30. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Le Voreux dans Germinal : un personnage important; Résumé d’un commentaire littéraire ( première Partie chapitre 3) · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Lorsque Zola publie Germinal en 1880, ce treizième volet de la série des Rougon-Macquart s’intéresse au destin d’Etienne Lantier, un mécanicien au chômage, fils de la blanchisseuse Gervaise , héroïne de l’Assommoir. Ce roman trace un portrait saisissant et réaliste de la situation misérable des ouvriers qui meurent en grand nombre dans l’exploitation des bassins miniers du Nord de la France; Dans l’extrait que nous allons étudier, Etienne se trouve enfin en face de la fosse et observe la descente des ouvriers dans le puits au petit jour . Comment la mine apparaît-elle ici ? Dans un premier temps, nous montrerons le caractère réaliste de la description de la mine; ensuite nous analyserons les particularités du regard du personnage et enfin nous verrons la dimension symbolique de ce premier face à face.

Tout d’abord , le narrateur utilise des termes techniques pour décrire le départ des mineurs. Le lecteur possède ainsi un aperçu des conditions de travail des mineurs . Zola pour écrire son roman s’est largement document et a emprunté des ouvrages techniques dans les bibliothèques : ce type de description se nomme documentaire ou lexicographique . On apprend ainsi que les mineurs descendent dans des cages de fer ( l 86 )  , se changent dans une baraque (l 84 ) et pour les herscheurs, remplissent des “berlines ” (l 88) ; Tous les métiers de la mine sont cités: les personnages sont ainsi parfois réduits à des fonctions tels que “moulineurs” (l 88) et toutes les activités sont détaillées comme celle qui consiste à bosser les veines  : “le bois de taille ” est mentionné à la ligne 90.

Un second aspect réaliste de la description consiste à énumérer des petits détails pour renforcer cette illusion réaliste : le narrateur précise, par exemple, le nombre de mètres exact des différents accrochages ” “320 pour le premier” , “554 m ” pour le premier ; Il précise également que les mineurs arrivent “pieds nus” (l 84 ) lampes à la main ” ; Ces détails permettent au lecteur de visualiser plus facilement la scène décrite. 

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Mais la dimension réaliste de la description est complétée par une dimension subjective qui reflète soit les sentiments du personnage soit le point de vue du narrateur ; Ainsi , Etienne est un néophyte qui découvre le milieu des mines de charbon et Zola présente souvent le milieu vu par ses  yeux d’étranger ; cette technique utilisée fréquemment par les auteurs réalistes porte justement le nom de fiction de l’arrivée de l’étranger ; L'écrivain se sert de ce prétexte pour offrir au lecteur de longues descriptions précises de ce que voit le personnage; C'est son regard qui sert de mesure à la description ; C’est pour cette raison qu’on parle de description en partie  subjective  car elle émane d’un point de vue interne. Le verbe introducteur par exemple, précise à la ligne 80 : “il ne comprenait bien qu’une chose ” : La description a donc pour objectif de préciser les pensées du personnage. Etienne cherche réduire son ignorance en posant des questions à un mineur présent : “c’est profond ?” (l 99 ) ; Son inquiétude est manifeste avec la question suivante : “et quand ça casse ? ”  (l 106 ) reprise comme une sorte d’écho fataliste par le personnage; Le héros n’est donc pas seulement un simple spectateur, il oriente la description selon ses intérêts et elle révèle ses craintes ; elle sert à exprimer indirectement  certaines pensées du personnage.

Le plus souvent, le narrateur oriente lui aussi la description et lorsqu’il s’agit de décrire la mine, il utilise une dimension symbolique double ; celle l’animalité et celle de la divinité. La mine , Le Voreux est souvent vue comme une grosse bête effrayante ; Zola joue à la fois avec l’animalisation et la personnification : le champ lexical de la digestion est constamment présent comme pour rappeler que la mine dévore les hommes qu’elle absorbe : ” le puits avalait des hommes par bouchées “( l 81 ) “elle les engloutit ( 111) et les dévore (113 ) comme une bête affamée (115 ) ; Les termes utilisés pour décrire le puits sont ceux qu’on emploie pour décrire des parties du corps d’un animal comme “gosier” (82) “gueule plus ou moins gloutonne ” 113 , “boyaux géants” . L’hyperbolecapable de digérer un peuple “  renforce le caractère menaçant du monstre.

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Cette bête qui se nourrit de “chair humaine “ représente symboliquement un Dieu cruel  et surtout “vorace“; L’analogie avec les Dieux mangeurs d’hommes des religions archaïques permet à Zola de faire comprendre à ses lecteurs qu’aujourd’hui, c’est le Dieu capital qui menace l’existence même des ouvriers ; Il rejoint ansi les thèses marxistes sur la nécessité de la lutte des classes et engage le monde ouvrier dans une révolte contre l’actionnariat . Le lecteur est ainsi indigné de voir comment les ouvriers sont contraints de subir des conditions de travail extrêmement pénibles, inhumaines; Ils deviennent à leur tour des animaux et sont déchus de leur humanité. Zola montre ainsi que la misère renvoie l’être humain à son animalité et à ses instincts. La voix  du porion qui sort du porte-voix est assimilée à un “beuglement  “et on sonne à la viande” lorsqu’on remonte des ouvriers  qui descendent “accroupis ” comme des bêtes;

En conclusion, le personnage du Voreux , monstre dévorateur comme son nom l’atteste, joue un rôle important dans le roman; il montre  le danger que représente la mine pour les hommes : ravalés au rang d’animaux, ces derniers luttent pour leur survie et c’est le regard d’étranger d’Etienne, le personnage principal, qui organise le plus souvent la description du travail des mineurs. 

Rappel du plan utilisé : 

1. description réaliste 

a) termes techniques  

b) petit détails vrais

2. description du point de vue d’Etienne 

a) le regard  du personnage organise la description 

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b) ses impressions 

3. Une description symbolique 

a) le monstre “animal” 

b) la mine menaçante : un Dieu méchant 

29. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Portrait d’un ouvrier au travail : Gueule d’Or le forgeron de l’Assommoir · Catégories: Seconde · Tags: ,

Les écrivains réalistes ne décrivent pas les personnages de leurs romans pour simplement brosser leurs portraits physiques : ils s’efforcent de les révéler à travers leurs actions et à travers le regard du héros  . Pour représenter le forgeron de l’Assommoir, Zola va allier détails réalistes et dimension symbolique du personnage . Les questions qui accompagnaient ce portrait de Gueule d’Or ont pour but de vous faire trouver les axes d’étude de l’extrait . Commençons par la problématique …

Il s’agit d’un portrait du personnage de Gueule d’Or : comment Zola décrit -il ce personnage paraît une problématique tout à fait adaptée à un commentaire littéraire.  (question 1 ) Dès la première lecture, à partir des observations faites dans le texte, on peut constater que ce portrait est tout d’abord guidé par un regard (ce qu’on appelle un point de vue ) : celui qu’échangent Gervaise et Goujet  ;  cette dernière , secrètement amoureuse de lui, admire cet homme beau et gentil .On peut assez facilement voir apparaître les notations mélioratives avec la beauté du personnage , sa force et son habileté. Mais en y regardant d’un peu plus près, on découvrira que la dimension réaliste est parfois délaissée au profit d’une dimension symbolique : le personnage est alors comparé à une divinité , à une statue grecque voir au Dieu Forgeron .

