06. avril 2018 · Commentaires fermés sur Robespierre veut réformer le suffrage censitaire et instaurer le suffrage universel (Texte 2 ) · Catégories: Première
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Maxilien Robespierre est un avocat de formation qui élu député d’Arras, monte très vite à  Paris et rejoint le célèbre club des Jacobins dont il devient un des membres les plus influents ;  Nommé député de paris , il  va peu à peu occuper des postes clés dans la Révolution française et siégera notamment  au Comité de Salut public qui sera l’organe exécutif de la Terreur ; Son intransigeance effraye ses pairs. Dans  l’ un  de ses nombreux discours prononcés à la Constituante, le député montagnard Robespierre tente ici de convaincre ses collègues députés qu’il est temps de supprimer le suffrage censitaire (il fallait en effet posséder un certain patrimoine pour pouvoir être électeur ) et d’opter pour le suffrage universel; Chaque citoyen pourra ainsi s’exprimer par son vote : ce qui lui paraît plus juste. Quels arguments emploie l’orateur pour tenter de rallier le public à sa thèse ? 

Le premier argument d’autorité utilisé par l’orateur est le nom de Rousseau, célèbre philosophe des Lumières qu’il admirait et qu’il cite parce que son peu de fortune l’aurait écarté de la possibilité de se présenter à l’investiture. Robespierre souligne le ridicule de cette condition en vantant les mérites du philosophe : son génie puissant et vertueux et surtout son rôle d’éclaireur des consciences  car il a , rappelle t-il  à ses auditeurs , préparé vos travaux par ses idées pré-révolutionnaires ; en choisissant cet exemple, un argument d’autorité et en montrant que ce héros de la nation auquel on a “élevé une statue ” n’aurait pu être élu en raison de cette loi inique, le député fait état de l’absurdité d’un système qui associe la valeur et la qualité d’un futur électeur à sa fortune ; En 1791, la France est gouvernée par une monarchie constitutionnelle mise en place par la Constitution de septembre 1791. Dans ce régime, la souveraineté appartient à la Nation mais le droit de vote est restreint.Le suffrage est dit censitaire. Seuls les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail ont le droit de voter. Ils sont appelés « citoyens actifs ». Les autres, les « citoyens passifs », ne peuvent pas participer aux élections.Le suffrage est aussi indirect car les citoyens actifs élisent des électeurs du second degré, disposant de revenus plus élevés, qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée nationale législative. Il existe ainsi des électeurs de premier et de second degré. Pour être électeur du premier degré, il faut payer des impôts ou avoir participé à une campagne militaire. Les électeurs du second degré doivent être titulaires de revenus élevés, évalués entre 100 et 200 journées de travail selon les cas.Par ailleurs, pour être élu, il faut être âgé de 30 ans minimum pour siéger au Conseil des Cinq-Cents et de 40 ans pour le Conseil des Anciens.

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Pour tenter de convaincre les députés qu’il est nécessaire de réformer ce droit , Robespierre fonde son élocution sur des répétitions : le verbe dire notamment rythme ses affirmations ; il est employé aux lignes 5, 6 et 7 toujours en anaphore ; Il emploie également  de nombreux liens logiques propres à l’art de convaincre : un lien causal car l 10 , des liens d‘addition et ; un lien de conséquence : par conséquent 14 ; Les affirmations sont péremptoires et ont une valeur universelle comme en témoigne la présence de nombreux déterminants globalisants : tout citoyen l 5 ,  tous les citoyens l  16 les hommes l 7 ; Les  tournures impersonnelles sont nombreuses et renforcent cette dimension généralisante des propos tenus  : il n’est pas vrai l 6 qu‘il faille , il est pour les hommes l 7 , il faut l 15, des lois qui doivent l 16. Dans ce premier paragraphe, l’orateur fonde son raisonnement logique sur la dissociation entre amour de la patrie et richesse du citoyen ; à la ligne 8 l’adjectif indépendants résume son point de vue ; la qualité d’un citoyen doit être mesurée à son amour pour sa patrie et ces intérêts  sacrés sont pour Robespierre indépendants de la fortune ou de la contribution, les deux éléments retenus pour justifier l’obtention du droit de vote. Il s’efforce ensuite de démontrer la justesse de sa thèse par une analogie entre ce à quoi tient l’homme pauvre et l’homme riche; L’argumentation se fonde ainsi sur la notion d’intérêt à la conservation de son état qui est , toujours selon l’orateur, proportionné à la modicité de la fortune ; Ainsi, il démontre qu’un petit épargnant tient autant à  maintenir son état de vivre avec sa famille “que le riche tient à d’immenses domaines ” ; le citoyen le plus modeste aura ainsi à coeur de faire régner la justice qui va lui assurer “la subsistance nécessaire ”  (l 13 ) et non la conservation du superflu; L’orateur en déduit également que donner des droits à cette couche de la population aura un effet bénéfique sur l’ensemble de la Nation; Il prend ainsi comme valeur essentielle le bénéfice du plus grand nombre .

Pour mener ce raisonnement, il se base sur l’idée  que les lois sont faites pour protéger les plus faibles et qu’avec ce système de vote inique , ce sont les hommes les plus puissants qui pèsent d’un poids plus grand sur le système politique car il sont davantage représentés  ; ce paradoxe est exprimé par la question rhétorique qui débute à la ligne 17 et dont l’ examen se termine à la ligne 20 par une indignation marquée par le point d’exclamation ; Indignation qui est à relier avec le terme injuste l 20 .  Robespierre entend ainsi prouver l’injustice profonde de ce mode de scrutin pour l’intérêt des citoyens les plus faibles . L’expression ordre social  l 17 rappelle le titre de l’ouvrage de Rousseau : le contrat social, et reprend les idées défendues par le philosophe des Lumières. Si la France maintient ce type de scrutin, elle  ne se contente pas de maintenir un état de fait favorable aux plus aisés des citoyens, elle renforce carrément  l’injustice  entre ses citoyens au lieu de contribuer à la diminuer ; Le député vient ainsi d’établir le lien entre le mode de scrutin et la persistance ou l’aggravation d’inégalités constitutives de la société française et véhiculées par les institutions politiques , celles là mêmes qui sont chargées de réduire les inégalités au sein de l’entreprise révolutionnaire . L’adjectif injuste l 27 reprend le principal reproche de Robespierre envers le droit de vote restreint .

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Le court paragraphe central du discours est construit sur des répétitions et des arguments logiques : 

 

 

 

 

 

 

 En conclusion, quelques dates clés de l’évolution du droit de vote En 1799 le  suffrage universel masculin  est adopté mais limité sous Consulat. Elle institue le suffrage universel masculin et donne le droit de vote à tous les hommes de plus de 21 ans ayant demeuré pendant un an sur le territoire.Mais il est limité par le système des listes de confiance. Le peuple ne désigne donc pas encore directement ses représentants. En 1815 : suffrage censitaire est rétabli.La défaite de Napoléon Ier à Waterloo (18 juin 1815) entraîne la chute de l’Empire et la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, la Restauration. Le suffrage universel masculin est aboli et le suffrage censitaire rétabli. Seuls les hommes de trente ans payant une contribution directe de 300 francs ont le droit de vote. Pour être élu, il faut avoir 40 ans et payer au moins 1 000 francs de contributions directes.La loi électorale du 29 juin 1820 du double vote permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois. Ces mesures cherchent à avantager les grands propriétaires fonciers, c’est-à-dire l’aristocratie conservatrice et légitimiste.Après la révolution des Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830), la Restauration fait place à la Monarchie de Juillet. Le droit de vote est élargi. Le suffrage est toujours censitaire, mais le cens nécessaire pour être électeur passe de 300 à 200 francs (ou 100 francs pour des cas particuliers) et de 1 000 à 500 francs pour être élu (loi du 19 avril 1831). De même, l’âge minimum pour voter est abaissé de 30 à 25 ans et celui pour être élu de 40 à 30 ans. Enfin, la loi du double vote, qui permettait aux électeurs les plus imposés de voter deux fois, est supprimée. En1848 :  le suffrage universel masculin  est adopté définitivement et vote secret. En 1944 : le  droit de vote des femmes rend enfin le  suffrage universel.P

 

31. mars 2018 · Commentaires fermés sur Robespierre veut moraliser le droit à la propriété · Catégories: Première · Tags: ,
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Le chef des Montagnards , soutenu par les comités de sans-culottes , s’attaque à l’un des fondements de l’activité économique: le droit à la propriété. Son éloquence repose ici sur des arguments variés et il s’inspire du style des orateurs romains mais également des discours des Lumières  et de leurs critiques de la société,des inégalités  et de l’exercice du pouvoir . Voyons en détails quels procédés il emploie et quelle est sa stratégie argumentative ?  Les questions que vous pourriez avoir le jour de l’examen : quelle est la stratégie argumentation de l’orateur ? comment le discours est-il construit ? en quoi ce discours est-il éloquent ? convaincant ? que critique ce discours et pourquoi ? A partir des questions données, entrainez-vous à ébaucher des plans en classant les éléments donnés ci-dessous …

