parnassiens et découvre le Symbolisme. Verlaine prolongera cette tendance en renonçant à des formes classiques pour expérimenter des mètres impairs et il ira jusqu’à tenter de restituer une musicalité grâce à une langue simple rythmée et répétitive.
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.
Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.
Verlaine a été marqué par sa rencontre avec Arthur Rimbaud (qui l’a conduit durant un an en prison en 1873pour tentative d’homicide) et ils ont longuement évoqué , à tarer leurs correspondances notamment , leurs conceptions assez voisines mais sensiblement différentes, de la poésie.
Rimbaud dans ses lettres définit avec précision ce que doit être , pour lui, le travail poétique.
La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière. Il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend.
Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.
Donc le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions. Si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme ; si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ;
Au vingtième siècle, le surréalisme va modifier durablement la conception de la poésie ; les poètes se lancent alors dans une double direction: la poésie comme jeu gratuit et futile ou la poésie comme activité révolutionnaire ; L’engagement divise les artistes ; certains y voient un déshonneur alors que les autres considèrent cet engagement comme vital ; Un poète peut également évoluer et modifier ses prises de position au fur et à mesure de son parcours artistique comme le feront Breton, Eduard, Aragon, Char . Voilà une définition humoristique du poète proposée par Supervielle
II traduit en langue nette
Nos infinitésimaux,
Ah ! Donnons-lui, pour sa fête,
La casquette d’interprète !
Comme vous l’a montré ce bref voyage en poésie, les poètes ne sont pas tous d’accord sur ce que doit être la poésie, mais ils en parlent tous avec une même passion et prennent leur rôle très au sérieux. .
Pourquoi Andromaque est-elle selon vous, une héroïne tragique ?
Qui est Andromaque ? Femme d’Hector et princesse troyenne, elle survivra à la disparition de sa ville et deviendra la prisonnière du fils d’Achille , Pyrrhus; Racine au dix-septième siècle, la choisira pour en faire l’héroïne de la tragédie qui porte son nom et il la fait devenir reine d’Epire; Il a imaginé , en effet, un dénouement tragique plutôt heureux pour elle car victime d’un odieux chantage de la part de Pyrrhus, elle s’en sort saine et sauve et réussit à sauver son fils Astyanax , seul survivant de la famille royale troyenne. Pour Racine, elle représente la femme qui doit faire un choix impossible entre sa fidélité à son mari défunt et le devoir de sauver sa lignée en se sacrifiant. Quant à Jean Giraudoux, dans sa pièce La Guerre de Troie n’aura pas lieu , il en fait une femme valeureuse, enceinte d’Hector et prête à tout pour empêcher la guerre : comparons ces deux univers et ces deux représentations de l’héroïne tragique . Plus »
Pour un dramaturge, l’entrée en scène d’un personnage est toujours un moment important dans une représentation. Particulièrement au cours de la scène d’exposition car il faut donner au public de nombreuses informations à la fois sur les personnages ; le cadre et surtout l’action à venir. Que nous apprend cette exposition ?
Exemples de problématiques : Cette scène remplit-elle les fonctions d’une scène d’exposition ?
Quels éléments traditionnels retrouve-t-on dans cette exposition ? Comment cette scène d’exposition introduit-elle l’univers tragique ?
En introduction : que peut -on évoquer ?
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Introduire le classicisme,
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Dire quelques mots à propos de Racine
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Présenter le récit mythologique qui sert de trame à la pièce : la défaite de Troie et la captivité d’Andromaque, princesse troyenne aimée par un jeune roi grec.
Le bac de français nécessite un certain nombre de connaissances sur les objets d’étude ; ce cours d’histoire littéraire qui résume l’évolution des genres et des couranst poétiques vous permettra de pouvoir aborder les commentaires littéraires avec quelques repères d’histoire littéraire. Le journal Le Monde édite chaque année des fiches de révisions pour préparer le bac. Lisez attentivement ce cours, résumez-le sur une fiche en notant scrupuleusement les définitions des mots clés (souvent notés en gras ) , les dates importantes, les noms des principaux poètes et des mots- clés pour définir leurs oeuvres . Tout commence bien sûr dans l’Antiquité avec les Muses ..
