
Lorsque Zola publie Germinal en 1880, ce treizième volet de la série des Rougon-Macquart s’intéresse au destin d’Etienne Lantier, un mécanicien au chômage, fils de la blanchisseuse Gervaise , héroïne de l’Assommoir. Ce roman trace un portrait saisissant et réaliste de la situation misérable des ouvriers qui meurent en grand nombre dans l’exploitation des bassins miniers du Nord de la France; Dans l’extrait que nous allons étudier, Etienne se trouve enfin en face de la fosse et observe la descente des ouvriers dans le puits au petit jour . Comment la mine apparaît-elle ici ? Dans un premier temps, nous montrerons le caractère réaliste de la description de la mine; ensuite nous analyserons les particularités du regard du personnage et enfin nous verrons la dimension symbolique de ce premier face à face.
Tout d’abord , le narrateur utilise des termes techniques pour décrire le départ des mineurs. Le lecteur possède ainsi un aperçu des conditions de travail des mineurs . Zola pour écrire son roman s’est largement document et a emprunté des ouvrages techniques dans les bibliothèques : ce type de description se nomme documentaire ou lexicographique . On apprend ainsi que les mineurs descendent dans des cages de fer ( l 86 ) , se changent dans une baraque (l 84 ) et pour les herscheurs, remplissent des “berlines ” (l 88) ; Tous les métiers de la mine sont cités: les personnages sont ainsi parfois réduits à des fonctions tels que “moulineurs” (l 88) et toutes les activités sont détaillées comme celle qui consiste à bosser les veines : “le bois de taille ” est mentionné à la ligne 90.
Un second aspect réaliste de la description consiste à énumérer des petits détails pour renforcer cette illusion réaliste : le narrateur précise, par exemple, le nombre de mètres exact des différents accrochages ” “320 pour le premier” , “554 m ” pour le premier ; Il précise également que les mineurs arrivent “pieds nus” (l 84 ) lampes à la main ” ; Ces détails permettent au lecteur de visualiser plus facilement la scène décrite.

Mais la dimension réaliste de la description est complétée par une dimension subjective qui reflète soit les sentiments du personnage soit le point de vue du narrateur ; Ainsi , Etienne est un néophyte qui découvre le milieu des mines de charbon et Zola présente souvent le milieu vu par ses yeux d’étranger ; cette technique utilisée fréquemment par les auteurs réalistes porte justement le nom de fiction de l’arrivée de l’étranger ; L'écrivain se sert de ce prétexte pour offrir au lecteur de longues descriptions précises de ce que voit le personnage; C'est son regard qui sert de mesure à la description ; C’est pour cette raison qu’on parle de description en partie subjective car elle émane d’un point de vue interne. Le verbe introducteur par exemple, précise à la ligne 80 : “il ne comprenait bien qu’une chose ” : La description a donc pour objectif de préciser les pensées du personnage. Etienne cherche réduire son ignorance en posant des questions à un mineur présent : “c’est profond ?” (l 99 ) ; Son inquiétude est manifeste avec la question suivante : “et quand ça casse ? ” (l 106 ) reprise comme une sorte d’écho fataliste par le personnage; Le héros n’est donc pas seulement un simple spectateur, il oriente la description selon ses intérêts et elle révèle ses craintes ; elle sert à exprimer indirectement certaines pensées du personnage.
Le plus souvent, le narrateur oriente lui aussi la description et lorsqu’il s’agit de décrire la mine, il utilise une dimension symbolique double ; celle l’animalité et celle de la divinité. La mine , Le Voreux est souvent vue comme une grosse bête effrayante ; Zola joue à la fois avec l’animalisation et la personnification : le champ lexical de la digestion est constamment présent comme pour rappeler que la mine dévore les hommes qu’elle absorbe : ” le puits avalait des hommes par bouchées “( l 81 ) “elle les engloutit ( 111) et les dévore (113 ) comme une bête affamée (115 ) ; Les termes utilisés pour décrire le puits sont ceux qu’on emploie pour décrire des parties du corps d’un animal comme “gosier” (82) “gueule plus ou moins gloutonne ” 113 , “boyaux géants” . L’hyperbole “capable de digérer un peuple “ renforce le caractère menaçant du monstre.

