21. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Vivre en territoire occupé : le point de vue d’Aimé Césaire · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:
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Aimé Césaire en 1939

Le corpus était constitué de 3 textes de Césaire , un écrivain martiniquais , fondateur avec  Patrick Chamoiseau et Léopold Sédar Senghor du concept de négritude . Ces trois écrivains critiquent vivement la colonisation et les politiques coloniales qui ont conduit leur pays à être dominés par la France et sa civilisation ; ils l’accusent notamment d’avoir d’abord nié et ensuite  dénaturé leur identité d’homme de couleur en imposant l’idée qu’un blanc vaut plus qu’un noir. La particularité des  Antilles notamment c’est le mélange des couleurs car tous les métissages y cohabitent et le créole  a même inventé des noms précis pour les degrés de ces mélanges entre blanc et noirs. Chamoise a écrit Eloge de la créolité pour prolonger les réflexions de son ami Aimé Césaire . 

Césaire défend l’idée d’une hypocrisie des colons qui, sous prétexte de civiliser les peuples colonisés, les asservissent .Il utilise dans son discours de 1950 les mêmes arguments que Clémenecau en 1885. Tous deux dénoncent les mensonges des “maîtres ” et citent leurs ignominies : “tuer, torturer”, odieuses solutions “. Le registre est ici celui du blâme. Il s’efforce de montrer le véritable visage de l’entreprise colonial et précise  qu’elle n’est pas justement ce qu’elle prétend être au départ : “évangélisation, entreprise philanthropique, volant ode reculer les frontières de l’ignorance , de la maladie, de la tyrannie“. Il parvient à la conclusion lapidaire que la colonisation est le contraire de l’humanisme, un anti humanisme en quelque sorte. Loin de mettre en contact les populations et de les enrichir du mélange obtenu , elle a fait naître le racisme au nom d’une prétendue supériorité . 

 

Pour affiner ses réflexions, Césaire va fonder un concept philosophique : celui de négritude qu’il s’emploie à définir dans une autre partie de son discours. A ses yeux, c’est une manière de vivre dans l’histoire avec l’ héritage de la colonisation : ses débris de culture assassinées. On retrouve le blâme mais il s’agit surtout de montrer l’importance de ces valeurs humanistes  contre le réductionnisme européen; La négritude est un combat contre les préjugés qui voudraient établir une hiérarchie au sein des populations, un combat contre l’inégalité et un refus de l’oppression; C’est pourquoi Césaire la définit comme une véritable “attitude active et offensive de l’esprit ” et une révolte contre une vision du monde injuste et sectaire . 

C’est dans ses poèmes en vers libres qu’il avait exprimé en images ce concept de négritude une dizaine d’années plus tôt : il la définit comme un arbre mystérieux qui “plonge dans la terre rouge du sol ” et “plonge dans la chair ardente du ciel ” , une puissance qui prend la forme des différents éléments : étincelle du feu sacré  et souffles et qui concentre toutes les forces ancestrales de la nature et de l’esprit ; une idée qui est de l’ordre du mouvement et qui réconcilie l’univers ; ce mouvement vital marque l’écroulement du monde blanc qui, certes a été longtemps vainqueur mais qui désormais sent “ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures ” 

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Comment opérer la synthèse de ces trois textes ? l’idée de négritude est bien évidemment le point commun; On pouvait organiser un plan qui développe l’idée centrale d’un combat à mener contre les colons, les préjugés et le monde des blancs ; on pouvait également parler d’une force en mouvement qui anime le monde et les esprits ; on pouvait également évoquer la lutte contre la colonisation et la critique des colons et montrer les antagonismes à l’oeuvre dans les textes

Les thèses défendues sont la critique du colonialisme et de son hypocrisie qui masque une violence illégitime sous de fausses valeurs humanistes (enseigner, éduquer, civiliser ) . La stratégie argumentative consiste à blâmer les Européens et leur réductionnisme et à faire l’éloge du combat et de cette force que représente, à ses yeux, la négritude; Césaire multiplie les tentatives de définition de ce concept : non plus la honte d’être noir ou métis et fils d’esclaves, mais la revendication de la vitalité de la civilisation dont on est originaire , de l’existence d’une identité créole particulière qui résulte d’un métissage et d’un brassage des populations sur ces îles caraïbes.

Le commentaire 

Il s’agit d’un discours dont on peut analyser l’art oratoire : un discours éloquent (partie 1 ) qui critique le colonialisme ( partie 2 ) et fait émerger la définition d’une nouvelle façon de penser l’homme (les définitions de  la négritude ) 

Partie 1 : un discours éloquent 

a) les anaphores et répétitions : elles rythment le discours et martèlent des propos qui prennent l’allure de vérités 

la négritude 1/3/25   je crois ou ne crois pas 9/ 10/13/30  et enfin elle est 26/27/28 

b) les questions rhétoriques 7 et et 8 , 29 : elles impliquent les destinataires

c) les marques de subjectivité 

à mes yeux 1 , soit dit en passant 15,  je n’oublie pas, je choisis 

Seconde partie : la critique du colonialisme ; se construire contre 

a) le blâme : une attitude de refus 

b) le nécessaire héritage : esclavage, domination culturelle, imposition d’une langue 

c) le combat contre le monde blanc : la nécessaire révolte 

Troisième partie : des tentatives de définition : se construire avec 

a) une valeur active de l’orde de l’agir 

b) le refus de subir , de la plainte 

c) une manière de vivre au monde 

16. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil : quelques éléments de contexte historique · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:
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Jacob Collaert 1598 

Remontons quelques siècles en arrière et figurez-vous que pour les européens , le monde connu se limitait à quelques pays voisins contre lesquels bien souvent on guerroyait pour quelques terres , un duché ou une querelle d”héritage. Alors imaginez un instant la surprise des navigateurs quand ils accostent sur les rives du Nouveau -Monde; Que découvrent-ils? Des hommes qu’ils vont baptiser sauvages et dont il leur faudra très longtemps avant de comprendre que ce sont leurs frères humains. mettons nous quelques instants à la place de ces hommes de la Renaissance et tentons de les comprendre …

 

Si on a retenu la date de 1492 qui symbolise encore pour beaucoup la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en réalité, cette découverte majeure va mettre du temps à modifier la conception du monde des contemporains du navigateur. Colomb pense d’abord être au Japon et ensuite aux Indes; En 1500 lorsque Cabral découvre le Brésil, il pense avoir ouvert une nouvelle voie maritime vers L’inde et le Brésil va être baptisé Indes Occidentales. En 1507 , ce nouveau continent va finalement porter le nom d’Amerigo Vespucci qui ignore alors qu’il n’est pas le premier navigateur occidental à longer ces côtes . Entre le moment où les premiers colons font la connaissance des Indigènes et le moment où cette découverte va arriver jusqu’en Europe, c’est une espèce de course contre la montre qui se joue entre les différentes puissances. Chaque roi envoie ses marins pour qu’ils prennent possession des terres, des richesses et qu’ ils évangélisent les populations locales qui viendront ainsi grossir les rangs des sujets de sa majesté. Ce qui contribue, à leurs yeux,  à accroître la puissance du royaume. L’ Espagne et le Portugal s’affrontent et les autorités religieuses interviennent pour servir d’arbitre : le Pape en tant que chef de l’ Eglise catholique va même prendre des mesures concrètes pour départager ces deux rivaux;