Les aspects réalistes du texte  (question 3 ) proviennent essentiellement de trois sources :

  • tout d’abord les petit détails vrais et précis  comme les gouttes de super ( 20 ) , le nombre esse coups de marteau ( 21, 22, 23 ) ;
  • ensuite le vocabulaire technique de l’artisanat  ( jeu classique balancé , fer rouge, science réfléchie, écrasant le métal au milieu , le modelant par une série de coups d’une précision rythmée ( 9 ) 
  • enfin l’imitation de la manière de parler (familière et  imagée – des ouvriers ) avec toute une série de mots que les écrivains n’ont pas l’habitude d’employer dans leur roman s comme ” chahut, bastringue, guibolle ( 4 ) , gaillard ( 11) 

Mais pour répondre à la dernière question, il fallait noter que Zola employait certains procédés qui transforment le personnage et ses outils . Le forgeron devient un Dieu ( l 13) cheveux et barbe s’allumaient , fils d’or, figure d’or , épaules et bras sculptés copiés sur ceux d’un géant, montagnes de chair , clarté, tout-puissant , comme un bon Dieu.”  Les comparaisons, les hyperboles  et les métaphores font de l’ouvrier au travail un personnage légendaire comparable à un Dieu. Il atteint ainsi une dimension symbolique . I   II 

Zola , dans cet extrait , effectue donc le portrait en action d’un ouvrier au travail à travers le regard admiratif de Gervaise qui le transforme en divinité. Le plan du commentaire littéraire devra donc tenir compte de tous ces éléments qui composent le portrait de Gueule d’Or. Vous trouverez en pièce jointe des liens qui vous montreront d’autres possibilités de plans . Prenez le temps de les observer et de les comparer. 

 I Un ouvrier doué et admiré pour son savoir – faire   ” un homme magnifique au travail ”  

a) il maitrise ses gestes : il est admirable dans son travail ; la précision des petits détails (sueur,  nombre de coups, rythme, jeu balancé ) 

b) il aime son travail :  il a le goût du travail bien fait et compare son outil à une femme aimée ( la personnification de Fifine ) 

c) le regard de la femme amoureuse : il est fort ce qui rassure Gervaise et il ne boit pas ( 9 et 10 ; 11 ce gaillard là , poitrine vaste à y coucher une femme ) 

II Un homme que tous admirent et qui devient un Dieu  “il devenait beau, tout puissant comme un bon Dieu “

a) une musculature hors du commun : il est très imposant physiquement ( 16/17 ) 

b) des qualités de statue antique : il ressemble à un géant tellement il est musclé , figure d’or ( 14 ) 

c) il devient un Dieu : il est comme Vulcain qui forge les rames des Dieux et il est transformé par un éclat divin ( 18/19/20 ) 

Vous pouvez aussi lire …

 

http://www.bacdefrancais.net/assommoir-zola-6.php

09. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Décrire un quartier de Paris : l’Assommoir de Zola · Catégories: Seconde

Les écrivains réalistes motivent leurs descriptions en utilisant parfois  le point de vue d’un personnage du roman, généralement le héros. Ce type de description impressionniste limite la perception du décor car le champ de vision n’excède pas celui du personnage et le décor est perçu à travers les sensations du personnage . En réalité , la description est  toujours organisée selon un double point de vue. Le narrateur omniscient utilise une toponymie précise et donne de nombreux petit détails qui authentifient la scène et donnent l’illusion de sa dimension réaliste et parfois, il utilise la perception du personnage pour garantir une impression de subjectivité.  Voyons comment fonctionne alors la description impressionniste avec Gervaise …

Dans cet extrait de l’Assommoir, Gervaise attend, inquiète, son compagnon qui n’est pas rentré de la nuit; elle se poste à la fenêtre de leur logement afin de tenter de le repérer parmi la foule : comment Zola traduit-il l’inquiétude du personnage ? Tout d’abord, Gervaise est présentée dans l’action même de l’attente : “elle s’entêta encore à la fenêtre pendant deux mortelles heures” ; L'adjectif mortelle montre bien à quel point le temps peut lui sembler long; le spectacle de la foule ne parvient pas à la distraire et on devine qu’elle cherche à distinguer quelqu’un dans “le flot des blouses” . Ici la métaphore habituelle assimile la foule des travailleurs à une mer pour en révéler le caractère protéiforme et innombrable. De plus, la métonymie “blouse” qui réduit l’ouvrier à son vêtement de travail contribue à uniformiser ces travailleurs qui se ressemblent tous parce qu’ils portent la même tenue. Il devient donc particulièrement difficile de les différencier. De plus, la plupart marchent vite “à grandes enjambées “ (l 4) et on peut imaginer que leur vitesse de déplacement gêne considérablement Gervaise dans ses repérages.

Lorsque les piétons se font plus rares et que les femmes ont remplacé les hommes, alors Gervaise craint de ne plus jamais revoir Lantier et elle commence à se sentir mal: “elle se sentit étouffer ” à la ligne 17 et fut “saisie d’un vertige d’angoisse” ; Ces symptômes de souffrance physique sont la traduction de son inquiétude qui est passée au stade de l’angoisse; L’attente a donc aggravé son inquiétude car le mot angoisse signifie une peur très  importante; L’idée de la mort fait alors son apparition dans le texte, introduite par cette expression ” il lui semblait que tout était fini, que les temps étaient finis”   ( l 18) La répétition du verbe finir ainsi que le pluriel biblique utilisé ici pour le mot temps  nous rapproche d’une tonalité morbide ; le décor va alors prendre le relais pour diffuser les impressions du personnage .

En effet, les dernières lignes de la description montrent un paysage de mort et de désolation; Gervaise aperçoit les “vieux abattoirs noirs de leur massacre et de leur puanteur”  (ligne 20); Cette vision contraste avec le spectacle des “rentiers du voisinage qui se promenaient au soleil “ (ligne 14) Et ce détail morbide voisine avec la description de l’hôpital neuf certes mais “blafard” ; cette personnification  peut sembler paradoxale car elle transforme ce lieu où l'on soigne pourtant, en lieu où la  mort domine  ; la description de l'hôpital incite sur son caractère morbide : les "salles sont nues " , les fenêtres forment des trous "béants "et la mort devait faucher" Cette dernière image clôt le panoramique du quartier  sur cette tonalité macabre. En même temps, Gervaise ne sait plus où regarder : se regards sont désormais “perdus”, un peu comme si elle-même , se sentait perdue.

