11. mai 2020 · Commentaires fermés sur Se disputer sur scène · Catégories: Seconde · Tags: ,

On se dispute beaucoup sur les scènes des théâtres et c’est le plus souvent , pour faire rire le public. Le théâtre classique nous montre un certain nombre de sujets de conflits entre les maîtres et leurs valets. Chez Molière, les exemples ne manquent pas . Dans la plupart de ses comédies, le spectateur assiste à des scènes comiques qui ont plusieurs fonctions. Le maître souvent, y rudoie, ses serviteurs mais ces derniers ont parfois la langue bien pendue. Voilà deux exemples de disputes ; Dans l’Avare, Harpagon, un vieillard riche , est persuadé qu’on le vole et il soupçonne son valets d’être complice des malfaiteurs qui cherchent à lui dérober son argent.

Texte 1 : Acte I, scène 3

HARPAGON, LA FLÈCHE.

HARPAGON.- Hors d’ici tout à l’heure, et qu’on ne réplique pas. Allons, que l’on détale de chez moi, maître juré filou ; vrai gibier de potence. ( 1 )

LA FLÈCHE.- Je n’ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard ( 2 )  ; et je pense, sauf correction , qu’il a le diable au corps.

HARPAGON.- Tu murmures entre tes dents.

LA FLÈCHE.- Pourquoi me chassez-vous ? Plus »

04. mai 2020 · Commentaires fermés sur L’analyse des procédés comiques · Catégories: Seconde · Tags: ,

Dans Le Bourgeois Gentilhomme, Molière met en scène un riche bourgeois qui cherche à devenir noble mais qui craint de ne pas posséder les codes de la bonne éducation. Il s’entoure alors de professeurs pour apprendre à passer pour un homme bien éduqué et bien né; Il apprend l’escrime, la philosophie, l’art de bien s’habiller. Dans cette scène, il veut écrire, en cachette de sa femme, un billet amoureux à une jeune marquise  mais il a  peur de ne pas trouver les mots justes; Il se fait  alors aider par un maître, expert en bonnes manières et en beau langage.  Regardez cet extrait  au moins deux fois et répondez ensuite aux questions du QCM.

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10. avril 2020 · Commentaires fermés sur Le comique de situation : spécial confinement ! Comment écrire pour le théâtre ? · Catégories: Seconde · Tags: ,

Pour aborder l’étude de l’écriture théâtrale, je vous demande d’imaginer une scène de théâtre à partir des éléments suivants : une situation de confinement et la naissance d’une dispute au sein des habitants de la maison ou entre voisins . L’écriture théâtral impose différentes contraintes : passons les en revue en semble et définissons ce qu’il sera possible de faire te ce qu’il faudra éviter ou proscrire . Mettons tout d’abord en place les principaux points de repère de l’écriture théâtrale.

Une scène de théâtre est composée de didascalies ou indications scéniques et des répliques des acteurs qui forment le texte   ; Ces indications scéniques que le spectateur n’entend pas  peuvent être limitées ou très nombreuses; Elles donnent des indications de mise en scène et précisent , à la fois, les éléments de décor, la situation au lever du rideau et tout ce qui peut être utile pour le metteur en scène ou scénographe .Voilà un exemple de didascalies initiales dans une pièce de Ionesco, un auteur du XX e siècle : la pièce raconte l’histoire d’une ville envahie par des troupeaux de rhinocéros , image symbolique de la montée du totalitarisme. Plus »

19. mars 2020 · Commentaires fermés sur Un dénouement tragique et une passion tragique : la mort de Ruy Blas · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Le drame romantique, inventé par Victor Hugo , est un type de spectacle qui  tente d’effectuer la synthèse entre des éléments issus de la tragédie  , et d’autres  issus de la comédie. En 1827 Hugo dans la Préface d’une de ses pièces , définit ce théâtre comme un mélange de sublime te de grotesque. Avec son drame  Ruy Blas ,  en 1838 il mêle une intrigue amoureuse et une trame politique; Un valet, manipulé par son ancien maître chassé de la cour, va révéler  progressivement son amour à la reine d’Espagne mais il cache un terrible secret: son identité véritable. Lorsque Don Salluste revient à la Cour et fait éclater la supercherie, il le tue sous les yeux de la reine. Cette dernière est atterrée par ce qu’elle vient d’apprendre et demeure sans voix “immobile te glacée” ; Quel dénouement Hugo a -t-il choisi ? la passion va-t-elle triompher ? On peut en douter . Commençons la lecture linéaire …

Ruy Blas reste à distance comme l’indique la didascalie interne du vers 2 : “je n’approcherai pas “ . Cet aspect solennel est celui de la tragédie classique dans laquelle les personnages s’expriment avec solennité. Le personnage de Ruy Blas tente de se faire pardonner ce qui peut être qualifié de “trahison ” comme on le lit au vers 6 . Il a, en effet, accepté de se faire passer pour un noble alors qu’il est d’origine modeste et a menti sur sa véritable identité, allant même jusqu’à accepter les fonctions de premier ministre en l’absence du roi . On remarque que les alexandrins sont “disloqués ” ainsi que le voulait Hugo qui a tenté de créer ainsi un langage théâtral plus naturel . L’agitation du personnage se traduit également par un bouleversement de la syntaxe et de nombreux enjambements comme aux vers 5 et 6 . Le champ lexical de la faute est très présent au début du passage avec le terme trahison déjà mentionné au vers 6. Ruy Blas se sent fautif mais il tente de se justifier et on le remarque notamment l’atténuation de sa culpabilité avec la négation partielle je ne suis point coupable autant que vous croyez ” au vers 3. L’aveu  explicite de la faute apparaît au vers 9, à la fin de la première tirade et la cause est précisée : “cet amour m’a perdu ” ; On retrouve un thème important dans la tragédie classique: les dangers de la passion qui mène les hommes à leur perte; Il n’est plus question ici de fatalité ou de malédiction divine comme dans Phèdre mais le personnage, sous l’effet de sa passion amoureuse pour la reine, est devenu malhonnête et a renoncé à des valeurs comme la droiture, la sincérité. Il a, malgré lui, accepté de participer à la tentative de disgrâce de la reine; Il est devenu complice d’un criminel et criminel à son tour, en devenant le meurtrier de Don Salluste.

A genoux, dans une attitude de supplication , devant la reine, il ne la laisse pas s’exprimer et poursuit, au vers 11 , ses aveux , qu’il diffère pourtant à plusieurs reprises je vais de point en point tout dire ” lit-on aux vers 13 et 14 avec un nouvel  enjambement qui marque une sorte d’étirement de la révélation. Le personnage répète, comme pour mieux nous en convaincre qu’il n’a pas l’âme vile ; l'adjectif vil rappelle qu'il est de basse extraction (c'est un valet au départ, un serviteur ) ; Hugo veut montrer dans ce drame que les qualités morales et intellectuelles  d'un homme ne sont pas liées à sa condition sociale et qu'on peut devenir un dirigeant politique même lorsqu'on n'est pas de haute naissance. Les idéaux révolutionnaires ont fait leur chemin et au moment où la France est redevenue provisoirement une royauté, Hugo marque ici son engagement pour le peuple qu'il souhaite associer au pouvoir. Le personnage de Ruy Blas se transforme , à ce moment , en une sorte de figure christique et le dramaturge utilise des symboles pour accentuer la ressemblance entre son héros et le Christ; Ainsi, “une femme du peuple “ au vers 18 est venue essuyer la sueur de son front; Ce geste symbolique rappelle celui de la Passion . Dans  ce récit religieux qui décrit le parcours du Christ qui a du porter sa croix jusqu’au mont Golgotha , on distingue 13 étapes qui sont les 13 stations du chemin de croix; A l’étape 6, une femme prénommée Véronique  s’approche et brave l’hostilité de la foule pour essuyer le visage du Christ souffrant sous le poids de son fardeau; A l’époque romantique, les auteurs se servent des images de la passion du Christ pour décrire leurs héros. Ici, Hugo cherche à faire naître la pitié du spectateur et applique ainsi le principe  que recommande Aristote pour réussir une tragédie . La tirade d’ailleurs se termine avec un vers pathétique : “Ayez pitié de moi, Mon Dieu, mon coeur se rompt ” La métonymie finale illustre à la fois la douleur du personnage mais préfigure également sa mort et la rend imminente.

Les échanges vont alors devenir plus intenses et plus resserrés comme une sorte de duo final . Au mots vont bientôt succéder les gestes tragiques car au théâtre , la parole se fait geste et devient action. Les didascalies externes qui précèdent les vers 25 et 27 montrent le héros qui se lève et avale un liquide ; Hugo s’est ici fortement inspiré de la  tragédie  classique et notamment de Phèdre qui offre un dénouement du même genre ; La coupable s’empoisonne de remords et sa mort purifie le jour qui se lève ; Ruy Blas se comporte donc comme un personnage de tragédie : il met fin à ses jours pour expier sa faute  et demande le pardon de ses offenses.  Alors que Phèdre se punit par sa mort , d’avoir provoqué celle d’un innocent, Ruy Blas se punit d’avoir menti, sur son identité et  trahi celle qu’il aimait ; D’autant qu’il risque de provoquer sa perte car si leur liaison est découverte, elle sera déshonorée et  contrainte d’abdiquer ainsi que l’avait prévu Don Salluste.