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allégorie de l’Afrique 

Un traité va alors établir en 1494 un partage du territoire , plaçant le Brésil situé au sud d’une frontière définie par la papauté , sous influence portugaise. De leur côté, Français et Anglais tentent de tirer leur épingle du jeu et de créer des colonies de peuplement . En fait chaque payas européen transpose ses rivalités de l’autre côté de l’Atlantique et on peut déjà penser que leur colonisation sera d’autant plus violente qu’ils pensent en retirer ainsi un bénéfice pour dominer les autres nations européennes.La question religieuse va souvent occuper une place importante au sein des débats: les catholiques , en effet, s’interrogent sur la politique à mener d’autant plus fortement qu’en Europe, ils se sentent menacés par le protestantisme. Et de leur côté certains protestants qui arrivent dans le Nouveau-Monde chassés par l’inquisition catholique, font faire preuve de tolérance et d’ouverture d’esprit face aux coutumes et aux croyances indigènes. La plupart du temps, la colonisation a pour principal objectif les ressources du pays et l’asservissement de ses habitants qui devient ainsi une main d’oeuvre bon marché. 

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S’interroger sur l’autre , revient en fait souvent à s’interroger sur soi-même, à comparer les différents modes de vie, ce que les ethnologues nomment l‘habitus (un ensemble de comportements qu’on reproduit par habitude et qu’on enseigne aux générations suivantes )- Montaigne à la Renaissance propose à ses contemporains une véritable réflexion sur l’altérité à travers ses Essais mais il n’aborde pas directement la question coloniale ; Jean de Léry propose plutôt un récit de voyage, le témoignage d’une expérience personnelle plutôt que le fruit d’une réflexion intellectuelle. Qui est Jean de Léry ? ce n’est ni un intellectuel, ni même un lettré et surtout pas un clerc. Protestant , il entend se  réfugier dans ce nouveau-Monde et   s’embarque en 1556 , à l’âge de 20 ans à bord de la flotte qui rejoint la petite colonie fondée par Villegagnon au Brésil pour servir d’asile à la communauté protestante exilée; Or, ce dernier se convertit au catholicisme et les protestants qui souhaitent demeurer fidèles çà leurs convictions s’enfuient dans la jungle où ils sont recueillis par des sauvages avec lesquels ils vont vivre pendant plus d’un an, loin de  toute civilisation. 

Jean de Léry entreprend alors un récit dans lequel il témoigne de sa propre expérience ; il écrit à la première personne du singulier et il va à l’encontre des jugements savants ; Humaniste par la force des choses, il a appris à regarder les autres autrement que la plupart de ses contemporains, prisonniers de préjugés hérités de certaines croyances en la supériorité de l’homme civilisé sur l’homme sauvage.Léry monter que certains sauvages se comportent avec bonté , sagesse et sont  hospitaliers là où certains Européens se montrent cruels, déraisonnables et parfois insensés.

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Ce n’est que 20 ans après son retour du Brésil que Jean de Léry se décidera à faire part de son expérience : devenu pasteur , il est témoin d’un cas d’anthropophagie parmi des protestants assiégés qui, pour ne pas mourir de faim auraient mangé l’un des leurs, décédés dans le siège de la ville de Sancerre par les troupes catholiques. Cet événement va servir de déclencheur à l’écriture car l‘anthropophagie est souvent évoquée par les Européens comme un indice de barbarie : Léry veut donc rétablir la vérité sur cette pratique dont il a été témoin durant son séjour parmi les Brésiliens vingt ans plus tôt. Il regrette au final de n’être pas resté parmi les Sauvages, ses amis. 

 

 

 

 

13. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Le schéma de communication simplifié · Catégories: Seconde
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En français,  il est important quand vous allez devoir rédiger des textes que vous sachiez exactement dans quelle situation de communication vous vous trouvez. Pour comprendre qui parle à qui , de quoi et comment, on a eu l’idée de représenter , sous forme de schéma, les prix,cipaye éléments de la communication.  Attention au vocabulaire qui peut changer; Ainsi quand je parle je suis un locuteur ou un orateur, quand j’écris , un scripteur ou un écrivain et je m’adresse à un public composé d’auditeurs , ou de spectateurs, ou de lecteurs. Pour vous entraîner à maîtriser cette notion, il est recommandé  de bien mémoriser cet article et ensuite de faire lex travaux pratiques proposés . 

1- le Destinateur et le destinataire sont le plus souvent nommés  “emetteur/recepteur :
Dans le cas d’une interaction normale , la communication est bi-directionnelle comme par exemple lorsque vous parlez à quelqu’un qui vous répond.  Lorsque deux personnes interagissent dans un cadre où la communication est institutionnalisée ( c’est à dire dans le cadre d’une situation prédéfinie  comme l’administration publique , la télévision , une université, une salle de classe ) la communication est  parfois unidirectionnelle ; ça veut dire qu’une seule personne produit de la parole alors que l’autre écoute.

2-Le message : c’est l’infomation transmise .
Ce message varie dans sa forme , sa durée et son contenu . Il est l’élément central de toute forme de communication. Attention le mot message ne doit pas être utilisé dans lex explications de texte en français. L’auteur ou l’écrivain transmet des idées ou des sentiments  dans ses livres . Le mot message ne doit pas être employé à la place du mot idées par exemple. 

3-Le  canal ” : canal physique et physiologique reliant l’émetteur et le récepteur . Le canal peut être modifié pour rendre la compréhension du message plus facile. 

4-Le code : un ensemble conventionnel de signes ( écrits , sonore , linguistiques ou non linguistiques , visuel ou autre ) ce code doit être compris par les deux locuteurs , pour permettre la transmission du message . Dans certains cas , le message peut mettre en oeuvre plusieurs codes en même temps ( langue orale , les gestes , l’habillement ) .

