22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième mur : approche générale ..roman de guerre et roman sur la vie · Catégories: Première · Tags: , ,
mur5.jpg
 

Le roman de Sorj Chalandon, Le quatrième mur porte un titre qui d’emblée précise l’un des thèmes majeurs du roman: la vie est-elle un songe ? quelle est la frontière qui sépare nos rêves de la réalité; En effet, le quatrième mur c’est celui qui au départ sépare les comédiens de la salle lors de la représentation théâtrale mais à la fin du récit, c’est celui qui “protège les vivants ” (p 326) et c’est celui que franchit le personnage principal, Georges au moment de choisir de mourir . Ce roman nous emporte , en compagnie de quelques personnages attachants comme Georges, son ami Samuel, son guide Marwan , au coeur d’une guerre terrible qui fait rage au Liban et en Palestine; le romancier nous montre jusqu’où la guerre emporte les hommes et comment elle les transforme : il est alors des régions d’où l’on ne revient jamais  ….

Le roman se présente le plus souvent  sous la forme d’un  récit chronologique : l’histoire de Georges le héros, sa rencontre avec Aurore sa femme, la naissance de sa fille, son projet de mise en scène d’Antigone à Beyrouth pour accomplir les dernières volontés d’un ami gravement malade et son arrivée au Liban , ses découvertes de la réalité de cette guerre , des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, de sa blessure, de son retour à Paris et de sa décision de repartir mourir à Tripoli. L’écrivain ménage néanmoins un certain effet en plaçant à l’ouverture du roman le chapitre de la mort du héros qu’il reprend et termine 300 pages plus loin ,au chapitre 24. Lorsqu’il reconstitue le parcours de Georges , l’auteur motive chaque évolution de son personnage , à la manière des écrivains réalistes: il lui confectionne un passé, organise des rencontres décisives dans sa vie et nous place au centre de ses pensées auxquelles il nous donne souvent accès. Le récit  des aventures de Georges constitue ,en quelque sorte, un roman d’initiation (Bildungsroman) mais le roman nosu permet aussi de nous interroger sur la place et le rôle de l’art dans le monde et notamment du théâtre; 

mur1.jpg
 
mur18.jpg
 

En effet, le fil conducteur de l’intrigue, c’est avant tout le projet de mettre en scène la pièce de Jean Anouilh Antigone à Beyrouth même, au coeur des combats, avec des acteurs de chaque camp ennemi ; Sorj Chalandon revient à plusieurs reprise sur le projet de Anouilh, sur la réception de la pièce par les différents membres des communautés en présence et sur le sens même de cette tragédie; en tant que journaliste, le romancier décrit souvent les lieux dans lesquels ses personnages se déplacent avec beaucoup d’émotion et le registre patéhqtieu est présent dans de nombreux chapitres. Il sert sans doute à nous sensibiliser sur la tragédie qui es joue au Moyen-orient à cette époque ; l’action du roman se situe dans les années 80 et plus particulièrement en 1982, date de l’escalade de la violence au Liban et des représailles d’ Israël.

En plus de s’attacher à un parcours individuel, l’écrivain retrace des existences croisées qui dressent une sorte de panorama des idéologies qui se combattent en France à partir de Mai 68: de nombreux étudiants  voulaient changer le monde et pensaient que l’engagement politique était une voie possible sur le chemin de la transformation de la société. Georges va se retrouver à la croisée des chemins, et il devra choisir entre deux voies, deux directions , deux mondes.  La force de ce roman et son caractère atemporel vient des grandes questions existentielles qu’il soulève : jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour défendre ses idéaux et à quel prix ? 

Bonne lecture et n’oubliez pas de prendre des notes au fur et à mesure …aidez-vous des titres des chapitres, du diaporama de cours et résumez l’intrigue, étape par étape sur une fiche; Vous pouvez aussi relever des citations que vous trouvez particulièrement intéressantes.  

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone dans le Quatrième Mur : les préparatifs pour la pièce · Catégories: Première · Tags: ,
mur91.jpg
L’édition originale 

Le roman de Sorj Chalandon raconte l’histoire de deux metteurs en scène qui veulent monter l’Antigone d’Anouilh en plein coeur de Beyrouth en guerre avec des acteurs appartenant à chacune des factions  en conflit ; Pari fou, pari osé ou chimère : pourquoi Samuel a-t-il choisi cette dernière volonté avant de mourir et qu’est-ce qui va pousser son jeune ami Georges à relever ce défi ? La pièce est au centre du roman et elle est évoquée sous différents aspects. “J‘ai souffert avec la petite maigre  et elle a combattu à mes côtés ” (p 38 )  avoue Samuel à une terrasse de café à son ami Georges en 1974 lorsqu’il évoque pour la première fois son passé douloureux .Il tend alors un exemplaire de la pièce “éditée à la Table ronde en 1945 avec les lithographies terres d’ombres et noires de Jane Pécheur.”

Il est tout d’abord question des souvenirs de lecture de la tragédie d’Anouilh. Cette ouvert a beaucoup marqué Samuel qui en a monté une représentation à l’école polytechnique  lors du coup d’Etat des colonels en Grèce en 1973. Il évoque cette expérience alors qu’il est invité au festival de théâtre de Vaison la  Romaine pour assister à la représentation d’Antigone mise en scène par Gérard Dournel avec Liliane Sorval dans le rôle d’Antigone, et Jean-Roger Caussimon dans celui de Créon. Samuel raconte la pièce : “Souviens toi des premières secondes. Tous les acteurs sont présents, aucun n’est en coulisse. Il n’y a pas d’arrière scène, pas d’entrée fracassante, de sortie applaudie, pas de claquement de porte. Juste un cercle de lumière où entre celui qui parle. Et l’obscurité qui recueille celui qui vient de parler.Le décor ? Une volée de marches, un drapé de rideau, une colonne antique. c’est le dépouillement,la beauté pure ” (p 39) 

mur92.jpg

Georges a lu Antigone adolescent mais cette pièce ne l’a pas vraiment marqué.Pour Samuel au contraire , elle a guidé sa vie. L’héroïne de Sophocle lui semble prisonnière des dieux et réduite au devoir fraternel alors que la petit maigre chez Anouilh représente , à son sens, “une héroïne du non qui défend sa liberté propre.” ( p 40) Sam offre alors le livre à Georges qui l’accepte comme “une lettre d’adieu“. Au mariage de Georges , Samuel qui est son témoin ajoute que la République, “c’est le respect des différences. ” et plus tard il dira  en accueillant Georges blessé que la violence est une faiblesse .(p 67 ) Il lui rappelle à cette occasion qu’ils ne sont pas des résistants, que  Giscard n’est pas Pétain et que les jeunes étudiants d’Assas contre lequels il s’est battu  , les rats noirs, ne sont pas des nazis, juste des racistes dangereux .” (77) 

En 1982, Georges rend visite à Samuel alors très malade et ce dernier lui arrache la promesse de continuer à travailler sur son projet d’Antigone à Beyrouth. “Le drame était un cadeau qu’il emballait de burlesque ” Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre( 87) Faire la paix entre cour et jardin.  Et il est question pour lui de terre et de fierté dans Antigone .Il choisit le Liban à cause du massacre palestinien de la Quarantaine suivi des représailles sur le village chrétien de Damour: il venait de trouver les tréteaux d’Antigone. (89) et a entrepris les premières démarches, contacté les acteurs et obtenu des autorisations officielles. 

“Antigone était palestinienne et sunnite. Hamon son fiancé, un druze du chou. Créon roi de Thèbes et père d’héron, un maronite de Gemmayzé. Les trois gardes, chiites, pas été messager et Eurydice une vieille chiite; La nourrice une chaldéenne et Ismène, catholique arménienne. (95) ; Sam serait le choeur et Georges s’attaque au projet .

Il relit d’abord la pièce et découvre une Antigone qui refuse de pactiser avec la vie et qui attend la mort; Et il découvre ensuite les notes de mies en scène de Samuel ( p 106) : Pas de costume de scène: le public doit s’attendre à une répétition . Il compare alors avec la représentation de 1944 au théâtre de l’Atelier en février. Antigone était en robe de soirée noire avec une croix au cou et Créon en habit avec gilet et noeud paillon;Les gardes en gabardine et chapeaux mous (gestapo ? ) La pièce doit parler au présent ajoute Samuel.

Ne pas confondre le Créon brutal de Sophocle et l’homme plein d’amertume dessiné par Anouilh; Chez Sophocle, Créon est le personnage tragique. Chez Anouilh, c’est Antigone qui porte la tragédie” p 107 Il a pensé à la musique de Duruflé et aux symboles : kappa, foulard, keffieh.  Georges appelle Iman est constate que les travaux pour la pièce sont au point mort et qu’aucune rencontre n’a pu avoir lieu. Il ment alors à Samuel de plus en plus affaibli  et repart avec le sachet de terre de Jaffa. Georges part alors pour Beyrouth. Voilà un extrait d’une mise en scène d’un face à face entre créons et Antigone : entraînez-vous à commenter la mise en scène …

 

21. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La cérémonie des adieux dans le quatrième mur . Le dernier départ de Georges. · Catégories: Première · Tags: ,
4mur16.jpg
 

Après son second retour de Beyrouth où il a été gravement blessé dans un bombardement israélien ,et sa découverte du massacre  du camp palestinien de Sabra et Chatila dans lequel Imane a trouvé la mort ,  Georges ne parvient pas à se réadapter  à sa vie d’avant la guerre : il cache à sa famille les morts , la guerre et devient dangereux pour lui et pour son entourage. Aurore se met à avoir peur de lui : il se nourrit uniquement de pain et de riz et se met à avoir des accès de colère ; une violence sourde le dévore de l’intérieur et il pense pouvoir mourir de colère. Après l’incident qui a lieu pour les 3 ans de Louise  où il agresse la marionnettiste ventriloque , il accepte d’être hospitalisé. Le printemps 1983 se passe : Georges tente de mettre la guerre à distance mais en juillet il reçoit une lettre de Marwan qui lui annonce la mort de Nakad et peu après Sam décède. Georges sait alors qu’il va lui falloir les rejoindre tous . Un dernier incident dans le parc où Louise fait tomber sa boule de glace et où il la bouscule et la blesse, finit par le décider à faire ses adieux ; A sa famille d’abord et à la vie ensuite. 

Quelle étape franchit ici le personnage de Georges et comment le romancier justifie-t-il sa décision de repartir à Beyrouth ? 

Le passage débute juste après l’évocation par le personnage de ses souvenirs amoureux avec Aurore : ils installaient symboliquement une bougie  sur un vieux chandelier qui était leur premier objet achat ensemble et ils l’emmènent partout avec eux; Ce soir là, la bougie s’est éteinte; Or, on sait que la flamme représente symboliquement la vie donc l’obscurité qui apparaît est annonciatrice de mort. 