Gervaise est bien morte d’inquiétude après cette nuit blanche passée à attendre; elle imagine le pire pour son compagnon qui en réalité , a passé la nuit chez sa maîtresse et la détresse de la jeune femme donnera, elle aussi , naissance à des paysages tristes où règnera la misère de ce quartier ouvrier de Paris. L’impression dominante de laideur et de  pauvreté  est  en fait, en grande partie,  aggravée par l’état d’âme du personnage qui décrit le milieu qui l’environne.

07. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Zola en quelques mots · Catégories: Seconde

Emile Zola est connu pour avoir été le chef de file du mouvement réaliste et le créateur de son extension, le mouvement naturaliste; Voici une biographie simplifiée de l’auteur des Rougon-Macquart . Artiste engagé, il a été critiqué à son époque pour avoir choisi de rejoindre le courant réaliste; Loin d’enjoliver la réalité, ses romans et ses  histoires dépeignent des milieux qu’on ne rencontrait que rarement dans la littérature: les ouvriers, les marginaux, les filles de joies, les fous, les alcooliques, les pauvres,les artistes ratés, les meurtriers sont les personnages principaux des romans de Zola; On lui reproche son goût pour la saleté, la misère et la laideur; Il répondit à ses détracteurs qu ‘il voyait le monde comme il était vraiment , dans son intégralité et que c’est le devoir de la littérature de dépeindre toutes les facettes de la société. Selon Zola, le roman est le laboratoire du monde ...

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Né à Paris en 1840, mort dans des circonstances mystérieuses en 1902 (on a parlé d’un empoisonnement au monoxyde de carbone),  il est l’auteur du cycle des Rougon-Macquart : 20 volumes qui décrivent chacun un milieu et des membres d’une même famille . L’ histoire de ces deux familles commence avec :  La Fortune des Rougon  qui dépeint l’ascension d’ Eugène Rougon, le héros , un politicien sans scrupule, dont on retrouve le frère, un promoteur immobilier qui achète des quartiers entiers de Paris pour construire les grands boulevards . Ce Rougon, une fois à Paris va changer de nom et se fait appeler Aristide Saccard dans  La Curée,  Ce second roman de la série, a pour cadre   le Paris des spéculateurs immobiliers . Le troisième roman,Dans  Le ventre de Paris, décrit des héros qui  sont  tous des marchandes des Halles; L’Assommoir (n °7) évoque la misère des ouvriers et leur alcoolisme. Germinal (n° 13) lui, est un roman social qui dépeint  les luttes des mineurs contre le patronat et le début de la lutte dse classes. Nana raconte l’enfer de la prostitution. Zola est également un  artiste engagé : fervent soutien des républicains,il a pris le parti du capitaine Albert Dreyfus en écrivant une lettre ouverte au président de la République où il accuse le gouvernement et l’armée d’avoir menti  et caché la vérité au peuple français. Sa défense de l’accusé de l’affaire Dreyfus) (1898) lui a vau de nombreux ennemis. Ses romans furent parfois critiqués: on le considérait à l’époque, comme un auteur obscène, ordurier et sans talent. 

Quelques mots pour le qualifier : artiste engagé, roman social, naturalisme , lutte des classes, déterminisme, peindre la réalité, Rougon-Macquart , journaliste, Dreyfusard, marxiste, progressiste, j’accuse, Lantier, Maheu, Germinal, L’Assommoir, Le Ventre de Paris, Gervaise, Nana, ami des peintres. 

07. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Qu’est-ce que le réalisme: évolution d’un courant littéraire . · Catégories: Seconde

Ce mot réalisme correspond a plusieurs définitions et il est susceptible d’avoir différents sens; Qu’appelle-t-on au juste réalisme en littérature ? C’est une notion largement débattue et que nous tenterons de définir en examinant ce mouvement littéraire apparu historiquement à la fin du dix-neuvième siècle; néanmoins, le mot réalisme  est encore utilisé de nos jours par définir des éléments qui nous semblent proches de la réalité, par opposition à la fiction ; On parlera ainsi d'un film réaliste en expliquant qu'il ressemble à la vraie vie : les héros n'y sont pas parfaits, ni trop beaux, ni trop exceptionnels; Ce sont des gens ordinaires et les véhéments qui sont décrits présentent un caractère "non incroyable ". En littérature, c'est tout aussi compliqué … 

Au sens premier, on appelle réalistes les ouvrages qui tentent de reproduire les multiples facettes de la réalité et ce , à toutes les époques; Ainsi, on opposera des ouvrages dont les fictions peuvent sembler vraies, aux ouvrages dont les histoires paraissent irréelles comme les contes de fées ou les récits de science-fiction; on peut ainsi dire d’un film qu’il est réaliste si la caméra montre de nombreux détails, si les personnages ne sont pas embellis et si les situations ressemblent à des situations vécues, qui peuvent se produire dans la vie. Mais ce sens large du mot réalisme est complété par un autre sens , plus restreint: celui de mouvement réaliste artistique.

On nomme réalisme le mouvement littéraire qui s’oppose  au romantisme à partir des années 1830 et se poursuit jusqu’ à nos jours. Ce mouvement est un héritage de l’esprit des Lumières du dix-huitième siècle , ces hommes  qui croyaient au Progrès ,notamment grâce aux découvertes scientifiques. Ce mouvement est né du positivisme d’Auguste Comte et il se fixe comme objectif de décrire objectivement les faits et d’expliquer leurs causes afin d’éduquer leurs lecteurs. Ainsi, les écrivains dits réalistes veulent s’en tenir aux faits précis et à leur description: ils étudient les hommes en se basant sur leurs comportements et leur appartenance à un milieu social car ils pensent que l’influence du milieu dans lequel on vit ,est déterminante pour expliquer noter évolution; On nomme cette théorie le déterminisme. Ils tentent de limiter la subjectivité dans leurs romans et d‘explorer tous les milieux de vie, tous les petits détails qui donnent une dimension réaliste aux romans.