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Lorsqu’on parle de poète, on ne peut ignorer le personnage d’Arthur Rimbaud car il représente, à lui seul , une image du poète surdoué, révolté , atypique, inclassable, fou selon les uns, maudit et dépravé selon les autres ; Ses amours violentes avec Paul Verlaine, autre grande figure de la poésie symboliste, ont alimenté durant de nombreuses années les rubriques à scandales des journaux et sa réputation est sulfureuse; Cet adolescent prodige, qui rafla tous les prix de version latine dans son lycée des Ardennes connut une enfance pour le moins mouvementée : il se disputait fréquemment avec sa mère qu’il surnommait la Mère Rimb ..et fugait régulièrement , comme il le raconte dans un de ses plus célèbres poèmes : Ma bohème . Mais qui est vraiment Rimbaud ? Sa biographie nous donne une certaine image de lui mais pour se rapprocher d’encore plus près du poète, examinons sa correspondance. Voici une de ses lettres; Il l’adressa à son professeur de français Monsieur Paul Demeny , l’un des premiers à avoir décelé en lui, le talent de l’écriture . Artur Rimbaud quitta à 17 ans Charleville-Mézières pour monter à Paris et fréquenter les cercles artistiques: il rencontra Paul Verlaine et le suivit jusqu’à Bruxelles ; A la sortie d’une taverne, Verlaine ivre tira sur son jeune amant , sans doute par jalousie carce dernier voulait le quitter . La légende Rimbaud prit ainsi racine dans cette tentative d’homicide sur sa personne.Les deux annnées de prison effectuées par Verlaine en Belgique donnèrent lieu à un nouveau recueil de poèmes intitulé Sagesse . Ensuite que devint Rimbaud? Cela reste un mystère : il s’embarqua pour l’Afrique où il fut, paraît-il trafiquant d’armes et il revint mourir à Marseille à l’âge de 30 ans. Pendant plus de 15 ans, on ne trouva aucun poème de lui, aucune trace d’une activité poétique . Il a , semble-t-il, renoncé à l’écriture.
Lisez attentivement cette lettre et dégagez les grands principes de la poésie pour Rimbaud. Notez les idées et les citations qui vous paraissent importantes pour définir le poète. Définissez les mots qu’il emploie pour parler de sa poésie,les thèmes qu’il entend aborder , les poètes qu’il aime et ceux qu’il déteste ( et pour quelles raisons ) ; définissez également les thèmes et le style des poèmes qu’il insére dans cette longue lettre; Résumez son art poétique, son programme poétique ( c’est à dire sa définition de ce que doit être pour lui la véritable poésie.
Douai.
Charleville, 15 mai 1871.
J’ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. Je commence de suite par un psaume d’actualité :
CHANT DE GUERRE PARISIEN
Le Printemps est évident, car
Du cœur des Propriétés vertes
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes.
Ô mai ! Quels délirants cul-nus !
Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
Écoutez donc les bienvenus
Semer les choses printanières !
Ils ont schako, sabre et tamtam
Non la vieille boîte à bougies
Et des yoles qui n’ont jam…jam…
Fendent le lac aux eaux rougies !…
Plus que jamais nous bambochons
Quand arrivent sur nos tanières
Crouler les jaunes cabochons
Dans des aubes particulières.
Thiers et Picard sont des Éros
Des enleveurs d’héliotropes
Au pétrole ils font des Corots.
Voici hannetonner leurs tropes…
Ils sont familiers du grand truc !…
Et couché dans les glaïeuls, Favre,
Fait son cillement aqueduc
Et ses reniflements à poivre !