Robespierre  commence  une technique qui a fait ses preuves : rassurer l’auditoire : le verbe complèter l 1 sous-entend que sa théorie de la propriété vient juste s’ajouter à celle admise par la majorité des députés alors qu’en réalité son discours vise à modifier la conception même de la propriété.  Il fait d’ailleurs état à la ligne 2 de l’inquiétude supposée de la foule  et anticipe ainsi sur les arguments de ses adversaires ; c’est un excellent moyen de désamorcer leurs appréhensions . Le subjonctif ici a une valeur d’exhortation : il exerce ainsi une pression sur l’auditoire et les met dans de bonnes  conditions pour écouter la suite; L’adresse au public : âmes de boue  l 2 contient pourtant  une forme de provocation ; Le style imprécatif est  néanmoins souvent employé pour créer un contrat avec le public ; L'orateur se sert ici de la fonction phatique du langage: et instaure la communication . Anticipant la défiance et un rejet éventuel de la part des riches propriétaires, Robespierre emploie le mot trésors au lieu du mot argent et rend ainsi quelque peu ridicule l’amour de l’argent dont font preuve les propriétaires ; A la ligne 3 , il rend explicite l’une des principales accusations qui vont permettre la réforme du droit de propriété : l’origine douteuse des richesses acquises, souvent octroyées lors de la période féodale par le roi pour récompenser la valeur militaire des aristocrates qui se battaient pour le royaume; En effet, pendant des centaines d’années, le pouvoir royal a utilisé comme principale rétribution pour les vassaux de la couronne, les terres du royaume et les paysans se sont ainsi retrouvés sans ressources propres, obligés, pour pouvoir exploiter la terre , de payer un loyer à leurs seigneurs  sous forme d’impôts qui ne cessent d’augmenter . Robespierre entend ainsi souligner les abus commis par la royauté. L’adjectif impure a des connotations négatives et rabaisse ainsi ceux qui  ont obtenu des richesses de cette manière.L’orateur se sert ensuite d’images fortes pour qualifier une réforme politique qu’il combat: la loi agraire ;  (l 3) Il la qualifie de fantôme ce qui souligne son caractère inconsistant et quasi irréel et précise qu’elle émane de fripons; Il contribue par l'usage de ce terme péjoratif  à disqualifier ces adversaires; cette technique qui consiste à rabaisser ses adversaires a un nom: il s'agit d'argument ad hominem c’est à dire d’arguments qui s’attaquent à la moralité de vos ennemis; On va ainsi  particulièrement utiliser les insultes ; C'est le cas ici avec fripon, renforcé par le terme imbéciles  (‘l 4 ). Souvent les arguments ad hominem sont peu efficaces mais ils jettent un doute dans l’esprit du public et surtout visent à rabaisser ceux qui soutiennent la thèse inverse de celle que l’on défend . De plus, en utilisant le terme épouvanter , Robespierre sous entend que ses adversaires sont peureux car ils craignent des chose qui n’existent pas : les fantômes. Nous ne sommes plus ici dans le domaine rationnel ni logique. 

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Il rappelle ensuite une évidence au public en rétablissant un lien causal direct entre les inégalités de richesses et les malheurs du pays et y précise le rôle de la révolution; En effet, Robespierre est l’un de ceux qui pensent qu’il faut avant tout s’attaquer aux cause des phénomènes pour les faire disparaître et il met en évidence ainsi la nécessité de réduire “l’extrême disproportion ” des fortunes;  ( 5 ) En employant l'adverbe d'intensité extrême , il montre que la marge d’action est importante et continue à rassurer les nantis. Le parallélisme de construction  qui introduit la restriction dans la seconde partie de la phrase à l’aide de l’expression nous n’en sommes pas moins convaincus ...reflète ici l’équilibre de la pensée ; Robespierre ne veut pas l’égalité des biens  pour tous car il dénonce le caractère utopique d’une telle idée en la qualifiant de chimère (6 ) ; Une chimère est une créature mythologique monstrueuse et légendaire et  au sens figuré, désigne un rêve insensé ,  un but impossible à réaliser . L'orateur rappelle ensuite qu'il défend avant tout l’intérêt général en faisant passer la félicité publique (7 )  avant le bonheur privé ; Il anticipe ici sur les éventuels conflits politiques  entre la défense  de l'intérêt général et la défense des  intérêts particuliers . Le terme félicité , quelque peu archaïque ,fait référence  à la Rome antique et prépare la comparaison avec les arguments des orateurs romains .

En effet, Robespierre s’inspire fortement des figures de l’éloquence antique et fait allusion à des personnages historiques pour servir d’illustration à ses propos. Fabricius  ( l 8) est un général romain devenu consul qui fut célèbre à Rome au troisième siècle avant JC par son refus des biens matériels et de l’argent  ; Il refusa par exemple les cadeaux des nations vaincues car il pensait que l’argent pouvait amener la corruption et mourut dans la plus garde pauvreté.Il est cité en exemple par le philosophe Jean Jacques Rousseau dans ses discours pour vanter les mérites de l’absence de vénalité et pour prouver qu’on peut être heureux sans posséder beaucoup de biens matériels ; En effet, Rousseau imagine que le consul vivait dans une chaumière (c’est le mot qu’il emploie dans le Discours sur les Sciences et les Art notamment en 1759 ) ; Robespierre reprend ici clairement les thèmes et les arguments de Rousseau qu’il admirait notamment pour ses réflexions sur le Contrat Social ; Rousseau pensait en effet que les nations devaient se doter d’un contrat moral entre les individus et l’état afin de soutenir l’intérêt commun contre les tentations d’abus des individus et que la loi doit protéger le collectif et servir au plus grand nombre . Quant à Crassus sénateur romain du premier siècle avant JC , il est célèbre pour ses richesses et on le considère comme l’homme le plus riche de Rome; Il s’et enrichi notamment par des spéculations foncières et les dons reçus lors des victoires militaires de ses légions. Il symbolise la cupidité et l’enrichissement qui découle la simple l’activité politique . Robespierre oppose ici ces deux symboles et choisit de se ranger dans le camp des hommes publics désintéressés ; Il tient à convaincre ses auditeurs de sa probité et de sa morale.  Il poursuit ce raisonnement en s’identifiant à un fils d’Aristide. Aristide, surnommé le Juste, est une figure politique symbolique de la démocratie athénienne du cinquième siècle avant JC qui se démarque de ses adversaires par sa probité et son refus de l’enrichissement : il est réputé dans la Grèce antique pour avoir soutenu l’intérêt  général de la Cité contre les tentatives des riches sénateurs de privilégier leurs intérêts . Alors que Xerxès est un empereur perse  de la même époque  (- 500 ) dont l ‘ Empire a été démantelé notamment à cause des guerres que se livraient ses fils . Comme il a opposé la chaumière au palais, Robespierre oppose ici un lieu où règne la vertu: le Prytanée à un lieu de vices, matérialisé par la fange  des cours qui conduit implicitement à  l’avilissement des peuples : deux termes aux connotations fortement péjoratives . Le paradoxe final “brillant de la misère publique ” crée un lien implicite entre l’enrichissement des gouvernants et la pauvreté du peuple; l’adjectif brillant connote le luxe et l’or et montre ainsi de manière choquante le contraste entre le luxe et la misère. Robespierre dénonce ainsi les hommes politqiues qui s’enrichissent grâce à leurs activités et contribuent par leurs abus à rendre le sort du peuple encore plus précaire ; Double injustice en quelque sorte !

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Après ce détour par l’histoire antique et cette référence à Rousseau, l’orateur poursuit son raisonnement politique et revient à son intention première :  réformer le droit à la propriété et le moraliser . Il est donc logique qu’il emploie les illustrations en relation avec la moralité des hommes politiques antiques : il place ainsi l’argumentation sur le plan éthique : celui des valeurs morales et particulièrement du bien -agir; En effet, il s'agit ici de décider les députés à voter une loi qui moralise le droit à la propriété.  On retrouve également la notion de vices que s ‘efforce de combattre Robespierre . Il oppose ainsi la bonne foi aux préjugés dont les hommes font preuve et se pose ainsi en défenseur de la vérité: Il est celui qui cherche à éclairer , ce qui métaphoriquement est rappelé par les nuages épais (l 13 ) image qui matérialise ce  qui empêche les hommes de voir clair . Robespierre se place ainsi dans la lignée des Lumières dont il réutilise le vocabulaire ;

Ses arguments se font plus précis et il s’attaque d’abord aux esclavagistes qu’il qualifie de “marchands de chair humaine ” : cette expression se veut choquante et l’orateur poursuit avec des termes évocateurs comme la longue bière, périphrase  qui désigne le navire ; une bière est un cercueil et ici Robespierre sous- entend que les bateaux qui contiennent des esclaves sont pour eux des cercueils car ils effectuent les traversées dans d’horribles conditions. Les attaques contre l’esclavage reprennent celles des Lumières et de Voltaire notamment qui dans Candide , dénonce la cruauté des esclavagistes et les traitements inhumains qu’ils font subir à leurs esclaves, considérés comme des marchandises dans le Code Noir, texte qui légalise et dicte les règles de la traite des noirs. Pour dénoncer cette situation, Robespierre emploie des verbes  de parole à l’impératif comme des adresses à ses destinataires : demandez, ligne 14, interrogez, l 16 et 19 . De plus, il invente même les réparties de ses interlocuteurs en imitant ainsi la prosopopée ,procédé utilisé dans l’Antiquité par les orateurs et rendu célèbre par le philosophe  Jean-Jacques Rousseau dans son Discours sur les Sciences et les Arts qui donne la parole à un sénateur romain, Fabricius,  procédé d’éloquence repris par Robespierre. 

De plus, Robespierre établit un rapprochement entre les esclavagistes et les membres des familles royales qui ont régné pendant des centaines d’années sur l’Europe;  Il raisonne ainsi par l’analogie. Par ce biais, il assimile,dans le paragraphe qui suit, les membres de la “dynastie capétienne”  ( l 19) à des esclavagistes  qui , ont eu, selon lui, le droit héréditaire “d’opprimer, d’avilir ” les populations; Ce sont ici deux termes aux connotations négatives qui dénoncent les abus de la monarchie. On retrouve ici les principales critiques des Lumières envers les Grands et leurs caprices; en effet, les Lumières n’ont cessé de dénoncer les effets dévastateurs des guerres de successions sur les paysans et les populations les plus démunies, guerres menées simplement pour les caprices et l’orgueil démesuré des Princes qui souhaitaient agrandir leurs territoires et étendre leur domination; Voltaire notamment, dans l’article guerre de l’Encyclopédie, dénonce les caprices des Princes; on retrouve cette idée dans le discours de Robespierre avec la mention, ligne 22 , du bon plaisir des capétiens. Cette expression présente, en effet, leur manière de gouverner comme obéissant simplement à leurs envies personnelles . Or, pour Robespierre, un dirigeant est responsable du bien -être de se concitoyens et a des devoirs envers les plus faibles.  En s’appuyant sur le principe du droit héréditaire cité ligne 20 , les familles royales disposent ainsi de la propriété du pouvoir : la plus sacrée des propriétés (l 20 ) On sent ici tout l’ironie de l’orateur quad il ajoute “sans contredit “; Il montre ainsi que les partisans de la monarchie n'admettent pas qu'on ne puisse pas partager leurs idées et sont donc intolérants . 