Cette bête qui se nourrit de “chair humaine “ représente symboliquement un Dieu cruel et surtout “vorace“; L’analogie avec les Dieux mangeurs d’hommes des religions archaïques permet à Zola de faire comprendre à ses lecteurs qu’aujourd’hui, c’est le Dieu capital qui menace l’existence même des ouvriers ; Il rejoint ansi les thèses marxistes sur la nécessité de la lutte des classes et engage le monde ouvrier dans une révolte contre l’actionnariat . Le lecteur est ainsi indigné de voir comment les ouvriers sont contraints de subir des conditions de travail extrêmement pénibles, inhumaines; Ils deviennent à leur tour des animaux et sont déchus de leur humanité. Zola montre ainsi que la misère renvoie l’être humain à son animalité et à ses instincts. La voix du porion qui sort du porte-voix est assimilée à un “beuglement “et on sonne à la viande” lorsqu’on remonte des ouvriers qui descendent “accroupis ” comme des bêtes;
En conclusion, le personnage du Voreux , monstre dévorateur comme son nom l’atteste, joue un rôle important dans le roman; il montre le danger que représente la mine pour les hommes : ravalés au rang d’animaux, ces derniers luttent pour leur survie et c’est le regard d’étranger d’Etienne, le personnage principal, qui organise le plus souvent la description du travail des mineurs.
Rappel du plan utilisé :
1. description réaliste
a) termes techniques
b) petit détails vrais
2. description du point de vue d’Etienne
a) le regard du personnage organise la description

b) ses impressions
3. Une description symbolique
a) le monstre “animal”
b) la mine menaçante : un Dieu méchant
Les écrivains réalistes ne décrivent pas les personnages de leurs romans pour simplement brosser leurs portraits physiques : ils s’efforcent de les révéler à travers leurs actions et à travers le regard du héros . Pour représenter le forgeron de l’Assommoir, Zola va allier détails réalistes et dimension symbolique du personnage . Les questions qui accompagnaient ce portrait de Gueule d’Or ont pour but de vous faire trouver les axes d’étude de l’extrait . Commençons par la problématique …
Les aspects réalistes du texte (question 3 ) proviennent essentiellement de trois sources :



En effet, les dernières lignes de la description montrent un paysage de mort et de désolation; Gervaise aperçoit les “vieux abattoirs noirs de leur massacre et de leur puanteur” (ligne 20); Cette vision contraste avec le spectacle des “rentiers du voisinage qui se promenaient au soleil “ (ligne 14) Et ce détail morbide voisine avec la description de l’hôpital neuf certes mais “blafard” ; cette personnification peut sembler paradoxale car elle transforme ce lieu où l'on soigne pourtant, en lieu où la mort domine ; la description de l'hôpital incite sur son caractère morbide : les "salles sont nues " , les fenêtres forment des trous "béants "et la mort devait faucher" Cette dernière image clôt le panoramique du quartier sur cette tonalité macabre. En même temps, Gervaise ne sait plus où regarder : se regards sont désormais “perdus”, un peu comme si elle-même , se sentait perdue.