Le suicide dans le drame romantique était préparé et il apparaît comme la conséquence directe du refus du pardon de la reine qui, par deux fois ,affirme qu’elle ne pardonnera “jamais ” vers 23 et 26. C’est pourquoi le revirement de situation qui suit a pu paraître un peu étrange aux spectateurs de l’époque qui étaient habitués aux dénouements tragiques plus classiques. Lorsque  Ruy Blas s’écrie ” Triste flamme , Eteins -toi ” , on pourrait penser que ce sont ses dernières paroles .  Il indique qu’il meurt d’amour ; La construction ici associe la métaphore amoureuse à l’image d’une vie qui s’arrête; En effet, la flamme désigne à la fois le sentiment amoureux mais également la vie du personnage: ils ne font plus qu’un .La fin de l’amour marque donc irrémédiablement la fin de la vie.

A partir de ce moment, la tragédie devient un drame et offre aux spectateurs des moments déconcertants . Tout d’abord le changement d’attitude de la reine peut surprendre : elle se précipite vers le héros mourant pour l’entourer de ses bras et d’ailleurs , il donnera d’abord l’impression de mourir dans ses bras : “ l’entourant de ses bras”,  tenant la reine embrassée  “la reine le soutient dans ses bras ” au vers 45; Hugo reprend ici l’image du Christ avec plusieurs allusions comme l’obtention du pardon qui évoque les dernière paroles du Christ adressées à son père . La reine qui jusque là , était demeurée stoïque, se met alors à vibrer d’une passion qui a pu surprendre ; Elle lui dit qu’elle l’aime et l’appelle dans un premier temps , César, qui était son faux nom avant de lui donner , au dernier vers, sa véritable identité. Mais ce pardon arrive trop tard ! Et c’est aussi ce qui rend ce dénouement particulièrement tragique !

Qu’a t-on reproché encore au dramaturge dans ce dénouement inédit ? En plus du revirement de la reine, on a également  reproché au dramaturge d’avoir “allongé “la mort du personnage sur scène avec une agonie spectaculaire et surtout un dernier merci qui a été critiqué de nombreuses fois, pour son caractère invraisemblable. On se souvient en effet qu’une des règles du théâtre classique insistait sur le caractère vraisemblable des actions qui devaient être montrées au public; Ici, ce n’est pas du tout vraisemblable et les gens ont trouvé que Victor Hugo en faisait trop avec le risque que cela devienne ridicule. Il faudra, en effet, attendre des dizaines d’années, pour que ce drame obtienne un certain succès. En accentuant la dimension spectaculaire, le dramaturge prive le public d’une partie de ses repères ; Jusque là habitué à voir dans les tragédies des personnages exprimer des souffrances “dignement ” et en se touchant à peine,  le public a réagi assez mal à cette fin : Hugo  livre ici sa version théâtrale de la mort passionnelle .

Le héros , au moment de mourir, se retrouve lui-même : “je m’appelle Ruy Blas ” et semble ne plus réagir aux marques d’amour de la reine ; Il ne la regarde pas mais se tourne , comme l’indique la didascalie externe vers Dieu “levant les yeux au Ciel ” qu’il implore . La dimension christique du héros est réaffirmée avec la mention de son “coeur crucifié ” au vers 48 . La construction  du vers 49 précise les enjeux du drame et reflète les contradictions . ” vivant par son amour ,mourant par sa pitié “; Il faut comprendre ici que  l’amour de la reine a réjoui le coeur du héros quand il était vivant et que maintenant la pitié de  la reine réjouit son coeur au moment où il est mourant . Le caractère inexorable de la mort du héros est reprécisé sur scène dans les répliques finales; Alors que la reine se sent, à son tour , coupable et se demande ce qui se serait passé si elle avait pardonné plus tôt, Ruy Blas rappelle d’une manière claire que cela n’aurait rien changé . L’avant dernière réplique “ je ne pouvais plus vivre ” souligne cette idée . On remarque que si les personnages se tenaient à distance respectueuse l’un de l’autre au début de cette scène , ils se sont très vite rapprochés pour s’étreindre et l’ une des  dernières didascalies montre la reine “ se jetant sur son corps ” ; On peut retrouver dans ce choix l’influence d’un dramaturge comme Shakespeare que Hugo admirait particulièrement.

Ce final comporte donc de nombreux éléments tragiques : certains sont habituels et d’autres le sont un peu moins pour le public. La mort du héros est , à la fois prévisible et attendue ; elle vient sceller une passion impossible entre deux personnages qui s’aimaient sincèrement mais qui n’ont pas d’avenir ensemble; Si le dramaturge montre, sur scène, et pour la première fois,  la possibilité d’un amour entre un “ver de terre “et une “étoile ” il ne permet pas à ces deux personnages d’être heureux; la mort demeure l’unique issue pour un homme qui a menti sur ce qu’il est et cette femme pourra toujours se reprocher de ne pas avoir choisi l’amour à temps; Le drame romantique tente une synthèse entre un héritage tragique et des préoccupations contemporaines et il est parfois difficile de comprendre ce nouveau genre. La passion amène toujours l’homme à effectuer des choix souvent irréversibles et qui le condamnent à se perdre .

 

01. mars 2020 · Commentaires fermés sur Les derniers mots de Phèdre : lecture linéaire de la dernière tirade de l’héroïne tragique · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

  Dès sa première apparition sur scène, Phèdre veut mourir pour échapper à sa passion dévorante et interdite. Oenone, sa vieille nourrice, qui a peur pour elle, décide de la faire renoncer à ses noirs projets et réussit à la convaincre de  la laisser mentir  à Thésée . Au début de l’acte IV, Oenone, en brandissant l’épée d”Hippolyte comme preuve accuse ce dernier d’avoir tenté de violer sa belle-mère:  Phèdre ne dément pas. Thésée, furieux, accable son fils et demande à Neptune de le punir. Ce dernier est banni et Phèdre, quant à elle, se sent terriblement coupable d’avoir sali la vertu d’un innocent :elle accuse Oenone et la chasse; Cette dernière se suicide en se jetant dans la mer. Hippolyte dans sa fuite mais il meurt,  est tué par un monstre marin.  le récit de sa mort est relaté par Théramène, son plus fidèle serviteur . C’est en père éploré que Thésée vient annoncer à son épouse la mort de son fils. Phèdre es décide alors à  tout lui avouer.

 En quoi la mort de Phèdre illustre-t-elle le tragique de la passion amoureuse ? L’extrait que nous étudions débute au vers 1622 et se termine au vers 1644.  “De : les moments me sont chers …à toute sa pureté” 

 Juste avant la  dernière tirade, on entend l’aveu de la culpabilité de Phèdre : On note d’abord la fermeté du ton  : – « Non » est son premier mot au vers 1617 et il marque, à la fois , une  rupture et annonce négation. L’utilisation de la forme injonctive avec « il faut » qui est répété deux fois (v.1617-1618) souligne la détermination du personnage qui exécute son devoir .Elle coupe la parole de Thésée qui est dans la lamentation : elle n’a pas le temps d’écouter Thésée et sa douleur car il lui faut agir , et donc parler vite .