La Grand-Ville a le pavé chaud
Malgré vos douches de pétrole
Et décidément il nous faut
Nous secouer dans votre rôle…
Et les ruraux qui se prélassent
Dans de longs accroupissements
Entendront des rameaux qui cassent
Parmi les rouges froissements.
— Voici de la prose sur l’avenir de la poésie —
Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque ; Vie harmonieuse. — De la Grèce au mouvement romantique, — Moyen Âge, — il y a des lettrés, des versificateurs. D’Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d’innombrables générations idiotes : Racine est le pur, le fort, le grand. — On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin Sot serait aujourd’hui aussi ignoré que le premier venu auteur d’Origines. — Après Racine, le jeu moisit. Il a duré deux mille ans !
Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m’inspire plus de certitudes sur le sujet que n’aurait jamais eu de colères un jeune-France. Du reste, libre aux nouveaux ! d’exécrer les ancêtres : on est chez soi et l’on a le temps.
On n’a jamais bien jugé le romantisme ; qui l’aurait jugé ? les critiques !! Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ?
Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène.
Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ! ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs !
En Grèce, ai-je dit, vers et lyres rythment l’Action. Après, musique et rimes sont jeux, délassements. L’étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s’éjouissent à renouveler ces antiquités : — c’est pour eux. L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes ramassaient une partie de ces fruits du cerveau : on agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, l’homme ne se travaillant pas, n’étant pas encore éveillé, ou pas encore dans la plénitude du grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète, cet homme n’a jamais existé !
La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage.
Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé !
— la suite à six minutes —
Ici j’intercale un second psaume, hors du texte : veuillez tendre une oreille complaisante, — et tout le monde sera charmé. — J’ai l’archet en main, je commence :
MES PETITES AMOUREUSES
Un hydrolat lacrymal lave
Les cieux vert-chou :
Sous l’arbre tendronnier qui bave,
Vos caoutchoucs.
Blancs de lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !
Nous nous aimions à cette époque,
Bleu laideron :
On mangeait des œufs à la coque
Et du mouron !
Un soir, tu me sacras poète,
Blond laideron.
Descends ici que je te fouette
En mon giron ;
J’ai dégueulé ta bandoline
Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
Au fil du front.
Pouah ! mes salives desséchées
Roux laideron,
Infectent encor’ les tranchées
De ton sein rond !
Ô mes petites amoureuses,
Que je vous haïs !
Plaquez de fouffes douloureuses,
Vos tétons laids !
Piétinez mes vieilles terrines
De sentiment ;
Hop donc soyez-moi ballerines
Pour un moment !…
Vos omoplates se déboîtent,
Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent
Tournez vos tours.
Et c’est pourtant pour ces éclanches
Que j’ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
D’avoir aimé !
Fade amas d’étoiles ratées,
Comblez les coins
— Vous creverez en Dieu, bâtées
D’ignobles soins !
Sous les lunes particulières
Aux pialats ronds
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !
Voilà. Et remarquez bien que, si je ne craignais de vous faire débourser plus de 60 c. de port, — Moi pauvre effaré qui, depuis sept mois, n’ai pas tenu un seul rond de bronze ! — je vous livrerais encore mes Amants de Paris, cent hexamètres, Monsieur, et ma Mort de Paris, deux cents hexamètres ! — Je reprends :
Donc le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme : si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ;
— Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra ! Il faut être académicien, — plus mort qu’un fossile, — pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie !-
Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle : il donnerait plus — (que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Enormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !
Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; — Toujours pleins du Nombre et de l’Harmonie ces poèmes seront faits pour rester. — Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque. L’art éternel aurait ses fonctions ; comme les poètes sont citoyens. La Poésie ne rhythmera plus l’action, elle sera en avant.
Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme, jusqu’ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons.
En attendant, demandons aux poètes du nouveau, — idées et formes. Tous les habiles croiraient bientôt avoir satisfait à cette demande. — Ce n’est pas cela !