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Arrivé à ce point de son discours, Robespierre va maintenant développer sa thèse en reprenant d’abord celle de ses adversaires : “aux yeux de tous ces gens là, la propriété ne porte sur aucun principe de morale ” ; il entend justement démontrer qu’il faut renoncer à cette manière de penser sous peine de ressembler à toux ceux qui ont commis des abus; Il sait qu’il doit convaincre, parmi les députés , les riches propriétaires terriens qui ne vont pas renoncer facilement à leurs propriétés . Il se fonde alors sur la déclaration des droits de l’homme qui définit la constitution du nouveau gouvernement et établit un parallèle entre l’énoncé dd droit fondamental à l liberté , qui repose sur des valeurs morales dans la mesure où la liberté de chacun a pour bornes les droits d’autrui et que la liberté est un droit sacré que l’homme “tient de la nature ” ; Par analogie, si la propriété ,  en tant que droit ,comme la liberté ,est garantie par la Constitution alors nul ne peut s’en arroger la détention et en priver les autres hommes. C’est ainsi que Robespierre entend réformer le droit de propriété et il énumère ensuite les articles qui lui semblent essentiels . Il déclare , une nouvelle fois, agir au nom de la Vérité pour combattre les Vices . (31)  Il termine son argumentation en reprenant les critiques contre les abus des nantis ; En effet, il juxtapose les termes riches, qui ne possède pas de connotation négative, avec accapareurs, agioteurs qui désignent des gens qui utilisent l’argent gagné à des fins personnelles et sont poussés sur l’appât du gain :ce deux termes  possèdent de fortes connotations négatives; Mais surtout, il place en fin d’énumération le terme tyrans qui lui est sans rapport direct avec l’argent mais dénonce simplement les abus liés à l’exercice autoritaire du pouvoir; Il recrée donc un lien analogique dans son argumentation entre abus des riches et abus des politiques ; ce qui par simplification revient à identifier abus des riches et abus politiques . 

Le discours prend alors la forme d’une proposition de réforme de la constitution et les députés devront ensuite voter l’adoption du texte ou le rejeter, ou alors en amender certains articles .  

En conclusion, Robespierre a déployé dans ce discours , toutes les ressources l’éloquence antique et reprend la plupart des idées déjà défendues par les Lumières dans la génération précédente ; En réformant le droit à la propriété , il entend pouvoir l’étendre à un grand nombre de citoyens qui jusqu’alors en avaient été écartés; On peut ainsi dire qu’il a été un des pionniers du combat pour l’accès à la propriété (et notamment au logement ) des classes les plus  modestes, Etre propriétaire de  son habitation, par exemple, ou des terres, que l’on cultive, peut ainsi contribuer à faire reculer la misère dans les campagnes et dans les villes et contribuer au Progrès  de l’ensemble de la Nation .

30. mars 2018 · Commentaires fermés sur M’Bossolo, le soldat de l’espoir : un soldat venu d’ailleurs . · Catégories: Première · Tags:

Durant le dernier assaut, les hommes de la relève meurent : Barboni se sacrifie et s’empare du lance-flammes pour donner une peu d’avance à ses camarade qui fuient ; une balle tirée dans le réservoir de son arme le fait exploser. Ripoll qu’on croyait perdu est sauvé par un soldat à la peau noire.

Dermoncourt meurt sans qu’on sache comment : d ‘épuisement ou d’une balle dans le dos ” ( p 132) et Ripoll voit mourir sous ses yeux Castillac (le crâne fendu) .Il ferme les yeux avant de pouvoir distinguer Messard.Les hommes sont balayés par la vague des ennemis et Ripoll a l’impression de s’enfoncer dans la terre ; Il entend “des sons étranges dans la brume.;comme si la terre parlait avant de m’accueillir en son sein “ p 143

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M’ Bossolo le porte et le ramène vers les lignes arrières : il sait que le temps leur est compté : il doit agir vite et sans faiblir (p 145). Il fait partie pour Ripoll de ces hommes de la nuit avec leur peau “brûlée toute entière, leur peau lisse et noire, plus sombre que la boue” . Il les prend pour des ombres de la terre. Gaudé mêle toujours un élément fantastique dans ses récits et cette dimension mythique est apportée ici par ces soldats étrangers, des tirailleurs sénégalais. Voici quelques éléments histotriques pour mieux comprendre le rôle de ces soldats durant le conflit. 

  16 avril 1917 au petit matin, 15.000 tirailleurs sénégalais s’élancent à l’assaut du plateau du Chemin des Dames, dans l’Aisne, entre Soissons et Laon. Ce jour là, 1.400 d’entre eux meurent dans ces combats.Ces soldats venus de loin pour combattre sur le sol français sont fauchés par les mitrailleuses allemandes, encore opérationnelles après des jours d’intenses bombardements.  

En 1917 enfin, 20 bataillons sont placés sous le commandement du général Mangin, l’officier général qui publiait déjà en 1910 un ouvrage au titre retentissant,  La Force noire. Celui-ci croyait dans les vertus guerrières des Africains, ces qualités permettant de constituer des unités d’une « incomparable puissance de choc ». Malgré une préparation militaire effectuée dans le Midi de la France, éprouvante déjà, plus d’un millier de ces soldats coloniaux sont évacués avant le commencement de l’offensive de printemps. La dureté du climat en ce début d’année décime leurs rangs. 

En première ligne et sur les deux ailes de la VIème armée, ces « tirailleurs sénégalais » ne sont pas épargnés lors de ces combats, très meurtriers, qui dureront jusqu’à la fin de l’été. 

Au total, 29.000 de ces soldats coloniaux et africains sont morts au cours de la première Guerre mondiale, soit un homme mobilisé sur cinq. Et, si ces taux de pertes correspondent à ceux des troupes métropolitaines également engagées dans les combats de la Grande Guerre, la « force noire » méritait bien un hommage spécifique de la nation. Peu d’entre eux en effet seront médaillés. Mais, le 13 juillet 1924, à Reims, un monument « Aux héros de l’Armée noire » est inauguré. Le même groupe en bronze sculpté par Paul Moreau-Vauthier est également élevé à Bamako, au Mali. 

Sur le Chemin des Dames, il faudra attendre le 22 septembre 2007 pour que soit inauguré la « Constellation de la douleur », une œuvre sculpturale due à Christian Lapie, sur l’initiative du Conseil général de l’Aisne. Ces neuf sculptures, depuis sont implantées sur une parcelle appartenant au Département, à proximité de la Caverne du Dragon, sur les lieux même où ces tirailleurs africains sont tombés par centaines en 1917. Selon l’artiste, « ces figures sans bras ni visage, monumentales et puissantes, interrogent et déstabilisent », le passant.

Dans le roman, M’ Bossolo représente cette force noire , dernier espoir pour de nombreux blessés; La voix chaude de M,Bossolo coule sur les plaies de Ripoll qui comprend que les hommes de la nuit le ramènent vers les siens (p 146); Décidé à le porter jusqu'u bout , M' Bossolo représente "une pauvre humanité en marche qui porte ses blessés comme des divinités de bois ”  Au delà des tranchées et des champs de bataille, le corps de Ripoll voyage jusqu’en Afrique, en des lieux sûrs où la guerre ne peut pénétrer (p155) et le soldat devient alors un géant qui traverse des continents et qui, fort de ce qu’il a accompli, reviendra terminer le combat : “t’avoir mis en lieu sûr me rendra indestructible”  (p 156) ; Désormais , M’Bossolo se transforme en un ogre broyeur de métal et qui plantera ses dents dans l’ennemi.

Ce personnage réapparaîtra dans une autre nouvelle de Gaudé : Colonel Barbaque: Ripoll a voulu rejoindre l’Afrique et découvre les marques horribles du colonialisme. Il devient alors une sorte de vengeur,un horrible Dieu de la guerre. Quant à MBossolo l’écrivain l’a fait mourir de la grippe espagnole quelques jours après avoir sauvé Ripoll et ce dernier part en Afrique pour devenir noir et découvrir le pays de son  Sauveur. Vosu trouverez en pièce jointe le plan d’étude réalisé en classe pour étudier le personnage de M Bossolo (texte 16 ) 

 

29. mars 2018 · Commentaires fermés sur La Révolution sous la pluie · Catégories: Sorties
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Tous condamnés….

En ce mercredi 28 mars 2018, nous avions rendez-vous avec l’Histoire ; par chance, ce n’était pas un jour de grève SNCF et nous voilà partis direction gare Saint-Lazare où nous prenons cour de Rome, un métro à destination de Pyramides; La pluie nous attendait déjà et un petit groupe à pas pressé s, se dirige , à tort vers ce qu’ils imaginent être le Palais Royal ; Il s’agit en fait au bout de l’avenue de l’opéra, d’une des plus belles salles de spectacle de la Capitale: l’opéra Garnier ; Nous longeons alors le palais Royal, passons devant l’entrée du Conseil Constitutionnel et pas un seul ne s’arrête devant la Comédie Française , encore un haut lieu de notre patrimoine culturel. Il faut dire que les affiches des prochains spectacles ne sont guère voyantes ; suite de notre périple …

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La guide nous attend à l’entrée de la cour du Palais Royal où l’artiste contemporain, Daniel Buren ,a exposé ses colonnes ; Un tournage a lieu dans une des galeries et il nous faudra nous montrer discrets: ce qui n’est pas la principale qualité d’un groupe du 30 jeunes plus ou moins familiers de la vie parisienne ; les passants l’apprendront à leurs dépens et beaucoup changeront de trottoir ou se risqueront , en râlant sous la pluie qui nous accompagnera fidèlement , durant toute cette matinée ; notre guide explique longuement la création des commerces de ces jardins du Palais Royal,  par un cousin du roi qui y avait interdit l’accès aux policiers; Ces endroits fortement fréquentés sont donc devenus les premières bases pour les  révolutionnaires qui en profitaient, à l’abri de la censure et du pouvoir royal, pour appeler à la chute de la monarchie et à la révolution. C’est de là que partirent les troupes civiles à l’attaque de al Bastille afin de trouver les armes nécessaires à leur défense car Camille Desmoulins avait proclamé que Lousi XVI avait fait masser 20 000 soldats aux portes de la Capitale afin de réprimer les éventuelles émeutes; nous nous tenons à l’abri des arcades , sous des cafés dont les noms rappellent cette époque ; celui devant lequel nous nos abritons a été créé justement en 1787;

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Aujourd’hui ce sont des boutiques d’art qui se sont installées dans les galeries beaucoup moins fréquentées qu’autrefois. La foule désormais fréquente plutôt les grandes artères percées au siècle suivant par le baron Haussmann , comme la rue de Rivoli par exemple qui mène à la place Vendôme, célèbre place où les plus grands bijoutiers exposent leurs plus belles créations. Le Ritz,un place luxueux, y côtoie l’entrée du Minsitère de la Justice où Danton se rendait chaque matin quand il était ministre de la jeune République .