L’emploi de l’impératif présent : « écoutez-moi » traduit le fait que Phèdre est consciente de l’urgence de la situation; sa mort est proche, et elle ne peut pas perdre du temps : « les moments me sont chers » reprend cette idée d’urgence . Phèdre vient rendre justice à un innocent : Le champ lexical de la justice : « injuste », « innocence », « coupable », « condamné »  illustre ce point . Avant d’expirer, Phèdre veut rétablir la vérité. On assiste à une sorte de plaidoirie et elle se désigne comme la principale coupable avec une forme emphatique : “ c’est moi qui “qui semble faire peser tout le poids de la culpabilité sur le personnage ; L’objet est séparé du verbe comme pour accentuer l’horreur de son crime “jeter un oeil profane, incestueux. L’adjectif profane rappelle ici qu’elle n’a pas respecté les liens sacrés de la famille : elle a donc offensé les Dieux et son crime s’apparente à une forme de sacrilège. Le contraste est alors maximal entre les deux personnages : l’innocent mort injustement et la coupable dont la vie paraît injuste. L’idée est peut -être de faire davantage accepter cette mort par le public en la justifiant ici de manière naturelle.Ce n’est plus seulement l’héroïne qui cherche à échapper à sa passion en se donnant la mort, c’est une femme criminelle qui mérite de mourir pour le mal qu’elle a fait.  Phèdre reprend alors l’enchainement dse faits qui ont mené à la tragique mort d’un innocent : au  vers 1625 : « le ciel mit dans mon sein » :  les deux métonymies   rappellent l’origine de sa funeste passion, cette malédiction dont elle fut ma victime . C’est une manière de rejeter en partie sa  culpabilité car elle est seulement en position d’objet : « dans mon sein ». Elle se présente,une  fois de plus , victime de cette cruauté des Dieux qui s’acharnent à punir son sang pour une faute commise par les ses ancêtres ( le Soleil, son grand-père qui  a dénoncé les amours secrètes de Mars et Vénus  ) . Ensuite, dans un second temps, le personnage dresse un véritable réquisitoire contre Oenone qu’elle qualifie, au moyen d’ un vocabulaire dépréciatif:  de «détestable», au vers 1628 et de « perfide » au vers 1630. – Elle l’accuse d’avoir “conduit ” la trahison et même d’avoir abusé de la situation car elle se trouvait dans une “faiblesse extrême ”  v 1629 .  Le dramaturge rappelle une dernière fois les circosntances qui ont mené à cet enchaînement tragique : l’aveu de l’amour de Phèdre s’est déroulé alors qu’elle croyait son époux mort et le retour de Thésée a modifié la donne ; le danger , c’est désormais que le jeune homme confie à son père, à son arrivée, les révélations de sa belle-mère; c’est pour prévenir ce danger que la nourrice a alors l’idée d’accuser Hippolyte;  Phèdre peut-elle vraiment passer pour une victime de la fidélité poussée à l’extrême d’Oenone ?  Elle apparaît en position d’objet, comme si elle subissait la volonté de la vieille femme: « abusant de ma faiblesse » tandis qu’Oenone est le sujet de tous les verbes d’action : « a conduit », « a craint », « s’est hâtée »: Phèdre donne sa version de la mort d’Oenone car Thésée voulait la faire chercher ; “elle s’en est punie” : la mort est ici un choix assumé lié sans doute au remords de la nourrice; Ensuite, elle a été chassée par Phèdre qui évoque sa colère “fuyant mon courroux”  Cette réécriture  n’est pas totalement fidèle dans la mesure où Phèdre cache , en partie, sa complicité : elle n’a rien fait pour dissuader Oenone : acte II, scène 4 : elle lui confie en effet  ” fais ce que tu voudras, je m’abandonne à toi/ dans le trouble où je suis, je ne peux rien pour moi” En gardant le silence , Phèdre a une part de responsabilité. Quant à la périphrase qui désigne la mort comme un  « supplice trop doux » , on peut entrevoir le caractère identique de la situation des deux femmes .   

La mort semble cerner le personnage qui évoque  sa première véritable tentative de suicide : lorsqu’elle a demandé à Hippolyte de lui ouvrir la poitrine et, symboliquement de lui percer le coeur; :  « Le fer aurait déjà tranché ma destinée ; Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée » Dans ces vers, Racine rompt avec la tragédie de Sénèque dans laquelle Phèdre se donne la mort avec une épée. Ce refus d’une mort prématurée s’explique par sa volonté de prendre la parole pour rétablir l’innocence d’Hippolyte te le choix du poison peut sans doute renvoyer à cet amour qui l’a littéralement empoisonné. Elle présente Hippolyte comme l’incarnation de la vertu : « la vertu soupçonnée », rétablissant ainsi l’honneur qu’elle a bafoué. On peut aussi penser qu’il s’agit d’une forme de repentir : elle ne peut réparer le mal commis mais elle s’efforce de rendre au jeune homme sa dignité. D’ailleurs elle prononce le terme remords et justifie le délai qu’elle s’accorde pour disparaitre :   elle peut prendre le temps de s’expliquer face à Thésée. Pour le spectateur, c’est aussi l’occasion de découvrir une forme de sacrifice : la précision « chemin plus lent » :  peut être interprétée de deux manières :  on peut, en effet, comprendre qu’elle a agi pour retarder sa propre mort mais cela montre également une forme de souffrance plus longue car on imagine le poison qui se diffuse, goutte à goutte, dans ses”brûlantes veines” . On retrouve également l’image de la descente aux Enfers qui peut évoquer les voyages de  Thésée .
En précisant l’origine du  poison “que Médée apporta dans Athènes »  1638 , Racine introduit une autre figure de femme meurtrière : la magicienne Médée, première femme de Thésée et sorcière qui elle  aussi, sera victime d’une passion pour son  nouvel époux, le perfide Jason, passion qui va la conduire à tuer sa rivale, le père de cette dernière avant d’immoler ses propres enfants .  Les deux figures féminines dessinent une sorte de  filiation,  qui rappelle la dimension monstrueuse de la famille de Phèdre: un demi-frère taureau qui mourra sous les coups de Thésée et une mère, Pasiphaé qui mit au monde un monstre.

 La tirade s’achève avec l’agonie du personnage qui est détaillée : elle indique avec précision l’écoulement du poison dans son corps  Sur scène , le spectateur assiste à chaque étape de sa mort : “j’ai pris, j’ai fait couler » :  la dimension pathétique est mise en oeuvre ici avec le parallélisme de construction ; L’héroïne met en scène sa mort et le dramaturge doit ici, mimer l’agonie. Ce qui explique que le discours de Phèdre se fait moins assuré et un peu plus maladroit comme le montrent les répétitions de l’adverbe « déjà » (1639-1641) :la parole semble se ressentir des effets du poison comme si elle se déréglait. Les conséquences physiques des effets du poison  sont précisées elles aussi :  elle ressent un « froid inconnu »  qui atteste de l’approche de la mort; sa vue se trouble également :  « je ne vois plus qu’à travers un nuage » . La nuit, métaphorique de la fin de la vie, tombe en même temps que le rideau qui viendra marquer la fin du spectacle  .L’ annonce de la mort apparaît encore comme un soulagement  pour le personnage : c’est la fin de  la brûlure incessante causée par la passion amoureuse. Phèdre s’éteint en chrétienne avec  la présence du champ lexical de la réparation de la faute : « outrage », « souillaient ».  La faute est rappelée dans sa double dimension : religieuse et conjugale  : « et le ciel et l’époux que ma présence outrage ». L’héroïne rappelle qu’elle a offensé les Dieux par la faute de ses ancêtres et qu’elle a offensé son époux en laissant condamner un innocent après l’avoir laissé accuser d’un crime odieux. L’imminence  de la mort se lit aussi à travers le champ lexical de l’ombre : « dérobant la clarté », je ne vois plus qu’à travers un nuage » mais cela s’oppose avec avec la lumière retrouvée, celle de la pureté : « rend au jour (…) toute sa clarté ». Ce retour de la lumière peut être interprété comme le signe que, par sa mort, Phèdre atteint la rédemption.

Si on se réfère aux règles du théâtre classique et notamment à la règle dite de bienséance, les personnages ne devaient pas offrir leur mort , à la vue du public: : « Elle expire, seigneur » :ces quelques mots peuvent laisser penser que  Phèdre meurt bien sur scène : cela accentue le pathétique mais aussi le tragique . Cette mort agit presque comme une fin moralisatrice : la passion conduit à la perte, à la destruction et à la mort. Les spectateurs doivent alors se purger de cette émotion.

 En conclusion : La fin répond au début de la pièce où Phèdre apparaissait déjà comme une mourante. Cette mort sans cesse reculée a permis de mettre en scène tout au long de la pièce la honte, la culpabilité et le tragique. Cette agonie du personnage est cependant ambiguë car jusqu’au dernier moment elle ne semble pas vraiment se remettre en question en rejetant la faute sur Vénus ou bien sur Oenone. Par ailleurs, elle ne mentionne pas la mort d’ Hippolyte et ne fait nullement référence au chagrin de son époux.  Elle ne revient que sur son malheur et choisit de quitter la  vie comme on sort de scène , par un dernier éclat .

02. mars 2018 · Commentaires fermés sur Les aveux au théâtre : analyser une scène d’aveu · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Le sujet de bac blanc proposait un corpus formé de  textes de théâtre : une tragédie classique de Racine, Phèdre  qui nous livre un face à face pathétique entre l’héroïne éponyme , une jeune  reine, nouvelle épouse du roi Thésée , qui durant lalongue absence de son époux, est tombée amoureuse de son beau-fils; Empoisonnée par cette passion funeste et et monstrueuse , troublée , elle ne sait comment alléger son cour et son âme du fardeau de cette culpabilité et elle se livre ici, à de timides aveux, pressée par sa nourrice Oenone qui s’inquiète pour elle ; Le second extrait est tirée d’une comédie amoureuse de Maritaux; pour tester la sincérité des sentiments de leurs promis , deux aristocrates ont l’idée de demander à leurs valets de prendre leur place ; on assiste  alors au moment où Arlequin se sent obligé de révéler sa véritable identité et à sa grande surprise, Lisette , à son tour, avoue qu’elle n’est qu’une femme de chambre; cette double révélation orchestrée par des apartés et des quiproquos va permettre aux deux jeunes gens de s’aimer ; Alors que dans le drame romantique de Hugo, Ruy Blas , nous sommes les témoins d’une révélation douloureuse : celle d’un amour interdit ou tout du moins jugé scandaleux , entre un homme du peuple, obligé de jouer les valets et la plus grande dame du pays: la reine d’Espagne .  Ici le dramaturge exploite la dimension pathétique de l’aveu: le héros prend conscience de son destin tragique et décrit les tourments d’une passion dévorante; Il est encore question d’amour dans la pièce d’Anouilh inspirée de la tragédie antique Antigone : alors qu’elle vit se dernières heures, la princesse écrit à son fiancé pour moi avouer qu’elle l’aime et surtout qu’elle redoute la mort ; cette dimension pathétique des aveux est renforcée par la volte-face de l’héroïne : seul le spectateur connaîtra son secret ; Le personnage du confident ici est un garde qui manifeste une forme d’indifférence, de distance : il écrit sous la dictée et ses hésitations ont une dimension comique qui atteste edu mélange des genres revendiqué par le dramaturge.  La question de synthèse portait sur la manière dont les aveux sont finalement formulés …alors bonne lecture .