 Quel sont les sentiments du personnage ?  Georges se présente à nous comme une sort d’enveloppe vide : “je ne

4mur10.jpg
 

ressentais rien ”  (l 1 ) et il précise ensuite : “ni tristesse ni amertume ” ; Ce qui peut paraître étonnant car Georgse bouillonne d’une colère intérieure qui est bien plus que de l’amertume mais ici il évoque plutôt les sentiments liés à sa décision de partir et de quitter sa famille.  L’énumération ” ni froid, ni chaud, ni faim, ni sommeil” tend à montrer qu’aucun de ses besoins essentiels n’a plus d’importance comme si la vie le quittait et cet assèchement du personnage se manifeste ensuite par l’image : “je n’entendais plus mon coeur ” à la fois symptôme de son arrêt du coeur et de la volonté de vivre qui le quitte progressivement. L’oxymorele tumulte que fait le silence ” montre que le personnage se vide peu à peu de ses pensées comme s’il se répartissait de son humanité. D’ailleurs mon coeur est juxtaposé avec mes pensées comme pour attester qu’il ne s’agit pas seulement d’une mort physique mais également d’une mort sur le plan moral; Gerges est comme mort pour le monde qui l’entoure ce qui peut se traduire par un retrait complet des marques sensorielles ; Au sens propre, il ne ressent plus aucune émotion. 

La fin du paragraphe évoque les causes de cette évolution tragique du personnage : sa fréquentation de  la guerre. L’auteur rend en effet ici  la guerre responsable de ces changements; d’abord  il emploie le verbe décimer (11)  qui littéralement signifie tuer un homme sur 10 et qui connote l’ampleur du massacre . Ensuite , Aurore est présentée comme “veuve ” alors que Georges est encore vivant : ce paradoxe révèle qu’il se considère déjà comme ne faisant plus partie des vivants. Ensuite la guerre est présentée comme une sorte de monstre qui dévore les hommes ; L’expression avoir faim l’animalise et indique la force de son désir ; La gradationme réclamait” m’exigeait avait vraiment faim de moi ”  (traduit ce besoin irrépressible que ressent le personnage de repartir sur la zone de guerre ) Pour terminer , le romancier montre une sorte de relation d’égal à égal en rappelant que Georges effraie désormais sa famille : la guerre est la seule à pouvoir le comprendre ” elle ,’avait pas perdre mes cris, de mes coups ni même du mon regard ” ;  En fait, la guerre semble offrir au personnage des conditions dans lesquelles il peut se laisser aller à déverser sa colère sa violence car les circonstances le justifient. Cette théorie selon laquelle le combat serait un exutoire à la violence existe depuis l’Antiquité; la guerre offre ainsi aux hommes un espace où il peuvent faire ressortir ce que Chalandon nomme “leur monstre intérieur “, tout simplement laisser libre cours à leurs pulsions meurtrières et à leurs bas instincts, toutes les émotions et les gestes qu’ils doivent réprimer tant bien que mal pour pouvoir vivre en société au milieu de autres hommes. L’homme dans la guerre se transforme et ici l romancier monter que son personnage a atteint une zone de non retour. 

La mise en scène du départ 

Le personnage a préparé son départ et effectué des opérations indispensables comme ” virer mon argent sur le compte de ma femme ” et “retirer du liquide ” mais il ne les prévient pas et les laisse partir le matin sans rien leur dire. Il évoque d’ailleurs ce que sera la première soirée sans lui au conditionnel “ce soir il y aurait pizza pour tout le monde ” comme s’il avait du mal à quitter cette scène, comme s’il faisait encore partie de la distribution; Dans l’expression “tout le monde ”  ( 19 ) on peut penser qu’il s’est inclus et qu’ils forment encore à ce moment là, en pensée, un trio. Chaque geste quotidien accompli par le personnage résonne  alors de manière symbolique …

21. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le parcours de Georges dans le Quatrième Mur : il devient un assassin ! · Catégories: Première
mur_10.jpg
 

Certains aspects du roman de Chalandon l’apparentent à un roman initiatique; En effet, le héros Georges est d'abord adolescent et révolté avant de découvrir l'amitié, l'amour , de devenir père et de rencontrer la guerre qui va le transformer. Plusieurs des lectures choisies témoignent de l'évolution du héros. Notamment celle où il tue pour la première fois.  (introduction )  Ecrit par un journaliste qui a couvert la guerre au Moyen-Orient pour le journal Libération pendant plus de 10 ans, ce récit fictif nous permet de réfléchir aux conséquences de la guerre sur les hommes qui en sont les témoins et les acteurs. Cette scène est située à la fin du roman, lorsque Georges , incapable de se réadapter à sa vie familiale à cause des horreurs qu'il a découvertes, décide de repartir à Beyrouth pour y mourir.Ce passage constitue un épisode déterminant pour le personnage; 

Lorsque Georges décide de venir en aide à son ami Samuel Akounis et de mettre en scène Antigone d’Anouilh au Liban, il se doit qu’il va rencontrer certaines difficultés à cause de la guerre qui s’y déroule mais il n’a jamais vu son véritable visage de près; Dès son arrivée à Beyrouth, il se retrouve confronté à des paysages marquants . Meurtri dans son esprit et dans sa chair, il ne parvient pas à chasser les images du massacre dans les camps de Sabra et Chatila, images qui le hantent et l’empêchent de reprendre le cours de sa vie passée. Lorsqu’il revient à Beyrouth, les circonstances sont dramatiques;  Nakad, le fils de son mentor Marwan, qui jouait le rôle de Hémon, a été tué par des milices chrétiennes commandées par le frère d’un autre acteur de la pièce : Charbel qui, lui, interprétait le rôle de Créon.  Marwan va alors demander à Georges de “prendre sa part de guerre ” et de tuer à son tour. En quoi cet épisode est-il déterminant pour le personnage ? Nous verrons tout d’abord qu’il le place face à un dilemme; qu’ensuite il le montre en action et qu’enfin il le transforme et prépare le dénouement tragique

mur21.jpg
 

Voyons tout d’abord ce qui se passe avant que Georges appuie sur la détente : l 5 il demeure tétanisé “ je n’ai pas bougé ” et les actions semblent se ralentir ; il se met à observer de menus détails comme la main de Marwan qui lui tend l’arme : “ses mains de paysans, ses doigts abîmés, ses ongles brisés un à un par la vie ” Ce détail semble nous montrer que les mains de Marwan ne sont pas faites pou tuer au départ; Georges finit par prendre l’arme tendue et continue à observer la scène : “j’étais jambes ouvertes, serrant son corps entre mes pieds ”  Aucun détail ne nous est épargné de la position des personnages durant cette scène comme pour que nous puissions mieux la visualiser de manière réaliste; En effet, ce sont les petits détails vrais qui donnent au roman sa dimension réaliste et qui font oublier qu’il s’agit d’une fiction. 

Le romancier semble étirer le temps avant le passage à l’action avec des périphrases verbales qui traduisent un futur proche comme “ j’allais tuer un homme ” l 32 ou la répétition de “Allons -y” aux lignes 18 et 22 comme pour se motiver. Ces effets produisent une dramatisation de l’action avec notamment une description choquante de la victime; Le milicien chrétien est présenté d’abord  au moyen d’une comparaison l 30 comme un animal blessé qui convulse et la comparaison le déshumanise tout comme l’expression à la ligne 28 “quelque chose coulait sur sa joue qui ressemblait à un oeil ” Les détails crus ont à la fois pour fonction de confirmer le registre pathétique employé pour dénoncer les horreurs de la guerre mais également de montrer à quel point ce meurtre était quasi inutile car le milicien n’avait aucune chance de survivre à ses blessures . 

Dès le début du passage, on a en fait l’impression que  c’est la guerre elle -même qui est rendue responsable du cette violence des hommes : un long passage du premier paragraphe nous fait entrevoir, au style indirect libre, les pensées des miliciens : ils sont venus en l’absence des hommes palestiniens pour tuer les femmes et “les enfants, qui seront nos ennemis demain disent-ils; ” Les chrétiens ont agi par représailles , après le massacre de Damour ; Leur adage “sang pour sang ” est un appel à la vengeance ; dans la Bible, la loi du talion est construite sur ce même modèle: oeil pour oeil, dent pour dent. L’auteur semble montrer ici que cette guerre ne finira jamais car chaque action déclenche la vengeance dans un camp opposé. 

mur30.jpg
Combattants du FATAH

 Une fois que Georges décide de tirer, le texte mentionne ses réactions de manière très détaillée : le fait de tirer tout d’abord est assimilé à quelque chose de mécanique comme le révèle la phrase nominale : “ choc dans l’épaule, bruit qui roule, éclat d’écorce” l 40. Ici l’action de tirer est sortie du contexte guerrier : il s’agit de rappeler que Georges possède les compétences nécessaires afin d’effectuer un tir de pistolet; Le narrateur reste stupéfait par les conséquences de son geste ; Il constate dans un premier temps qu’il est devenu un assassin et de nombreux paradoxes traduisent ses pensées confuses . Au moyen de ces paradoxes, l’écrivain révèle toutes les ambiguïtés de la guerre;  

“Je venais de tuer un assassin; J’étais un assassin. ” La juxtaposition simple des deux phrases montre toute l’ambiguïté de la situation ; la guerre transforme les hommes et il est très difficile de reconnaître alors la ligne qui sépare le Bien du Mal. La victime est passée du statut de bourreau à celui de “supplicié” ligne 52. Le texte a montré ses souffrances et la crudité de la mort avec des mentions telles que ” la chair coulant sur mon pantalon”  l 46 qui contraste avec la fumée légère qui sort de l’arme (l 48 ) . Le romancier s’efforce de montrer à la fois l’aspect facile de ce geste de tirer sur un homme et les conséquences terribles que cela provoque dans l’esprit même du tireur qui , lui aussi, perd une partie du son humanité.  “j’avais rejoint la guerre ” précise Georges l 50.

Désormais rien ne sera plus comme avant pour le personnage : cette exécution le perturbe physiquement et il donne des signes de malaise : “je tremblais, j’avais froid ” est-il écrit ligne 59 ; Une énumération marque l’ampleur de ce qui vient de se passer dans la tête de Georges  qui semble désorienté : ” Il me fallait marcher, m’asseoir, réfléchir ” ( l 61) . Il envisage la portée de ce geste dans son avenir : “mes jours seraient de suie mes rêves allaient devenir des cauchemars . ” La première image fait référence au cendres  soit des morts , soit celles qui marquent le deuil dans les civilisations antiques ; quant à la seconde, elle montre la disparition de l’espoir et de la croyance en un avenir meilleur . Un nouveau paradoxe parvient à nous convaincre du caractère irrémédiable de ce qui vient de se produire sous les yeux du lecteur. ” Je venais de tuer c’est à dire de mourir ” 

Voilà le personnage de Georges condamné par son meurtre à devenir autre; Il pense tout d’abord qu’il est un monstre et que les enfants vont voir en lui un ogre ( l 66), figure effrayante qui suscite la peur ; quant à sa femme, il représentera désormais pour elle une menace ” l 67 ; Le romancier renoue ici les fils de son intrigue et prépare l’arrivée du dénouement fatal pour le personnage qui avait été amorcé au premier chapitre . Il envisage à la fin de cet extrait les raisons au moyen desquelles les combattants tentent de justifier leur passage à l’acte : ils s’inventent des prétextes et maquillent leurs crimes en pseudo- délivrances : “je l’avais sauvé de l’agonie” pense Georges . pas tué mais libéré , se dit-il ligne 74.

mur8.jpg
 

Chalandon termine par l’évocation d’Antigone comme une sorte de mise en abîme, de résonance des événements au Moyen-Orient: les éléments de la pièce se mêlent alors à la situation qui vient d’être évoquée; en tuant le frère de Charbel, Georges devient Créon et Antigone à la fois; Il s’imagine alors   “drapé dans une toge blanche ” en proférant l’interdiction d’inhumer le corps . On peut même dire que son geste le gonfle provisoirement d’un orgueil démesuré , une sorte d’hybris tragique ; Il se voit “superbe ” et “immense ” comme un souverain tout puissant de tragédie. L’univers de la tragédie est explicitementt mentionné avec “le roi de ce monde “ et le dénouement de ce passage est construit sur une ambigüité entre la peur de mourir et la peur de ne plus être capable de pleurer. 