Au beau milieu d’une circulation quelque peu bruyante, notre guide tente de nous décrire la fuite de la famille royale: la reine qui venait du Palais Royal à pied (ce qui était rare pour l’époque car on ne marchait que très peu )  s’est perdue dans le dédale de petites rues adjacentes et à cause de son retard, la voiture de la famille royale a pu être interceptée avant de quitter la région parisienne. Toujours sous une fine pluie printanière, nous nous dirigeons donc vers la fameuse place Vendôme ; Les élèves trouveront facilement le mètre étalon qui représente la révolution de notre système de mesures qui devient décimal et qui s’uniformise à travers le Pays et notre guide expliquera les nombreux changements architecturaux qui ont affecté la plupart des places Royales ; En effet, les statues équestres de rois ont toutes été cassées par les révolutionnaires et il a fallu leur substituer des personnages emblématiques de la révolution ; Aujourd’hui, au centre de la place Vendôme, une colonne de bronze représente le déroulement de a bataille d’Austerlitz, remportée par les troupes de Napoléon Bonaparte ; En effet, il n faut pas oublier que les bouleversements révolutionnaires vont marquer le début de nombreuses guerres avec les monarchies voisines ralliées sous les bannières de leurs souverains.

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Dernière étape tout aussi pluvieuse (mais de ce côté là le pire était à venir ) place de la Concorde où les condamnés étaient exécutés par dizaines , jusqu’à 300 par jour pendant la Terreur ; le Musée du jeu de Paume abrite actuellement des collections d’art contemporain et il ne reste plus aucune trace de cette salle où fut prêté le serment du même nom par les députés désireux d’écrire la Constitution des droit de l’homme et du Citoyen.Là s’achève la première partie pédestre de noter découverte du Parsi révolutionnaire et les élèves doivent désormais se rendre par leurs propres moyens au lieu de rendez-vous suivant : le fameux boulevard du Palais sur l’île de la Cité . 

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Nous les retrouvons, un peu plus d’une heure peu tard, transportant encore un peu de nourriture sucrée et colorée avec eux ; Aucun ne manque à l’appel et nous entrons dans la Conciergerie , prison principale des ennemis de la  révolution mais aujourd’hui encore, lieu de Justice. Une première surprise nous y attend : une installation d’art contemporain qui détourne l’eau de la Seine juste au- dessus de nos têtes; Nous commençons par la partie médiévale et nous suivrons ensuite le parcours des prisonniers depuis leur arrestation, l’attente dans la salle des pas perdus, l’enregistrement auprès du concierge de leur identité, nom, prénom, adresse, profession et la notification du motif de l’arrestation. Nous franchissons à notre tour les grilles et pénétrons dans les couloirs où certains cachots ont ét conservés : Les détenus étaient logés selon leur rang et leur fortune: les pailleux subissaient des conditions d’incarcération terribles alors que ceux qui pouvaient s’acquitter de la pistole , avaient des cachot plus spacieux et parfois individuels; des prisonniers célèbres ont été enfermés dans ces lieux: Voltaire quelques années avant eux, Olympe de Gouges, Danton ainsi que la reine Marie-Antoinette qui y séjourna trois mois avant d’être jugée en 3 jours et exécutée quelques mois après son royal époux. Un passage étroit nous donne accès à une petit partie de la cour des femmes (la prison avait un côté réservé aux détenues de sexe féminin) où l’on peut voir des vestiges de cette époque : le coin des douze où on rassemblait les condamnés du jour avant qu’ils montent dans la charrette pour qu’ils puissent dire adieu à leurs femmes , une planche à laver et une fontaine où les prisonnières faisaient leur toilette. Les élèves seront ensuite invités à écrire , au dos d’une carte postale, quelques mots d’adieu en se mettant dans la peau d’un condamné. 

 

Condamnés, nous l’étions tous par la pluie et nous avons traversé le pont de la Cité sous des trombes d’eau ; Le métro le plus proche fut pris d’assaut et ensuite, chacun à sa manière , tenta de regagner Ermont-Eaubonne : certains empruntant des trajets différents ..merci à tous les élèves ainsi qu’à leur professeur dEPS pour ces moments partagés . La citation du jour : “on n’est pas en sucre quand même “… même si le temps froid  gris et pluvieux a quelque peu gâché le plaisir de découvrir les secrets de la Capitale au temps des Sans -Culotte , j’espère que lorsqu’ils liront les discours de Robespierre au bac, ils s’imagineront place de la Concorde ou dans un cachot de la Conciergerie et qu’ils verront passer  au loin , l’ombre des charrettes des prisonniers et le clin d’oeil du Docteur Guillotin 

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La cour des femmes 

 

 

 

 

07. mars 2018 · Commentaires fermés sur La rhétorique et les genres oratoires · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,
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La rhétorique est l’art de bien parler; Les Anciens ont mis au point une série de traités qui enseignent l’efficacité en matière de construction des discours ; ils établissent une distinction entre les discours de l’avocat qui défend un client ou plaide une cause dans le cadre d’un procès ;  (éloquence judiciaire )  les discours des hommes politiques qui tentent de faire voter des lois ou d’ amener des citoyens à voter pour eux ( genre délibératif ) ; Enfin le genre épidictique regroupe tous les discours prononcés à l’occasion d’un événement de la vie quotidienne  tel qu’un enterrement  (oraison funèbre) ou un mariage ou un discours de réception d’un prix . 

1. Les trois genres rhétoriques

II.1.1. Le genre judiciaire

Le genre judiciaire renvoie à un discours dont la fonction est d’accuser ou défendre.

Le genre judiciaire est donc surtout destiné au tribunal, puisque c’est là principalement qu’on accuse ou qu’on défend.De plus, le genre judiciaire renvoie essentiellement au passé, puisque lorsqu’on juge des faits, ces faits sont en principe déjà accomplis.Enfin, le genre judiciaire met nécessairement en œuvre les valeurs du juste et de l’injuste.

II.1.2. Le genre délibératif

Le genre délibératif renvoie à un discours dont la fonction est de persuader ou de dissuader.Le genre délibératif s’adresse donc à une assemblée publique. En effet, c’est au forum, dans un conseil, ou encore au Parlement qu’on persuade ou dissuade d’entreprendre la guerre, d’élever un bâtiment, d’accomplir telle ou telle action concernant l’ensemble de la société.Le genre délibératif renvoie par conséquent au futur, puisqu’il s’efforce d’amener l’auditoire à prendre une décision qui engage l’avenir.Le genre délibératif met essentiellement en œuvre les valeurs de l’utile et du nuisible.

II.1.3. Le genre démonstratif (ou épidictique)

Le genre démonstratif renvoie à un discours dont la fonction est de louerblâmer, ou plus généralement d’instruire. Il est parfois aussi appelé genre épidictique.Le genre démonstratif s’adresse à un auditoire réuni à l’occasion d’un événement particulier tel qu’un mariage, un décès, une réception officielle. C’est là qu’on loue ou blâme; c’est là qu’au travers de la louange ou du blâme, on instruit des choses de la vie.Le genre démonstratif ou épidictique renvoie tout à la fois au passé, au présent et au futur: il s’agit de louer ou de blâmer tel ou tel personnage, dont on évoque pour ce faire les actions passées et dont on prédit les actions à venir à partir de ses qualités présentes.Le genre démonstratif ou épidictique a donc principalement trait à l’admirable et à l’exécrable.

II.2. Genres rhétoriques et genres littéraires

Les genres rhétoriques entretiennent un rapport étroit avec les genres littéraires.

Le genre judiciaire est très présent dans la tragédie, où les situations de conflits abondent. Les personnages tragiques sont en effet souvent amenés à se justifier, à accuser, ou à se disculper. Ainsi, dans Le Cid de Corneille, Chimène accuse Rodrigue du meurtre de son père et demande réparation au roi qui se trouve alors en position de juge (II, 8). À son tour, le père de Rodrigue prend la défense de son fils et fait valoir ses arguments.

Le genre délibératif est présent dans divers genres littéraires. Il intervient dès que les personnages doivent se décider à agir dans un sens ou dans un autre. Au théâtre, les scènes où un confident, un proche ou un ami dialoguent avec un personnage pour le conseiller relèvent du genre délibératif.  Parfois, un seul personnage peut tenir un monologue relevant du genre délibératif, comme lorsque Rodrigue, dans les fameuses stances du Cid, s’interroge sur la conduite à tenir (I, 6).

Dans la poésie lyrique, les vers dans lesquels le poète exhorte sa Dame à se montrer moins cruelle ressortissent également au genre délibératif.

Le genre démonstratif ou épidictique est très présent dans la poésie lyrique où le poète chante la beauté de sa Dame, de même que dans la poésie officielle où il chante la grandeur d’un monarque et dans la poésie religieuse où il chante la grandeur de Dieu. On trouve également le genre démonstratif au théâtre, dans les scènes d’exposition, au cours desquelles un personnage met un autre personnage au courant de faits qu’il doit connaître.

II.3. Les cinq opérations rhétoriques

Quel que soit le genre rhétorique d’un discours, ce discours doit obéir à certains principes communs aux trois genres pour être efficace.

Un discours doit ainsi présenter des arguments pertinents ou relater des faits pertinents; un discours doit aussi suivre un plan qui en assure la cohérence et l’organisation; un discours doit également adopter un style approprié aux circonstances; il doit enfin être prononcé de façon vivante.

Ces diverses exigences correspondent moins aux étapes successives de la composition d’un discours qu’à des opérations rhétoriques par lesquelles il faut nécessairement passer pour produire un discours efficace. Examinons ces opérations les unes après les autres.

II.3.1. L’inventio ou la recherche des arguments

L’invention (inventio, dans les traités de rhétorique rédigés en latin) désigne la recherche des arguments et des idées à présenter aux destinataires du discours.

Ces arguments sont de deux types: les arguments affectifs qui agissent sur les émotions et la sensibilité des auditeurs et les arguments rationnels qui en appellent à leur raison.

II.3.1.1. Les arguments affectifs: l’ethos et le pathos

Les arguments affectifs se distribuent eux-mêmes en deux catégories: l’ethos et le pathos.