Les premiers romantiques ont été voyants sans trop bien s’en rendre compte : la culture de leurs âmes s’est commencée aux accidents : locomotives abandonnées, mais brûlantes, que prennent quelque temps les rails. — Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. — Hugo, trop cabochard, a bien du vu dans les derniers volumes : Les Misérables sont un vrai poème. J’ai Les Châtiments sous la main ; Stella donne à peu près la mesure de la vue de Hugo. Trop de Belmontet et de Lamennais, de Jéhovahs et de colonnes, vieilles énormités crevées.
Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de visions, — que sa paresse d’ange a insultées ! Ô ! les contes et les proverbes fadasses ! Ô les nuits ! Ô Rolla, Ô Namouna, Ô la Coupe ! Tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré ; français, pas parisien ! Encore une œuvre de cet odieux génie qui a inspiré Rabelais, Voltaire, jean La Fontaine, ! commenté par M. Taine ! Printanier, l’esprit de Musset ! Charmant, son amour ! En voilà, de la peinture à l’émail, de la poésie solide ! On savourera longtemps la poésie française, mais en France. Tout garçon épicier est en mesure de débobiner une apostrophe Rollaque, tout séminariste en porte les cinq cents rimes dans le secret d’un carnet. A quinze ans, ces élans de passion mettent les jeunes en rut ; à seize ans, ils se contentent déjà de les réciter avec cœur ; à dix-huit ans, à dix-sept même, tout collégien qui a le moyen, fait le Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent peut-être encore. Musset n’a rien su faire : il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : il a fermé les yeux. Français, panadif, traîné de l’estaminet au pupitre de collège, le beau mort est mort, et, désormais, ne nous donnons même plus la peine de le réveiller par nos abominations !
Les seconds romantiques sont très voyants : Th. Gautier, Lec. de Lisle, Th. de Banville. Mais inspecter l’invisible et entendre l’inouï étant autre chose que reprendre l’esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Encore a-t-il vécu dans un milieu trop artiste ; et la forme si vantée en lui est mesquine — les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles.
Rompue aux formes vieilles, parmi les innocents, A. Renaud, — a fait son Rolla, — L. Grandet, — a fait son Rolla ; — les Gaulois et les Musset, G. Lafenestre, Coran, CI. Popelin, Soulary, L. Salles ; les écoliers, Marc, Aicard, Theuriet ; les morts et les imbéciles, Autran, Barbier, L. Pichat, Lemoyne, les Deschamps, les Desessarts ; les journalistes, L. Cladel, Robert Luzarches, X. de Ricard ; les fantaisistes, C. Mendès ; les bohèmes ; les femmes ; les talents, Léon Dierx, Sully-Prudhomme, Coppée, — la nouvelle école, dite parnassienne, a deux voyants, Albert Mérat et Paul Verlaine, un vrai poète. — Voilà. — Ainsi je travaille à me rendre voyant. –
Et finissons par un chant pieux.
ACCROUPISSEMENTS
Bien tard, quand il se sent l’estomac écœuré,
Le frère Milotus un œil à la lucarne
D’où le soleil, clair comme un chaudron récuré,
Lui darde une migraine et fait son regard darne,
Déplace dans les draps son ventre de curé.
Il se démène sous sa couverture grise
Et descend ses genoux à son ventre tremblant,
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,
Car il lui faut, le poing à l’anse d’un pot blanc,
À ses reins largement retrousser sa chemise !
Or, il s’est accroupi frileux, les doigts de pied
Repliés grelottant au clair soleil qui plaque
Des jaunes de brioches aux vitres de papiers,
Et le nez du bonhomme où s’allume la laque
Renifle aux rayons, tel qu’un charnel polypier.
Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe
Au ventre : il sent glisser ses cuisses dans le feu
Et ses chausses roussir et s’éteindre sa pipe ;
Quelque chose comme un oiseau remue un peu
À son ventre serein comme un monceau de tripe !