Un passage déterminant donc pour le destin du personnage qui s’approche inexorablement du quatrième mur qu’il s’apprête à franchir de manière défintive. 

 

 

 

20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone à Beyrouth : du projet aux répétitions . · Catégories: Première · Tags:
4mur26.jpg
La première  représentation d’Anouilh

Antigone , version de Jean Anouilh, propose en 1944 , à sa création, une vision du monde sur laquelle il faut s’interroger . La jeune fille incarne plusieurs formes de révolte: à la fois celle des minorités contre l’ordre établi mais égalementt celle des faibles contre les forts, des sentimentaux contre la loi , des intérêts privés et familiaux contre l’Etat et sa  toute puissance; Pour le personnage de Samuel, Antigone est une compagne de lutte, un témoin de ses souffrances passées et de ses combats et elle joue un rôle central dans le roman car elle va devenir l’objet d’un passage de relais entre le vieux metteur en scène juif et le jeune Georges qui ne rêve que d’en découdre avec la terre entière. 

Comment Antigone fait-elle son apparition dans le roman ? 

Samuel est invité, en tant que metteur en scène, a un festival de théâtre à Vaisonla Romaine ( p 37 ) et on y représente Antigone d’Anouilh mis en scène par gérard Dournel; A cette occasion, Samuel montre à Georges ses propres indications de mise en scène car il envisage de remonter Antigone et il brandit le live comme un poing levé.(p 38 )  Il commente le prologue ed’Anoulh qu’il trouve très beau ” c’est le dépouillement, la beauté pure ”  Les acteurs sont déjà en scène protégés par le quatrième mur : ” une façade imaginaire que les acteurs construisent en bord de scène pour renforcer l’illusion. Une muraille qui protège leur personnage. Pour certains un remède contre le trac. Pour d’autres , la frontière du réel.   “

Au fur et à mesure de leurs discussions, Samuel tente à plusieurs reprises  de convaincre Georges que la violence est une faiblesse mais ce dernier charrie de la fureur et  il y a tellement de colère en lui qu’il l’expulse par les combats physiques ; Un soir après une violente altercation, il se réfugie chez Sam qui écoute le requiem de Durufle accompagné par les paroles d’Antigone à la fin de la pièce : je ne sais plus pourquoi je meurs. ” ( p 74 ) Georges réalise alors que le théâtre a permis à son ami de répondre à la guerre : au lieu de continuer à se battre, il a transformé ses résistances en gestes artistiques sur scène. Depuis 1979 il travaille à son projet de monter Antigone à Beyrouth pour donner deux heures de paix à la guerre  mais en janvier 1982, le cancer le bloque à l’hôpital et il place tous ses espoirs en Georges ; “Depuis toujours Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre; Offrir un rôle à chacun des belligérants.”  Il choisit finalement Beyrouth après un premier massacre dans le bidonville palestinien de la Quarantaine, suivi de représailles sur un village chrétien de Damour (p 89 )Il multiplie les contacts et finit par recruter des acteurs  qui acceptent tous de le recevoir en 1976. “le casting a duré 2 ans ; Antigone était palestinienne et sunnite; démon son fiancé un Druez du chouf. Créon un maronite de Gemmayzé.” (95) Sam ne souhaite qu’un seule représentation dans un “lieu qui parle de guerre, labouré de balles et d’éclats.”  Samuel Akounis luttait pour la vie d’Antigone.Georges accepte immédiatement et affronte la peur de sa femme Aurore qui juge sévèrement leur projet : “aller dans un pays de mort avec un nez de clown” s’exclame-t-elle , furieuse . ( 100 )  

4mur30.jpg
Créon et Antigone 

Dans le chapitre 9, Georges note ses commentaires après une lecture de la pièce qui le bouleverse. Il note que Créon est ému et tente d’épargner la vie de sa nièce mais la jeune fille refuse, souhaite la mort et l’attend. Après sa lecture, Georges es sent prêt à “accueillir en moi cette victime choisie par le destin.” “je ne connaissais d’elle que son refus de vivre; Je ne savais de moi qu mon envie de vivre . ” (105) Le personnage est encore loin de se douter que leurs trajectoires , la sienne et celle de la petite maigre, vont  tragiquement se rejoindre . 

Samuel a indiqué ses souhaits de mise en scène ; Pour les costumes: “la pièce doit parler  au présent” ; Les acteurs devront donc porter des tenues de leur époque; Georges découvre peu à peu leurs lettres de motivation, leurs photos et entre en contact d'abord avec Imane, sa future héroïne.Mais il ment à Samuel à l'hôpital en lui laissant croire que les répétitions se déroulent parfaitement alors qu'en réalité, il ne sait même pas si les acteurs vont accepter de venir répéter. Arrivé à Beyrouth, la guerre semble à Georges la plus forte et au milieu des salves qui claquent,  il imagine "Antigone était dos au mur,fusillée par la ville entière.” ( p 128 ) Il rencontre Imane et elle le fait assister à une répétition d’un poème de Mahmoud Darwich, Identité qu’elle a fait apprendre à ses élèves et dont les paroles font référence à l’identité palestinienne : “pas de haine pour les hommes, que je n’assaille personne mais si j’ai faim je mange la chair de mon usurpateur , gare à ma fureur ” Le lendemain , Georges et Imane se rencontrent dans un café de Beyrouth: il va ensuite trouver un phalangiste chrétien, frère de Charbel alias Créon,  afin d’obtenir un cessez-le feu de deux heures. Durant cette nuit, en compagnie des snipers, Georges sent une peur qui monte en lui et qui n’est pas celle de la mort mais celle de la fascination de la guerre (160) Georges assiste ensuite chez Marwan à la répétition de Hémon ; pour son père il a “le plus beau rôle, le plus grand de tous. qu’il incarnait l’exemple, l’espoir, la vie. Que dans cette pièce il mourrait par amour de la liberté et de la justice. Et aussi par amour d’un femme belle comme celles de leur montagnes.” (176) 

4mur25.jpg
Un face à face tendu 

La répétition a lieu le 24 février 1982 dans un théâtre en ruines qui a également servi de salle de cinéma: un reste du décor antique est éparpillé à terre et les obus ont troué les murs . Georges note des indications qu’il destine à Sam : “ une  tenture rouge. Un voile qui draperait tout l’arrière…Ce lieu serait celui du pouvoir.”  Simone arrive la première et évoque le massacre de Damour durant lequel son petit fils de 18 mois  a été égorgé: Charbel arrive à son tour suivi par Imane accompagnée des femmes qui jouent Ismène et la nourrice. Avant même de jouer, les acteurs cherchent leur personnage en eux : “Deux acteurs se mesuraient. Des personnages de théâtre; Antigone te Créon. Elle le narguait. Il la défiait. Elle irait jusqu’à mourir. Il irait jusqu’à la tuer. “‘ ( 188) 

Georges commence à diriger la répétition: il place sur scène une photo de la générale de la pièce en 1944, 38 ans ans plus tôt  et installe les acteurs sur scène; il évoque ensuite les conditions difficiles de la représentation en France à cause de la guerre et demande aux acteurs d’oublier leurs religions et le conflit mais la chiite qui joue Eurydice ne souhaite pas mourir car “elle disait que jouer une femme qui se suicide c’était devenir cette femme ” . Georges cède à sa requête ; Charbel poursuit en expliquant comment il a compris le personnage de Créon avec ses deux neveux morts pour rien dans une bataille absurde et son mensonge pour préserver l’honneur de la famille. Imane rompt l’accord en se présentant d’abord comme une palestinienne et seulement ensuite elle reprend ce qu’elle a conservé dans le personnage d’Antigone : ” celle qui dit non. Qui refuse les ordres, les consignes, les conseils. Celle qui ne met pas sa couverture comme les autres.; qui va hurler que c’est elle. Qui va refuser le bonheur avec Hémon. Et qui va choisir la mort pour ne pas se trahir. ” (197) 

4mur34.jpg
Le soir de la générale à Paris en février 1944
4mur33.jpg
 

Le narrateur raconte l’ambiance en février 44 pour la première de la pièce d’Anobli qui fut un triomphe; Anouilh a eu l’idée de cette pièce en 41 après avoir vu les affichettes rouges placardées par les nazis sur lesquelles ils affichaient le nom des terroristes  -résistants qui commettaient des attentats contre des collaborateurs ; En représailles les allemands fusillaient des otages ; Le  27 août 1941 un jeune ouvrier de 21 Paul Collette a ouvert le feu contre Pierre Laval ; il avait agi seul de son plein gré ; Torturé, il n’a pu avouer que son propre nom à la gestapo. Ce jeune résistant  lui a fait penser à Antigone . Les réactions de  la critique sont pourtant  partagées ; Pour la presse clandestine, cette pièce encourage la collaboration en tuant ceux qui s’y opposent ; Pour d’autres , au contraire “Antigone était une incarnation du refus. Offrant sa vie, elle condamnait Créon à la solitude des hommes perdus. Sa mort à elle serait sa chute à lui. Elle faisait de son royaume le lit de la colère. elle décimait la famille du bourreau, le laissait seul,avec trois gardes qui le tueraient bientôt après avoir acclamé la première poigne venue. ” ( 199) Le public se lève bouleversé  pour acclamer les acteurs et 17 jours plus tard seront fusillés les compagnons de Missak Manoukian, rassemblés sur l’Affiche rouge des allemands et  qui diront face à leurs bourreaux : “je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération” . Quant à Antigone, dans la pièce, elle dit qu’elle ne sait plus pourquoi elle meurt. 

La première rencontre des acteurs et du metteur en scène est terminée et il leur donne rendez-vous le 4 juin pour la répétition dans un lieu plus facile d’accès ; Imane a  finalement accepté de n’être plus qu’Antigone et de renoncer à se présenter comme une palestinienne  “nous portons des masques de tragédie, dit Hussein, et ils nous permettent d’être ensemble; Si nous les enlevons , nous remettons aussi nos brassards est c’est la guerre. ” (201) 

4mur27.jpg
 

Georges regrette alors de rentrer en France : il ne comprend pas pourquoi il ne reste pas là et il songe dans l’avion, en regardant sa photo entouré de sa femme et de sa fille, aux changements opérés en lui: ” Après avoir lutté en compagnie des autres, après avoir  espéré avec  eux, souffert avec eux, il avait quitté le combat sans un mot. Il ne se doutait pas que le monde continuait sans lui. Il avait oublié sa propre colère. Son poing était devenu main ouverte. “ Une fois à Paris, il se rend à l’hôpital et raconte à Sam la rencontre des acteurs.