L’ethos est l’image que l’orateur ou l’auteur du discours donne de lui-même à travers son discours. Il rassemble les notations relatives à l’attitude que l’auteur du discours doit adopter pour s’attirer la bienveillance des destinataires. Cette attitude doit être faite de modestie, de bon sens, d’attention aux destinataires…

La seconde catégorie d’arguments affectifs rassemble les notations visant à éveiller les passions de l’auditoire (colère, crainte, pitié,…). C’est ce qu’on appelle le pathos du discours, autrement dit la charge émotionnelle du discours. Celle-ci peut notamment prendre la forme d’apostrophes véhémentes ou encore d’exclamations

La construction canonique du discours argumentatif :

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– Exorde : une introduction

– Narration : on raconte les faits

Confirmation : on réaffirme son opinion et on donne ses arguments

Réfutation : on réfute les arguments de la partie adverse

Péroraison : la conclusion du discours argumentatif

Les cinq étapes pour construire un discours argumentatif :

– L’invention : chercher tous les arguments pour ou contre

– La dipositio : organiser ses arguments dans un plan

– L’actio : le savoir être, le comportement, les gestes qui viennent appuyer le discours

– memoria : maîtriser son sujet et ne pas être collé sur ses notes

– L’élocutio : la voix et l’intonation 

 

04. mars 2018 · Commentaires fermés sur Ruy Blas : une scène d’aveu · Catégories: Commentaires littéraires, Première · Tags: ,
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Cet extrait de l’acte I du drame romantique de Hugo avait été retenu pour servir de base au commentaire littéraire de ce bac blanc; Le héros y avoue à son ami et aristocrate qu’il est amoureux de la reine et jaloux du roi d’Espagne alors qu’il n’est qu’un laquais. La question de corpus vous a mis sur la piste de la scène d’aveu et la gent edu la pièce pouvait également vous donner des indications sur la position du personnage et les points communs entre la tragédie ;  si les introductions en général montrent bien  que vous avez identifié le drame romantique , l’une des difficultés  principales consiste à trouver une problématique qui permette d’étudier les thèmes essentiels de ce passage. Certains d’entre vous sot partis sur une lecture politique critique : en effet, Hugo a chois dans cette pièce qui se déroule en Espagne de critiquer la monarchie espagnole mais le public de son époque perçoit , au delà du jeu des acteurs et du cadre de la fiction, la satire du gouvernement de Napoléon III . Voyons quels étaient les axes à privilégier ! 

 

Il s’agira d’étudier en quoi cette scène d’aveu remplit sa fonction dramaturgique (poursuivre l’exposition de la pièce) tout en annonçant déjà  la fatalité qui pèse sur la destinée du héros. 

  1. La dramatisation de l’aveu

1. Une scène de confidence : un aveu surprenant 

  • Le rôle de Don César est ici proche de celui du confident des tragédies classiques : sa présence justifie la prise de parole de RB (de façon plus vraisemblable que s’il s’était agi d’un monologue) et les révélations qui vont suivre. 
  • En effet, cette scène tirée du premier acte de la pièce constitue un prolongement de l’exposition : le dialogue entre le héros et son confident permet par le biais de la double énonciation de délivrer au lecteur/spectateur des informations essentielles et de mettre en place l’intrigue tout en suscitant son intérêt. 
  • Les réactions de Don César (interrogations et exclamations) sont d’ailleurs le miroir de celles que peut avoir le public face à l’aveu surprenant de RB. Ces interventions sont réduites à quelques syllabes, mais leur expressivité (interrogations et exclamations) participe à la dramatisation du passage.

2. Une libération progressive de la parole: des révélations successives 

  • Les brèves interventions de Don César divisent la prise de parole de RB en quatre répliques. Chacune d’elle constitue une étape et un nouvel aveu : l’aveu par RB de sa condition de laquais / l’aveu d’une passion dévorante / l’aveu de l’identité de la femme aimée / l’aveu de sa jalousie envers le roi.
  • La parole de RB semble se libérer au fil du passage : ses quatre répliques sont de longueurs croissantes (5 vers / 8 vers / 10 vers / 14 vers).
  • Cependant, ce qui caractérise le passage et crée sa tension dramatique, c’est plutôt l’hésitation entre libération et rétention de la parole  : l’aveu ne se fait pas sans détours et retardements.

3. L’amplification de la gravité de l’aveu

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  • Un effet d’attente est créé par la construction des répliques de RB qui prennent l’apparence d’énigmes : la seconde s’achève par une question (v. 13) à laquelle il répond immédiatement, mais cette réponse suscite plus d’interrogations encore ; la troisième se présente explicitement comme une devinette soumise à Don César et au public (« Tu ne devines pas ? » v. 21) et s’achève par l’aveu de l’amour éprouvé pour la reine ; la quatrième commence  par le présentatif « il est… » (v. 25) relancé par « il est un homme » (v. 26), mais la solution n’arrivera qu’au vers 37 : il est question du roi.
  • Chacun de ces aveux est précédé par des images, des hyperboles qui amplifient son caractère insensé.On y retrouve l’image du feu amoureux mortel , autre ressemblance avec l’univers de la tragédie classique et ses passions funestes. 
  • Des effets liés à la versification renforcent les effets d’attente et d’amplification, par exemple l’enjambement des vers 22 – 23 qui retarde la révélation de l’identité de la femme aimée

Ces détours, ces effets d’attente qui captent l’attention du lecteur/spectateur, mettent aussi en évidence la difficulté du personnage à avouer son amour insensé et douloureux pour la reine.

II. L’expression d’un amour impossible et douloureux

1. Un lyrisme exalté : le héros romantique sur scène 

  • L’amplification progressive des répliques évoquée plus haut traduit l’exaltation qui saisit peu à peu le héros.
  • Cette montée de l’exaltation est également retranscrite par les redoublements de termes (« être esclave, être vil » v. 9) ou  les gradations (« quelque chose / D’étrange, d’insensé, d’horrible et d’inouï » v. 15 – 16).
  • Le lyrisme passionné de RB s’exprime par un rythme saccadé que soulignent les nombreux tirets, l’emploi fréquent de la modalité exclamative, les interjections qui viennent entrecouper le propos ainsi que la succession parfois heurtée (v. 14) des verbes à l’impératif.

2. La puissance de la passion amoureuse

La violence de l’amour est suggérée par des images terrifiantes :

  • La métaphore de l’«hydre aux dents de flamme » (v.11)  exprime la souffrance intérieure du héros.
  • Elle est reprise au vers suivant par l’adjectif « ardent » (v.12) qui évoque une sensation de brûlure. L’idée d’étouffement est présente à travers l’expression « serre le coeur » (v.12).
  • L’amour provoque une véritable douleur physique, un mal qui ronge  la « poitrine », le « coeur ». 
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3. La conscience de la fatalité

  • L’amour impossible de RB pour la reine est associé à un « poison affreux » (v. 18), ce qui semble prémonitoire : RB mourra en effet en s’empoisonnant pour sauver la reine du déshonneur.
  • L’annonce d’un destin tragique est explicitement présente dans la troisième réplique de RB avec l’expression antithétique « une fatalité dont on soit ébloui » (v. 17) qui retrouvera dans l’expression soleil noir,chères à Hugo, son pendant poétique 
  • L’image du « gouffre où [s]on destin [l’] entraîne» (v. 22), omniprésente dans l’ensemble de la pièce, représente métaphoriquement cette fatalité qui pèse sur lui. D’autres termes (« creuse », « abîme », «noir ») font également écho à cette métaphore.

L’amour impossible de Ruy Blas pour la reine est donc l’un des aspects que prend la fatalité qui pèse sur sa destinée. Cette fatalité est étroitement liée à la condition sociale du personnage.

III. Ruy Blas, une incarnation de la fatalité sociale

  1. Une reconstitution historique
  • Les toponymes « Aranjuez » et « L’Escurial » ainsi que les noms des personnages aux sonorités hispaniques (nom de César précédé de Don) créent ce qu’on appelle la couleur locale, le cadre exotique souvent présent dans les oeuvres romantiques. Le drame se déroule en effet dans l’Espagne du XVIIe siècle.
  • Les v. 30-31 évoquent un usage particulier à la cour d’Espagne.
  • Il est sans doute possible de voir dans le tableau que brosse Victor Hugo de l’Espagne de la fin du XVIIe siècle dans la pièce un reflet de la France des années 1830 (époque de composition de la pièce). Hugo utilise ainsi le principe de distanciation que reprendra , par exemple, Anouilh en utilisant le mythe d’Antigone pour faire réfléchir le public de 1944 sur la politique de collaboration de la France occupée par les allemands .

2. La vision du roi par Ruy Blas, entre fascination et terreur

  • Le champ lexical de l’effroi (« terreur », « tremblant », « redoutable ») est très présent dans la longue tirade de RB sur le roi, un être redouté.
  • La toute-puissance royale est exprimée par la comparaison avec Dieu (v. 28) et par le rappel de son pouvoir de vie et de mort sur ses sujets (v. 31).
  • Le terme « fantaisie » évoque de façon péjorative le caractère arbitraire de ses décisions. 
  • Le roi est également présenté comme un être inaccessible et isolé.
  • Cependant, et même si la pièce reflète la réflexion politique et sociale de son auteur, le roi dont RB fait le portrait ne saurait être assimilé au monarque français contemporain de Victor Hugo, Louis-Philippe. La figure du roi sert surtout à mettre en évidence, par contraste, la position de RB et le caractère insensé, et par conséquent tragique, de son amour pour la reine.

3. Ruy Blas, un être déclassé

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  • Ruy Blas est un homme du peuple, mais l’éducation de qualité qu’il a reçue lui a permis de s’élever au-dessus de sa condition. C’est pourquoi il souffre de son statut de laquais. Son nom qui associe le patronyme aristocratique Ruy et le nom populaire Blas reflète ce déchirement.
  • La « livrée » désignée par la périphrase dégradante de « habit qui souille et déshonore », qualifiée d’ « infâme », représente la condition servile de RB, qui souffre de son déclassement.
  • Cet abaissement social est sans rapport avec les qualités de RB, homme d’honneur comme le montrera la suite de la pièce. C’est pourquoi Don César entretient une relation d’égalité avec lui comme le montrent la didascalie « lui serrant la main » ou l’apostrophe «Frère ! » par laquelle RB s’adresse à lui.
  • Il n’en reste pas moins que l’amour de RB pour la reine relève d’une incongruité sociale insurmontable, ce que met en évidence la jalousie du héros envers le roi, sentiment présenté comme grotesque au v. 37. Le caractère grotesque de la situation est renforcé par le prosaïsme des expressions employées par RB : au v. 39, la reine est rabaissée par la trivialité de l’appellation « femme du roi ».