Stendhal peut être qualifié de romancier réaliste dans une certaine mesure car ses romans se situent dans des milieux précis décrit au moyen de petits faits  qui donnent l’impression de reproduire la réalité. En revanche, ses héros demeurent des personnages exceptionnels et font part de leurs sentiments. Honoré de Balzac sera un modèle pour de nombreux écrivains qui se voudront réalistes : les 50 volumes de sa Comédie Humaine prétendent dépeindre les lois de la société et ses défauts dans le but de montrer au lecteurs comment s’adapter. Il crée des centaines de personnages qui gravitent dans de nombreux milieux sociaux (aristocratie, petite bourgeoisie, paysans, soldats, ouvriers)  et nous observons le monde qu’il décrivent : les nombreuses descriptions permettent de décrire la diversité et l’importance des milieux pour l’avenir des personnages. Gustave Flaubert est également un écrivain réaliste : il s’efforce à travers ses romans de “décrire le médiocre” la banalité du quotidien et il tente de reproduire les nombreux détails qui entourent ses personnages et qui le plus souvent , reflètent leur ennui, leur désœuvrement ou leurs échecs. Victor Hugo lui aussi a eu une période réaliste avec des romans comme Les Misérables, par exemple, où il essaie du reproduire les milieux les plus variés en décrivant le bagne, la misère et la maltraitance ; Ses héros sont des victimes du système social. Zola lui aussi montre tous les misérables de la société , ceux dont on ne parle guère dans la littérature : les pauvres, les petites gens, les ouvriers qui se tuent à la tâche, les marchands, les soldats, les paysans. Les 20 volumes des Rougon-Macquart ont comme sous- titre : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire. Dans chacun de ces romans, Zola tente d’imaginer la réalité sociale, politique et historique de deux branches d’une même famille dont certains membres ont une fêlure héréditaire Il montre sur 5 générations, les aventures des personnages de cette famille : l’un est médecin, l’autre ouvrier dans une mine, une troisième vendeuse aux galeries Lafayettes, un autre prêtre, un dernier plus chanceux , deviendra sénateur; On compte également un artiste : un peintre , une prostituée surnommée Nana, une lingère, un ouvrier zingueur, ainsi qu’un meurtrier, un conducteur de trains et un riche promoteur immobilier. Zola va donner un nom à cette manière plus radicale d’envisager les rapports entre la réalité et le roman; On appelle naturalisme ce mouvement qui cherche à montrer la réalité sous toutes ses formes même les plus sordides; les naturalistes considèrent que “la nature de l’homme est la seule responsable de ses actes“. Les roman doivent aider les lecteurs à comprendre les rouages de l’homme et de la société en décrivant le plus  scientifiquement possible, même les réalités  les plus affreuses.  Guy de Maupassant est le plus jeune des romanciers réalistes de cette période: lui aussi s’efforce de peindre les abandonnés , les laissés pour compte du sytème et de dénoncer le mensonge qui gouverne la société. Le réalisme à ses yeux n’est que “l’illusion complète du vrai” et il écrit dans la préface d’un de ses romans : “les réalistes de talent devraient plutôt s’appeler des Illusionnistes.”

Le réalisme regroupe donc de nombreux écrivains qui se donnent comme mission de montrer la réalité telle qu’elle est pour nous permettre de mieux comprendre le monde.Le roman est un instrument d’exploration et d’élucidation du réel ; Zola envisage l'art du romancier comme un art expérimental au service du progrès. Les peintres réalistes poursuivent le même but.

07. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Germinal : l’essentiel ..le résumé du résumé · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Publié en 1885, Germinal fait partie de la série Rougon-Macquart. Il est la treizième œuvre de cette série qui compte vingt ouvrages.

Roman de la lutte des classes et de la révolte socialeGerminal est un vibrant plaidoyer en faveur des déshérités et des exploités. Portée par un puissant souffle lyrique, cette œuvre épique et poignante exprime le rêve de Zola   ” d’un seul peuple fraternel faisant du monde une cité unique de paix, de vérité et de justice”.

” sans prétendre être le premier roman à évoquer le monde ouvrier , Germinal en donne l’une des images les plus puissantes. Peinture précise et épique à la fois de la vie quotidienne , du labeur et des souffrances des mineurs, il organise savamment une progression vers le point culminant de la grève et de la catastrophe finale, ouvrant sur la perspective utopique de la cité future…”

Fils de Gervaise Macquart et de son amant Lantier, le jeune Etienne Lantier s’est fait renvoyer de son travail pour avoir donné une gifle à son employeur. Chômeur, il part, en pleine crise industrielle, dans le Nord de la France, à la recherche d’un nouveau emploi. Il se fait embaucher aux mines de Montsou et connaît des conditions de travail effroyables (pour écrire ce roman, Emile Zola s’est beaucoup documenté sur le travail dans les mines)

Il fait la connaissance d’une famille de mineurs, les Maheu et tombe amoureux de la jeune Catherine. Mais celle-ci est la maîtresse d’un ouvrier brutal, Chaval, et bien qu’elle ne soit pas insensible à Etienne, elle a à son égard une attitude étrange.

Etienne s’intègre vite parmi le peuple des mineurs. Il est révolté par l’injustice qu’il découvre et par les conditions de vie des mineurs. Il propage assez rapidement des idées révolutionnaires. 

Lorsque la Compagnie des Mines , arguant de la crise économique, décrète une baisse de salaire, il pousse les mineurs à la grève. Il parvient à vaincre leur résignation et à leur faire partager son rêve d’une société plus juste. 

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Lorsque la grève éclate, la Compagnie des Mines adopte une position très dure et refuse toute négociation. Affamés par des semaines de lutte, le mouvement se durcit. Les grévistes cassent les machines et les installations minières et agressent les bourgeois. Les soldats viennent rétablir l’ordre mais la grève continue. De nombreux mineurs défient les soldats qui tirent sur les manifestants : Maheu, l’ouvrier chez qui Lantier avait pris pension, est tué.

La grève est un échec. Les mineurs se résignent à reprendre le travail. C’est alors que Souvarine, un ouvrier anarchiste , sabote la mine. De nombreux mineurs meurent. Etienne, Catherine et Chaval, son amant, sont bloqués dans la mine. Chaval provoque Etienne qui le tue. Il devient enfin l’amant de Catherine qui meurt dans ses bras avant l’arrivée des sauveteurs. Etienne sort vivant de cet enfer, et part pour Paris. 

Même si la révolte a échoué, Etienne est plein d’espoirs dans la lutte que les ouvriers mènent contre les inégalités. Un jour, il en est persuadé , ils vaincront l’injustice….

07. janvier 2019 · Commentaires fermés sur L’arrivée d’Etienne à Montsou dans Germinal · Catégories: Seconde · Tags: ,
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L’ incipit d’un roman pose un horizon d’attente pour le lecteur et offre des informations  sur le cadre, les personnages et l’intrigue; Cette tradition est respectée par Emile Zola qui nous offre avec l’arrivée de son héros Etienne, un aperçu des techniques de description du roman réaliste ; Nous pouvons donc nous demander, par exemple, comment la description est organisée ou  quelles techniques réalistes sont ici utilisées au sein de la description et quels points de vue l’organisent. Pour  réaliser ce commentaire littéraire, nous avons choisi une problématique centrée sur le personnage du héros; Lisez ci-dessous un exemple d’introduction , le plan détaillé et la fin de la rédaction des parties 2 et 3.

En 1880, Emile Zola, chef de file du courant réaliste et fondateur du naturalisme, publie le treizième volume de sa série les Rougon Macquart , intitulé Germinal. Ce roman dépeint les tristes conditions de vie des mineurs de charbon du nord de la France, contraints  de travaillerdurement pour des actionnaires toujours plus avides de s’enrichir , dans un contexte économique difficile de mutations industrielles . Le héros Etienne Lantier, fils de Gervaise  arrive ici à Montsou et va découvrir l’univers des mineurs; Comment ce personnage est-il dépeint ? Nous étudierons d’abord son arrivée dans un milieu hostile avant de montrer son dénuement et enfin sa souffrance. ….