La seconde rencontre a bien lieu le 04 juin 1982 au centre culturel grec et chaque acteur a apporté un accessoire : Imane un foulard le keffieh noir et blanc , Charbel une canne à pommeau d’argent qui fait office d’épée : “la faiblesse la toute-puissance ” Ils vont lire la pièce durant 3 jours et prévoient de se retrouver mi-septembre afin de préparer l’unique représentation  fixée le 1 octobre 1982. Les acteurs ne sont pas d’accord sur le sens de la pièce ; Pour Hussein, “Antigone est une gamine sans autre cause qu’elle même ” alors que pour Imane c’est un appel à la rébellion et pour Nakad une preuve d’amour. Georges leur rappelle que le texte a été écrit pendant une période noire de l’histoire et que chacun peut y puiser des forces . Il leur précise comment il entend jouer son rôle ” Je suis le Choeur. Je viens de Grèce antique. Je suis ce qu’Anouilh a conservé de Sophocle; Je suis en marge. Je suis le narrateur. Je présente les personnages, je raconte, j’anticipe. Je suis à la fois le messager de la mort et la voix de la raison. Je vais tournoyer au milieu de vous mais vous n’y prêterez aucune attention. Vous parlez aux autres personages alors que je m’adresse au public. Je suis le seul à briser le quatrième mur. Le seul à accepter le caractère fictionnel de mon rôle….” (219) Sur scène, explique Georges, le public doit voir les personnages se déplacer comme des pièces d’échiquier. A la demande des acteurs, Georges tente de leur faire saisir leurs personnages;  “Le garde n’est pas idiot juste totalement investi dans sa fonction. C’est le théâtre de boulevard qui cogne contre la tragédie.”   La force de ton personnage c’est que rien ne l’atteint. Boulot-boulot ajoute le metteur en scène à l’intention de Nabil le jeune chiite qui interprète l’un des gardes.  Pour Imane, Georges tente de définir Antigone “ Elle est jeune, exaltée, ébouriffée mais pas folle: elle est forte; c’est celle qui dit non.   Son refus du bonheur doit paraître incompréhensible et séduisant; Elle veut tout, tout de suite ou rien, jamais plus. Antigone c’est à la fois notre courage, notre obstination et notre perte. ” Georges termine par le personnage de Créon : personne n’a jamais su si c’était un salaud ou un héros; Chacun se débrouillait avec le Créon qui régnait à sa porte.  Charbel décide alors qu’Antigone mourra malgré lui et pas à cause de lui et Imane lui dit qu’il a le beau rôle. C’est à ce moment que le premier avion israélien se fait entendre à 15 h 11 et  bombarde Beyrouth…la répétition est terminée . Chacun se met à hurler en arabe et s’enfuit.. Le livre d’Anouilh  comme les acteurs, se retrouve éparpillé sur le sol .Vous pouvez lire la suite dans l’étude de l’extrait n° 2 …

 

20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La répétition inachevée : extrait n° 2 Le quatrième Mur · Catégories: Première · Tags: ,
4mur11.jpg
 

De retour  à Beyrouth pour continuer à diriger  le projet  de son ami mourant : faire jouer une représentation de la tragédie d’Anouilh, Antigone, avec des acteurs de chaque faction en guerre , Georges réunit pour la seconde fois sa troupe au centre culturel grec  dans le quartier Bir Hassan, le 4 juin 1982; Il a demandé à chaque acteur d’apporter un objet symbolique qui définit son personnage et il entend bien, au cours de leurs lectures, leur indiquer comment jouer au mieux leurs rôles et diriger la répétition. Les acteurs échangent leurs points de vue sur le sens de la pièce  et Georges leur rappelle les circonstances de sa création par le dramaturge français; Il en a eu l’idée après avoir lu une affiche de la gestapo qui présentait l’attentat d’un ouvrier français torturé et exécuté pour avoir  tiré sur le ministre du gouvernement de Vichy, Pierre Laval. Anouilh a alors pensé à Antigone et à son face à face avec Créon . Image voit en l’héroïne qu’elle incarne l’image de la rébellion et Charbel demande des précisions pour jouer le roi Créon. Georges le laisse libre d’en faire un salaud ou un héros . A ce moment là, un avion israélien bombarde la ville . C’est la panique …

Quel rôle joue ce passage dans le parcours et l’évolution du personnage de Georges ? quelles est sa fonction dramatique? symbolique ? comment la guerre  fait-elle irruption ici au coeur du théâtre et de la représentation ? Tout d’abord ce passage représente la véritable découverte de la guerre par Georges, leur premier véritable contact ; Le passage décrit d’abord les réactions des acteurs avant d’analyser ce que ressent Georges à ce moment précis ;

4mur21.jpg
 

La guerre  prend ici la forme de violentes explosions et se caractérise tout d’abord par un mouvement de panique : “ils hurlaient en arabe” : confrontés  au danger à la mort,  les hommes reviennent immédiatement à leurs langues natales. D’emblée le lecteur est plongé dans la mêlée par une successions de phrases courtes comme des notations des positions de chacun. Chaque prénom est associé à une position :  George est “allongé” Yevkinée “blottie ” contre lui et “sanglotait”. Madeleine “pleurait” et Nabil “priait à genoux”; Le roman dresse une sorte de tableau où les corps se dessinent et se transforment sous l’effet du bombardement. Après avoir saisi les positions des acteurs ” mains sur la tête” “ tenant son nez à deux mains ” “dos tourné à la fenêtre“mains offertes au ciel “ , l’écrivain va brusquement animer ce tableau en y associant des sensations auditives notamment, qui tentent de rendre compte du fracas des bombes et de la violence de ce qui est subi ici ; “juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tout sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles les hurlements de la rue, les explosions encore encore encore ” (  l 14 à 20 )  Sous la forme ici d’une longue énumération, le romancier transcrit les différents bruits qui se succèdent avec d’abord des adjectifs hyperboliques comme “immense ” ou “ terrible ” ; Ensuite en utilisant simplement la juxtaposition des différents sons comme s’ils se déclenchaient les uns à la suite des autres ou quasiment en même temps; l‘allitération en f avec fracas folles, feu, fumée fait presque entendre le souffle de l’explosion. Et la répétition de encore à la fin de la période semble justement la rendre infinie.

4mur9.jpg
 

Non seulement il nous fait entendre la guerre mais il tente de nous la faire visualiser avec les indications visuelles qui bouleversent nos repères habituels  comme “acier en tout sens “(16)  ; On peut imaginer ici à la fois les avions mais surtout les dégâts causés par les bombes au sol qui pulvérisent tous les objets qu’elles rencontrent 

Georges vit son premier véritable contact direct avec la guerre à laquelle jusque là, il a pourtant beaucoup pensé et il va pouvoir confronter les images qui étaient les siennes à ce qu’il est en train de vivre. “j’étais en guerre ” dit-il (l 12 ) Cette fois vraiment.”  Le passage ici se fait par cette formule: passage entre sa représentation de la guerre et son vécu sur le terrain .   Ce n’est pas exactement son baptême du feu car il  déjà eu une première approche de la guerre à Beyrouth en compagnie de Jospeh-Boutros durant une nuit. C’est d’abord son corps qui parle : ” Mon âme était entrée en collision avec le béton déchiré ” Cette image traduit l’idée d’un terrible choc contre quelque chose qui nous dépasse ; Les murs sont ici personnifiés avec l’adjectifs déchirés qu’on emploie plutôt pour des corps ( l 20) C’est comme si une partie de lui demeurerait à jamais dans cet endroit: comme s’il venait de perdre un morceau de lui  qui restera définitivement accroché  à Beyrouth. “ Ma peau, mes os, ma vie , violemment soudés à la villeL’énumération met sur le même plan le corps : l’enveloppe extérieure, et le squelette caché dessous  et le verbe souder marque ici la force de ce lien qui désormais l’unit à cette ville et à son peuple. En même temps le terme souder rappelle l’acier  utilisé comme métonymie pour illustrer la guerre.

4mur15.jpg
 

A ce moment là, le personnage  a une réaction paradoxale : il se met à sourire ( l 22) et il associe ce qu’il est en train de vivre à ses souvenirs récents ; Ses pensées sont traduites par l’anaphore du verbe pensais (l 23,24 27 ); L’écrivain superpose différentes images comme pour montrer que la guerre  réussit à s’infiltrer partout  et notamment rayonne de ce théâtre à  Beyrouth toute entière représentée par différents lieux symboliques  “ les snipers du Ring, de la tour Risk” ; La parenté des deux mots nous rappelle que même ennemis , ils sont touchés de la même manière ; La ville est remplie de tireurs qui sont “jetés sur les murs ” comme pour souligner la violence qui passe ici directement par les hommes en armes comme Joseph Boutros, le frère de Charbel qui se bat dans le camp chrétien ; Son arme est comparée à un “fusil d’enfant” et le bruit des coups de feu du snipper à “un couinement de souris grise ” (l 23 )  alors que quelques semaines auparavant les mêmes coups de feu  semblaient à Georges d’une violence follle ” et il déclarait qu’à ce moment là il n’avait jamais  vu la bataille d’aussi près.

Le personnage a donc franchi une étape supplémentaire dans son approche de la guerre et alors qu’au chapitre 10 lorsque Joseph-Boutros lui  avait ordonné de rester auprès de lui, il se sentait à ce moment là déjà “au profond de la guerre” et ressentait quelque chose d’à la fois “terrible et vertigineux ” (p 159) . Cette sensation va être décuplée lors de ce bombardement.  Car  jusque là le personnage conservait la conscience de ne pas être venu pour cela, pour la guerre  “ ce n’était pas le mandat que Sam m’avait confié “dit-il (p 159) . Avec l’épisode du bombardement, nous voyons le personange de Georges entrer de tout son être dans la guerre; Il ne peut plus demeurer spectateur des événements mais devient l'un des acteurs du conflit. Déjà lorsqu'il  avait passé la nuit avec le frère de Charbel, il avait été assailli par un sentiment de honte “j’ai eu honte ” et il secoue la tête pour chasser ce qu’elle contient car pour la première il a peur de lui-même; cette fois la honte demeure présente : l’expression “j’ai eu honte “revient trois fois en trois lignes ( 39 à 42 )et à chaque fois accompagnée par un sentiment paradoxal. 

Ce que ressent,en effet, Georges à cet instant peut encore paraître confus : un mélange de joie et d’horreur qui le fait à l fois se sentir en enfer et se sentir terriblement bien ; Que se passe-t-il en lui ? Son esprit voyage et repart à Paris porté par les bruits qui lui rappellent d’autres bruits  comme ceux qui célèbrent la victoire du 14 juillet et ceux de la nature “l’orage et la foudre ” l 29 qui sont qualifiés de “trop humains ”  comme pour montrer que ceux qu’il entend durant les explosions ne le sont plus. En réalité, c’est plutôt l’inverse car les bruits de l’orage et de la foudre ne sont pas humains alors que ce sont des hommes qui larguent les bombe qui détruisent d’autre hommes. 