Ainsi, cette scène d’aveu est essentielle à la pièce puisqu’elle prolonge l’exposition en mettant en place l’intrigue. La révélation par Ruy Blas de sa passion insensée pour la reine est également l’occasion pour Victor Hugo de nouer étroitement deux thèmes essentiels du drame, celui d’un amour exacerbé par la conscience tragique de son impossibilité et celui de la fatalité sociale qui pèse sur le héros.

Les ouvertures possibles : la fatalité amoureuse au théâtre ( comparaison avec Phèdre ou d’autres tragédies qui reposent sur une passion funeste ou un amour impossible  ); un amour condamné par la différence de statut  sociale des amants . 

04. mars 2018 · Commentaires fermés sur les types de discours : réviser pour le bac · Catégories: Fiches méthode · Tags: , ,

Un sujet d’invention fréquent  peut consister à composer un discours : n’oubliez pas que ce type de texte privilégie certaines techniques qu’il vous faut mémoriser ; Commençons par réviser un peu ..pour comprendre quelles sont les particularités de la rhétorique des discours. Tout d’abord, un discours doit être abordé dans une situation de communication : il vous faudra d’abord préciser à quel public s’adresse l’orateur et dans quel contexte il se trouve; On différenciera , par exemple, un discours politique d’un discours de commémoration ou de réception , par exemple, à l’occasion de la remise d’une récompense ; On tiendra compte également de la position du locuteur : représente-t-il un parti, une faction ? s’exprime-t-il au nom d’un collectif ou en son nom propre ? Ainsi, on pourra envisager les arguments dans leur contexte ; De plus, on tiendra compte des procédés  employés et notamment de ceux qui nous provient de l’éloquence antique ou de l’art oratoire classique ; Entrons dans les détails …

LE DISCOURS = un texte écrit, destiné à être lu à voix haute ou publié et qui s’adresse à un large public afin d’emporter son adhésion. Le discours ne semble donc pas vouloir se contenter d’un destinataire unique mais au contraire cherche à convaincre et persuader le plus grand nombre. Contrairement à l’essai, il utilise forcément les techniques de la rhétorique, c’est-à-dire de l‘art oratoire, en déroulant avec rigueur une pensée très structurée.

La première qualité d’un discours est d’être éloquent : n’oubliez pas que vous vous adressez à un public, à des lecteurs ou le plus souvent à des auditeurs donc tenez compte de votre auditoire et adressez-vous à eux, cherchez à attirer leur attention.

 

Le discours est un texte rédigé avec soin et destiné à être lu devant une assemblée ou un large public.

Ex : Discours de réception du prix Nobel de Camus (XXe) ; Appel de l’abbé Pierre en hiver 1954 (XXe) Discours d’André Malraux (voir illustration) pour l transfert des cendres de Jean Moulin au panthéon.

 

Le sermon est un discours religieux qui sert de discours de prédication, pour répandre la parole divine.

Ex : Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre de Bossuet (XVIIe) est un éloge + un sermon. Une oraison funèbre est la version religieuse de l’éloge des héros tel qu’il était pratiqué dans la Rome antique: C’est un genre codifié qui obéit à des règles strictes 

 

Le dialogue philosophique est un discours à deux voix permettant au lecteur d’assister à la confrontation de deux points de vue différents afin de se forger sa propre opinion.

Ex : Diderot est le philosophe des Lumières qui utilisait beaucoup la forme dialoguée

 

La lettre ouverte est une lettre destinée à une personne précise mais rendue volontairement publique par son auteur pour toucher le plus grand nombre.

Ex : Lettre ouverte « J’accuse » d’Emile Zola à l’occasion de l’affaire Dreyfus en 1898 : cette lettre est destinée à Monsieur Félix Faure, président de la République, mais publiée volontairement dans le journal L’Aurore. Les lettres  philosophiques de Voltaire peuvent être considérées en partie comme des lettres ouvertes.

 

Le manifeste est une œuvre théorique qui cherche à servir de référence à un groupe pour définir une nouvelle pensée.

Ex : Manifeste du surréalisme d’André Breton (XXe)

Les techniques communes à tous ces type de discours  à privilégier sont les questions rhétoriques ,  les adresses au public,  la ponctuation expressive, les répétitions.

La rhétorique distingue trois grandes parties dans un discours : l’entrée en matière (exorde) , le corps du texte et sa structure (dispositio) – et enfin la conclusion (péroraison)

Avant de commencer votre discours, notez au brouillon des éléments de disposition et d’organisation; réfléchissez notamment à l’ordre des arguments que vous allez employer et pensez à vous servir des arguments de vos adversaires pour les contrecarrer.

Soignez votre entrée en matière et votre final…

04. mars 2018 · Commentaires fermés sur Réparer les vivants : un roman polyphonique ..moderne · Catégories: Première · Tags:
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Simon avant l’accident

Ce roman de Maylis de Kerangal paru en 2014 est troublant sur plusieurs points. D’abord l’intrigue n’est pas banale car elle nous interroge sur l’existence de l’âme et la relation que nous entretenons avec nos défunts et leur souvenir; Ensuite, le roman est organisé en étoile autour des personnages qui se croisent au sein de l’intrigue et qui s’effacent tour à tour avant de revenir au premier plan. Nous les découvrons à la fois dans leur univers et à travers leurs relations avec es autres protagonistes; une voix narrative chapeaute le tout et nous entraîne ,à sa suite , dans les mystères du coeur humain .Suivons ces voix qui nous invitent à leur suite à réfléchir à ce qu’est la vie et l’amour, deux thèmes éternels dont les fils ne cessent de s’entrecroiser dans toute écriture.    

 Que raconte ce roman et comment les personnages  sont -ils agencés? On notera tout d’abord que le véritable héros de l’histoire , c’est le coeur de Simon autour duquel les différents protagoniste vont se croiser te qui va les rassembler. Le coeur de Simon Limbres va bientôt cesser de battre dans sa poitrine mais pendant 24 heures il va devenir le personnage le plus important de cette intrigue tragique ; L’histoire commence par un coup de de téléphone, c’est le portable de Simon Limbres qui sonne : il est 05:50 et il part surfer avec ses amis: Joan et Christophe.

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Le matin du drame

 Très vite, au retour de la plage , c’est l’accident mortel sur une route de campagne et Simon arrive à l’hôpital  au moment où le docteur Pierre Révol commence sa garde en réanimation : “la réa est un espace à part qui accueille les vies tangentielles, les comas opaques, les morts annoncées, héberge ces corps situé entre la vie et la mort.” Une nouvelle infirmière lui serre la main : elle s’appelle Cordélia Owl ; tous deux vont prendre ne charge Simon à son arrivée ; Gros plan sur le personnage du médecin: un chapitre résume sa biographie et son parcours ( p 42 à 47 ) . Mais son portrait est interrompu par l’arrivée de Marianne , la mère de Simon, à l’hôpital. Le narrateur refait son parcours dans la ville depuis le coup de fil de l’hôpital jusqu’à son arrivée dans le bureau de Révol. ( p 60) Au moment où Marianne quitte l’hôpital, le médecin passe un coup de fil à Thomas Rémige, infirmier coordonateur des greffes d’organes et grand passionné de chant . C’est ce personnage qui désormais occupe le premier plan du roman et le narrateur nous raconte son histoire. Ce sera ensuite au tour de Sean, le père de Simon de faire son apparition : le couple se reforme auprès de leur enfant à l’hôpital et tous deux vont devoir décider s’ils souhaitent donner ses organes car Simon est en état de mort cérébrale;

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L’adieu à Simon

Le roman montre alors comment le médecin Pierre Révol va tenter de faire accepter aux parents à la fois la mort de leur enfant et l’idée que son corp peut servir à réparer des vivants, c’est à dire sauver à son tour d’autres vies et éviter d’autres morts. Pendant que les parents et les soignants discutent, Cordelia l’infirmière s’occupe du corps de Simon et repense à la nuit passée avec son amant.   Chaque portrait de personnage est composé d’anecdotes personnelles qui nous éloignent de la trame narrative et qui forment de petits récits au sein même du récit principal. Les parents de Simon suivent Thomas Rémige et consentent au don d’organes; pendant ce temps là, Juliette la petite amie de Simon pense à lui et attend son appel; C’est un autre appel qui intervient alors à ce moment précis au sein de l’intrigue : celui de Thomas Rémige  qui à 17 h 30 déclenche la chaîne qui va aboutir aux transplantations des organes de Simon; Gros plan sur  Marthe Carrare le médecin de l’Agence de la biomédecine qui va procéder à la répartition des greffons. Le coeur est destiné à une patiente du service du professeur Harfang ; C'est ce brillant médecin qui passe alors au premier plan du roman ; L'infirmière du service de  réanimation de l'hôpital du Havre, Cordelia qui termine sa garde de douze heures, croise alors les parents de Simon qui lui apparaissent comme des fantômes . Ces mêmes parents rentrent rechercher leur petite fille Lou qu’ils avaient déposée le matin même chez les voisins : il est alors 18 h. Le téléphone sonne chez Claire Méjan pour lui dire qu’elle va subir sa greffe de coeur : c’est la seconde fois que le service du professeur Harfang l’appelle; la première fois, ils avaient refusé le greffon. Pendant que Claire la receveuse prépare ses affaires, Virgilio le médecin qui part prélever le coeur de Simon au Havre,  saute dans un taxi après avoir subi une scène de la part de sa petite amie Rose qui joue les patientes pour les médecins de l’hôpital.

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La greffe du coeur de Simon

Le lecteur assiste au clampage du coeur et suit Virgilio  le chirurgien dans son voyage de retour en compagnie d’Alice Harfang,une jeune interne qui a assisté à son premier prélèvement . Le coeur de Simon s’envole dans l’avion qui emporte le chirurgien et pendant ce temps, Marianne, sa mère imagine le coeur de son fils traverser le ciel. dans sa chambre , Claire la receveuse se prépare; le professeur Emmanuel harfang vient  lui parler et elle reçoit la visite de ses trois fils  ; Le corps de Simon lui est veillé par Thomas Rémige et Cordelia Owl ; il s’agit de le restaurer afin qu’il soit rendu à sa famille . l’opération peut alors commencer : Luc Harfang et Virgilio travaillent ensemble et Claire a désormais un nouveau coeur ; Il est 5 h 49 … ce coeur qui bat désormais dans sa poitrine lui a sauvé la vie et le roman pose un certain nombre de questions philosophiques autour de ce coeur transplanté. 