-Le référent : ” qu’on appelle aussi le contexte ” la situation à laquelle renvoie le message  . Ce point n’est pas à retenir 

Après avoir écouté attentivement la vidéo suivante, complète le QCM de ton espace pronote intitulé : schéma de la communication …

 

12. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Fiche mémorisation : apprendre à apprendre un cours · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Que retenir d’un cours ? quels sont les points les plus  importants ? que vais-je devoir apprendre ? est-ce que je  suis obligé d’apprendre le cours par coeur ? Si ces questions méritent d’être posées dans toutes les matières, en français, il est possible d’y répondre dès le début de l’année. En effet, la plupart des cours ont pour but de vous faire acquérir à la fois des connaissances (une culture littéraire  par exemple ) et des savoir-faire ( rédiger une dissertation, un commentaire littéraire, une question de corpus ou un sujet d’invention pour le bac de Françai s) Plus généralement , il est recommandé de savoir nommer avec précision ce qu’on cherche à retenir et à apprendre . Prenons ensemble l’exemple du premier cours qui s’intitule Indignez-vous … suivez le guide ! 

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Le cours commence par une réflexion collective autour de sujets d’indignation . Au tableau sont listés des points qui suscitent l’indignation d’un certain nombre d’élèves . Ensuite le professeur donne comme consigne de relier ces mot selon des critères communs. Ainsi le sexisme et le racisme seront rassemblés dans la catégorie discriminations alors que le harcèlement et la dictature seront rassemblés dans une catégorie qui fait état de l’usage de la violence pour soumettre des individus. Un diaporama complète les notions envisagées : écart entre riches et pauvres, discriminations de toutes sortes . Il est l’occasion de revoir des notions importantes comme caricature, ironie, parodie, humour . Le cours se poursuit avec une prise de notes de mots définis par des élèves de la classe et l’analyse d’un texte de Stéphane Hessel . Le principales idées de ce texte sont notées au tableau et les élèves doivent pouvoir identifier les lignes où apparaissent ces idées reformulées. Le cours se termine  par la réalisation de travaux d’écriture  en groupe après avoir fait noter au tableau ce qu’est un schéma de communication . Chaque groupe choisit d’illustrer une situation de communication qui traduit une forme d’indignation. L’objectif de ce travail est d’apprendre à réutiliser dans l’expression écrite une situation de communication (qui parle à qui, sur quel ton et de quoi ) et de produire un texte argumentatif efficace (compétence en cours d’acquisition et travaillée  )  , dans une langue maîtrisée (compétence requise)  .  Ces productions écrites feront l’objet au cours suivants d’un travail d’évaluation . 4 à 6 heures de français ont été attribuées à cette première séquence de français. Que doit -on en retenir ? 

Ce cours comporte des connaissances à acquérir et des compétences (savoir-faire ) ; il peut être enregistré dans vos lutins (classeurs ) sous la forme d’une fiche mémorisation qui peut être réalisée soit à la maison soit en Travail autonome. Ci -dessous , en pièce jointe , une fiche mémorisation à imprimer ou à recopier . Vous trouverez également en pièce jointe (il suffit de cliquer sur la clé USB rouge située à la fin du billet )  des conseils pratiques et une carte qui résume les différentes manières d’apprendre . Bon courage …et bons apprentissages ! 

09. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Sorj Chalandon se confie à un journaliste : genèse d’un roman · Catégories: Première
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Par Benjamin Eskinazi, publié le 14/03/2012

En écrivant Mon traître (Grasset, 2008), Sorj Chalandon pensait pouvoir exorciser un démon qui le hantait : la trahison de son ami Denis Donaldson, membre éminent de l’IRA qui a avoué en décembre 2005 avoir été, pendant plus de vingt ans, un espion à la solde des Britanniques. Mais Mon traître, roman raconté par le Français trahi, ne permettra pas à l’auteur de tourner définitivement la page sur cette blessure. Avec un second livre sur le même sujet, Retour à Killybegs, Grand Prix du roman de l’Académie française 2011, où Denis Donaldson apparaît sous les traits du fictionnel Tyrone Meehan, Sorj Chalandon aborde cette histoire du point de vue du traître.

Pourquoi être revenu sur cette histoire, que vous abordiez déjà dans Mon traître?
J’ai écrit Mon traître en pensant que ça suffirait. J’ai choisi le mode romanesque pour me détacher de la vérité. Ce que je voulais, c’était ne pas trahir mon traître : sa mémoire, ses amis, ses proches. Ce n’était pas une histoire sur lui, mais une histoire à cause de lui. J’ai été trahi, et je vous demande de partager avec moi cette trahison, et donc cette douleur, cette blessure. 

 

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Je pensais qu’en sortant cette histoire, un deuil serait fait. Un deuil de l’amitié, de la tristesse, de l’orgueil peut-être aussi. Un orgueil de ne rien avoir vu, de ne rien avoir senti, d’être resté pendant vingt ans à côté d’un homme qui n’était pas celui qu’on pensait.

J’ai écrit ce livre-là dans l’idée de faire une tombe à un ami, un tombeau littéraire et réel. Mais ça n’a pas suffi. Je me suis retrouvé avec la douleur du trahi, mais les gens me demandaient : « Qui est le traître? Pourquoi a-t-il trahi? » J’ai trouvé pratiquement injuste de n’être que le trahi. Pour finir le deuil, il fallait que je devienne le traître. 

Je suis entré deux ans dans la peau de celui qui m’a fait du mal, ce qui m’a permis de ne pas le juger, ne pas le pardonner —ce n’était pas le but — mais de raconter son histoire, en pensant qu’un traître, ça peut être quelqu’un de bien qui a baissé les bras. 

Le premier livre était un livre accidentel, dû à cette trahison. Le second livre était impératif, car le premier ne suffisait pas à ce qu’on comprenne, il ne suffisait pas à mon deuil. Ayant été à la fois le trahi et le traître, j’ai eu l’impression que cette fois-ci le deuil était fait.

Pourquoi avoir écrit un roman, et pas la véritable histoire de Denis? 
Je ne me suis pas senti le courage, la force et l’envie de travailler sur l’histoire de Denis Donaldson. Tyrone Meehan est né en 1925 à Killybegs. Denis Donaldson est né en 1950 à Belfast. Ils n’ont pas le même âge, ce n’est pas le même homme. En revanche, beaucoup de choses dans le roman sont vraies. 
Je voulais que Tyrone Meehan soit la fusion de deux personnages, lui et moi. J’ai voulu prendre du champ par rapport à cette histoire, pour me regarder : je voulais voir le Français avec les yeux de l’Irlandais. Non seulement je voulais voir la traîtrise par ses yeux, mais je voulais me voir par ses yeux, et ça m’a fait un bien fou. 

J’ai choisi le roman et la fiction pour m’éloigner de la réalité, mais en même temps pour être sûr que je pourrais dire des choses que je ne pourrais pas dire dans la réalité. Comment aurais-je pu expliquer que moi, Français, j’ai été appelé à aider, à donner un coup de main. Je ne peux pas le faire. Le roman me masque. Le roman me cache. 