Avant de vous propose des pistes pour le corrigé de la question de corpus, n’oublie pas qu quand vous êtes face à une écritute théâtrale, il ne faut pas oublier la dimension spectaculaire et le rôle du spectateur grâce à la double énonciation. Pensez également à utiliser vos connaissances sur les genres ; Le tragique a pour objet d’émouvoir en faisant ressentir de la terreur et de la pitié (pathétique ) pour le héros; le comique naît souvent de la situation proposée (quiproquo, déguisement, faux-semblants) ; Le drame romantique mêle le grotesque et le sublime et Ruy  Blas présente d’ailleurs de nombreux points communs avec Phèdre ; thème de la passion fatale et destructrice, suicide final par empoisonnement; Enfin le théâtre peut aussi être l’objet d’une critique de certains aspects de la société  en présentant les différences de rang social comme des obstacles insurmontables à l’amour ; Hugo définit son héros comme “un ver de terre amoureux d’une étoile “ . Le thème de l’amour était bien un élément fédérateur et chaque personnage avouait à un proche ou à un simple témoin , son penchant pour l’objet de ses désirs.

La question de corpus : éléments de réponse à organiser ..

  1. Le rôle de l’interlocuteur dans l’obtention de l’aveu difficile
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  • un interlocuteur pressant : 
  • dans l’extrait de Phèdre, Oenone, qui tient le rôle traditionnel dans la tragédie classique de la confidente de l’héroïne,  la presse de questions pour obtenir l’aveu (impératifs, stichomythies et répliques brèves qui confèrent à la nourrice un ton péremptoire).
  • On retrouve les impératifs et les interrogations dans l’extrait de Marivaux lorsque Lisette veut qu’Arlequin lui dévoile sa véritable identité. Cependant, la situation s’inverse dans cette scène de double aveu dont la dimension comique repose sur des effets de parallélisme entre les deux serviteurs qui avouent l’un après l’autre quel est leur véritable statut (« magot »/ « magotte », « soldat d’antichambre de Monsieur » / « coiffeuse de Madame »)
  • un confident involontaire :  dans l’extrait de Ruy Blas, Don César ne cherche pas à obtenir l’aveu. Il est cependant un personnage indispensable sur le plan dramatique pour recevoir cet aveu et sa présence semble déclencher la libération de la parole du héros éponyme : Don César n’a que des répliques de moins d’un alexandrin, parfois d’une seule syllabe (« Ciel ! ») comme s’il était sidéré par l’aveu, tandis que les répliques de Ruy Blas sont de plus en plus longues  
  • Un obstacle à l’aveu : dans la pièce d’Anouilh, le garde n’est que le scripteur de la lettre que lui dicte Antigone. Il ne semble pas comprendre ce qu’elle lui dit. L’impossibilité de toute communication suscite le désarroi de la jeune fille qui finit par renoncer à s’expliquer. 

 

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II. Des détours et des dérobades qui retardent l’aveu

  • Des personnages qui ne répondent pas directement à leur interlocuteur : 
  • Apartés par lesquels le personnage ne répond pas mais commente la stratégie à adopter pour  faire comprendre la vérité  (Texte A, v. 5 ; texte B, l. 8 ou l. 11). 
  • Antigone (Texte D) ignore aussi les questions du garde, mais il s’agit plutôt pour elle de continuer à expliquer son geste malgré les interventions peu pertinentes de ce dernier. 
  • Digression de Phèdre sur sa lignée maudite qui retarde l’aveu.
  • Emploi de périphrases (caractère indicible de la vérité) : « Fils de l’Amazone » pour désigner Hippolyte (Texte A) qui ne sera d’ailleurs pas nommé par Phèdre elle-même mais par Oenone, « soldat d’antichambre de Monsieur » pour évoquer le statut de valet (Texte B), « hydre aux dents de flamme » pour la passion amoureuse (Texte C). 

III. Une amplification de la gravité de l’aveu

  • Désarroi des personnages face à une vérité presque impossible à dire

Expression de l’émotion :

  • ponctuation expressive (exclamations dans les textes A, B, C)
  • Interruptions (points de suspension dans le texte A, tirets qui indiquent un discours décousu  et haletant dans le texte C) 
  • Interjection (« Oh ! ») d’Antigone (Texte D)
  • Questions (non rhétoriques, elle se demande vraiment comment avouer la vérité) de Phèdre. Idem dans le texte B mais dans un registre comique. 
  • Procédés d’amplification
  • hyperbole « le comble des horreurs » (Texte A)
  • Gradation « quelque chose / D’étrange, d’insensé, d’horrible et d’inouï » (Texte C)

Sujet d’invention : quelques pistes  

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Plusieurs critères peuvent être retenus pour évaluer les écritures d’invention . J’ai fait apparaître 3 indicateurs sur les copies ; la qualité de l’écriture et notamment du style ; j’ai pénalisé les copies qui utilisent un style trop familier ou relâché et j’ai comptabilisé dans cette rubrique quelques anachronismes (le stress à Rome chez l’empereur , les finances de Louis XVI qui sont définitivement dans le rouge ..) Deux éléments sont ensuite évalués sur 6 points : la qualité théâtrale de l’écriture du dialogue et le choix de la situation et de la nature dramatique de l’aveu.

Faut-il sanctionner l’absence d’un paratexte ? Il est peut- être préférable de valoriser la présence d’une courte introduction notamment quand elle nomme les personnages, les situe et définit la situation qui va être développée ?

Notons d’abord que les copies se sont le plus souvent inspirées de situations lues ou étudiées en classe 

Les types d’aveux : les meurtres d’abord et souvent passionnels

  • une soeur qui tue sa sœur car elle est amoureuse du mari de cette dernière se confie à sa suivante le jour des funérailles (le cadre est intéressant pour les effets de dramatisation)

  • un homme qui avoue (à son meilleur ami) qu’il était amoureux de l’épouse de ce dernier et qu’il l’a tuée

  • une mère avant de mourir qui avoue (à son fils ) qu’elle a tué son père , sujet de tragédie

  • un mari qui avoue (à son épouse ) avoir tué un homme par accident et l’avoir enterré dans une cabane au fond du jardin.

L’amour impossible arrive en tête des situations choisies comme dans les tragédies ..

Au premier rang des interdits, la morale et la famille …nous rencontrons ainsi :

  • une femme amoureuse du mari de sa sœur qui l’avoue (à sa servante )

  • une princesse amoureuse d’un homme de rang inférieur qui l’insulte pour le faire renoncer à leur amour (double faute en quelque sorte)

  • une jeune femme bourgeoise amoureuse d’un homme de rang inférieur qui l’avoue à sa soeur et ensuite à son père (double aveu cette fois )

  • un guerrier grec (Ulysse bis ) qui avoue à la femme de l’île sur laquelle il a fait escale qu’il est déjà marié et que son coeur est pris ailleurs . (bigamie criminelle )

  • une reine veuve qui tombe amoureuse du mari de sa fille (Phèdre version belle-famille )

  • un prince qui tombe amoureux de la mère de sa fiancée et se confie à son meilleur ami (Phèdre revisité )

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    La scène d’aveu comme l’illustrait le corpus peut appartenir soit au genre tragique soit aux comédies : on notera d’ailleurs que certaines copies mélangent assez habilement parfois les deux registres en créant une dispute en surimpression de leur scène d’aveu . Mais c’était une difficulté supplémentaire et certains ont été maladroits en mixant les registres . Anouilh s’ efforce de créer ce mélange en choisissant un confident pour le moins étrange avec ce garde qui ne semble pas saisir l’importance des révélations d’Antigone ; la pièce , en effet, est construite sur le mélange des genres et le spectateur est ici partagé entre le pathétique des révélations d’Antigone, ici affaiblie à cause de son amour pour Hémon et de sa peur de mourir ; cette fragilité du personnage est dramatisée par le choix de ce confident imposé qui agit « mécaniquement »  mais dont les répliques peuvent également nous faire sourire par leur dimension décalée , inattendue et ce procédé estompe la tonalité pathétique.

Faut-il jouer la carte de l’originalité ?

C’est une question que se posent souvent les candidats qui cherchent ainsi à se démarquer des choix plus convenus de leurs camarades . En effet, le correcteur risque de se lasser de la version 40 de Phèdre ou de la lettre d’aveu mais il faut noter que le corpus sert aussi de référence et qu’il parait judicieux de s’inspirer des situations mises en scène , en tentant de les réécrire.

Parmi les copies qui ont su faire preuve d’inventivité , on trouve :

  • une femme qui avoue un rêve (à son époux ) où elle voit son avenir heureux avec un autre homme ( situation originale car elle décide littéralement de le quitter pour réaliser son rêve.)