L’intrigue aura donc duré 24 heures , un peu comme une tragédie classique et les personnages  se sont croisés sur la scène du roman , un peu comme des acteurs de théâtre qui entrent et sortent de scène après avoir dit leurs répliques . Il s’agit donc d’un roman dont la construction pourrait être comparée à une étoile ; chaque personnage vient tour à tour sur le devant de la scène mais tous se croisent autour du corps  et du coeur de Simon .

02. mars 2018 · Commentaires fermés sur Le vocabulaire de l’argumentation : repérer une stratégie argumentative · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,
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Un orateur en action 

Etudier des textes argumentatifs suppose de savoir nommer avec précision les procédés employés par les écrivains pour nous convaincre et / nous persuader de la justesse de leurs thèses. Leurs stratégies argumentatives désignent l’ensemble des moyens qu’ils vont mettre en oeuvre pour défendre leurs opinions ; Ils peuvent se servir des formes de textes (discours, dialogue, récit ) , des différents registres (les mélanger, les opposer ) , du lexique plus ou moins imagé, plus ou moins péjoratif ou critique ou au contraire élogieux. Le plus important consiste à repérer la thèse qu’ils soutiennent ou qu’ils combattent et la manière dont ils s’y prennent pour fabriquer leur raisonnement et réussir à vous influencer ; N’oubliez pas d’observer les connecteurs logiques : ils vous seront d’un grand secours pour déterminer à quel type d’arguments vous êtes confrontés. L‘éloquence désigne l’art de savoir convaincre en paroles et donc de bien utiliser les stratégies argumentaires adaptées à un public précis ou à une situation de communication. 

Voilà qui devrait vous aider à y voir plus clair ….

Fiche de vocabulaire sur l’argumentation :

I/ Pour commencer :
– Argumenter : signifie soutenir une thèse (idée) dans le but d’obtenir l’adhésion de son destinataire à l’aide d’arguments 
Deux démarches pour argumenter :

Convaincre : chercher l’adhésion du destinataire sa thèse en faisant appel à des arguments logiques, qui sollicitent la raison. (chiffres, exemples , raisonnements déductifs, inductifs )

Persuader : chercher l’adhésion du destinataire sa thèse en faisant appel à des arguments affectifs, qui sollicitent ses sentiments. (pitié, colère, compassion, haine..) 

II/ Vocabulaire argumentatif :
– Thème  : sujet abordé par un texte. Pour le repérer, il faut s’intéresser au titre de l’œuvre, aux champs lexicaux présents.

Argument : c’est un élément de raisonnement (un fait, une remarque, une réflexion, une analyse) sur lequel on s’appuie pour justifier une thèse. Il est le plus souvent abstrait ou général .

– Exemple : c’est un élément concret, précis, qui sert à  illustrer un argument. Il est également appelé illustration 

– Le syllogisme : raisonnement déductif (de la règle générale  on tire l’exemple ou le cas particulier ), formé de deux propositions conduisant  à une conclusion.
Ex : « Tous les hommes sont mortels ; or je suis un homme ; donc je suis mortel ».

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– Le sophisme : souvent fondé sur le même principe que le syllogisme, il s’agit d’un raisonnement qui paraît rigoureux mais il est illogique : « Tous les hommes sont mortels ; or Socrate est mortel ; donc Socrate est un homme » (mais en fait Socrate est le nom de mon chat par exemple).

– Le paradoxe : du grec « para » (contre) et « doxa » (opinion) ; pensée contraire à l’opinion communément partagée. Il surprend le lecteur par son côté étonnant.

III/ Les différentes pratiques de l’argumentation :

– La délibération :
Délibérer : du latin « deliberare » qui signifie « réfléchir mûrement, trancher, décider »,consiste à considérer différents points de vue. Il s’agit de confronter des idées contradictoires avant de prendre une décision, de trouver une solution.

– La conviction :
Convaincre nécessite de faire appel  à des arguments sollicitant la raison, l’intelligence, les facultés d’analyse du destinataire pour obtenir son adhésion. Les arguments doivent donc être illustrés au moyen d’ exemples ; la progression argumentative est marquée par l’utilisation de connecteurs logiques (tout d’abord, ensuite, puis, en revanche, cependant, alors, aussi, en outre…). page1image23264 page1image23424 page1image23584

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La persuasion :
Persuader, c’est agir sur la sensibilité du destinataire pour obtenir son adhésion. On a donc recours à  des procédés tels que : l’apostrophe, les questions rhétoriques (questions qui n’attendent pas de réponses), l’exclamation, la variation des différents registres .

IV/ Exemples de genres argumentatifs :

L’essai : L’essai désigne un genre littéraire caractérisé par un texte en prose, argumentatif où la présence de l’auteur est nettement marquée par l’utilisation de la première personne. L’auteur livre une réflexion et ses impressions à travers une écriture personnelle. L’essai est donc un genre où l’auteur développe une pensée en mouvement en train de se saisir. Les sujets traités sont essentiellement d’ordre philosophique, moral, politique, artistique et parfois religieux.

On considère que c’est Montaigne (1533-1592) qui crée le genre en intitulant son œuvre Essais. Dans cette œuvre répartie en trois livres, il analyse notamment les faiblesses de la nature humaine et ses imperfections ; il confronte les civilisations et réfléchit sur la notion de barbarie…

La lettre :En général, elle est adressée un destinataire réel que l’on veut convaincre. Elle est souvent propice au débat dans la mesure où elle implique une réponse. Elle peut aussi prendre la forme d’une lettre ouverte, publiée, s’adressant ainsi au plus grand nombre. Par exemple, « J’accuse » de Zola est une lettre adressée au président Félix Faure, publiée le 13 janvier 1898 dans le journal L’Aurore, pour dénoncer l’injustice concernant l’ « affaire Dreyfus ».

L’apologue :Il s’agit d’un récit allégorique, plus ou moins court, en vers ou en prose, visée morale (implicite ou explicite). La fonction première de l’apologue est de divertir au moyen d’un récit plaisant chargé de livrer un enseignement moral.

V/ Exemples de registres pour le texte argumentatif :

– Le registre polémique :Du grec « polemos », signifiant « combat », le registre polémique est synonyme de violence verbale entre deux interlocuteurs. C’est un registre qui suscite le débat. Le texte polémique comporte une ponctuation expressive avec des exclamations, des interjections et des interrogations.
L’auteur ou le narrateur d’un texte polémique attaque ouvertement un personnage, une institution, une idée.

– Le registre comique peut être présent sous la forme de :L’absurde : il permet de confronter deux éléments qui n’ont rien en commun. L’ironie : elle consiste dire le contraire de ce que l’on pense.

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Un combat d’éloquence 

– Le registre satirique :Il permet de dénoncer des situations en les ridiculisant et de faire réagir le lecteur grâce à l’ironie et à l’exagération de certains traits.

– Le registre didactique :Il permet d’enseigner un savoir. La fonction du texte est de transmettre un savoir ou une morale. 

02. mars 2018 · Commentaires fermés sur Les aveux au théâtre : analyser une scène d’aveu · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Le sujet de bac blanc proposait un corpus formé de  textes de théâtre : une tragédie classique de Racine, Phèdre  qui nous livre un face à face pathétique entre l’héroïne éponyme , une jeune  reine, nouvelle épouse du roi Thésée , qui durant lalongue absence de son époux, est tombée amoureuse de son beau-fils; Empoisonnée par cette passion funeste et et monstrueuse , troublée , elle ne sait comment alléger son cour et son âme du fardeau de cette culpabilité et elle se livre ici, à de timides aveux, pressée par sa nourrice Oenone qui s’inquiète pour elle ; Le second extrait est tirée d’une comédie amoureuse de Maritaux; pour tester la sincérité des sentiments de leurs promis , deux aristocrates ont l’idée de demander à leurs valets de prendre leur place ; on assiste  alors au moment où Arlequin se sent obligé de révéler sa véritable identité et à sa grande surprise, Lisette , à son tour, avoue qu’elle n’est qu’une femme de chambre; cette double révélation orchestrée par des apartés et des quiproquos va permettre aux deux jeunes gens de s’aimer ; Alors que dans le drame romantique de Hugo, Ruy Blas , nous sommes les témoins d’une révélation douloureuse : celle d’un amour interdit ou tout du moins jugé scandaleux , entre un homme du peuple, obligé de jouer les valets et la plus grande dame du pays: la reine d’Espagne .  Ici le dramaturge exploite la dimension pathétique de l’aveu: le héros prend conscience de son destin tragique et décrit les tourments d’une passion dévorante; Il est encore question d’amour dans la pièce d’Anouilh inspirée de la tragédie antique Antigone : alors qu’elle vit se dernières heures, la princesse écrit à son fiancé pour moi avouer qu’elle l’aime et surtout qu’elle redoute la mort ; cette dimension pathétique des aveux est renforcée par la volte-face de l’héroïne : seul le spectateur connaîtra son secret ; Le personnage du confident ici est un garde qui manifeste une forme d’indifférence, de distance : il écrit sous la dictée et ses hésitations ont une dimension comique qui atteste edu mélange des genres revendiqué par le dramaturge.  La question de synthèse portait sur la manière dont les aveux sont finalement formulés …alors bonne lecture .

Avant de vous propose des pistes pour le corrigé de la question de corpus, n’oublie pas qu quand vous êtes face à une écritute théâtrale, il ne faut pas oublier la dimension spectaculaire et le rôle du spectateur grâce à la double énonciation. Pensez également à utiliser vos connaissances sur les genres ; Le tragique a pour objet d’émouvoir en faisant ressentir de la terreur et de la pitié (pathétique ) pour le héros; le comique naît souvent de la situation proposée (quiproquo, déguisement, faux-semblants) ; Le drame romantique mêle le grotesque et le sublime et Ruy  Blas présente d’ailleurs de nombreux points communs avec Phèdre ; thème de la passion fatale et destructrice, suicide final par empoisonnement; Enfin le théâtre peut aussi être l’objet d’une critique de certains aspects de la société  en présentant les différences de rang social comme des obstacles insurmontables à l’amour ; Hugo définit son héros comme “un ver de terre amoureux d’une étoile “ . Le thème de l’amour était bien un élément fédérateur et chaque personnage avouait à un proche ou à un simple témoin , son penchant pour l’objet de ses désirs.