Autour, dort un fouillis de meubles abrutis
Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres,
Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis
Aux coins noirs : des buffets ont des gueules de chantres
Qu’entr’ouvre un sommeil plein d’horribles appétits.
L’écœurante chaleur gorge la chambre étroite,
Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons,
Il écoute les poils pousser dans sa peau moite
Et parfois en hoquets fort gravement bouffons
S’échappe, secouant son escabeau qui boite…
Et le soir, aux rayons de lune qui lui font
Aux contours du cul des bavures de lumière,
Une ombre avec détails s’accroupit sur un fond
De neige rose ainsi qu’une rose trémière…
Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond.
Vous seriez exécrable de ne pas répondre : vite car dans huit jours je serai à Paris, peut-être.
Au revoir,
A. Rimbaud.
Commençons par des éléments biographiques : Olympe de Gouges fut une femme engagée, révolutionnaire et militante des droits des femmes ; Son combat pour l’égalité des droits s’est poursuivi au siècle suivant et la femme que nous allons présenter, Louise Michel, qui sera surnommée la Vierge Rouge , a bien des points communs avec l’autrice de la DDFC . Tout d’abord Louise Michel est une enfant naturelle : sa mère était servante pour un couple de châtelains et à la naissance de Louise, leur fils quitte le château. L’enfant sera élevée par ses parents comme leur fille mais à la mort de ces derniers, sa mère et elle se retrouvent à la rue; Elles viennent vivre à Paris où Louise devient institutrice ; Très vite elle se fait remarquer par Clémenceau et entretient une correspondance avec Victor Hugo qui lui consacrera , bien des années plus tard ,un poème intitulé “Viro major” Plus grande que l’homme , poème dans lequel il fait d’elle un mythe de la Révolte et loue son courage face à la menace de son exécution en 1871, quand elle sera arrêtée parmi les communards. Plus »
En 1725 ,lorsqu’il met en scène L’ile des esclaves, cette comédie philosophique, Marivaux a déjà connu le succès au théâtre avec ses comédies sentimentales : La Surprise de l’amour et La double inconstance ; Il y analyse les rouages des relations amoureuses et tente de faire découvrir à ses personnages ce qu’est une relation sincère , qui ne se fonde ni sur les apparences ni sur la vénalité ou l’intérêt mais simplement sur les mouvements et le langage du coeur; Observateur avisé de ses semblables , le dramaturge se lance avec l’Ile des Esclaves, dans une comédie sociale: il s’agit de critiquer la manière dont les aristocrates traitent leurs domestiques et de leur apprendre , grâce à un renversement des rôles, à se montrer plus humains et plus respectueux . Plus »
Le poète selon René Barbier : vers le commentaire littéraire
Qu’est-ce, au juste , qu’un poète et quel rôle peut -il jouer dans la société ? Inlassablement répétée , cette question hante l’histoire de la littérature. Un chercheur en sociologie, René Barbier, présente en 2001 sa réponse, sous forme de vers libres. Le poème que nous nous proposons d’étudier présente, en effet, différentes facettes du poète et ses nombreux pouvoirs. Formé de 36 vers irréguliers (hétérométriques ) , il comporte quelques rimes soit en fin de vers soit à l’intérieur des vers mais sans schéma prédéfini ; caractéristique de la poésie moderne qui s’est affranchie des règles de la prosodie classique instaurées au dix-septième siècle, ce poème présente donc les pouvoirs du poète et tente d’en saisir les différentes métamorphoses. L’anaphore contribue à construire une sorte d’inventaire des formes qu’emprunte la poésie et on aperçoit, dès la première lecture , de nombreux paradoxes , parfois à la limite de l’antithèse. Il nous faudra analyser méthodiquement les images qui le composent. Toutes renvoient aux principales fonctions attribuées aux poètes au cours des siècles : à la fois guide, voyant, extralucide , et capable de changer le monde en le transformant sous nos yeux. Plus »