Tyrone pose sur Antoine, le luthier français qui est votre alter-ego dans le roman, un regard de père, de mentor. Il y a beaucoup de douceur et de tendresse dans sa façon de vous voir.
Il faut maintenant que vous renversiez la phrase. Je me regarde avec beaucoup de tendresse, de douceur et avec un regard de père. Il m’appelait « son »— fils —ce qui m’a poussé à le vieillir. Volontairement je me fais presque enfant, dans ses yeux, entre ses mains.

La scène de la rencontre entre Antoine et Tyrone est particulièrement émouvante. Antoine est devant le traître, un traître à sa cause, à son pays, et on réalise que la question qui importe à ses yeux est : est-ce que notre amitié était vraie?
La seule scène commune entre les deux livres, c’est quand le Français rencontre l’Irlandais. Je n’ai pas vécu cette scène, mais elle se serait probablement passée comme ça. Le roman m’a permis de le revoir. 
Je suis le petit Français qui espère qu’on n’est pas traître tout le temps, qui espère que chez un traître, il y a du temps pour l’amitié, pour l’amour, et qui espère qu’on va le lui dire et que ça va l’aider à grandir et à faire son deuil. Mais je n’aurais pas eu la réponse. 

Dans Mon traître, la vie d’Antoine c’est Tyrone Meehan. Mais dans la vie de Meehan, Antoine n’occupe qu’une toute petite place. Je tenais à me remettre en place. Dans sa vie, ma place est minuscule, misérable. Je suis un trahi périphérique. 

Il y a un côté très naïf à Antoine…
Cette naïveté là, je l’assume. Je ne sais pas si naïveté est le mot qui convient, mais la trahison est un chagrin d’amour. Tout l’aveuglement amoureux, grâce au roman, je l’assume. 

Des gens m’ont dit « on ne le supporte pas le petit Français ». Tant pis. Moi non plus je ne me supporte pas quand je réfléchis à cette époque. En même temps, je ne regrette rien. Grâce à ce livre, je ne regrette même pas l’amitié. 

Parce qu’à une époque vous l’avez regrettée?
Bien sûr. Il me disait : « Si tu as des doutes sur notre combat, pense à moi! Viens me voir, que l’on en parle. » Quand j’ai terminé l’écriture de Mon traître, j’étais dans la colère de moi-même. Maintenant, je suis apaisé, parce que j’ai trahi en écrivant Retour à Killybegs. Je suis Tyrone Meehan. J’ai accepté d’endosser l’habit du traître pour être à ses côtés. 

C’est une trahison en temps de guerre. Il a trahi sa communauté, son combat, ses proches, ses frères, ses sœurs, sa culture, sa lutte. Je déteste cette image du traître, un homme qui trahit la communauté qui l’aime et qui le protège. C’est quelque chose d’hallucinant. 

Moi, je ne suis qu’un passant, un touriste, un Français. Et je me suis arrogé — parce que je ne suis pas au cœur de la souffrance de ceux qui ont été trahis, je suis en périphérie de la trahison —le droit, pour ma propre guérison, de prendre sa place. 

Je n’ai pas eu le choix. Si pour m’en sortir il avait fallu boire de l’eau de Javel, je l’aurais fait. Maintenant, il faut que je réapprenne tout, que je réapprenne la confiance. C’était le plus proche, l’insoupçonnable, c’est celui à qui les yeux fermés j’ai confié mes doutes, mes envies, mes joies. C’est mon frère qui m’a trahi. Comment fait-on après? Si mon frère m’a trahi, qu’en est-il de mes cousins, de mes oncles et des gens qui passent dans la rue?

Quand quelqu’un me donne un rendez-vous et ne vient pas, je trouve ça normal. Ce qui est étonnant, c’est quand il vient. 

Si vous aviez pu choisir, auriez-vous préféré ne jamais savoir la vérité sur Denis? 
Je préfère la savoir. L’idée de fêter un jour l’indépendance de la république irlandaise avec un traître à mes côtés me fait horreur. 

Je veux savoir. C’est comme un cancer : si un jour je l’ai, je veux qu’on me le dise, je vais vivre avec, je vais me battre contre, je vais lutter.

Votre processus de deuil est-il terminé?
Il est en cours. Je suis beaucoup plus apaisé. Maintenant, j’ai une sorte de distance, j’ai des images de lui souriant, chose que je n’avais plus du tout. Je réentends sa voix, et pas juste à la conférence de presse où il a dit : « Hello, my name is Denis Donaldson. I am a british agent. I was paid for my information » [Bonjour, mon nom est Denis Donaldson. Je suis un agent britannique. J’ai été payé pour mes informations]. Je réentends des choses d’avant. 

La trahison est un sac de pierres. Chaque fois que quelqu’un a lu mon livre et m’en parle, j’ai l’impression que je lui donne une pierre. Ça allège le sac. 

Ces livres auront pour moi servi à ça et à rappeler ce qu’a été cette guerre, parce qu’on l’a oubliée. À 1h30 de nos portes, Maggie Thatcher a laissé mourir dix jeunes hommes les uns après les autres, et on a détourné les yeux. 

Je me souviens : les grévistes de la faim mourraient les uns après les autres et pendant ce temps les jeunes défilaient contre l’apartheid en Afrique du Sud. C’était tellement plus simple : les noirs/les blancs, les gentils/les méchants. 

Vous avez sur vous des objets irlandais qu’Antoine porte dans le roman : sa bague, sa casquette, son badge. Est-ce que l’Irlande est toujours avec vous?
Antoine m’a emprunté ces objets. Plus jamais je n’écrirai sur l’Irlande, c’est retourné à ma sphère privée. 
On me propose d’écrire sur le sujet, mais je dis : laissons les tranquilles. Ce n’est pas un journaliste, c’est un homme blessé qui a écrit ce livre. La blessure est en train de cicatriser doucement. Cette blessure est à la taille de cet ami, et cet amour est à la taille de ce pays. 

Je n’ai pas du tout une vision romantique, idéalisée du conflit irlandais. J’ai une image violemment pragmatique. C’est une armée de gueux qui se sont levés et battus pour la dignité. Je pense qu’il fallait faire la guerre pour avoir la paix. Ça, l’écrivain peut l’écrire, le journaliste ne le peut pas. Un roman c’est pratique. On se cache bien derrière un roman.

Mais on se dévoile aussi.
Bien sûr. Un jour, un journaliste irlandais m’a demandé : « Quelle est la différence entre Antoine et vous? » J’ai répondu : « Je ne suis pas luthier ». 

Vous avez déclaré au sujet de votre premier roman, Le petit Bonzi, « je ne voulais pas écrire, je voulais écrire ce livre-là. »
Oui, je voulais écrire pour raconter la douleur du bègue. Je voulais écrire ce livre-là. Et puis, j’ai écrit Une promesse, qui a remporté le prix Médicis. Mais depuis Killybegs, je n’ai pas écrit une seule ligne. 