D’une facture un peu plus classique, on trouve les deux situations suivantes qui oublient juste de mettre l’aveu au centre des préoccupations des personnages

  • Un amoureux qui demande de l’aide à une amie pour écrire une lettre d’amour qui lui sera finalement destinée mais sans le lui dire ..imitation de la célèbre scène de la révélation où Cyrano se trahit en lisant la lettre de Christian alors qu’il fait nuit ..exposant ainsi à Roxane son amour et la supercherie dont elle a été la victime

  • une femme qui quitte son mari pour rejoindre un autre homme (elle l’avoue d’ailleurs assez sèchement au pauvre mari dépité , qui a bien du mal à comprendre ce qui se passe )

Un élève a été bien inspiré et a pensé à l’aveu d’une faute professionnelle : le ministre incompétent redoute la réaction de son supérieur le roi de France<font face="Times New Roman">; Le monde du travail pouvait offrir un large éventail de choix (supercheries , faux en écriture , s’attribuer le travail d’un autre ..)

Le réservoir des situations tragiques pouvait être largement exploité comme par exemple cette copie où Rodrigue est devenu le fils de Caligula qui avoue ( à sa fiancée ) qu’il va devoir combattre son père en duel à mort dans l’arène (version romaine du Cid de Corneille )

Mais l’amour n’était pas nécessairement un ingrédient indispensable pour fabriquer une scène d’aveu théâtrale . Une copie qui sort des sentiers battus a mis en scène une situation où une jeune femme arrête ses études pour s’occuper de son grand-père désormais seul ; elle fait cet aveu à une amie-qui paraît consternée . On pouvait se demander ce qui a motivé le choix de cette situation qui semble tant heurter la meilleure amie et confidente .

Peu importe l’aveu au fond, les procédés de dramatisation et de retardement ont souvent fait la différence entre des copies qui exploitent une idée et des copies qui s’efforcent de tirer parti théâtralement de la même idée

Comment théâtraliser l’aveu ?

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Rappelons ici quelques procédés d’écriture théâtrale

  • l’aparté ou adresse au public qui joue sur la double énonciation

  • les effets de retardement

  • le dialogue de sourd

  • les répliques interrompues

  • l’arrivée d’un personnage qui interrompt l’échange

  • les hésitations, revirements et autres formules préparatoires du type : je ne sais si je puis, je ne saurais vous dire, vous allez me trouver horrible, vous allez sans doute être surpris , il faut que je vous dise

  • L’usage des didascalies était important : on pouvait, par exemple, inventer les gestes d’accompagnement de l’aveu  : asseyez-vous, allons plus loin…la fait asseoir, lui prend la main , détourne le regard, fait les cent pas, on pouvait aussi noter des variations du ton : d’une voix peu assurée, tremblante, en toussotant..

 

 

 

06. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Ecrire le dilemme au théâtre · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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 Un dilemme est une situation fréquente au théâtre : il s’agit d’un  choix quasi impossible, extrêmement douloureux face auquel un personnage est placé; Le dilemme devait être résolu c’est à dire que le choix devait être fait au cours de la scène . Votre sujet d’invention consistait à créer et ensuite à  rédiger   ce dilemme qui devait être joué sur scène sous la forme d’un monologue par un acteur . Pour ce fair vous deviez d’abord présenter la situation initiale c’est dir résumer en quelques lignes les enjeux du dilemme. Ensuite, vous deviez écrire un texte destiné à être représenté sur scène ; Donc le point le plus important de ce travail d’invention consistait à préciser les éléments de mise en scène choisis pour mettre ne évidence le caractère angoissant de la situation dans laquelle es trouve plongé le perosnnage. Voyons donc dans l’ordre chacun des points respectivement évalué à hauteur de 4 pts , 6 pts et 10 pts. 

Examinons d’abord les situations inventées 

Mention spéciale aux dilemmes qui mettent en jeu la vie d’un personnage : il peut s’agir de raisons médicales comme par exemple arrêter un traitement ou choisir qui va vivre et qui va mourir quand on ne peut sauver les deux personnes ; Ce sont les choix les plus difficiles et ils engagent la vie d’un individu. En temps de guerre , beaucoup d’hommes ont été confrontés à ces choix comme par exemple les résistants qui ont réussi à trouver le code secret qu’utilisaient les allemands pour communiquer et qui ont du choisir quels bateau ils allaient sauver et quel seraient ceux qui ne seraient pas prévenus des attaques; Ainsi un des mathématiciens a du choisir entre la survie esse généraux indispensables ) la suite des opérations militaires ou la vie de son frère et d’autres soldats blessés qui revenaient du champ de bataille. Excellent choix de situation épineuse. Le contexte de guerre exacerbe les dilemmes : un snipper , par exemple , ou un homme qui s’apprête à commettre un attentat ou à poser une bombe qui risque de tuer des civils , peut être en situation délicate sur le plan moral.William Styron a écrit un roman où un nazi demande à une mère à Auchwitz de choisir lequel de ces deux enfants, une petit fille et un petit garçon, elle va pouvoir sauver. Ce roman porte comme titre Le Choix de Sophie et il va dévaster la vie du personnage ; 

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Le dilemme amoureux est également un grand classique de la scène : un personnage doit choisir entre son amour et sa famille ; On peut par exemple imaginer qu’une femme ne souhaite pas quitter ses parents malades pour suivre son ami à des milliers de kilomètres pour son nouveau travail; On peut aussi imaginer qu’un des membres du couple doive choisir entre sa vie de famille et ses obligations professionnelles ; Parfois difficile de concilier les deux comme dans la vie ! Un personnage peut également devoir choisir entre deux prétendants et la pièce peut devenir une tragédie ou une comédie; Un copie a fort justement montrer un dilemme original: un roi qui refuse d’avoir un enfant de peur que ce dernier lui vole un jour son trône mais qui craint de perdre l’amour de la reine. Bien trouvé ! 

 Les questions d’honneur sont à l’origine de nombreux dilemmes : se taire ou dénoncer son bourreau pour les victimes au risque de conséquences pour leurs proches; Menace, chantage sont souvent sur scène les armes des puissants qui souhaitent assujettir leur opposant; Ainsi dans Andromaque,tragédie classique de Racine, Pyrrhus roi grec , dédaigné par sa prisonnière Andromaque, une troyenne veuve du prince Hector, décide de tuer son fils si elle persiste à refuser sa demande en mariage; cette dernière es retrouve donc face à un dilemme: soit elle condamne son fils en restant fidèle à son époux défunt et à sa mémoire, soit elle le sauve mais elle devient l’épouse de son ennemi. Racine et Corneille ont utilisé des personnages confrontés à ces choix douloureux entre l’exercice du pouvoir, la loyauté envers leur patrie, leur camp et l’amour pour un ennemi ou une femme du camp opposé. L’empereur Titus doit ainsi renoncer à Bérénice, reine de Palestine qu’il aime pourtant car le Sénat

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romain  lui interdit  ce mariage  dans la tragédie de Racine : Bérénice. 

“Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N’admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d’un hymen contraire à ses maximes.”   L’empereur  de Rome pour obéir à la raison d’Etat renonce à son projet de mariage et la reine quitte  le pays; Racine a écrit cette pièce pour rendre hommage au sacrifice du roi Louis XIV qui a renoncé à son amour pour Marie Mancini afin d’épouser l’infante d’Espagne pour des raisons politiques; Le devoir triomphe souvent de la passion au théâtre. 

Le dilemme peut également être exploité à des fins comiques : un groupe a ainsi imaginé  une campagne politique digne de House of cards qui voit s’opposer Marine Le Pont et Emmanuel Macrau , rivaux pour l’élection présidentielle, avec un chantage à la photo compromettante..mais la comédie satirique vire à la tragédie quand la candidate s’empoisonne en avalant une boîte de médicaments. Un autre groupe a fait preuve d’originalité en imaginant une infirmière maladroite qui tue un patient alors que la famille se divisait pour savoir s’il fallait ou non le débrancher .  Une situation tout à fait ingénieuse à exploiter sur le plan scénique. La palme du la sophistication du scénario revient à une copie qui a imaginé la responsable d’un accident de voiture mortel  qui s’enfuit et qui n’est autre que la mère de l’inspecteur qui doit mener l’enquête…quel dilemme s’il découvre la culpabilité de sa mère ! 

La qualité des textes , en dehors de la présence de fautes de syntaxe , reposait essentiellement sur la variété des arguments proposés par les intervenants ; en effet, un dilemme doit donner lieu à des interrogations, des questionnements ; Le style de l'argumentation s'apparente le plus souvent au registre délibératif; les personnages pèsent le pour et le contre et échafaudent des hypothèses (si ..ou bien si.. ) en fonction des choix à opérer; Ils envisagent également les conséquences de leurs actes et font part de leurs hésitations. Corneille a , par exemple traduit les hésitations de son héros Le Cid en fabriquant des stances

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Que je sens de rudes combats ! 

Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse: 

Il faut venger un père, et perdre une maîtresse

L’un m’anime le coeur, l’autre retient mon bras. 

Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, 

Ou de vivre en infâme

Des deux côtés mon mal est infini. 

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On mesure ici la paralysie du héros qui , sur scène, exprime son impossibilité à prendre une décision ; Le registre pathétique est également employé dans le monologue célèbre de Hamlet de Shakespeare où ce dernier ne sait s’il doit continuer à vivre ou se laisser mourir . 