4mur6.jpg
 

Son corps parle pour lui : “je mâchais mes joues, j’ouvrais la bouche en grand, je la claquais comme on déchire ” ;( 30)  Ce déchirement rappelle celui des murs autour de lui  et du béton (l 20 ) et les tireurs de la ville jetés contre les murs sont les échos des avions qui se jetaient sur Beyrouth( l 9 ) ; L’emploi des mêmes verbes pour désigner à la fois l’action des hommes et les conséquences de ces actions renforce le caractère doublement destructeur de la guerre : elle détruit à la fois les hommes qu’on combat et les homme qui combattent. Nul n’en ressort indemne : vivant ou mort . Le corp sue Georges est lui aussi en panique et comme transformé sous l’effet des sensations : “mon ventre était remonté, il était blotti dans ma gorge.” Et pour amplifier la confusion : “ma jambe lançait des cris de rage de dents “ L’image ici de la jambe blessée du personnage mise en relation avec des douleurs dentaires peut faire penser notamment aux représentations picturales cubistes de la guerre qui montrent les corps disloqués et comme enchevêtrés: Guernica de Picasso par exemple offre un saisissant tableau des massacres de la guerre d’Espagne avec des morceaux de corps mêlés qui suggèrent la barbarie . En même temps ces images  que le romancier emploie pour  décrire les conséquences physiques de la guerre sur les corps ont  été utilisées maintes fois dans les récits des guerres relatées notamment par les combattants : ces sensations violentes  que leurs ventres et leurs estomacs remontent sont la manifestation de leur peur et   provoquent de violentes nausées ; nausée dont est victime Nimer dans l’extrait : Nimer a vomi à la ligne 45 et cela ne surprend personne car tous ressentent les mêmes sensations physiques. Pourtant durant ces quelques secondes , chacun demeure concentré sur lui même : “Personne n’est allé à son secours. personne n’est venu au mien. ” Le parallélisme ici de la construction des deux phrases révèle, dans un premier temps, le temps de l’hébétement ” le tragique isolement des victimes. Cet hébétement est bien l’état qui laisse le personnage bouche ouverte, bouche bée, grande ouverte , c’est à dire sans que les mot puissent être utilisés, juste le silence  ou les hurlements.

4mur8.jpg
 

Mai d’où vient alors la joie féroce que ressent le personnage ? Il tente de préciser ce qu’est pour lui la guerre à ce moment précis : “un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu’à  ce que l’air renonce . ” (39 ) On retrouve bien l’idée d’un mélange de sensations et de fonctions vitales endommagées avec l’ouïe qui est touchée(le sang dans les oreilles est fréquent après les explosions ), la vue (Georges sera blessé au yeux ) et la respiration qui devient impossible (gorge serrée) . En dépit de cette souffrance multiple , le personnage est labouré par une “joie féroce “(40 )  . On note d’abord l’emploi au sens figuré du verbe labourer qui signifie remué en profondeur jusqu’au tréfonds de son être et l‘alliance de mots  paradoxale : la joie est qualifiée de féroce alors qu’habituellement l’adjectif féroce qualifie plutôt la méchanceté ou la douleur ; On peut comprendre ici que féroce désigne peut être la dimension sauvage de cette joie incontrôlable qui, en même  temps qu’elle surgit , fait mal. Parce qu’il s’agit bien d’ effroi et cet état le fait se sentir terriblement bien ; une des explications possible et que le personnage  entre dans la tragédie où tout devient simple. Comment expliquer autrement cette transformation que par la sensation d’atteindre une dimension tragique celle qui fait que “toux ceux qui avaient à mourir sont morts ” comme le dit simplement  le Prologue à la fin d’Antigone. On peut ici faire le lien avec la pièce et la définition que le dramaturge propose de l’univers tragique. 

4mur14.jpg
 

A la manière de la tragédie d’Anouilh, le romancier emploie des formules présentations simples : “La guerre c’était ça ” ( 34 )  et il fait entrer Georges dans un univers de tragédie , celui que dépeint justement Anouilh : ” J’étais tragique, grisé de froid, de poudre, ,transi de douleur ” Le personnage ressemble ici à un héros tragique : il a entamé la métamorphose qui le conduira au dénouement où il deviendra cette fois totalement le héros de la tragédie en mourant de manière théâtrale. 

En conclusion, ce passage a une double fonction: tout d’abord il nous présente  la formation d’un lien ambigu et de  plus en plus étroit entre  le personnage de Georges qui entame ici une sorte de transformation tragique; ce passage nous montre également les différentes perceptions des stades de la guerre :la brutalité de l’attaque et des sensations qui semblent d’abord pétrifier les hommes, les transformant en statues de sel mais aussi  les étapes successives de la guerre avec les hurlements , la panique , le bruit et leurs conséquences immédiates ” le cri des hommes, le sang versé, les tombes..” pour finir par la douleur des vivants sous une forme métonymique avec “les larmes infinies qui suintent des villes ” et le  constat global des destructions : “les maisons détruites, les hordes apeurées ” (37) ; cette formule généralisante présente d’ailleurs les survivants comme des animaux redevenus sauvages et se rassemblant en troupeaux comme pour mieux se protéger . Quant à Georges il  a fait un pas de plus vers son destin de personnage tragique : la guerre a commencé à s’ emparer de lui et elle ne relâchera pas son étreinte mortelle. 

18. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La construction du personnage de Georges dans Le quatrième Mur · Catégories: Première · Tags:
mur_103.jpg
 

Roman sur la guerre et sur la manière dont elle bouleverse le destin des hommes, Le Quatrième Mur est aussi un roman d’ apprentissage pour son protagoniste principal: le personnage de Georges, qui par certains traits , peut ressembler à son créateur . L’ouverture tragique du récit quelques heures avant sa mort le 27 octobre 1983 à Tripoli, en pleine zone de guerre semble en fait constituer le point de départ d’une réflexion sur le destin du personnage qui va s’écrire à rebours, au moyen d’une séries de retours en arrière ; Nous allons d’abord découvrir Georges étudiant (il a passé son bac en Mai 68) , militant d’extrême gauche avant de le voir devenir père, au début du chapitre 5 , le 9 janvier 1980, quelques années après sa rencontre avec Samuel Akounis et son mariage avec Aurore . La naissance de sa fille réactives souvenirs de sa propre naissance et l’écrivain fabrique pour nous un tableau de l’enfance de Georges. C’est ce passage que nous allons découvrir à partir de la page 61 du roman. 

mur102.jpg
 

Comment le romancier construit-il  le passé de Georges et quel rôle joue ce passage dans le parcours du personnage ? Commençons tout d’abord par les éléments inspirés de la biographie de Sorj Chalandon . Sorj, de son vrai prénom Georges est né à Tunis le 16 mai 1952 : il a choisi de faire naître son héros le 16 mai 1950 ; Elevé dans une famille qui craignait énormément la folie de son père , atteint de paranoïa, le petit garçon connaît une enfance difficile et souffre de ce qu’il nomme un enfermement familial ; Quitter sa famille et partir sur les zones de guerre en tant que journaliste  a été pour lui une sorte de délivrance en même temps qu’une thérapie pour soigner ses propres blessures intérieures. Cependant de ses contacts prolongés avec la violence de la guerre, il va rapporter une sorte de violence intérieure dont il bien du mal à se départir; L’anecdote de la glace renversée par sa fille au parc est inspirée d’un souvenir personnel ; Cependant le romancier refuse qu’on réduise ses livres à des autobiographies car même s’il utilise des expériences personnelles, il construit un univers de fiction et lui donne un sens qui dépasse les limites de sa biographie. 

mur_106.jpg

Voyons comment apparait l’enfance de Georges dans Le Quatrième Mur

Premier axe de lecture : la relation parent/enfant 

La relation entre le personnage et son père est définie à l’aide d”images marquantes : l’ouverture sous la forme d’un présentatif “C’était ainsi” marque une sorte de fatalité un peu à la manière du prologue d’Anouilh qui démarre Antigone; D’emblée, nous sommes dans un registre tragique.Les images se succèdent et elles sont construites sur des chiasmes, figure qui permet de visualiser les oppositions et de les rendre paradoxales ; “Nous avions l’Histoire en commun mais pas d’histoire commune”. La construction de la phrase sépare et rend même antagonistes les parcours des deux personnages en dépit de leur goût commun pour l’Histoire; Le père de Georges est professeur d’histoire alors que ce dernier échoue par deux fois au concours de l’enseignement ; cependant , il reproche à son père de ne pas avoir participé aux événements historiques de son époque, d’ “avoir regardé ailleurs” durant la seconde guerre mondiale (p 59 ) et il se sent en quelque sort investi d’une mission: réparer l’indifférence paternelle en s’engageant pleinement das les causes qui lui semblent importantes ; cette position paternelle qu’il critique explicitement dans le roman , explique en partie, par réaction, les luttes politiques du personnage . 

De mon père je n’ai rien conservé parce que rien n’a été ” : nous retrouvons ici le chiasme qui est basé sur la répétition

mur109.jpg
 

de la négation; Le fils définit sa relation avec son père comme une sorte de néant ; pour lui , l'absence de souvenirs est la garantie en quelque sorte logique que cette relation se fonde sur une absence; En réalité, on sait que les souvenirs douloureux sont souvent refoulés par la conscience et qu'il est impossible que le père et l'enfant n'aient pas partagé durant toutes ces années, quelques souvenirs ; Simplement le mot rien montre de la part du personnage une sorte de volonté d'effacer jusqu'à l'existence même de cette relation , réduite à rien  . Les phrases commencent elles aussi par des formules négatives : “je ne me souviens pas ..l 6; pas même l 7 pas non plus l 2 je n’ai rien conservé l 5 ..qui attestent de la disparition totale des souvenirs pour signifier la vacuité et l’absence de liens . Les énumérations ont le même but : l’auteur mentionne tout ce qu’il n’a pas eu comme pour mieux en révéler le manque : il ne se souvient ni de la colère, ni des cris, ni de la joie, ni de la voix . La synesthésie “je revois le silence ” quand je pense à lui (l 10)  traduit ici de manière paradoxale la sensation de vide affectif: en mêlant deux sensations , l’une visuelle et l’autre auditive, le romancier nous fait partager une sorte d’étonnement . La modalité du regret est présentée avec la comparaison des enfants battus: l’expression “je suis resté intact” (l 13) peut être interprétée comme une sorte de reproche; En réalité, elle dénonce l’incapacité à nouer des liens : l’enfant apparaît ici comme quelqu’un que rien ne peut émouvoir, une sorte de bloc d’indifférence et le romancier y voit ce qui  a poussé l’enfant à faire du théâtre car , il éprouvait le besoin de reproduire des gestes dont il n’avait pas été le témoin : il se met ainsi, à “mimer le baiser paternel ” (14)  : la fiction rétablissant une sorte d’équilibre voir une compensation, au vide affectif de sa vie. 