Est-ce dans vos plans?
Pour l’instant, non. Le titre du livre serait Bloqué à Killybegs

Vous avez remporté le Grand Prix du roman de l’Académie française pour Retour à Killybegs. Qu’est-ce ça représente pour vous? 
C’est le prix de la langue, et je trouve formidable pour un ancien bègue de remporter le prix de la langue. On m’a dit : « Désormais, vos grévistes de la faim sont immortels ». Accueillir cette violence-là dans cette institution, c’est aussi ça le processus de paix. Je trouve ça formidable. Surtout quand on est accueilli par Hélène Carrère d’Encausse qui me dit « Ce n’est pas moi qui vous accueille, c’est Victor Hugo dont j’occupe le fauteuil. » Mes amis méritaient ça. 

 

CRÉDITS PHOTO: Photo Sylvain Veyrié/CC-BY-SA (photo originale: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sorj_Chalandon_salon_radio_france_2011.jpg

09. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Clémenceau contre Jules Ferry : propos d’un député contre la colonisation en 1885 · Catégories: Première · Tags:
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“Ce qui manque de plus en plus à notre grande industrie, ce sont les débouchés. Il n’y a rien de plus sérieux. Or ce programme est intimement lié à la politique coloniale. Il faut chercher des débouchés.Il y a un second point que je dois aborder : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le droit de civiliser les races inférieures.Enfin, si la France veut rester un grand pays, qu’elle porte partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes et son génie. Rayonner sans agir, c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième.”  Le discours de Clémenceau va donc reprendre les arguments de Jules Ferry pour parfois les contredire . 

La technique qui consiste à réemployer les arguments de son adversaire pour mieux les réfuter est très souvent utilisée pour obtenir un effet sur l’auditoire. Clémenceau emploie ce procédé afin de décrédibiliser son adversaire en montrant à la fois son racisme et son parti-pris. La Fance et le gouvernement sont alors, à cette époque, divisés en matière de politique coloniale car certains préfèreraient que l’Etat investisse sur le territoire national .On retrouve bien dans le discours de Ferry l’idée selon laquelle les colonie sont avant tout une valeur économique dans la mesure où elles vont créer de nouveaux marchés pour les produits industriels de métropole. Clémenceau rappelle alors au public la défaite de Sedan en 1871 et invente un argument  selon lequel les allemands auraient gagné la guerre parce qu’ils avaient un plus gros cerveau. Il ridiculise ainsi certains points de vue racistes qui relient la taille du cerveau comme étant un critère justifiant à lui seul la domination, d’un peuple ou d’une ethnie sur une autre . De plus, il rappelle  avec ce souvenir de défaite que la France est sortie fragilisée de ce conflit et qu’elle n’a pas les moyens de poursuivre une politique d’expansion coûteuse en dehors de ses frontières . ” Mais nous disons, nous, que lorsqu’une nation a éprouvé de graves, très graves revers en Europe, lorsque sa frontière a été entamée, il convient peut-être avant de la lancer dans les conquêtes lointaines, fussent-elles utiles — et, j’ai démontré le contraire —, de bien s’assurer que l’on a le pied solide chez soi et que le sol national ne tremble pas. ” Voilà le devoir qui s’impose. Mais quand un pays est placé dans ces conditions, aller s’affaiblir en hommes et en argent, et aller chercher au bout du monde, au Tonkin, à Madagascar, une force pour réagir sur le pays d’origine et lui communiquer une puissance nouvelle, je dis que c’est une politique absurde, une politique coupable, une politique folle… (Applaudissements à gauche et à droite.) On voit ici que Clémenceau critique de manière explicite la politique soutenue par  M Jules Ferry . 

[…]

Pendant que vous êtes perdus dans votre rêve colonial, il y a à vos pieds des hommes, des Français, qui demandent des dépenses utiles, fructueuses au développement du génie français et qui vous aideront, en augmentant la production, en la faisant à meilleur compte, à trouver ces fameux débouchés que vous fermez par vos expéditions guerrières. (Applaudissements sur divers bancs.)

Ci-dessous la carte de l’empire colonial français en 1911. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530636240/f1.item …

07. juillet 2018 · Commentaires fermés sur Florilège de citations : les cris de cris de Gaudé.. · Catégories: Le livre du mois · Tags: ,
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La lecture du roman de Laurent Gaudé a été l’occasion pour les élèves de réaliser un florilège de citations. Comment devaient -il s’y prendre ? La méthode la plus simple consistait à prélever des citations au fur et à mesure de la lecture et à les noter sur un document . Relevez les numéros des pages permettait ensuite de les classer par thèmes et de réaliser une compilation organisée des phrases qui paraissaient définir la guerre et son cortège d’horreurs. 

 

« Si on n’arrive pas à percer quand on se lève tous comme ça, si on ne passe pas quand on est des milliers à courir en gueulant, je me demande bien où on reculera. »

« Je ne pensais pas que la mort pouvait avoir le visage d’un gamin de dix-huit ans. Ce gamin-là, avec ses yeux clairs et son nez d’enfant, c’était ma mort. »

« C’est comme une dernière éruption de vie et puis plus rien. Plus rien. La mort. »

« Je me demande bien quel visage a le monstre qui est là-haut qui se fait appeler Dieu, et combien de doigts il a à chaque main pour pouvoir compter autant de morts »

« Corps à corps pour la vie. J’étais une bête et je ne m’en souviens plus. J’étais une bête et je n’oublierai jamais. »

« Nous avions appris à décliner la peur dans toutes ses formes. Mais celle-ci nous était encore inconnue et je n’ai pas su m’en défendre. C’était la peur de l’attente. »

« Il fallait être vif. Ne pas penser. Ne pas faiblir. Percer et tirer sans cesse. Je n’ai plus vu personne. Corps à corps pour la vie. J’étais une bête et je ne m’en souviens plus. J’étais une bête et je n’oublierai jamais. »

« Tire et tue. Plus que cette seule idée en tête. Sois rapide. Plus rapide que les autres. Tire et tue. »

« La mort s’est joué de lui. Elle l’a pris de plein fouet. Pour sa première charge. C’était un homme et il méritait mieux que cela. »

« Nous n’avons pas le temps. Le sang nous est compté. »

« Fils de la guerre, père des tranchées. »

Jules : une petite armée d’hallucinés qui n’a plus peur et ne sait plus dormir

Marius : Alors nous sommes retournés vers cette immense bande de terre, dans ce terrain pelé qui n’est à personne, où personne ne s’arrête que les morts 

Jules : Personne ne peut se soustraire à la pluie d’obus

Castellac : Il aurait dû avancer vers la mort comme le commandant du navire en perdition qui va bientôt être englouti par les flots

Boris : Le grand pays rasé du champ de batailles, ce n’est qu’une succession terreuse de trou et d’amas, un pays barbelé.