La dernière partie du travail d’écriture consistait à indiquer au moyen de didascalies , le travail de mise en scène . C’est un point essentiel dans une écriture destinée à la représentation; c’est ce qui différencie un texte littéraire d’un texte théâtral . Si autrefois les dramaturges donnaient assez peu d’indications dans leurs textes, c’est parce que souvent les didascalies étaient internes ; Aujourd'hui, les textes de théâtre contiennent énormément d'indications destinées à faciliter le travail du metteur en scène  et à guider le passage du texte écrit à la représentation ; C'est un point sur lequel vous devez travailler car la plupart de vos didsacalies sont assez conventionnelles ; vous devez donc préciser les gestes de votre acteur : face à un choix difficile, le personnage va montrer des signes d'agitation ; Il peut tourner en rond, faire les cent pas, se prendre la tête dans les mains, mimer le chagrin, la colère; Il bouillonne à l'intérieur et cette agitation doit se traduire par une gestuelle appropriée. N’oubliez pas non plus les intonations et les expressions . Le trouble peut s’entendre avec la voix, les pauses, les changements de rythme, de volume sonore. 

Bref n’oubliez pas d’inventer et de noter entre parenthèses ou à côté des noms des personnages ,des didascalies variées et nombreuses  dans vos copies si vous devez produire un texte théâtral.

23. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Panorama des critiques autour de Ruy Blas · Catégories: Seconde · Tags: ,

De nombreux reproches ont été adressés au drame romantique , particulièrement à ses débuts (Souvenez-vous de la célèbre bataille d’Hernani ) et la pièce de Hugo , jouée pour la première fois en 1838, n’a pas été épargnée. En 1880, Zola se montrait particulièrement sévère dans son jugement et reprochait notamment à Hugo d’avoir falsifié la vérité et imaginé un conte de fées abracadabrant. Les lecteurs actuels n’apprécient pas toujours la beauté de ce drame et peuvent eux aussi se montrer de  vigoureux critiques.

Votre sujet d’invention consistait , dans les deux cas, à imaginer la défense de Victor Hugo: ce dernier devait répondre à ses détracteurs sous la forme d’une lettre qui contient ses arguments; les critères d’évaluation sont au nombre de 4

  • la qualité de votre écriture  4 pts
  • la prise en compte de la nature des critiques 4 pts
  • l’invention d’arguments variés et pertinents 4 pts
  • l’utilisation de l ‘oeuvre en elle-même dont certains passages précis illustrent les arguments théoriques  4 pts

 

21. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Polémique autour de Ruy Blas · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Zola s’attaque à Hugo

Emile Zola admire en Victor Hugo le poète lyrique mais il critique sa prétention à vouloir , à travers son drame romantique, représenter les ambitions du Peuple; On peut d’abord se demander si les critiques de Zola paraissent fondées et s’il a raison de reprocher à Hugo ses contre-sens historiques . On peut également émettre l’hypothèse que les deux auteurs n’ont pas la même conception du rôle du théâtre en particulier et de la littérature ,en général.N’oublions pas que cette lettre de Zola est publiée en 1880 soit presque 50 ans après la parution de la pièce.

Comment répondre aux critiques de Zola ? Une première étape consistait à prolonger les analyses du cours et à formuler clairement ce qui est critiqué par le romancier naturaliste  en reprenant point par point les accusations formulées.

Vous trouverez en rouge dans le document les principaux reproches de Zola, en jaune les éléments qu’il admire dans l’oeuvre; en vert apparaît la conception de l’écriture et de l’oeuvre artistique et en bleu les interprétations de Zola qui sont discutables.

Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de Ruy Blas, qui a soulevé un si grand enthousiasme.

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Zola himself

        C’était le poète, le rhétoricien superbe qu’on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l’éclat de l’or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d’un souffle plus lyrique, d’une vie plus intense.
        Mais personne, à coup sûr, n’acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l’on met à part le clan des admirateurs farouches […] tout le monde hausse les épaules aujourd’hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de prendre ce drame comme un conte de fée sur lequel l’auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu’on l’examine au point de vue de l’histoire et de la logique humaine, dès qu’on tâche d’en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d’erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique.

        Le plus singulier c’est que Victor Hugo a eu la prétention de cacher un symbole sous le lyrisme de Ruy Blas. Il faut lire la préface et voir comment, dans l’esprit de l’auteur, ce laquais amoureux d’une reine personnifie le peuple tendant vers la liberté, tandis que don Salluste et don César représentent la noblesse d’une monarchie agonisante. On sait combien les symboles sont complaisants […] Seulement celui-ci, en vérité, se moque par trop du monde.

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        Voyez-vous le peuple dans Ruy Blas, dans ce laquais de fantaisie qui a été au collège, qui rimait des odes avant de porter la livrée, qui n’a jamais touché un outil et qui, au lieu d’apprendre un métier, se chauffe au soleil et tombe amoureux des duchesses et des reines ! Ruy Blas est un bohème, un déclassé, un inutile : il n’a jamais été le peuple. D’ailleurs admettons un instant qu’il soit le peuple, examinons comment il se comporte, tâchons de savoir où il va. Ici, tout se détraque. Le peuple poussé par la noblesse à aimer une reine, le peuple devenu grand ministre et perdant son temps à faire des discours, le peuple tuant la noblesse et s’empoisonnant ensuite : quel est ce galimatias ? Que devient le fameux symbole ? Si le peuple se tue sottement, sans cause aucune, après avoir supprimé la noblesse, la société est finie.
        On sent ici la misère de cette intrigue extravagante, qui devient absolument folle, dès que le poète s’avise de vouloir lui faire signifier quelque chose de sérieux. Je n’insisterai pas davantage sur les énormités de Ruy Blas, au point de vue du bon sens et de la simple logique.

        Comme poème lyrique, je le répète, l’œuvre est d’une facture merveilleuse ; mais il ne faut pas une minute vouloir y chercher autre chose, des documents humains des idées nettes, une méthode analytique, un système philosophique précis. C’est de la musique et rien autre chose.

        J’arrive à un second point. Ruy Blas, dit-on, est un envolement dans l’idéal ; de là, toutes sortes de précieux effets : il agrandit les âmes, il pousse aux belles actions, il rafraîchit et réconforte. Qu’importe si ce n’est qu’un mensonge ! il nous enlève à notre vie vulgaire et nous mène sur les sommets. On respire, loin des œuvres immondes du naturalisme. Nous touchons ici le point le plus délicat de la querelle.

        Sans le traiter encore à fond, voyons donc ce que Ruy Blas contient de vertu et d’honneur. Il faut d’abord écarter don Salluste et don César. Le premier est Satan, comme dit Victor Hugo ; quant au second, malgré son respect chevaleresque de la femme, il montre une moralité douteuse. Passons à la reine. Cette reine se conduit fort mal en prenant un amant ; je sais bien qu’elle s’ennuie et que son mari a le tort de beaucoup chasser : mais, en vérité, si toutes les femmes qui s’ennuient prenaient des amants, cela ferait pousser des adultères dans chaque famille. Enfin, voilà Ruy Blas, et celui-là n’est qu’un chevalier d’industrie, qui, dans la vie réelle, passerait en cour d’assises. Eh quoi ! ce laquais a accepté la reine des mains de don Salluste ; il consent à entrer dans cette tromperie, qui devrait paraître au spectateur d’autant plus lâche que don César, le gueux, l’ami des voleurs, vient de la flétrir dans deux superbes tirades ; il fait plus, il vole un nom qui n’est pas le sien. Puis, il porte ce nom pendant un an, il trompe une reine, une cour entière, tout un peuple et ces vilenies, il s’en rend coupable pour consommer un adultère ; et il comprend si bien la traîtrise, l’ordure de sa conduite, qu’il finit par s’empoisonner ! Mais cet homme n’est qu’un débauché et un filou !Mon  âme ne s’agrandit pas du tout en sa compagnie. Je dirai même que mon âme s’emplit de dégoût car je vais malgré moi au-delà des vers du poète, dès que je veux rétablir les faits et me rendre compte de ce qu’il ne montre pas ; je vois alors ce laquais dans les bras de cette reine, et cela n’est pas propre.

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        Au fond Ruy Blas n’est qu’une monstrueuse aventure qui sent le boudoir et la cuisine. Victor Hugo a beau emporter son drame dans le bleu du lyrisme, la réalité qui se trouve par-dessous est infâme. Malgré le coup d’aile des vers, les faits s’imposent, cette histoire n’est pas seulement folle, elle est ordurière ; elle ne pousse pas aux belles actions, puisque les personnages ne commettent que des saletés ou des gredineries, elle ne rafraîchit pas et ne réconforte pas, puisqu’elle commence dans la boue et finit dans le sang. Tels sont les faits.