Plan détaillé : 

I
 

L’arrivée en milieu hostile

1. Une obscurité menaçante

2. Solitude et peur de l’inconnu 

3. Une perception limitée de son environnement : la dimension réaliste 

II Un personnage démuni (suite de la rédaction ) et souffrant 

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Le personnage d’Etienne , ouvrier sans travail , ne possède que quelques hardes qu’il transporte dans “un petit paquet “l 13 ; De plus, ses vêtements sont décrits comme usés à force d’avoir été portés ; Ainsi le coton de sa veste est présenté comme “amoindri” l 12 ; Usure ou peut -être mauvaise qualité du vêtement : la tenue vestimentaire d’ Etienne n’est pas adaptée à son nouvel environnement ; Le froid le fait vraiment souffrir et la métaphore les “lanières du vent ” à la ligne 17, assimile cet élément du décor à un véritable instrument de torture comme un fouet qui blesse  le personnage; Zola évoque ainsi, de manière imagée, la morsure du gel sur le corps ; 

Cette souffrance du héros est également rendue visible par ses mains gourdes que le vent fait “saigner” ; à cette souffrance physique s'ajoute une souffrance morale; Sans travail et sans ressources, Etienne paraît bien démuni et condamné à accepter n'importe quelle offre pour survivre dans ce milieu rigoureux; Le lecteur ne peut s'empêcher de trouver le héros pathétique d’autant qu’il est présenté comme craintif : “pris de crainte ” ligne 23 , il hésite à s’approcher de la mine qui est perçue d’instinct, comme dangereuse pour lui ; mais le “besoin douloureux de se chauffer ” est plus fort que ses appréhensions et Zola démontre ainsi que son personnage se laisse guider par des besoins vitaux; Comme tous les romanciers réalistes, Zola motive les actions de son personnage en précisant à chaque fois au lecteur ce qui le fait agir de la sorte. 

III. Le personnage: un foyer de perception 

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Bonnemort dans le film 

La dernière partie du passage se focalise sur la vision du personnage et présente la première apparition de la mine : le narrateur utilise le personnage d’Etienne pour en faire le foyer de perception de la description qui s’organise ainsi , à partir de son point de vue ; Au gré de ses déplacements et de ses mouvements, les bâtiments disparaissent ou réapparaissent; ainsi , par exemple,  lorsque le chemin descend : “Tout disparut ” ; Il s’agit d’une technique de description réaliste qui consiste à modifier le champ de vision en suivant les déplacements et les sensations du personnage qui est le foyer principal;  Etienne se trouve alors face au Voreux présenté comme “une apparition fantastique ,noyée de nuit et de fumée ” l 39 ; La mine est personnifiée comme l’indique le choix de l’adjectif “tristes “ pour qualifier les “lanternes ” et la cheminée est présentée comme une silhouette ; La fosse semble ainsi vivante et on peut entendre sa respiration  (l 40) 

Ainsi, ce passage a pour fonctions de présenter le personnage d’Etienne et  de peindre longuement  le milieu dans lequel le personnage va évoluer , s’adapter et au final se transformer. Le héros apparaît craintif et démuni mais il n’a rien à perdre. 

06. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Quand Zola imagine la révolution : un roman “visionnaire ” et pas toujours réaliste … · Catégories: Seconde · Tags: , ,
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 En lisant Germinal, on pourrait penser qu’il ne s’agit pas vraiment d’un roman mais plutôt d’un traité politique sur les révolutions ouvrières; Cependant, ce serait oublier qu’il s’agit avant tout d’un roman et donc d’une oeuvre née de l’imagination de son auteur.  L’un des meilleurs spécialistes de Zola, le professeur Henri Mitterand, a écrit un article dont je vous livre ici quelques passages : il y rappelle qu’au delà du projet de peindre les rapports entre les ouvriers et les patrons , ce livre raconte  aussi la vision du monde de son auteur . Le roman est le soulèvement des salariés, le coup d’épaule donné à la société qui craque un instant : en un mot la lutte du travail et du capital. Zola  veut que son roman prédise l’avenir, posant la question la plus importante du vingtième siècle. »  Mais est-il toujours réaliste dans sa description de la révolution et des mineurs  ?  

Zola, encore mal informé de la conduite des grèves, peine à évacuer les sauvageries simplistes et les fantasmes sanglants : « Lorsque la grève éclate, explosion d’autant plus violente que la misère, la souffrance a été plus grande ; et là aussi pousser au dernier degré possible de la violence. Les ouvriers lâchés vont jusqu’au crime : il faut que le lecteur bourgeois ait un frisson de terreur. Maison attaquée à coups de pierres, siège en règle ; personnes tuées, éventrées, sauvagerie abominable. »

Et en tout cas l’idée de lâcher les ouvriers jusqu’au crime sera abandonnée. Il y aura trois sortes de meurtriers dans le roman, et ce ne seront pas des hommes du fond : des femmes rendues folles de fureur, un enfant infirme et qui s’est exclu de la communauté familiale et sociale Jeanlin qui a vraiment mal tourné , un vieillard devenu fou  Bonnemort  –  qui tuent trois figures également marginales à l’affrontement direct « du travail et du capital », un petit commerçant, Maigrat, une sentinelle de l’armée, et la fille du couple d’actionnaires, Cécile Grégoire.

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Zola a choisi ce titre Germinal plusieurs jours avant son départ  pour la région des mines ; C’est une trouvaille : L’annonce, la prophétie, se dit en grec évangile, et de nombreuses images de la révolution la présentent comm une sorte de cité idéale, un lieu paradisiaque. Le mot évoque historiquement le printemps, la faim,– et aussi la défaite du peuple. Et il porte étymologiquement l’idée de la graine et de la germination.: « Un titre exprimant la poussée d’hommes nouveaux […] un avril révolutionnaire, une envolée de la société caduque dans le printemps. » «« Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les révoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre ». Quand il arrive sur place dans le Nord, Zola se fait raconter la journée d’un mineur de fond : lever à quatre heures, départ « en emportant le déjeuner, des tartines ou de la viande et une gourde de café », descente au fond, chemin jusqu’à la taille, « souvent deux kilomètres à faire sous terre », travail, déjeuner accroupi sur le chantier, retour. Les femmes et les filles travaillent au triage du charbon, en surface : Catherine Maheu descendra dans les galeries, mais l’action du roman se passera en 1866, plusieurs années avant la loi épargnant aux femmes le travail au fond. La fréquentation des cabarets n’arrange rien. Zola est entré au cabaret de La cantinière. On y boit en silence des chopes de bière à deux sous, tirées à des robinets. Le café et la bière, ce sont les deux boissons du Nord, l’une à domicile, l’autre au cabaret. On retrouver bien ces petits détails vrais dans le roman. 
L’imagination de Zola travaille en même temps que sa curiosité d’enquêteur. Sur ce qu’il a vu à la fosse Thiers, à Bruay, ses notes laissent déjà place à l’analogie, à la métaphore. Le canal, avec sa double ligne d’arbres, est une « avenue d’eau ». Les péniches, à bandes rouges et blanches, semblent « dormir sur l’eau claire ». La fosse Thiers est « une construction massive, de corps rapprochés, accroupie, tapie comme une bête ». . « Des tuyaux de vapeur dépassent faiblement les toits, il y a une respiration forte et lente, régulière, qu’on entend continuellement. Dans le bas, il y a aussi, à ras de terre, un échappement continu de vapeur. C’est une bastille d’un nouveau genre. » Les notes sont transformées dans le roman en paysages imaginaires tristes souvent, inquiétants et parfois fantastiques. 