Jules : La terre ici a perdu son visage vérolé.

Castellac : Nous avions appris à décliner la peur sous toutes ses formes.

Messard : Ils ont décidé de l’heure de l’apocalypse, ils ont fumé une dernière cigarette et puis, après avoir regardé leur montre, ils ont chargé leurs mortiers

07. juillet 2018 · Commentaires fermés sur Braves petits soldats : écriture poétique · Catégories: Seconde · Tags:
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Le dernier sujet d’invention comportait deux consignes précises : le texte devait être poétique et le titre était imposé : Braves petits soldats: avec ou sans ironie. Les élèves devaient donc s’efforcer de rendre leur écriture poétique en privilégiant les sonorités, le rythme et les images . Les textes étudiés en lecture analytique dans la séquence du même nom balayaient un vaste horizon ; Le romancier Céline y dénonçait l’absurdité de la guerre et la manière dont elle abîme la Nature et les hommes; Victor Hugo y célébrait le courage de la garde napoléonienne qui se sacrifie pour l’Empereur et la Patrie. Laurent Gaudé menait une réflexion  à plusieurs voix sur l’approche de la mort pour des poilus condamnés et Giraudoux, au théâtre , faisait prononcer au persnnage d’Hector, dans un contexte menaçant, un discours d’hommage à la fois aux soldats morts au combat mais surtout un hymne à la vie . Tous ces textes évoquent le comportement de l’homme au coeur de la tempête. Entre peur et héroïsme, renoncement et bravoure , acceptation et combat : chaque soldat doit trouver sa place et sa ligne de conduite. Voilà quelques échantillons de leurs réalisations …

Je te vois au loin avec ton armure de titane,

dans un nuage qui te protège de toutes balles,

Avec ton sourire et ta foi qui te condamnent,

Au milieu  de toutes ces embuscades.

 

Sur le front tes amis s’éteignent à toutes balles,

Devant toi les ennemis qui s’acharnent,

Au loin des obus menacent ta vie,

Mais pour toi ton seul but est de sauver ta patrie.

 

La couleur que tu rêves de voir est le blanc,

Mais la seule que tu vois est rouge sang,

Tu attends cette lumière qui vous délivrera tous,

Toute noire, elle n’en est que plus douce.

 

Les carnages et les victoires sont tes grands amours,

Sans oublier ta foi pour les grands discours,

Elle t’a permis de  tenir durant des jours,

Sans la peur de voir le néant pour toujours.

 

Au pied de ton destin, l’amour d’une mère,

Qui à tout fait pour le bonheur de son fils,

La mort te semble alors le dernier recours,

Qui te traverse l’esprit à chaque bruit sourd.

 

Tu te bats dans un champs funeste,

Ou les armes chahutent sans cesse,

Et les chacals finissent les restes,

Sans  vraiment aucune politesse.

 

Couchés dans des herbes épaisse,

A l’abri de toutes espèces,

La fatigue rôde et tout le monde s’endort,

Brisés par les rêves affreux créés par la mort.

 

La rage est un goût qui leur donne la forme,

Pour éviter les larmes qui prennent forme,

Ce remède est pratiqué tous les jours,

Pour que la mort ne soit pas au goût du jour.       Ryan   

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Brave petit soldat

 

Brave p’tit soldat de toutes nations en guerre,

Dont le doux regard brille d’une ardeur guerrière.

Pour aller combattre la patrie ennemie,

Tu marches vers l’ennemi sans être affaibli.

 

Brave petit soldat, la folie t’envahit,

Tu vois tes compagnons mourir de maladie.

Couvert de fleurs, vous les enterrez à l’abri

Pour garder foi en l’existence du paradis.

 

Tes jours sur ce champ de bataille sont comptés,

Le beau rêve fini, le cauchemar recommence.

Tu charges ton arme et commence à tirer,

Parfois sur des hommes d’une grande innocence.

 

Quand la balle meurtrière vient arrêter tes pas,

Tu comprends alors que tu meurs avec mérite,

Mais que ta mort est inutile pour un combat.

Brave petit soldats, rejoins-nous sous les fleurs.            Gauvain 

 

 

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Entendez vous cette silencieuse marche ?

C’est l’ennemi qui, craintivement approche 

Compagnons ! Chargez les canons ! 

Ils sont seuls, et sans peine nous vaincrons

 

Entendez vous cette pressante foulée ?

C’est l’ennemi qui, sûrement l’avant poste a franchi ! 

Mes amis ! Alignez vos fusils !
Nous sommes semblables, nous pouvons gagner !

 

Entendez vous cette foule qui hurle ?

C’est l’ennemi qui, nous assiège !

Mes frères ! Surveillez nos arrières !

Ils sont trop nombreux ! Il nous faut quitter ces terres !

 

Entendez vous ce puissant bruit fracassant ?

C’est l’ennemi qui nous bombarde !

Seigneur ! Me prenez vous maintenant ?

Je suis seul, sous leur tirs je succombe.            Antoine 

 

 

Seul ou en compagnie tu combats

Dans une confiance aveugle tu te bats

L’ennemi passe puis tu l’abats

Par devant ou avec un coup bas

La souffrance de l’homme enfouie

Sous les cris de vengeance

Est hachée par l’étourdissant bruit

De la mort qui doucement s’avance

Happant le front ligne après ligne

Dans ce trou où tu es acculé

Tu vois tes camarades exploser

Alors toi aussi  tu t’alignes

Tu la sens cette terre humide

Qui aspire la vie de tous ces hommes

Elle est froide et  avide

Gentiment elle t’assomme

C’est enfin fini mais tu te rappelles

De cette fille, ce soir-là, à Paris

Qui rien que pour toi, a souri dans ce lit

Et tu te dis qu’habillée de noir elle est bien belle.               Thomas   

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soldats5.jpg, juil. 2018

 

Ce poème est à nos pères, partis

Défendre nos terres au prix de leur vie .

Pour nos mères restées là, qui nous rassurent

Nous protégeant de cette vie de blessure.

 

Ce poème est pour ces enfants vagabondant

Dans nos rues, délaissés par leurs propres parents 

Pour tous ces fils de la guerre, nos envahisseurs

Responsables de la douleur de nos cœurs. 

 

A tous ces gens, je leur chanterai mon histoire.

Celle de nos vies à tout jamais assombries.

Privé de notre liberté, désormais soumis

Mon peuple vit dans ces ruines dépourvu d’espoir.

 

Ce fut à mon école, où tout a débuté.

Terrés sous nos tables, voyant les murs s’affaisser,

Les corps ensevelis, souvenirs de vie passée.

L’horreur nous fait grandir, inutile de lutter.

 

J’ai vieilli à en devenir père de mon frère,

Car ce jour là, ma famille me fut arrachée.

Garant de mon sang, il faut que mon nom prospère.

La guerre est là, elle s’est échappée des tranchées.