        Maintenant si nous passons aux vers, il est très vrai qu’ils expriment souvent les plus beaux sentiments du monde. Don César fait des phrases sur le respect qu’on doit aux femmes ; la reine fait des phrases sur les sublimités de l’amour ; Ruy Blas fait des phrases sur les ministres qui volent l’État. Toujours des phrases, oh ! des phrases tant qu’on veut !
        Est-ce que par hasard les vers seuls seraient chargés de l’agrandissement des âmes ? Mon Dieu ! oui, et voilà où je voulais en arriver : il s’agit simplement ici d’une vertu et d’un honneur de rhétorique. Le romantisme, le lyrisme met tout dans les mots. Ce sont les mots gonflés, hypertrophiés, éclatant sous l’exagération baroque de l’idée. L’exemple n’est-il pas frappant : dans les faits, de la démence et de l’ordure ; dans les mots, de la passion noble, de la vertu fière de l’honnêteté supérieure. Tout cela ne repose plus sur rien : c’est une construction de langue bâtie en l’air. Voilà le romantisme. […]

        Victor Hugo reste un grand poète, le plus grand des poètes lyriques. Mais le siècle s’est dégagé de lui, l’idée scientifique s’impose. Dans Ruy Blas, c’est le rhétoricien que nous applaudissons. Le philosophe et le moraliste nous font sourire.

 

Émile Zola, Lettre à la jeunesse (fragments).
À propos de l’entrée de Ruy Blas à la Comédie-Française, en août 1880

13. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY Blas et Hugo face à la critique : imagine que le dramaturge se défende … · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Tout auteur , un jour, doit faire face à la critique; Certains s’agacent de voir leur talent contesté; d’autres comme Molière ,s’en remettent au public; d’autres encore comme Corneille passent leur temps à se justifier dans leur préfaces ou leurs postfaces; Respect des règles, innovation, modes ou imitation des Anciens, chaque point a son importance et les artistes peuvent parfois se montrer indifférents ou au contraire , extrêmement chatouilleux. Hugo n’a pas eu en tant que dramaturge le succès escompté et nombreux sont ceux, à son époque, mai également aujourd’hui , qui l’ont critiqué; Passons- en revue les principaux points sur lesquels il a été jugé..voici un petit florilège critique ..

 Commençons tout d’abord par les deux sujets d’invention  au choix : 

Imaginez  la réponse que Victor Hugo aurait pu écrire à Emile Zola après avoir lu sa lettre (document 4 ) 

Ou 

Imaginez que Hugo aujourd’hui lise les critiques du site Babelio consacré à Ruy Blas (document 3)  : il décide de répondre en écrivant un article où il prend la défense de sa pièce en tentant de comprendre le point de vue d’un lecteur d’aujourd’hui 

 Liste des documents  

Document 1 : un article critique d’un spécialiste du théâtre hugolien 

Document 2 : un rappel de sa position de chef de file du drame romantique 

Document 3 : des articles de lecteurs tirés du site Babelio 

Document 4 : la lettre d’Emile Zola à propos de la représentation de  Ruy Blas en 1880

Document 1 : extrait d’un article publié dans la revue de l’ENS à propos des critiques du théâtre hugolien 

Historiquement et essentiellement, le théâtre est un genre agonistique, pour ne pas dire polémique. Le conflit engendre le théâtre et, en retour, le théâtre provoque le conflit. Les nombreuses querelles et batailles qui jalonnent l’histoire du théâtre – Le Cid et Hernani, pour ne citer que les plus connues sinon les plus violentes – prouvent que le combat est infectieux et qu’il ne reste pas enclos dans le seul espace scénique. Parmi les confrontations que le théâtre appelle, qu’il nourrit et dont il profite, celle qui l’oppose à la critique que l’on appellera, faute de mieux, journalistique est haute en couleurs et en enseignements. Naguère, en effet, le théâtre vivait et mourait par la critique que dispensaient les journaux et leurs censeurs redoutés. Puisqu’il est un art de société, le théâtre s’expose plus qu’aucun autre genre littéraire et les dramaturges sont davantage aux prises avec les critiques que leurs (con)frères romanciers ou poètes. Plus attaqués que les autres, ils ont dû développer davantage leurs systèmes de défense et apprendre à répondre.

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En tant que dramaturge, Hugo a rarement trouvé grâce aux yeux de la critique. Contre ce théâtre trop poétique, trop épique, trop sublime et trop grotesque – trop hugolien, en somme –, celle-ci fait rage et reproche à l’auteur tout ce qui fait son génie .Chacun de ses drames a été l’occasion d’un combat ; la publication en volume lui permet de se justifier et de riposter en cuirassant ses pièces d’un paratexte abondant, varié et destiné à anéantir les critiques qui ont été émises et prévenir celles qui viendront. La dimension agonistique perdure donc, quelle que soit la durée écoulée depuis le tumulte des représentations.

Hugo ne cite jamais les noms de ses détracteurs et ne relaie presque jamais les propos déplaisants qu’il a dû essuyer lors de la création des pièces : inutile d’élever la querelle en débat. Souvent il  donne littéralement son congé à la critique : « L’auteur  pourrait […] examiner une à une avec la critique toutes les pièces de la charpente de son ouvrage ; mais, il a plus de plaisir à remercier la critique qu’à la contredire »

Le vrai jugement est celui de la postérité. « Si son drame est mauvais, que sert de le soutenir ? S’il est bon, pourquoi le défendre ? Le temps fera justice du livre, ou la lui rendra. Le succès du moment n’est que l’affaire du libraire » écrit-il par exemple à la sortie de Cromwell. 

 Que lui a-t-on reproché ? 

Hugo est fréquemment accusé de produire sur la scène des pièces immorales. Dans la préface de Lucrèce Borgia, il réplique et se défend. 

On lui reproche également la dimension grotesque ;

En 1882, si le grotesque dérange toujours, Hugo est devenu une telle idole qu’on lui passerait la plupart de ses excès. La finalité de ces variantes n’est pas pratique mais polémique : montrer à quel point les versions finalement choisies par Hugo sont supérieures en raison même de ce que l’on considère encore comme une faute de goût.

Une autre critique fréquemment adressée à Hugo, comme à tous les forgeurs de fiction, est celle de maltraiter l’histoire dans ses drames. Sur ce point, sa défense ne variera jamais : tout en plaidant sans cesse pour la liberté du créateur, Hugo multiplie les preuves  de bonne foi et d’érudition

Hugo, l’homme-océan, ne peut se contenir dans les limites usuelles qu’on impose aux dramaturges. S’il sait faire parler des personnages, il veut également prendre la parole lui-même jusqu’à l’extrême limite. Il entend montrer qu’il est le maître du jeu dramatique et éditorial, l’énonciateur tutélaire caché derrière tous les personnages, présent d’un bout à l’autre du volume et qui étouffe toute autre voix, fût-elle celle de la critique. Il prouve à nouveau qu’il est bien le « génie sans frontières » dont parlait Baudelaire. La mainmise qu’il voulait sur le théâtre comme art vivant, Hugo la réalise lorsqu’il imprime ses drames. 

 

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Document 2 : un rappel de sa position de chef de file du drame romantique 

Chef de file du Romantisme : Le créateur du drame romantique

En 1827, la préface que Victor Hugo rédigea à sa tragédie, Cromwell – sa première œuvre dramatique -, devint immédiatement le manifeste du théâtre romantique. Ce traité se divisait en trois parties : la première, à finalité destructrice, condamnait les règles aristotéliciennes de l’unité de lieu et de temps (deux des règles appliquées dans le théâtre classique), la deuxième partie recommandait en revanche de conserver la seule règle aristotélicienne acceptable, celle qui concernait l’unité d’action, tandis que la troisième partie affirmait le droit et le devoir, pour l’art, de représenter la réalité sous tous ses aspects. Hugo définissait ainsi, contre l’esthétique du théâtre classique, les règles d’un nouveau genre théâtral, le drame romantique.

Le drame romantique né des théories de Hugo se caractérise par l’introduction du laid et du grotesque sur la scène théâtrale, par un plus grand souci de la couleur locale et surtout par le mélange des genres – puisqu’au sein d’un même drame figurent des éléments tragiques et comiques.

Le 25 février 1830, la représentation de la pièce Hernani, qui donne à Hugo l’occasion de mettre lui-même en pratique ses principes, se déroula dans une atmosphère surchauffée par les polémiques entre défenseurs de la tradition et tenants des nouvelles doctrines. C’est cette soirée mouvementée, restée dans l’histoire littéraire sous le nom de « bataille d’Hernani », qui fit officiellement de Hugo le chef de file du Romantisme français. Hugo illustra encore ses théories au théâtre, notamment avec des drames passionnés comme Le roi s’amuse (1832), interdit par la censure, Lucrèce Borgia (1833) ou Ruy Blas (1838), un de ses drames les plus connus.

L’homme de génie s’inquiète peu des diatribes, des harangues et des clameurs de ses ennemis; il sait qu’il aura la parole après eux. (Faits et croyances)

·  Le beau n’a qu’un type; le laid en a mille. (Cromwell, préface)

Les grandes révolutions naissent des petites misères comme les grands fleuves des petits ruisseaux.