mur101.jpg
 

La relation avec la mère est également évoquée à partir de la ligne 15 : en raison de sa disparition prématurée, la relation avec la mère se caractérise également par une forme d’ absence ; L’écrivain reprend ici les images traditionnelles (les clichés  ) de la tendresse maternelle; Sont ainsi évoquées les images de la mère nourricière avec la métonymie du sein offert ( l 15 ) ; les bras ouverts qui contrastent à la fois avec les bras croisés de Georges et les mains jointes du père dans son cercueil ; La posture de la mère  est synonyme d’ouverture, de caresse enveloppante alors que les hommes sont ici fermés aux autres  et au contact.  La dernière image peut également être considérée comme un paradoxeles yeux brillants de ventre ” : on y retrouve l’image de la mère qui porte l’enfant dans son ventre ici métonymie du corps maternel ; Quant au regard, il est brillant sans doute à cause d l’émotion que suscitait chez la mère la vue de l’enfant ; On évoque parfois, dans le langage courant, la reconnaissance du ventre pour désigner le lien charnel , antenatal   qui unit une mère et son enfant ; on dit que l’allaitement maternel peut encore renforcer ce lien ; Le narrateur mentionne ainsi la différence entre ses deux parents : à l’indifférence supposée de son père, il oppose l’existence de ce qui fut la tendresse maternelle mais il ne lui en reste plus de souvenirs ; cette fois c’est l’absence de souvenirs , d’images et non l’absence de lien qu’il déplore . ‘ Je n’ai rien gardé de ma mère: aucune trace de  lèvres aucune caresse aucun regard ” Il rappelle ici qu’il fut orphelin de mère très tôt : ce qui rend encore plus pathétique l’absence de tendresse de son père . De cette façon, les deux emplois de rien ne désignent pas la même chose : l’ absence de souvenirs du côté maternel et l’absence de relation du côté paternel. Les verbes garder et conserver s’opposent ainsi : le jeune enfant du fait de son très jeune âge n’a pu garder : c’est une action involontaire alors qu’on peut supposer que dans le verbe conserver émane une sorte de  volonté de nier l’existence même d’une relation avec son père. La formule finale du premier paragraphe suggère le manque affectif que le personnage va chercher à combler ; On va donc suivre le personnage de Georges à travers le  roman dans ses relations amicales et amoureuses ; “J’étais une bouche en trop, je suis devenu un coeur en plus ” ( l 19) Cette double image combine deux métonymies ; la bouche pour désigner celui qu'on doit nourrir et le coeur pour désigner le siège de l'amour; L'enfant se décrit ici par le biais d'un parallélisme de construction  comme une bouche à nourrir, une sorte de fardeau pour son père et un coeur vide qui ne trouve personne à aimer . Il est surnuméraire : en trop..c'est une perception extrêmement négative de son existence.  

mur108.jpg
 

 Ces images expliquent l’évolution de Georges dans le roman et les liens qui vont l’unir à d’autres personnages.  On peut par exemple opposer l’attitude chaleureuse et protectrice de Marwan, père de substitution, à celle de son propre père; on notera que Marwan est un père très aimant avec son fils Nakad et que cet amour ira jusqu’au meurtre. Lorsqu’il quitte Beyrouth , après les massacres de Sabra et Chatila et la mort d’image, Marwan organise le départ de Georges et le serre dans ses bras : ” Jamais personne ne m’avait vraiment serré dans ses bras “note le personnage.( p 273 )    Georges va donc logiquement chercher à retrouver cette tendresse qui lui fait défaut et cela peut expliquer, pour le lecteur, la force de son engagement auprès de son ami Samuel , autre figure du père idéal; En effet, Samuel représente tout ce que le propre père de Georges n'a pas fait; ce dernier étudiait l'Histoire sans y avoir participé du point de vue de son fils, alors que Samuel s'engage au péril de sa vie dans les événements historiques de son temps comme la révolte des colonels en Grèce qui lui vaudra son douloureux exil en France en 1974. 

Cette absence de lien avec le père apparait également dans cet extrait sous la forme de l’impossibilité de se toucher la main et les images employées lors du récit de l’anecdote de l’enterrement de son père, vont dans ce sens; Georges devient orphelin de mère à 5 ans et de père à 20 ans; 

 Deuxième axe possible : Que nous apprend ici la scène de l’enterrement ?  l’impossibilité d’abord de renouer le contact: Georges se décrit debout, juste en observateur “à le regarder ” : il ne décrit pas de sentiment simplement des sensations physiques : cuisses douloureuses ” parce que collées au cercueil  (l 26 ) et il a tenu à rester dans cette position inconfortable “comme ça la nuit entière ”  en s’infligeant une sorte de punition ; d ‘ailleurs cette idée réapparaît à travers la comparaison “comme puni dans mon coin ” (30) Georges a l’occasion de tenir la main vers son père, de le toucher mais il s’en montre incapable ; “je n’ai pas bougé ” La dernière image de son père restera celle de ses mains “piquetées de mort noire “ et les images de contact charnel se dessinent autour de cette main , métonymique de l’individu tout entier  : “glisser mes doigts”agripper sa manche  pour le garder ”  Vient alors la sensation d’être seul au monde relayée dans le texte par une image qu’on trouve sur les champs de bataille lorsqu’on décrit une guerre  et les soldats qui risquent leur vie parce qu’ils sont exposés ” devant en première ligne ” (41) On retrouvera beaucoup d’autres mains amies et ennemies dans le roman: la main de Yassine le frère d’imane qui se pose sur lui , la tant d’Image bien sûr et ensuite celles de Nakad “Après les mains d’Imane , Nakad m’a offert les siennes” (p 245)  : mains  qui soignent , qui lavent et qui apaisent mais lorque Nakad lui avoue qu’il l’aime , Georges se sent incapable de “mettre une main sur son épaule ” et de lui parler.

mur107.jpg
 

Après avoir fait le récit de l’enterrement de son père , moment clé dans le parcours du personnage , l’écrivain tire les conséquences de cet événement sur le parcours de Georges et donne ainsi au lecteur des informations qui lui permettent d’appréhender différemment l’une des  sources de violence qu’il a entrevue chez le personnage; L‘écrivain fabrique ainsi une figure de personnage doté d’une épaisseur psychologique et dont les actions sont en relation avec un passé et des blessures d’enfance . 

 Troisième axe : La métaphore de la peau et de la lutte  est très importance dans le roman; A la lumière de ce passage, nous comprenons donc mieux le fait que Georges se sente “une peau à défendre” Dans un entretien avec un journaliste en 2015, Sorj Chalandon explique qu’il n’existait dans sa famille aucun contact peau à peau et qu’adulte, il s’est lancé dans l’amour et l’amitié à coeur perdu. Il cherche avant tout à défendre sa peau et les dangers lui semblent doubles : d’abord contre d’éventuels ennemis qualifiés par l’expression démonstrative “ceux qui lui voudraient du mal ” mis en opposition avec des dangers différents qui viendraient des femmes “celles qui lui voudraient du bien ” On retrouve dans cette construction à la fois le parallélisme et l’ antithèse ; Georges se lance dans des combats politiques et craint d'être vulnérable sur le plan affectif , notamment dans ses rencontres avec les femmes .  Les dernières lignes du troisième paragraphe préparent dans l'esprit du lecteur , toujours au moyen d'images saisissantes , la suite logique des aventures du personnage : devenu une peau à défendre,(l 45)  la violence physique va faire partie de son quotidien et on le retrouvera, sans grande surprise, militant d’extrême -gauche, et engagé dans des combats de rue , importants à ses yeux mais qui cachent un combat intérieur plus profond  “quand je tombais sous les coups, je revoyais le cadavre de mon père; ses mains jointes me faisaient honte “; Les mains jointes  du gisant symbolisent ici l’absence de résistance et c’est tout naturellement que le fils va s’incarner en résistant , devant ainsi l’inverse du père.  “Enfant , adulte, j’ai résisté “ (52)  La juxtaposition des deux états du personnage, enfant, adulte est déjà comme un véritable trait d’union pour l’évolution du héros.   Georges cherche , en quelque sorte à expier cette mauvaise conscience à travers des combats politiques mais Samuel lui fera remarquer qu’il se trompe de guerre et que les fascistes ne sont pas des nazis et que 1979 ne peut être comparé à 1939. La dernière image “des doigts tachés d’encre aux phalanges écorchées ” peut s’interpréter de différentes manières; On peut d’abord y voir une représentation de l’évolution de l’enfant écolier à l’adulte combattant et révolté ; mais on y retrouve également l’image de la colère qui nous fait tout briser parce qu’elle émane de nos blessures personnelles et trouve simplement à s’incarner dans le cadre de combats que notre époque nous fait traverser. Sait-on vraiment pourquoi on se bat et au nom de quoi ? telle pourrait être l’une des questions à laquelle le parcours de Georges nous aide à répondre dans ce qui peut s’apparenter , vu sous cet angle, à un roman initiatique. Les phalanges écorchées symbolisent à la fois la violence et la souffrance qui en découle: coups qu’on donne aux autres pour attaquer ou se défendre  et blessures qu’on reçoit; Blessures morales et blessures physiques sont ici étroitement associées. 

mur104.jpg
 

  ( à ajouter selon le temps qui vous reste …peut être très intéressant  en conclusion )   …Les images qui apparaissent dans ce passage seront reprises dans la suite du roman ; Le personnage de Georges se construit donc sur une double blessure : à celle de l’enfance s’ajoute sa découverte de la guerre et de ses horreurs  qui vient réactiver les blessures originelles. D’ailleurs brisé par la guerre et ses visions  , il refusera, à son retour, tout contact avec la main de sa fille et le corps de sa femme : “Mon corps se dérobait lorsqu’elle avançait la main vers ma peau” ( p 283) Il ne parvient plus à recréer de liens avec sa famille et ses amis . Dans son lit, il est comme dans une tranchée ; signe que c’est la guerre qui a pris le dessus sur la vie . D’ailleurs la guerre s’empare peu à peu  du personnage et  le transforme; elle lui fait commettre des actions qui effraient son entourage comme lorsqu’il frappe la porte de la cuisine : ” La main saignait, les phalanges avaient été écorchées; Ce n’était pas ma main . Ni mon bras. Ni rien de moi. Une autre violence que la mienne.” (285) 

Ce passage qui retrace les blessures d’enfance et l’enterrement du père , représente une étape déterminante et  fondatrice dans le parcours du personnage romanesque et pour le lecteur , c’est également un moment crucial pour sa reconstruction ultérieure  du personnage qui fabrique de l’empathie.  Lorsqu’il devient père le personnage remarque “je n’avais pour exemple de père que l’absence du mien ” ( p 58 )  et avant la naissance de Louise il évoque les “dernières heures sans liens ‘( 57)- et lorsqu’il est de retour de Beyrouth pour la première fois, il regarde la photo de sa femme et de sa fille pour se souvenir pourquoi il rentre : “le monde s’arrêtait aux frontières de leur peau ” pense alors Georges ( p 204) ;