La question de corpus : éléments de réponse à organiser ..

  1. Le rôle de l’interlocuteur dans l’obtention de l’aveu difficile
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  • un interlocuteur pressant : 
  • dans l’extrait de Phèdre, Oenone, qui tient le rôle traditionnel dans la tragédie classique de la confidente de l’héroïne,  la presse de questions pour obtenir l’aveu (impératifs, stichomythies et répliques brèves qui confèrent à la nourrice un ton péremptoire).
  • On retrouve les impératifs et les interrogations dans l’extrait de Marivaux lorsque Lisette veut qu’Arlequin lui dévoile sa véritable identité. Cependant, la situation s’inverse dans cette scène de double aveu dont la dimension comique repose sur des effets de parallélisme entre les deux serviteurs qui avouent l’un après l’autre quel est leur véritable statut (« magot »/ « magotte », « soldat d’antichambre de Monsieur » / « coiffeuse de Madame »)
  • un confident involontaire :  dans l’extrait de Ruy Blas, Don César ne cherche pas à obtenir l’aveu. Il est cependant un personnage indispensable sur le plan dramatique pour recevoir cet aveu et sa présence semble déclencher la libération de la parole du héros éponyme : Don César n’a que des répliques de moins d’un alexandrin, parfois d’une seule syllabe (« Ciel ! ») comme s’il était sidéré par l’aveu, tandis que les répliques de Ruy Blas sont de plus en plus longues  
  • Un obstacle à l’aveu : dans la pièce d’Anouilh, le garde n’est que le scripteur de la lettre que lui dicte Antigone. Il ne semble pas comprendre ce qu’elle lui dit. L’impossibilité de toute communication suscite le désarroi de la jeune fille qui finit par renoncer à s’expliquer. 

 

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II. Des détours et des dérobades qui retardent l’aveu

  • Des personnages qui ne répondent pas directement à leur interlocuteur : 
  • Apartés par lesquels le personnage ne répond pas mais commente la stratégie à adopter pour  faire comprendre la vérité  (Texte A, v. 5 ; texte B, l. 8 ou l. 11). 
  • Antigone (Texte D) ignore aussi les questions du garde, mais il s’agit plutôt pour elle de continuer à expliquer son geste malgré les interventions peu pertinentes de ce dernier. 
  • Digression de Phèdre sur sa lignée maudite qui retarde l’aveu.
  • Emploi de périphrases (caractère indicible de la vérité) : « Fils de l’Amazone » pour désigner Hippolyte (Texte A) qui ne sera d’ailleurs pas nommé par Phèdre elle-même mais par Oenone, « soldat d’antichambre de Monsieur » pour évoquer le statut de valet (Texte B), « hydre aux dents de flamme » pour la passion amoureuse (Texte C). 

III. Une amplification de la gravité de l’aveu

  • Désarroi des personnages face à une vérité presque impossible à dire

Expression de l’émotion :

  • ponctuation expressive (exclamations dans les textes A, B, C)
  • Interruptions (points de suspension dans le texte A, tirets qui indiquent un discours décousu  et haletant dans le texte C) 
  • Interjection (« Oh ! ») d’Antigone (Texte D)
  • Questions (non rhétoriques, elle se demande vraiment comment avouer la vérité) de Phèdre. Idem dans le texte B mais dans un registre comique. 
  • Procédés d’amplification
  • hyperbole « le comble des horreurs » (Texte A)
  • Gradation « quelque chose / D’étrange, d’insensé, d’horrible et d’inouï » (Texte C)

Sujet d’invention : quelques pistes  

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Plusieurs critères peuvent être retenus pour évaluer les écritures d’invention . J’ai fait apparaître 3 indicateurs sur les copies ; la qualité de l’écriture et notamment du style ; j’ai pénalisé les copies qui utilisent un style trop familier ou relâché et j’ai comptabilisé dans cette rubrique quelques anachronismes (le stress à Rome chez l’empereur , les finances de Louis XVI qui sont définitivement dans le rouge ..) Deux éléments sont ensuite évalués sur 6 points : la qualité théâtrale de l’écriture du dialogue et le choix de la situation et de la nature dramatique de l’aveu.

Faut-il sanctionner l’absence d’un paratexte ? Il est peut- être préférable de valoriser la présence d’une courte introduction notamment quand elle nomme les personnages, les situe et définit la situation qui va être développée ?

Notons d’abord que les copies se sont le plus souvent inspirées de situations lues ou étudiées en classe 

Les types d’aveux : les meurtres d’abord et souvent passionnels

  • une soeur qui tue sa sœur car elle est amoureuse du mari de cette dernière se confie à sa suivante le jour des funérailles (le cadre est intéressant pour les effets de dramatisation)

  • un homme qui avoue (à son meilleur ami) qu’il était amoureux de l’épouse de ce dernier et qu’il l’a tuée

  • une mère avant de mourir qui avoue (à son fils ) qu’elle a tué son père , sujet de tragédie

  • un mari qui avoue (à son épouse ) avoir tué un homme par accident et l’avoir enterré dans une cabane au fond du jardin.

L’amour impossible arrive en tête des situations choisies comme dans les tragédies ..

Au premier rang des interdits, la morale et la famille …nous rencontrons ainsi :

  • une femme amoureuse du mari de sa sœur qui l’avoue (à sa servante )

  • une princesse amoureuse d’un homme de rang inférieur qui l’insulte pour le faire renoncer à leur amour (double faute en quelque sorte)

  • une jeune femme bourgeoise amoureuse d’un homme de rang inférieur qui l’avoue à sa soeur et ensuite à son père (double aveu cette fois )

  • un guerrier grec (Ulysse bis ) qui avoue à la femme de l’île sur laquelle il a fait escale qu’il est déjà marié et que son coeur est pris ailleurs . (bigamie criminelle )

  • une reine veuve qui tombe amoureuse du mari de sa fille (Phèdre version belle-famille )

  • un prince qui tombe amoureux de la mère de sa fiancée et se confie à son meilleur ami (Phèdre revisité )

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    La scène d’aveu comme l’illustrait le corpus peut appartenir soit au genre tragique soit aux comédies : on notera d’ailleurs que certaines copies mélangent assez habilement parfois les deux registres en créant une dispute en surimpression de leur scène d’aveu . Mais c’était une difficulté supplémentaire et certains ont été maladroits en mixant les registres . Anouilh s’ efforce de créer ce mélange en choisissant un confident pour le moins étrange avec ce garde qui ne semble pas saisir l’importance des révélations d’Antigone ; la pièce , en effet, est construite sur le mélange des genres et le spectateur est ici partagé entre le pathétique des révélations d’Antigone, ici affaiblie à cause de son amour pour Hémon et de sa peur de mourir ; cette fragilité du personnage est dramatisée par le choix de ce confident imposé qui agit « mécaniquement »  mais dont les répliques peuvent également nous faire sourire par leur dimension décalée , inattendue et ce procédé estompe la tonalité pathétique.

Faut-il jouer la carte de l’originalité ?

C’est une question que se posent souvent les candidats qui cherchent ainsi à se démarquer des choix plus convenus de leurs camarades . En effet, le correcteur risque de se lasser de la version 40 de Phèdre ou de la lettre d’aveu mais il faut noter que le corpus sert aussi de référence et qu’il parait judicieux de s’inspirer des situations mises en scène , en tentant de les réécrire.

Parmi les copies qui ont su faire preuve d’inventivité , on trouve :

  • une femme qui avoue un rêve (à son époux ) où elle voit son avenir heureux avec un autre homme ( situation originale car elle décide littéralement de le quitter pour réaliser son rêve.)

D’une facture un peu plus classique, on trouve les deux situations suivantes qui oublient juste de mettre l’aveu au centre des préoccupations des personnages

  • Un amoureux qui demande de l’aide à une amie pour écrire une lettre d’amour qui lui sera finalement destinée mais sans le lui dire ..imitation de la célèbre scène de la révélation où Cyrano se trahit en lisant la lettre de Christian alors qu’il fait nuit ..exposant ainsi à Roxane son amour et la supercherie dont elle a été la victime

  • une femme qui quitte son mari pour rejoindre un autre homme (elle l’avoue d’ailleurs assez sèchement au pauvre mari dépité , qui a bien du mal à comprendre ce qui se passe )

Un élève a été bien inspiré et a pensé à l’aveu d’une faute professionnelle : le ministre incompétent redoute la réaction de son supérieur le roi de France<font face="Times New Roman">; Le monde du travail pouvait offrir un large éventail de choix (supercheries , faux en écriture , s’attribuer le travail d’un autre ..)

Le réservoir des situations tragiques pouvait être largement exploité comme par exemple cette copie où Rodrigue est devenu le fils de Caligula qui avoue ( à sa fiancée ) qu’il va devoir combattre son père en duel à mort dans l’arène (version romaine du Cid de Corneille )

Mais l’amour n’était pas nécessairement un ingrédient indispensable pour fabriquer une scène d’aveu théâtrale . Une copie qui sort des sentiers battus a mis en scène une situation où une jeune femme arrête ses études pour s’occuper de son grand-père désormais seul ; elle fait cet aveu à une amie-qui paraît consternée . On pouvait se demander ce qui a motivé le choix de cette situation qui semble tant heurter la meilleure amie et confidente .

Peu importe l’aveu au fond, les procédés de dramatisation et de retardement ont souvent fait la différence entre des copies qui exploitent une idée et des copies qui s’efforcent de tirer parti théâtralement de la même idée

Comment théâtraliser l’aveu ?

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Rappelons ici quelques procédés d’écriture théâtrale

  • l’aparté ou adresse au public qui joue sur la double énonciation

  • les effets de retardement

  • le dialogue de sourd

  • les répliques interrompues

  • l’arrivée d’un personnage qui interrompt l’échange

  • les hésitations, revirements et autres formules préparatoires du type : je ne sais si je puis, je ne saurais vous dire, vous allez me trouver horrible, vous allez sans doute être surpris , il faut que je vous dise

  • L’usage des didascalies était important : on pouvait, par exemple, inventer les gestes d’accompagnement de l’aveu  : asseyez-vous, allons plus loin…la fait asseoir, lui prend la main , détourne le regard, fait les cent pas, on pouvait aussi noter des variations du ton : d’une voix peu assurée, tremblante, en toussotant..