 

Document 3 : des articles de lecteurs tirés du site Babelio 

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rb85.jpg, déc. 2016

 

  1. Quand un auteur est convaincu de l’enjeu politique et social de la littérature, il est inévitablement porté à s’intéresser au théâtre, art bien plus populaire que celui de la littérature, surtout au XIXe siècle, quand le théâtre était le seul moyen de transmettre une oeuvre écrite inaccessible à la majorité analphabète d’une population.
    Victor Hugo étant un auteur ayant toujours cherché à créer pour ceux qui n’en n’ont pas les moyens et en ont le plus besoin, il était logique qu’il lance définitivement sa carrière littéraire par le théâtre, et pas n’importe quel théâtre, un théâtre débarrassé des restrictions classiques, un théâtre romantique, exalté, lyrique et emporté, cherchant à satisfaire autant l’intellectuel porté sur l’exactitude historique et le caractère des personnages que le sentimental adepte des intenses peintures des passions.
    Lancé par “Cromwell” et surtout par “Hernani” , le drame romantique hugolien atteint son apogée avec “Ruy Blas“. Bien que ce texte puisse heurter, et même faire sourire, les professionnels de notre théâtre contemporain, il n’en garde pas moins une grande fraîcheur par la beauté et la vigueur de ses vers, la force de ses images et son indéniable caractère populaire. Il est vrai qu’aujourd’hui, les auteurs cherchent avant tout à ne pas être populaire et à créer, non pas pour tous, mais pour certains. le théâtre perd ainsi (peut-être au profit de la télévision et du cinéma ?) ce qui fit sa grandeur et lui donnait tout son sens : être l’élément déclencheur d’un engouement populaire, être créateur de lien social. Ce que Victor Hugo réussit à faire par son théâtre, par ce fameux drame éminemment politique d’un valet épris de la reine d’Espagne, d’un homme du peuple ayant des velléités d’insoumission, d’égalité et de liberté, dans un temps où les incompétences de l’aristocratie commençait à faire de l’ombre aux nouvelles forces et aux volontés aiguisées d’une classe bourgeoise désirant tenir, elle aussi, les rênes de son destin.

 

  1. J’adore cette pièce. Une histoire d’amour flamboyante, une imposture, l’arrière-plan du peuple en marche hugolien, un vilain digne de Frollo (Don Salluste) et une fin shakespearienne dans le sang. Je vénère Shakespeare, adore Hugo, et lorsque le second est le plus proche du premier, son maître, je ne peux qu’applaudir. Il déverse dans cette pièce toute sa passion, conjuguée à un décor espagnol qui s’y prête tellement
  2. Assez déçu par cette pièce de théâtre de Victor Hugo (je préfère ses romans et ses poésies à ses pièces de théâtre !). Ma déception est due au célèbre film “la folie des grandeurs” (avec Montand et de Funès) tiré de cette pièce et que j’ai vu et adoré. Dans cette pièce, les passages comiques n’apparaissent pas (ça je m’en doutais un peu, j’imagine mal Victor Hugo écrire le passage comique du chien qui baise la main à Alice Sapritch !!!). La pièce est plus dramatique car Don Salust surprend Ruy Blas avec la Reine et essaie de les faire chanter. Ruy Blas tuera Don Salust et se tuera en avalant du poison, c’est effectivement moins gai que le film !
  3. J’ai trouvé le thème de cette pièce très actuel, même si les hommes de pouvoir dont elle parle sont des aristocrates de l’Espagne du 17ème siècle… C’est son intérêt principal, sans compter, bien sûr, la belle écriture de Victor Hugo ! Mais à mon goût, l’intrigue est trop rocambolesque, l’histoire d’amour trop romantique. Finalement, ce que j’ai préféré, c’est la préface écrite par Victor Hugo ! Je pense que j’aurais plus apprécié cette pièce si je l’avais vue au theâtre, car elle pleine de rebondissements, de portes qui claquent, et il faut que ça aille vite, il faut du spectacle…
  4. Ne criez pas, madame! Je m’appelle Ruy Blas et ne suis qu’un navet!

    Je n’ai pas un grand goût décidément pour le drame hugolien, même si Ruy Blas a des accents légèrement plus convaincants que ceux d’Hernani, tout m’y semble forcé, empesé, ampoulé, téléphoné- pour tout dire vaguement ridicule – alors que l’esthétique du drame devrait être celle d’une fertile liberté de ton, d’un créatif mélange des genres…
    Si je suis tétanisée d’effroi, pétrifiée par la beauté des tragédies classiques, raciniennes ou sophocléennes, le drame hugolien, lui, me laisse de marbre et m’ennuie même énormément…
    Je vais même vous faire une confidence, que je ne me risquerais jamais à faire sur un réseau de doctes lettrés comme celui de Babelio, mais nous sommes entre nous, pas vrai? Ruy Blas ne m’a vraiment transportée d’aise que quand j’ai vu, au cinéma, sa parodie, La Folie des Grandeurs, avec l’inénarrable de Funès dans le rôle de Don Salluste!!

Le théâtre de Victor Hugo – soyons cruel, pour une fois, envers cet immense auteur -, c’est un peu du sous-Shakespeare: ça mélange le tragique et le comique; ça parle beaucoup, dans des vers grandiloquents; ça passe de la perfidie la plus noire à la noblesse (forcément chez le serviteur, Hugo renverse toujours tout) la plus honorable. Un valet aime une reine, un perfide se venge, un voleur se fait voler, et tout cela s’exalte à foison, pousse de hauts cris, se veut grandiose. Bref, nous ne sommes plus des romantiques. Ruy Blas, pour les cyniques du vingt-et-unième siècle, n’est plus que le prélude à La Folie des Grandeurs, dont Hugo, à coup sûr, était atteint.

C’est toujours pareil avec moi et les écrits d’Hugo : je trouve son style puissant, ses vers sublimes, et je déteste ses histoires. Je dois même avouer que j’ai éclaté de rire à la réplique finale !

Je me suis pressé à lire Ruy Blas, je n’ai pas réellement pu apprécier la complexité de la pièce. Malgré tout j’ai particulièrement aimé. Je ne connaissais pas Victor Hugo en tant que dramaturge, et pourtant il y a du talent. J’ai vraiment pénétré dans le Royaume espagnol de l’époque. J’ai adoré découvrir l’aristocratie, j’ai adoré la tirade de Ruy Blas au gouvernement, j’ai adoré la politique du personnage.

 

Document 4 : la lettre d’Emile Zola à propos de la représentation de  Ruy Blas en 1880

 

ZOLA CONTRE RUY BLAS

 

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Zola rend d’abord hommage à Hugo en tant que poète, mais critique sa philosophie “conduisant la jeunesse à tous les mensonges du lyrisme, aux détraquements cérébraux de l’exaltation romantique “. Il poursuit ainsi  :

        […] Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de Ruy Blas, qui a soulevé un si grand enthousiasme.
        C’était le poète, le rhétoricien superbe qu’on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l’éclat de l’or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d’un souffle plus lyrique, d’une vie plus intense.
        Mais personne, à coup sûr, n’acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l’on met à part le clan des admirateurs farouches […] tout le monde hausse les épaules aujourd’hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de prendre ce drame comme un conte de fée sur lequel l’auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu’on l’examine au point de vue de l’histoire et de la logique humaine, dès qu’on tâche d’en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d’erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique.

        Le plus singulier c’est que Victor Hugo a eu la prétention de cacher un symbole sous le lyrisme de Ruy Blas. Il faut lire la préface et voir comment, dans l’esprit de l’auteur, ce laquais amoureux d’une reine personnifie le peuple tendant vers la liberté, tandis que don Salluste et don César représentent la noblesse d’une monarchie agonisante. On sait combien les symboles sont complaisants […] Seulement celui-ci, en vérité, se moque par trop du monde.

        Voyez-vous le peuple dans Ruy Blas, dans ce laquais de fantaisie qui a été au collège, qui rimait des odes avant de porter la livrée, qui n’a jamais touché un outil et qui, au lieu d’apprendre un métier, se chauffe au soleil et tombe amoureux des duchesses et des reines ! Ruy Blas est un bohème, un déclassé, un inutile : il n’a jamais été le peuple. D’ailleurs admettons un instant qu’il soit le peuple, examinons comment il se comporte, tâchons de savoir où il va. Ici, tout se détraque. Le peuple poussé par la noblesse à aimer une reine, le peuple devenu grand ministre et perdant son temps à faire des discours, le peuple tuant la noblesse et s’empoisonnant ensuite : quel est ce galimatias ? Que devient le fameux symbole ? Si le peuple se tue sottement, sans cause aucune, après avoir supprimé la noblesse, la société est finie.
        On sent ici la misère de cette intrigue extravagante, qui devient absolument folle, dès que le poète s’avise de vouloir lui faire signifier quelque chose de sérieux. Je n’insisterai pas davantage sur les énormités de Ruy Blas, au point de vue du bon sens et de la simple logique. 

        Comme poème lyrique, je le répète, l’œuvre est d’une facture merveilleuse ; mais il ne faut pas une minute vouloir y chercher autre chose, des documents humains des idées nettes, une méthode analytique, un système philosophique précis. C’est de la musique et rien autre chose. 

        J’arrive à un second point. Ruy Blas, dit-on, est un envolement dans l’idéal ; de là, toutes sortes de précieux effets : il agrandit les âmes, il pousse aux belles actions…(la suite sur votre document polycopié..)

À propos de l’entrée de Ruy Blas à la Comédie-Française, en août 1880