 En conclusion ,grâce à ce passage, situé au début du roman, avant le départ de Georges , le lecteur construit une image cohérente du personnage et les éléments qui seront disséminés au fil du roman, viendront subitement enrichir ce premier portrait des blessures originelles , comme une sorte de terreau du personnage, de substrat à partir duquel le romancier va élever une figure . Peu à peu, grâce à l’intercession de Samuel, Georges substituera l’Art à la violence physique en allant apporter la parole de la révoltée en zone de guerre, mais la guerre sera la plus forte et il y laissera sa peau, On peut noter que Sorj Chalandon, en devant écrivain, a réussi à échapper à cette emprise de la guerre et a effectué, par le biais de la fiction et de l’écriture,  comme une sorte du parcours inverse de celui de son héros, Lui est revenu et a décidé de ne plus y retourner  alors que Georges y est  reparti et y est définitivement resté. “il a traversé le quartrième mur, celui qui protège les vivants. ” 

 

16. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Duo ou trio : quel est le principe dominant pour les Faux-Monnayeurs et le Journal ? · Catégories: Divers · Tags:

La difficulté de ce  sujet de dissertation est double; d’une part il faut définir avec précision ce que recouvrent les notions de duo et de trio  ; d’autre part, il est préférable d’éviter le plan qui oppose les deux entités parce qu’il mène , en quelque sorte à une impasse et que la troisième partie, synthétique, reprendra nécessairement des idées développées dans les deux autres; Pour éviter cet écueil, comment trouver un bon plan?  Des recherches préalables à la rédaction doivent interroger la notion même de duo;  on peut en effet penser au couple qui forme , de base une cellule importante du sytème des personnages du roman ; mais on pouvait également penser au travail de création gidien qui propose deux personnages au final au lieu d’un (dédoublement ) et surtout, la matière pour deux romans ; on pouvait également partir de la notion de relais de narration pour montrer qu’un personnage devient le lecteur d’un autre : la mise en abîme fonctionne  également pour le personnage de l’écrivain et pour le journal d’Edouard au sein du roman (Gide écrit deux livres en même temps ) qui reproduit le journal que Gide écrit en même temps qu’il rédige les FM. 

Le repérage de la notion de trio ne posait guère de problème au lecteur ; il était , une effet , facile de repérer que le roman est découpé en trois parties (et de se souvenir que Gide évoque comme l’une de ses préoccupations principales la recherche d’équilibre ); On pouvait aussi penser que le trio central des FM est bien constitué de 3 personnages indissociables qui forment, au passage, plusieurs couples ; l’amitié est illustrée au départ du roman par le duo Bernard Olivier mais l’arrivée d’Edouard va permettre à Bernard de partir avec ce dernier (relation maitre/élève? ); Bernard se substitue donc à Olivier sauf que la nature de la relation qu’il a avec Edouard est sensiblement différente.  Une nouvelle relation finira par apparaitre dans la dernière partie du récit : un amour entre Olivier et Edouard.(homosexualité impose le dédoublement de l’objet désiré) Grâce à cet exemple, on mesure à quel point un duo peut être remis en question par l’irruption d’un troisième personnage ; en effet, la relation entre Bernard et Olivier s'est modifié à cause de leur séparation et de ce que Bernard a appris dans le Journal d'Edouard;

Prenons un autre exemple de relation triangulaire : Vincent quitte Laura pour Lilian;  il quitte une femme mariée enceinte pour une intrigante riche et perverse; Le personnage de Vincent s’abaisse avec cette action  ; Laura elle, a quitté Felix pour Vincent  et c’est  vite au tour de Benard de tomber amoureux d’elle mais d’un amour chaste, platonique  qu’elle refusera de transformer en amour charnel; Laura était au départ amoureuse d’Edouard avant de comprendre que ce dernier préfère les hommes; et ils sont alors devenus amis.Laura a épousé Felix par dépit et la rencontre avec Bernard intervient comme une troisième péripétie ;  lorsque Lilian et Vincent formeront un couple, leur relation les détruira selon ce que Gide nomme la décristallisation qui dans leur cas, tourne à la haine de l’autre .  Lorsque Bernard tombe amoureux de Laura, c’est un amour à sens unique  mais lorsqu’il séduit Sarah (on notera ici grâce à la consonance identique des deux prénoms que ces deux jeune femmes forment en réalité les deux faces d’un même personnage ) Gide révèle à travers  ce  type de dédoublement  proche d’une opposition, deux facettes opposée du sentiment amoureux : l’amour platonique et le désir charnel qui ne parvient pas à s’unir dans la même femme ou à une femme, pour un homme qui préfère les hommes; cette dissociation structure le thème de l’amour et du couple dans les FM. 

Nous pourrions multiplier les exemples de duos ou de trios: présence de 3 batards dans le roman associés par leurs trois initiales Boris, Bronja et Bernard; trois personnages de purs : Rachel, Boris et Brojza;  Mais aussi trois soeurs Azaïs : Rachel la vertueuse qui se sacrifie, son double inversé donc son opposé : Sarah qui veut vivre libre et Laura qui culpabilise d’avoir cédé à l’adultère;  Trois soeurs pour trois variations du statut de la femme Laura elle même a aimé trois hommes avant de rencontrer Bernard : le premier Edouard ne lui a accordé que son amitié; le second l’épousé mais elle n’en est pas amoureuse et le troisième a fait d’elle une femme adultère et l’a abandonné de la plus lâche des façons, enceinte . Ici la succession des hommes permet de mieux définir la variété des sentiments amoureux et des liens qui peuvent unir un homme et une femme. Le trio permet donc souvent l’exposé de la variation quand il n’set pas triangle amoureux ; Mais les deux figures se rejoignent parfois avec le trio Bernard/ Laura/Sarah par exemple.

L’heure tourne et vous ne pourrez penser à tout mais plus vous connaîtrez les détails du roman , plus les idées en rapport avec la problématique donnée viendront rapidement et il ne vous restera plus qu’à trouver un plan pour les organiser; je vous conseille de d’abord jeter toutes vos idées sur le papier avant de chercher à les agencer au sein d’une organisation; Voilà une liste non exhaustive des applications possibles avec ces notions de duo ou de trio ….

un livre au lieu de deux 

Bernard devient lecteur du journal d’Edouard : un lecteur dans un roman 

mort des duos : Boris et Bronja meurent tous les deux ; Les La Pérouse sont séparés;  les Molinier divorcent; Profitendieu séparés. Vincent  tue LiIlian; Olivier quitte Robert ..les couples menacés dans les FM ; On rejoint les thèmes de l’échec des couples et des modèles familiaux .

l’adultère ; Gide montre que  le troisième personnage est l’ élement perturbateur du triangle amoureux; à l’origine des bâtards et des relations adultères et donc des conflits familiaux?  l’amour hors du mariage conserve un statut dangereux.

des trios révélateurs : trois figures de l’homosexuel (Robert, Edouard, Olivier ) ou + ?  quid de Caloub? La Pérouse amoureux d’Edouard ? cas de Georges ? 

la figure du mauvais garçon connaît elle aussi des variations : Georges maître chanteur, Vincent habité par le démon et Robert,le diable incarné , symbolise la tentation … et Armand, ? 

combien de figures d’écrivains ? 

les thèmes principaux relèvent à la fois du double (la fausse monnaie s’oppose à la vraie et les faux -sentiments à la sincérité  ) et du triple à cause de l’utilisation de certaines techniques de relais de narration.

Au final, pour faire le plan le plus complet possible , il était sans doute plus simple de ne pas partir de l’opposition entre le duo et le trio mais de trouver trois grandes parties des oeuvres où trios et duos se concurrencent  en cherchant à expliquer pourquoi . 

Vous pouviez commencer soit par les personnages soit par le cadre du roman, sa construction 

Partie 1 Amour et personnage 

Les couples en échec : les duos ne résistent pas (décristallisation) 

Les triangles amoureux : adultère et naissance des batards, déstabilisation des modèles familiaux 

L’impossible union :  désir charnel et amour “platonique” toujours séparés donc nécessité de deux partenaires 

Partie 2  Création et modèles de bases (Cadre et construction) 

Gide dédouble son écriture avec Journal et roman, avec division des personnages (trop de matière à répartir donc division inévitable) 

La dualité permet l’opposition mais Gide se méfie de cette tendance donc brise les couples d’opposés (l’écrit dans Journal ) ; un fonctionnement par paires qu’il s’efforce de combattre  en créant des variations 

 

 et Les triangulatiosn permettent d’apporter les variations : 3 soeurs, 3 batards, 3 figures de femmes, 3 homosexuels , plusieurs écrivains ; au lieu de seulement opposer amour sensuel et amour platonique, Gide invente les situations triangulaires qui introduisent des nuances intermédiaires 

Ecrivain en recherche constante d’équilibre avec 3 parties mais eulement 2 endroits ( Paris, départ   et retour ) 

Partie 3 La résolution des équations ;  (Ecriture ) 

Un trio central donne lieu à plusieurs essais de couples : Bernard/Edouard/Olivier ; des interactions et des relations qui évoluent dans les duos qui se forment, se défont et se reforment (la matière ainsi ne s’épuise jamais, cette structure mime l’inachèvement constitutif ..exemple de l’absence de dénouement avec Caloub 

Division et dédoublement des instances narratives : la mise en abime  dédouble et l’ajout d’un narrateur ou d’un dialogue ou d’un journal nous fait passer du deux au trois 

Roman de la fausse monnaie et des faux sentiments donc roman de la dissociation, de la lecture à deux niveaux (réception de l’oeuvre elle-même duelle et a divisé les lecteurs  ) ; un roman du double jeu donc structure nécessairemment duelle prédominante.

06. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Ecrire le dilemme au théâtre · Catégories: Fiches méthode · Tags:
dil0.jpg
 

 Un dilemme est une situation fréquente au théâtre : il s’agit d’un  choix quasi impossible, extrêmement douloureux face auquel un personnage est placé; Le dilemme devait être résolu c’est à dire que le choix devait être fait au cours de la scène . Votre sujet d’invention consistait à créer et ensuite à  rédiger   ce dilemme qui devait être joué sur scène sous la forme d’un monologue par un acteur . Pour ce fair vous deviez d’abord présenter la situation initiale c’est dir résumer en quelques lignes les enjeux du dilemme. Ensuite, vous deviez écrire un texte destiné à être représenté sur scène ; Donc le point le plus important de ce travail d’invention consistait à préciser les éléments de mise en scène choisis pour mettre ne évidence le caractère angoissant de la situation dans laquelle es trouve plongé le perosnnage. Voyons donc dans l’ordre chacun des points respectivement évalué à hauteur de 4 pts , 6 pts et 10 pts. 