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Zola descend lui aussi dans une fosse. Au terme de son voyage sous terre, il contemple enfin les « piqueurs », qui extraient le charbon de la veine et enlèvent les roches. Il pense inévitablement à des damnés, ou à des esclaves. La position est une des pires qui soient : « L’ouvrier se met sur le flanc et attaque la veine de biais. J’en ai vu un tout nu, avec la peau salie de poussière noire. »

Sur l’histoire des grèves qui ont périodiquement arrêté ou troublé le travail des mines d’Anzin, ni les mineurs, ni les ingénieurs, ni les administrateurs ne se sont beaucoup étendus. Et il s’est fait raconter la grève d’octobre 1866 à Anzin et Denain. Un mouvement assez brutal : pressions violentes contre les « jaunes », manifestations sur les routes, tapages, bris de vitres, rixes, participation des femmes, tentative d’extinction des feux d’une fosse à Denain. Le récit de Germinal présente des analogies frappantes avec l’histoire de cette grève de 1866, à laquelle celle de 1884 ne ressemblait plus tout à fait. « Avec cent francs, s’extasie Le Figaro, le mineur vit mieux que l’ouvrier parisien […] Et pourtant, on excite les mineurs contre la compagnie et ils écoutent ceux qui leur font de beaux discours, au risque de tout perdre. » Il a constaté, de ses yeux, la misère des corons, l’inhumanité des travaux du fond, la présence rampante de la faim, de la maladie et de l’accident fatal.

 Mais si son roman connaît un vif succès dès sa parution, Zola est attaqué sur certains points . On lui reproche de peindre notamment les ouvriers comme des animaux Il contre-attaque : « Pourquoi veut-on que je calomnie les misérables ? Je n’ai eu qu’un désir, les montrer tels que notre société les fait, et soulever une telle pitié, un tel cri de justice, que la France cesse de se laisser dévorer par l’ambition d’une poignée de politiciens, pour s’occuper de la santé et de la richesse de ses enfants. »Un second reproche concerne la bassesse de certains sujets et de certains mots  . On proteste contre  « l’étalage de sensualité et de bestialité », « la fanfaronnade de cochonnerie »

Cependant, les mêmes critiques  sur le chapitre de la « morale » mêlent l’éloge à la remontrance, avec des épithètes identiques chez la plupart : vigueur des tons, force de la couleur, parfum de réalité terrible, « beau livre sombre, pessimiste, terrible » : « Ce que j’ai voulu, c’est crier aux heureux de ce monde, à ceux qui sont les maîtres : Prenez garde  regardez sous terre, voyez ces misérables qui travaillent et qui souffrent. Il est peut-être temps encore d’éviter les catastrophes finales. Mais hâtez-vous d’être justes, autrement, voilà le péril : la terre s’ouvrira, et les nations s’engloutiront dans un des plus effroyables bouleversements de l’histoire.”

. Mais par-delà l’histoire, surgit « la vision » : celle, teintée de « pitié morose », d’« un troupeau de misérables » livrés à un bourreau, « la mine, la bête mangeuse d’hommes », et à un dieu, « cet être mystérieux à qui appartient la mine et qui s’engraisse de la faim des mineurs » ; lorsque le troupeau, « mû par des forces fatales », se soulève, il va, « avec des bouillonnements et des remous, se briser contre une force supérieure ». : « Les hommes apparaissent, semblables à des flots, sur une mer de ténèbres et d’inconscience. » Cette vision issue de l’imagination de l’écrivain passe parfois  sous silence pour certains  la conscience politique acquise par les ouvriers en lutte. Néanmoins, les chapitres 3 et 4 du roman sont justement consacrés à la découverte par le héros des idées politiques socialistes. D’ailleurs  les organes socialistes demandent à Zola l’autorisation de reproduire Germinal en feuilleton. À chacun d’eux, il fait la même réponse qu’au Peuple de Bruxelles, le 15 novembre 1885 : « Prenez Germinal et reproduisez-le. Je ne vous demande rien, puisque votre journal est pauvre et que vous défendez les misérables. »

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. Auteur de l’œuvre, il en a été le premier lecteur, il en a ressenti le premier l’onde de choc. Dans Germinal, le mythe surgit de partout, avec sa dialectique de la damnation, de la révolte, de la répression, et des lendemains en attente. Pour construire un monde nouveau, pour faire germer « les récoltes du siècle futur », il faut détruire « le vieux monde » jusque dans ses fondations. Vision biblique autant que révolutionnaire. C’est ce qu’annonce dans Germinal la cohue des « bouches noires », parmi le « hérissement » des barres de fer et des haches. Et c’est cette sourde inquiétude que confie Zola, à plusieurs reprises. « Le siècle prochain garde son secret, il faut ou que la bourgeoisie cède ou que la bourgeoisie soit emportée .Ce tour prophétique est nouveau dans son œuvre. Nous ne sommes encore qu’en 1885, mais le tête-à-tête de Zola avec le peuple des rudes travailleurs lui a fait voir l’avenir sous un jour nouveau.

 

06. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Le parcours d’Etienne dans Germinal: naissance de ses idées politiques et naissance d’un leader · Catégories: Seconde · Tags: , ,
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Le personnage d’Etienne est le héros de Germinal, ce nouveau volet de la série des Rougon-Macquart , qui décrit la misère des ouvriers mineurs dans le Nord de la France à la fin du dix-neuvième siècle: En France ; la révolution de 1848 marque la montée des mouvements de revendications des ouvriers qui s’appuient sur les thèmes de Karl Marx et Friedrich Engels ; ces deux hommes fondent la ligue communiste et se battent pour changer les relations entre les bourgeois qui possèdent les moyens de production (les usines ) et  leurs salariés, les ouvriers qui sont contraints de vendre, leur force de travail, leur labeur, en échange d’argent . Dans ce roman social , Zola prend parti pour les travailleurs et entend dénoncer l’exploitation dont ils sont victimes de la part de patrons qui ne pensent qu’à augmenter leur profit. 