 

Menant avec elle ces barbares arrogants,

Armes au poing, tuant comme par passion,

Les nôtres qui autrefois portaient si fidèlement

Cette étoile jaune, signe de notre religion.                  Nicolas 

 

 

 

 

 

 

 

 

06. juin 2018 · Commentaires fermés sur Un discours contre la guerre : Hector face aux soldat morts · Catégories: Première · Tags:

 Alerté par la dégradation des relations diplomatiques internationale et notamment franco-allemandes, Jean  Giraudoux  compose une  pièce en quelques semaines. Il s’inspire d’un mythe et imagine les quelques heures qui précèdent le déclenchement de la Guerre de Troie . Après l’échec des négociations , la pièce se termine avec l’ouverture sur scène des portes de al guerre. L’extrait que nous étudions se situe au moment où le roi Priam, plutôt favorable à un nouveau conflit, demande à son fils de prononcer un discours d’hommage à ses soldats morts au combat.  Hector , général  tout juste rentré vainqueur d’une guerre récente , accepte de prononcer cet hommage , comme le veut la coutume troyenne, . Il entend alors ,du côté du port les clameurs suscitées par l’arrivée des navires grecs et il vient prendre place solennellement “au pied des portes”  . Mais Hector n’est pas décidé à prononcer le discours qu tout le monde attend avec les compliments habituels et l’hommage aux disparus; Sa prise de parole prend rapidement un ton irrévérencieux et il montre avec ce discours iconoclaste que  seuls les survivants d’une guerre  sont les véritables vainqueurs . 

 Nous pouvons montrer , tout d’abord  que ce discours est éloquent : il s’inspire , en effet, de l’art oratoire . Hector, d exprime abord, respecte  la tradition théorique de l’art oratoire ;Il s'adresse au morts en employant des apostrophes pathétiques : “O vous ..qui ne nous entendez pas ” et il les fait revivre par ses multiples invocations, un peu à la manière des anciennes incantations qu’on adressait aux esprits dans les cérémonies antiques;  il leur pose même des questions rhétoriquescela vous est bien égal n’est-ce pas ? ‘ et fait comme s’ils allaient pouvoir lui répondre; les nombreux paradoxes de ce discours résultent  notamment  de la présence d’antithèses comme par exemple ” vous qui ne sentez pas, respirez ” ou “vous qui ne voyez pas, voyez;.”  Hector semble ici montrer le caractère absurde de sa situation d’énonciation: à quoi cela sert-il de s’adresser à des soldats disparus ” Le discours aux  morts de la guerre est en fait un plaidoyer hypocrite pour les vivants ” a-t-il admis quelques instant plus tôt . Hector cherche à créer un contact non seulement avec ses auditeurs supposés, les morts , mais également avec les auditeurs qui sont autour de lui; On peut ainsi parler de double énonciation ou de double destinataire . Les apostrophes  sont fréquentes te rythment l’hommage : vous qui ne sentez pas , qui ne touchez pas ..” En les appelant, Hector rappelle en même temps tout ce qu’ils ne peuvent plus faire. Et à la fin du discours, on retrouve notamment l’idée de leur inexistence avec une série d’adjectifs et de noms : ” vous absents, vous inexistants, vous oubliés, vous sans occupation, sans repos, sans être “, Non seulement les morts ne peuvent plus jouir des plaisir sue la vie car ils n’ont plus d’existence, de corps, de sens comme la vue, l’ouie  et le toucher ou l’odorat mais le fait même de les oublier semble les priver définitivement du moindre statut et les rendre “‘sans être”, comme s’ils étaient condamnés à errer .  

 Un discours décalé :  En plus de ces nombreuses oppositions , les détails intimes que révèle le général dans cette circonstance officielle, peuvent paraître choquants; En effet, Hector fait allusion , tout d’abord à des actions banales et quotidiennes comme manger, boire et faire l’amour et ensuite, il ajoute un détail qui peut paraître trivial ,  que les soldats survivants vont coucher avec les femmes des disparus  “Nous couchons avec nos femmes..avec les vôtres aussi. ” Hector montre ainsi que la  vie continue après leur mort et que leurs veuves devront se consoler de leur mort dans les bras d’autres guerriers.  Demokos, le poète belliciste s’empresse de crier ici au scandale mais Hector n’a nullement l’intention d’insulter les morts; il constate ce que la mort leur a fait perdre car il veut montrer toutes les choses simples auxquelles   les morts n’ont plus accès: au lieu d’imiter les éloges funèbres au cours desquels on célèbre la gloire, la bravoure des soldats tombés au champ d’honneur, Giraudoux ici, fait prononcer à son personnage de soldat dégoûté de la guerre, un sort d’hymne à la vie et à ses plaisirs.  En effet, le général rappelle la douceur de vivre avec des éléments comme le “clair de lune ” qui évoque poétiquement les joies nocturnes qui viennent prolonger les plaisirs diurnes : manger, boire te faire l’amour.  Cette dimension hédoniste  rend hommage à la vie. Ainsi , à côté de ces joies simples ,les décorations militaires à titre posthume, les cocardes ne valent rien ; seule compte “la vraie cocarde” c’est à dire le privilège d’être demeuré en vie et d’avoir gardé ses deux yeux pour voir ; Hector es réjouit tout simplement de voir encore  le soleil . 

Le discours d’Hector s’éloigne donc des poncifs habituels et dans sa seconde période, Hector fait preuve de sincérité , qui contraste donc avec les éloges officiels plus ou moins hypocrites; Ce dernier refuse , en effet, de glorifier la mémoire des disparus car  “tout morts que vous êtes, il y’a chez vous la même proportion de  braves et de peureux que chez nous qui avons survécu” . Le fils de Priam se démarque ainsi de l’idéologie officielle et fait preuve d’une certaine lucidité dans l’examen de la nature humaine;  il se met alors à vivement critiquer la guerre en employant une métaphore culinaire dépréciative :   “la recette la plus sordide  et la plus hypocrite pour égaliser les humains” ;  D’ailleurs les survivants sont même qualifiés de  déserteurs ; en employant ce mot qui crique habituellement les combattants qui fuient le champ de bataille, le dramaturge semble inverser les valeurs habituelles . Pour Giraudoux, tous les hommes ne se valent pas et certaines vies sont plus précieuses que d'autres , ce sont celles des hommes de bien; en les faisant mourir en grand nombre, la guerre tend à effacer la valeur des hommes et à les confondre tous dans le même lot de victimes: c'est ainsi oublier que certains furent des hommes dont la vie avait du prix, ils seront regrettés par beaucoup de gens qui les aimaient  alors que d'autres ne seront guère pleurés par leurs proches.