Examinons d’abord les situations inventées 

Mention spéciale aux dilemmes qui mettent en jeu la vie d’un personnage : il peut s’agir de raisons médicales comme par exemple arrêter un traitement ou choisir qui va vivre et qui va mourir quand on ne peut sauver les deux personnes ; Ce sont les choix les plus difficiles et ils engagent la vie d’un individu. En temps de guerre , beaucoup d’hommes ont été confrontés à ces choix comme par exemple les résistants qui ont réussi à trouver le code secret qu’utilisaient les allemands pour communiquer et qui ont du choisir quels bateau ils allaient sauver et quel seraient ceux qui ne seraient pas prévenus des attaques; Ainsi un des mathématiciens a du choisir entre la survie esse généraux indispensables ) la suite des opérations militaires ou la vie de son frère et d’autres soldats blessés qui revenaient du champ de bataille. Excellent choix de situation épineuse. Le contexte de guerre exacerbe les dilemmes : un snipper , par exemple , ou un homme qui s’apprête à commettre un attentat ou à poser une bombe qui risque de tuer des civils , peut être en situation délicate sur le plan moral.William Styron a écrit un roman où un nazi demande à une mère à Auchwitz de choisir lequel de ces deux enfants, une petit fille et un petit garçon, elle va pouvoir sauver. Ce roman porte comme titre Le Choix de Sophie et il va dévaster la vie du personnage ; 

dil3.png
 

Le dilemme amoureux est également un grand classique de la scène : un personnage doit choisir entre son amour et sa famille ; On peut par exemple imaginer qu’une femme ne souhaite pas quitter ses parents malades pour suivre son ami à des milliers de kilomètres pour son nouveau travail; On peut aussi imaginer qu’un des membres du couple doive choisir entre sa vie de famille et ses obligations professionnelles ; Parfois difficile de concilier les deux comme dans la vie ! Un personnage peut également devoir choisir entre deux prétendants et la pièce peut devenir une tragédie ou une comédie; Un copie a fort justement montrer un dilemme original: un roi qui refuse d’avoir un enfant de peur que ce dernier lui vole un jour son trône mais qui craint de perdre l’amour de la reine. Bien trouvé ! 

 Les questions d’honneur sont à l’origine de nombreux dilemmes : se taire ou dénoncer son bourreau pour les victimes au risque de conséquences pour leurs proches; Menace, chantage sont souvent sur scène les armes des puissants qui souhaitent assujettir leur opposant; Ainsi dans Andromaque,tragédie classique de Racine, Pyrrhus roi grec , dédaigné par sa prisonnière Andromaque, une troyenne veuve du prince Hector, décide de tuer son fils si elle persiste à refuser sa demande en mariage; cette dernière es retrouve donc face à un dilemme: soit elle condamne son fils en restant fidèle à son époux défunt et à sa mémoire, soit elle le sauve mais elle devient l’épouse de son ennemi. Racine et Corneille ont utilisé des personnages confrontés à ces choix douloureux entre l’exercice du pouvoir, la loyauté envers leur patrie, leur camp et l’amour pour un ennemi ou une femme du camp opposé. L’empereur Titus doit ainsi renoncer à Bérénice, reine de Palestine qu’il aime pourtant car le Sénat

dil2.jpg
 

romain  lui interdit  ce mariage  dans la tragédie de Racine : Bérénice. 

“Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N’admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d’un hymen contraire à ses maximes.”   L’empereur  de Rome pour obéir à la raison d’Etat renonce à son projet de mariage et la reine quitte  le pays; Racine a écrit cette pièce pour rendre hommage au sacrifice du roi Louis XIV qui a renoncé à son amour pour Marie Mancini afin d’épouser l’infante d’Espagne pour des raisons politiques; Le devoir triomphe souvent de la passion au théâtre. 

Le dilemme peut également être exploité à des fins comiques : un groupe a ainsi imaginé  une campagne politique digne de House of cards qui voit s’opposer Marine Le Pont et Emmanuel Macrau , rivaux pour l’élection présidentielle, avec un chantage à la photo compromettante..mais la comédie satirique vire à la tragédie quand la candidate s’empoisonne en avalant une boîte de médicaments. Un autre groupe a fait preuve d’originalité en imaginant une infirmière maladroite qui tue un patient alors que la famille se divisait pour savoir s’il fallait ou non le débrancher .  Une situation tout à fait ingénieuse à exploiter sur le plan scénique. La palme du la sophistication du scénario revient à une copie qui a imaginé la responsable d’un accident de voiture mortel  qui s’enfuit et qui n’est autre que la mère de l’inspecteur qui doit mener l’enquête…quel dilemme s’il découvre la culpabilité de sa mère ! 

La qualité des textes , en dehors de la présence de fautes de syntaxe , reposait essentiellement sur la variété des arguments proposés par les intervenants ; en effet, un dilemme doit donner lieu à des interrogations, des questionnements ; Le style de l'argumentation s'apparente le plus souvent au registre délibératif; les personnages pèsent le pour et le contre et échafaudent des hypothèses (si ..ou bien si.. ) en fonction des choix à opérer; Ils envisagent également les conséquences de leurs actes et font part de leurs hésitations. Corneille a , par exemple traduit les hésitations de son héros Le Cid en fabriquant des stances

dil15.jpg
 

Que je sens de rudes combats ! 

Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse: 

Il faut venger un père, et perdre une maîtresse

L’un m’anime le coeur, l’autre retient mon bras. 

Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, 

Ou de vivre en infâme

Des deux côtés mon mal est infini. 

dil11.jpg
 

On mesure ici la paralysie du héros qui , sur scène, exprime son impossibilité à prendre une décision ; Le registre pathétique est également employé dans le monologue célèbre de Hamlet de Shakespeare où ce dernier ne sait s’il doit continuer à vivre ou se laisser mourir . 

La dernière partie du travail d’écriture consistait à indiquer au moyen de didascalies , le travail de mise en scène . C’est un point essentiel dans une écriture destinée à la représentation; c’est ce qui différencie un texte littéraire d’un texte théâtral . Si autrefois les dramaturges donnaient assez peu d’indications dans leurs textes, c’est parce que souvent les didascalies étaient internes ; Aujourd'hui, les textes de théâtre contiennent énormément d'indications destinées à faciliter le travail du metteur en scène  et à guider le passage du texte écrit à la représentation ; C'est un point sur lequel vous devez travailler car la plupart de vos didsacalies sont assez conventionnelles ; vous devez donc préciser les gestes de votre acteur : face à un choix difficile, le personnage va montrer des signes d'agitation ; Il peut tourner en rond, faire les cent pas, se prendre la tête dans les mains, mimer le chagrin, la colère; Il bouillonne à l'intérieur et cette agitation doit se traduire par une gestuelle appropriée. N’oubliez pas non plus les intonations et les expressions . Le trouble peut s’entendre avec la voix, les pauses, les changements de rythme, de volume sonore. 

Bref n’oubliez pas d’inventer et de noter entre parenthèses ou à côté des noms des personnages ,des didascalies variées et nombreuses  dans vos copies si vous devez produire un texte théâtral.

05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Dissertons….Les personnages de roman: des frères de sang ou des étrangers ? · Catégories: Divers · Tags:
roma4.jpg
 

Disserter sur les personnages de romans nécessite d’être un tant soit peu familier avec ces drôles de créatures imaginaires qu’on rencontre en tournant les pages d’un livre. Qui sont au juste les personnages pour le lecteur et que représentent-ils vraiment ? L’objectif de cette dissertation est de vous faire découvrir les différents liens qui peuvent unir un lecteur et des personnages. Les théoriciens de la littérature ont même donné un nom spécial à cette notion: ils l’appellent l’effet-personnage. 

Aristote définissait le personnage comme le simple support d’une action et la plupart des romans jusqu’au seizième siècle semblent présenter des types de personnages idéalisés et interchangeables, aux qualités extraordinaires auxquels un lecteur contemporain  a bien du mal à s’identifier; or, en l’absence d’identification produite par le phénomène d’illusion référentielle, le lecteur ne se sent ni proche ni attiré par ces êtres de papier que sont les personnages des romans. Si de nos jours, en effet, les personnages ont tendance à ressembler à des personnes vivantes, cette tendance n’apparaît vraiment qu’au dix-neuvième siècle avec les héros romantiques et surtout après 1850, avec les héros réalistes des grands ensembles de Zola ou de Balzac.Néanmoins, la précision des détails ne suffit pas pour qu’un lecteur se sente attiré par un personnage, il lui faut bien plus qu ‘un portrait physique ou qu’une généalogie.  Pourquoi s’attache-t-on à certains personnages et qu’est-ce qui fait naître cet attachement ?

roman1.jpg
 

C’est l’une des questions à laquelle vous devrez répondre si vous choisssez de traiter ce sujet. L’un des éléments techniques essentiel pour faciliter une proximité entre le personnage et le lecteur, c’est effectivemennt la voix du narrateur car il sert d’intermédiaire entre l’univers de la fiction et celui de la lecture. Fabriquer un personnage c’est d’abord raconter une histopire dont il fait partie et la manière de montrer les actions du personnage détermine souvent notre degré d’attachement. Il est prouvé que les personnages antipathiques, dotés de nombreux défauts sont souvent des repoussoirs pour les ecteurs qui préfèrent les personnages drôles , et plein de surprises. Un personnage banal comme le héros du roman de George Pérec : Un homme qui dort peut paraître peu intéressant pour un lecteur  qui rêve d’une vie palpitante; Pour celui qui rêve de partir à l’aventure, le héros de l’Or de Cendrars ou les personnages voyageurs de Le Clézio sembleront de proches parents. Ceux qui rêvent d’amours exceptionnels  se sentiront attirés par les héros de romans comme Manon Lescault ou par les héros cyniques des  Liaisons Dangereuses de Laclos. Les héros intrépides de Jules Verne ont pu marquer  autrefois de jeunes lecteurs : attirent-ils encore les adolescents ?  Faut-il être un super héros pour plaire à des lecteurs d’aujourd’hui ? Les filles et les garçons sont-ils fascinés par les mêmes personnages ? 

roman3.jpg
roman3.jpg, mar. 2016

Sujet : à partir des personnages de romans que vous avez rencontrés , expliquez ce que peut représenter pour le lecteur, un personnage de roman et quels rôles il peut être amené à jouer dans sa vie ? Un être de papier peut-il être amené à jouer un rôle dans la vraie vie de ses lecteurs ?  Pourquoi certains personnages romanesques ont-ils eu un destin extraordinaire au point de devenir des mythes ? 

Découvrez ce qu ‘en pense Albert Camus qui avec son roman l‘Etranger a inventé un drôle de personnage  Jean Baptiste Meursault auquel il est vraiment difficile de s’attacher car il semble n’avoir aucun sentiment hulain. 

Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin, et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion. […] C’est ici que nous perdons leur mesure, car ils finissent alors ce que nous n’achevons jamais.

roman2.jpg
 

   Mme de La Fayette a tiré La Princesse de Clèvesde la plus frémissante des expériences. Elle est sans doute Mme de Clèves, et pourtant elle ne l’est point. Où est la différence? La différence est que Mme de La Fayette n’est pas entrée au couvent et que personne autour d’elle ne s’est éteint de désespoir. Nul doute qu’elle ait connu au moins les instants déchirants de cet amour sans égal. Mais il n’a pas eu de point final, elle lui a survécu, elle l’a prolongé en cessant de le vivre, et enfin personne, ni elle-même, n’en aurait connu le dessin si elle ne lui avait donné la courbe nue d’un langage sans défaut. I
Albert CAMUS, “Roman et révolte” in L’Homme révolté (1951).

Voir la page originale :

 http://www.site-magister.com/grouptxt4b.htm#ixzz43CBD5CcG
 

Vous consulterez avec profit : les doubles pages de votre manuel 120/121  202/203  274/275  402/403 

Des textes de Sylvie Germain sur les personnages , le site magistère sur le personnage de roman, le site copie double et sa dissertation sur le lien lecteur :personnage, la page révisions du bac du Monde.fr sur le roman et la vision du monde .