 Les origines du personnage : Etienne est fils d’une blanchisseuse Gervaise Macquart,  qui , en raison de son alcoolisme, va sombrer dans la misère et la déchéance (L’Assommoir ) Il est d’abord présenté comme un ouvrier sans travail qui ne possède que quelques effets dans un pauvre baluchon : Il possède la qualification de machineur et comprend que pour pouvoir travailler dans la fosse, il va devoir changer de métier , apprendre à devenir soit un charretier comme Bonnemort, soit un herscheur ; un culbuteur, un haveur , un galibot ou un raccommodeur  ; La situation économique est  alors décrite comme catastrophique : partout les usines ferment ; Autour de Montsou, on voit des sucreries ( qui extraient le jus des betteraves), des forges, mais également une minoterie, une verrerie et des fabriques ; Le décor sinistre  semble relayer la peine des ouvriers : “le vent passait avec sa plainte comme un cri de faim dans la nuit ” ; la fosse est décrite comme un monstre affamé de chair humaine qui dévore les ouvriers : “une bête méchante qui respirait d’une haleine plus grosse et plus longue, l’air gêné par sa digestion pénible de chair humaine ” Grâce à sa conversation avec Bonnement, le grand père de la famille Maheu qui compte à son actif un demi-siècle passé à travailler à la mine, Etienne apprend quelles sont les conditions de vie des ouvriers ainsi que le nom du directeur de la mine , M Hennebeau.

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Le second chapitre nous fait découvrir dans le coron ouvrier , la vie des Maheu, une famille typique de mineurs  : c’est la misère la plus noire ; 7 enfants à nourrir , plus d’argent et la nourriture qui devient une obsession : ils trompent la faim avec des feuilles de chou bouillies, ont des dettes à l’épicerie et Catherine, la fille aînée, a bien du mal à leur trouver de quoi se faire des “briquets ” pour la mine (pain, beurre et fromage blanc ) Zola décrit parfois les ouvriers comme des animaux pour dénoncer l’ampleur de leur misère : il évoque par exemple, à la fin du chapitre 2, leur piétinement de troupeau ou la mamelle pendante de la Maheude qui allaite épuisée sa petite Estelle âgée de 3 mois . 

La pensée politique d’Etienne : le personnage est placé comme un observateur du milieu des ouvriers et Zola s’inspire des notes qu’il a prises durant son séjour dans le pays minier pour faire évoluer son personnage . Tout d’abord il apprend les gestes qui font de lui un mineurs  : “il apprenait de Catherine à manœuvrer sa pelle , montre des bois dans la taille ” . Certains le surnomment l’aristo pour se moquer de sa maladresse liée à l’ignorance du métier . Les premiers temps, il étouffe au fond des veines ; C’est en fait un timide qui craint sa violence intérieure ; Le personnage songe d’abord à reprendre sa route affamée afin de ne plus redescendre dans cet enfer : “car avec son instruction plus large, il ne sentait point la résignation de ce troupeau et finirait par étrangler quelque chef ” (I, VI ) Finalement, au dernier chapitre, il décide de rester à cause d’un vent de révolte . Peu à peu le personnage devient un camarade et se lie d’amitié avec Maheu qui admire son instruction  “il le voyait lire, écrire, dessiner des bouts de plan, il l’entendait causer de choses dont lui, ignorait jusqu’à  l’existence ” (P1, 3) 

L’influence de Souvarine : c’est un ouvrier pauvre, Russe et secret qui a commandité un attentat contre le tsar . Il s’est réfugié en France  et tente de dissuader Etienne de rejoindre l’Association internationale des travailleurs qui venait de se créer à Londres sous l’impulsion de Karl Marx ; Souvarine lui veut tout détruire mais Etienne pense qu’il n’est pas vraiment sérieux : “cette théorie de la destruction lui semblait une pose ” ; Pluchart lui fait partie de cette association : il est même secrétaire de la  fédération du Nord.  Les hommes pensent qu’une révolution des ouvriers est indispensable  ” un chambardement qui nettoierait la société du haut en bas, et qui la rebâtirait avec plus de propreté et de justice ”  Souveraine semble ne savoir long sur les mécanismes économiques qui régissent la loi du marché et il évoque notamment la loi d’airain : le salaire est fixé selon lui à la  plus petite somme indispensable, juste le nécessaire pour que les ouvriers mangent du pain sec et fabriquent des enfants.  “C’est l’équilibre des ventres vides, la condamnation perpétuelle au bagne de la faim ”  Alors Etienne se met à lire des livres dans lesquels il ne comprend pas tout et des idées lui viennent . (P 3, 3) Jusque là , il n’avait eu de la révolte que l’instinct, au milieu de la sourde fermentation des camarades. Toutes sortes de questions confuses se posaient à lui: pourquoi la bière des uns? pourquoi la richesse des autres ? pourquoi ceux- ci sous l étalon de ceux-là, sans l’espoir de jamais prendre leur place ? 

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Sa découverte des livres : il lit tout ce qui lui tombe sous la main; des traités de médecine, des brochures anarchistes, des traités d’économie politique , des livres sur les coopératives mais il reste un grand utopique et  il se contente de  rêver aux améliorations possibles de la société : “ il assistait à la régénération radicale des peuples sans que cela dût couter une vitre cassée ni une goutte de sang. ” Cependant Etienne qui loge désormais chez les Maheu parvient à les convaincre que les choses peuvent changer et il partage ses rêves d’un monde meilleur avec eux : ” Une société nouvelle poussait en un jour, ainsi que dans les songes,une ville immense d’une splendeur de mirage, où chaque citoyen vivait de sa tâche et prenait sa part des joies communes; La devise de ce nouveau peuple: “à chacun suivant son mérite, et à chaque mérite suivant ses oeuvres. ”  

Etienne devient un leader  : son influence peu à peu s’élargissait ; Il crée sa caisse de prévoyance et devient secrétaire de l’association.  Il es transforme intérieurement et extérieurement: “son visage changea et devint grave,il s’écouta parler; tandis que son ambition naissante enfiévrait ses théories et le poussait au idées de bataille. ” Le nouveau mode de paiement des berlines décrété par la compagnie va mettre le feu aux poudres et par conséquent la mine à feu et à sang. La grève va être décidée et l’accident de Jeanlin, le départ de Catherine et de Zacharie contribuent à rendre encore plus précaire l’existence quotidienne des Maheu. La quatrième patrie du roman débute par la visite d’une délégation de mineurs chez les Hennebeau; Etienne en fait partie.  

 

05. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Les degrés de la trahison : véritables traitres et traîtres occasionnels ..essai de synthèse textes et documents · Catégories: Première · Tags:

Notre corpus comportait une dizaine de traîtres et l’objectif consistait à les classer en fonction de leur degré de trahison : il fallait donc examiner avec attention le ou les  motifs de leurs trahison, en envisager les conséquences, examiner leur place et leur rôle au sein de l’oeuvre . L’observation de ces différents critères permet de fabriquer une sort d’échelle des traitres et d’y situer chaque personnage ; Les femmes : Médée, Phèdre,  La Princesse de Clèves ,Roxane et Milady. Et les hommes : Hippolyte le seul innocent pris pour un traitre,  le Vicomte de Valmont, Fernand Mondego, Paul Dounat et Tyroen Meehan que nous retrouverons dans Retour à Killybegs.  