Honoré de Balzac sera un modèle pour de nombreux écrivains qui se voudront réalistes : les 50 volumes de sa Comédie Humaine prétendent dépeindre les lois de la société et ses défauts dans le but de montrer au lecteurs comment s’adapter. Il crée des centaines de personnages qui gravitent dans de nombreux milieux sociaux (aristocratie, petite bourgeoisie, paysans, soldats, ouvriers) et nous observons le monde qu’il décrivent : les nombreuses descriptions permettent de décrire la diversité et l’importance des milieux pour l’avenir des personnages. Gustave Flaubert est également un écrivain réaliste : il s’efforce à travers ses romans de “décrire le médiocre” la banalité du quotidien et il tente de reproduire les nombreux détails qui entourent ses personnages et qui le plus souvent , reflètent leur ennui, leur désœuvrement ou leurs échecs. Victor Hugo lui aussi a eu une période réaliste avec des romans comme Les Misérables, par exemple, où il essaie du reproduire les milieux les plus variés en décrivant le bagne, la misère et la maltraitance ; Ses héros sont des victimes du système social. Zola lui aussi montre tous les misérables de la société , ceux dont on ne parle guère dans la littérature : les pauvres, les petites gens, les ouvriers qui se tuent à la tâche, les marchands, les soldats, les paysans. Les 20 volumes des Rougon-Macquart ont comme sous- titre : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire. Dans chacun de ces romans, Zola tente d’imaginer la réalité sociale, politique et historique de deux branches d’une même famille dont certains membres ont une fêlure héréditaire Il montre sur 5 générations, les aventures des personnages de cette famille : l’un est médecin, l’autre ouvrier dans une mine, une troisième vendeuse aux galeries Lafayettes, un autre prêtre, un dernier plus chanceux , deviendra sénateur; On compte également un artiste : un peintre , une prostituée surnommée Nana, une lingère, un ouvrier zingueur, ainsi qu’un meurtrier, un conducteur de trains et un riche promoteur immobilier. Zola va donner un nom à cette manière plus radicale d’envisager les rapports entre la réalité et le roman; On appelle naturalisme ce mouvement qui cherche à montrer la réalité sous toutes ses formes même les plus sordides; les naturalistes considèrent que “la nature de l’homme est la seule responsable de ses actes“. Les roman doivent aider les lecteurs à comprendre les rouages de l’homme et de la société en décrivant le plus scientifiquement possible, même les réalités les plus affreuses. Guy de Maupassant est le plus jeune des romanciers réalistes de cette période: lui aussi s’efforce de peindre les abandonnés , les laissés pour compte du sytème et de dénoncer le mensonge qui gouverne la société. Le réalisme à ses yeux n’est que “l’illusion complète du vrai” et il écrit dans la préface d’un de ses romans : “les réalistes de talent devraient plutôt s’appeler des Illusionnistes.”













Notre corpus comportait une dizaine de traîtres et l’objectif consistait à les classer en fonction de leur degré de trahison : il fallait donc examiner avec attention le ou les motifs de leurs trahison, en envisager les conséquences, examiner leur place et leur rôle au sein de l’oeuvre . L’observation de ces différents critères permet de fabriquer une sort d’échelle des traitres et d’y situer chaque personnage ; Les femmes : Médée, Phèdre, La Princesse de Clèves ,Roxane et Milady. Et les hommes : Hippolyte le seul innocent pris pour un traitre, le Vicomte de Valmont, Fernand Mondego, Paul Dounat et Tyroen Meehan que nous retrouverons dans Retour à Killybegs.
Si le personage de Milady d’Alexandre Dumas arrive en tête de tous les classements , c’est sans doute, pour différentes raisons : tout d’abord, elle est celle qui renouvelle sans cesse la trahison ; la liste est longue de tous ceux qu'elle a trahis avant même d'agir à la solde du cardinal de Richelieu et de devenir une espionne pour affaiblir la monarchie française. Elle a voulu nuire à ses fiancés, ses maris et ses amants dont elle a tenté de se débarrasser . Elle va même jusqu'à empoisonner une de ses rivales et son exécution à la fin du roman est décrite certes dans un registre pathétique mais semble être l’aboutissement logique du destin de cette femme perfide qui est l’incarnation de la trahison . Le second roman de Dumas, Le Comte de Monte-Cristo comporte également plusieurs personnages de traitres redoutables; L’auteur a choisi de peindre deux figures de traîtres qui agissent pour deux motifs différents : Fernand Mondego est amoureux de la même femme que Dantès et l’emprisonnement de ce dernier, accusé à tort d’avoir conspiré contre le gouvernement, lui permettra d’obtenir enfin l’amour de la femme convoitée en éliminant ce rival. Le second traître agit lui, par ambition et jalousie car il convoite le poste qui semble avoir été promis à Dantés; Tous deux, Danglars et Mondego unissent leur désir de nuire au héros et les conséquences seront tragiques pour le personnage qui effectuera 18 ans de cachot avant de pouvoir s’évader pour accomplir sa vengeance. Milady et Mondego jouent un rôle identique dans le roman : ce sont des opposants au héros et tous deux connaissent le même sort tragique. Dans le roman d’aventures , les rôles sont souvent assez manichéens : les bons contre les méchants . 