Des paradoxes : le discours officiel d’Hector est construit à partir de répétitions pour le moins étranges qui forment de véritables antithèses  : en s’adressant aux morts, Hector rappelle leur absence et l’apostrophe “vous qui ne nous entendez-pas se transforme en invocation : “écoutez ces paroles ” . Cette formulation marque ici clairement l’impossibilité pour les auditeurs de prêter attention à l’hommage qui leur est rendu. Leur disparition  est ainsi réaffirmée et rend le discours pathétique. “vainqueurs vivants s’oppose ainsi à vainqueurs morts  
 Un discours provocateur ? Cette position défendue par le dramaturge peut paraître polémique car elle fait de la mort une sorte de dénominateur commun à l’existence des hommes ; c’est pourquoi Hector précise , à la fin de son intervention : ” je n’admets pas plus la mort comme expiation au lâche que comme récompense aux héros pour bien montrer que la perte de la vie constitue le véritable scandale causé par la guerre ; il ne faudrait pas en effet, que le mort soit considérée comme quelque chose de banal tout simplement parce que les hommes meurent en grand nombre durant les guerres;  ses dernières paroles s’adressent à tous les “absents, inexistants, oubliés, sans occupation, sans repos, sans être” ; ces images volontairement provocatrices dénoncent en fait la banalisation de ces disparitions de masse; chaque disparu doit compter et chaque survivant doit être capable d’apprécier la vie et de “ressentir comme un privilège et un vol , la chaleur et le ciel ” . Ici le soleil et la lumière représentent la vie par opposition au froid et à l’ombre qui traduisent le vide et l’absence .

Ce discours d’Hector est donc pour le moins étonnant car il ne correspond pas au discours attendu dans une circonstance semblable , qui est un hommage officiel aux soldats victorieux de son armée et il rappelle l’opinion de Giraudoux : les vainqueurs morts ne sont pas les véritables vainqueurs des guerres car  ils ont perdu leur bien le plus précieux que chaque homme devrait s’efforcer de conserver à tout prix:  la vie .  Le général avoue d’ailleurs avoir “honte “ d’être resté en vie alors que tant des siens ont donné la leur pour une victoire dont ils ne profiteront pas .

Avec beaucoup de finesse et de subtilité, Giraudoux, ici par l’intermédiaire du discours d’Hector, nous amène à réfléchir sur la guerre, la victoire, la valeur de la vie et celle des hommes.  Le discours est à la fois éloquent (art du bien parler ) et lyrique (expression de sentiments personnels) : il exprime de manière touchante les convictions d’un ancien soldat qui fait preuve d’une sincérité inhabituelle en de telles circonstances ; A la fois insolite et poignant, ce moment solennel peut se lire comme un réquisitoire contre la guerre ; la mort ne peut en aucun cas être considérée comme une consolation ou une consécration: elle doit être montrée dans sa brutalité et ses conséquences irrémédiables.

Ce thème a été repris par un romancier contemporain Pierre Lemaître qui dans son récit Au revoir là haut, met en scène deux anciens combattants de 14/18 qui ont survécu, profondément blessés dans leur chair (l’un est mutilé au visage ) et qui ont décidé de vendre de faux monuments au morts dont ils envoient les dessins aux mairies désireuses d’honorer la mémoire de leurs disparus. Cette notion de devoir de mémoire n’existe pas encore à l’époque de Giraudoux et le discours d’Hector peut paraître choquant mais il nous fait réfléchir à l place de la mort et de la vie qui est la seule véritable victoire pour le dramaturge. Peut être peut -on également penser que les nombreux hommages rendus aux disparus de 14/18 sont ici évoqués indirectement . 

Quelques axes possibles pour répondre à des questions de bac …

Un discours éloquent ?

les apostrophes, les invocations, la situation d’énonciation 

Une parodie des discours d’hommage officiels aux disparus? 

la trivialité , le rappel des plaisirs de la vie , la critique des usages et le rappel de 14/18, les paradoxes 

Un hymne à la vie ? 

la critique de la guerre et de ses conséquences , les morts décrits par ce qu’ils ont perdu ,les antithèses , une réflexion sur la mort comme valeur 

04. juin 2018 · Commentaires fermés sur Les derniers Cris des soldats dans Cris : texte 4. · Catégories: Seconde · Tags: ,
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 De nombreux romans ont pris comm sujet la première Guere Mondiale et particulièrement au moment du centenaire de sa commémoration.  Le roman de Laurent Gaudé intitulé Cris  est construit sur un dispositif narratif particulier : chaque personnage du récit nous fait partager sa vision de l’événement et le lecteur doit ainsi, en permanence, recomposer , une vision d’ensemble à partir des pensées des soldats sous le feu ;  L’intrigue se résume à quelques actions: on relève la première ligne; certains soldats partent en permission ou se reposent à l’arrière alors que d’autres vont devoir prendre d’assaut les positions ennemies. Le passage que nous étudions se situe au début de la seconde partie du récit. Le bataillon formé notamment  de Messard, Dermoncourt, Ripoll, Castellac, vient de monter une première ligne et l’assaut a été donné . un groupe d’hommes se retrouve séparés de ses positions, seuls, détachés dans le camp allemand sans espoir de repli ni de retour. Conscients du caractère espéré de leur situation , les hommes veulent mourir dignement . Quelle vision de l’homme dans la guerre nous offre ce passage ? Nous verrons tout d’abord le cadre de la guerre avant d’évoquer les réactions des hommes face à la mort . 

 

 

 

I Le cadre de la guerre 

Comme dans la plupart des récits, la guerre est présentée sous un aspect destructeur . 

1 Un décor de fin du monde 

La boue est un élément qui revient très souvent ( l 2 ) et le romancier utilise la métaphore de la fournaise ( l 3 ) pour montrer le caractère infernal des souffrances des soldats; Souffrances physiques : épuisement ( l 1) et souffrances morales évoquées par une série de transformations : “pour ce qu’ils nous ont obligés à devenir ” ils auront à nous rendre des comptes ” . Les champs de bataille font également souffrir la terre qui tout au long du roman,  est personnifiée et crie sa douleur : il ne reste que des ruines “baraque en ruine l 10 ” “carcasses méconnaissables de lit mais plus de toit ” l 11 . L’auteur évoque également les corps des soldats avec le terme boucherie l 11. 

L’ampleur des dégâts est suggérée par divers moyens et s’entend particulièrement par les sonorités des participes  passés qui forment une harmonie imitative  : trébuché, plongé, giclé, essoufflé , tiré, éclaté , fermé…. peu de termes militaires dans ce passage avec simplement l’indication du pilonnage immense qui inaugura la boucherie; Le caractère meurtrier de l’opération est traduit ici par l’adverbe immense à valeur hyperbolique . 

 

II . Les souffrances des hommes 

1 Ils deviennent  des animaux pour survivre

2. ils tentent de rester humains face à la mort 

3. la dimension tragique : solitude et perte d’espoir