Si  le personage de Milady d’Alexandre Dumas arrive en  tête de tous les classements , c’est sans doute, pour différentes raisons : tout d’abord, elle est celle qui renouvelle sans cesse  la trahison ; la liste est longue de tous ceux qu'elle a trahis avant même d'agir à la solde du cardinal de  Richelieu et de devenir une espionne pour affaiblir la monarchie française.   Elle a voulu nuire à ses fiancés, ses maris et ses amants  dont elle a tenté de se débarrasser . Elle va même jusqu'à empoisonner une de ses rivales et son exécution à la fin du roman est décrite certes dans un registre pathétique mais semble être l’aboutissement logique du destin de cette femme perfide qui  est l’incarnation de la trahison . Le second roman de Dumas, Le Comte de Monte-Cristo comporte également  plusieurs personnages de traitres redoutables; L’auteur a choisi de peindre deux figures de traîtres qui agissent pour deux motifs différents : Fernand Mondego est amoureux de la même femme que Dantès et l’emprisonnement de ce dernier, accusé à tort d’avoir conspiré contre le gouvernement, lui permettra d’obtenir enfin l’amour de la femme convoitée en éliminant ce rival. Le second traître agit lui, par ambition et jalousie car il convoite le poste qui semble avoir été promis à Dantés; Tous deux, Danglars et Mondego  unissent leur désir de nuire au héros et les conséquences seront tragiques pour le personnage qui effectuera 18 ans de cachot avant de pouvoir s’évader pour accomplir sa vengeance. Milady et Mondego  jouent un rôle identique dans le roman : ce sont des opposants au héros et tous deux connaissent le même sort tragique. Dans le roman d’aventures , les rôles sont souvent assez manichéens : les bons contre les méchants . 

Les romans philosophiques du siècle des Lumières présentent plus de nuances et le courant libertin s’efforce d’éclairer les méandres du coeur humain. Laclos a choisi un couple manipulateur et cynique, défiant tout morale , pour en faire les héros noirs de son roman épistolaire. Ils sèment la trahison autour d’eux et séduisent leurs victimes en utilisant des stratégies dignes d’une guerre . Conquérir est leur but  avoué et ils ne reculent devant aucune hypocrisie, brisant les coeurs  pour satisfaire leur ego démesuré. Valmont va provoquer le désespoir des femmes qui tomberont amoureuses de lui et il peut même être considéré comme le principal acteur de la mort de la Présidente de Tourvel. Expert en mensonges de toutes sortes, il finit cependant par se laisser tuer comme une forme de rédemption pour ses nombreux péchés; à noter qu’il disparaît après avoir trahi sa complice la Marquise de Merteuil comme un ultime hommage à la trahison ! Particulièrement détestable, ce personnage parfois peut pourtant séduire les lectrices qui admirent sa rouerie. C’est en quelque sorte un prolongement du mythe de Don Juan, le séducteur éternel.

Dans la tragédie classique, les traîtres ne manquent pas et ils sont souvent associés aux origines de la tragédie : ainsi c’est à partir d’une trahison, celle de Jason,  que débute le conflit tragique dans Médée; cette princesse-sorcière fait passer son désir de vengeance au -dessus de son amour maternel et sacrifie ses propres enfants afin d'atteindre leur père . Le recours à la vengeance est un moteur de la tragédie et ce schéma réapparait chez Racine avec l’histoire de Phèdre presque aussi coupable , à vos yeux que Médée. Certes, Phèdre ne tue pas ses enfants ; D’ailleurs elle ne tue  directement personne mais elle est à l’origine de plusieurs catastrophes : en effet, elle provoque, par son mensonge , la mort de son beau-fils Hippolyte que son père a cru coupable et qu’il a maudit. A noter que Phèdre se termine par le suicide par empoisonnement de l’héroïne alors que dans Médée, l’une des versions de la tragédie , montre la fuite de l’héroïne. L’une comme l’autre sont les victimes de leur folie amoureuse et paraissent des femmes dénaturées, parfois monstrueuses. Ces deux tragédies illustrent avant tout les dangers de la passion et mettent en garde les spectateurs contre les débordements du coeur.

A un niveau inférieur, vous avez classé les personnages de Paul Dounat qui trahit son camp en temps de guerre mais auquel on peut trouver quelques circonstances atténuantes : à noter que ce personnage trouve la mort de manière assez affreuse et c’est aussi ce qui peut le rendre moins détestable aux yeux du lecteur. L’écrivain, à travers son cas , a souhaité  surtout montrer à quel point la guerre rendait les hommes capables de commettre l’irréparable ; Les résistants présentent son exécution comme nécessaire et obligatoire pour ne pas mettre d’autres vies en danger. En le tuant, on l’empêche de nuire. Il n’a même pas droit à un procès et subit son sort sans résister et sans protester comme s’il acceptait sa mort . 

La trahison de Roxane dans Les Lettres Persanes vous a paru , elle aussi, mériter des circonstances atténuantes, car cette jeune femme s’est révoltée contre un sytème inique: celui des harems où l’on emprisonnait les femmes . Elle a menti et trahi  un maître despotique et le lecteur ne peut que prendre son parti ; De plus, elle se punit elle-même en se donnant la mort comme le personnage de Phèdre  dans la tragédie de Racine . 

Quant à La Princesse de Clèves, elle fait preuve d’une très grande sincérité en dévoilant ses pensées les plus secrètes à son époux et si elle avoue ses sentiments pour le Duc de Nemours, elle restera  toujours fidèle à son mari, Le Prince de Clèves .  Cette trahison, d’ordre spirituel et sentimental, vous a semblé la moins grave de toutes en dépit du fait qu’elle cause la mort de son époux, chagriné de ne pas être autant aimé qu’il le souhaiterait. 

Un seul personnage est totalement innocent, il s’agit d’Hippolyte dans Phèdre; La Princesse de Clèves est très légèrement coupable comme Roxane . Phèdre a été emportée par une passion funeste. Quant à Médée et Milady ce sont des criminelles : l’une par amour directement et son crime atroce la rend odieuse, en dépit de sa souffrance pour les spectateurs  et l’autre par essence, véritable serpent qui sème la mort autour d’elle et que les lecteurs détestent . Entre les deux, des traitres de circonstances mus par leurs intérêts comme Mondego, Valmont qui tire du plaisir de ses impostures sentimentales et Dounat dans le roman de Kessel qui, d’un homme admirable , s’est transformé en traître presque sans le vouloir, par faiblesse désespoir

. Quant à notre dernier traitre , Tyrone Meehan , sa trahison demeure  vraiment  une énigme pour le lecteur; il a trahi un pays qu’il aime par- dessus tout en pensant sans doute le servir et faire cesser les morts autour de lui. Au final, le lecteur ne saura vraiment jamais pourquoi ni ce qu’il a fait au juste.  Il est le héros du roman Un traitre et celui de Retour à Killybegs où cette fois, c’est son point de vue qui domine. Tous  ces personnages paient leur trahison d’un prix important : la mort pour presque tous ; mais elle peut être  choisie par eux-même ou orchestrée par leurs victimes qui ainsi se vengent  .

Face au châtiment d’un traître, le lecteur peut ressentir soit une forme de justice soit un certain malaise dans la mesure où cela l’oblige à considérer le personnage comme une victime désormais. Souvent