04. mai 2020 · Commentaires fermés sur L’analyse des procédés comiques · Catégories: Seconde · Tags: ,

Dans Le Bourgeois Gentilhomme, Molière met en scène un riche bourgeois qui cherche à devenir noble mais qui craint de ne pas posséder les codes de la bonne éducation. Il s’entoure alors de professeurs pour apprendre à passer pour un homme bien éduqué et bien né; Il apprend l’escrime, la philosophie, l’art de bien s’habiller. Dans cette scène, il veut écrire, en cachette de sa femme, un billet amoureux à une jeune marquise  mais il a  peur de ne pas trouver les mots justes; Il se fait  alors aider par un maître, expert en bonnes manières et en beau langage.  Regardez cet extrait  au moins deux fois et répondez ensuite aux questions du QCM.

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10. avril 2020 · Commentaires fermés sur Le comique de situation : spécial confinement ! Comment écrire pour le théâtre ? · Catégories: Seconde · Tags: ,

Pour aborder l’étude de l’écriture théâtrale, je vous demande d’imaginer une scène de théâtre à partir des éléments suivants : une situation de confinement et la naissance d’une dispute au sein des habitants de la maison ou entre voisins . L’écriture théâtral impose différentes contraintes : passons les en revue en semble et définissons ce qu’il sera possible de faire te ce qu’il faudra éviter ou proscrire . Mettons tout d’abord en place les principaux points de repère de l’écriture théâtrale.

Une scène de théâtre est composée de didascalies ou indications scéniques et des répliques des acteurs qui forment le texte   ; Ces indications scéniques que le spectateur n’entend pas  peuvent être limitées ou très nombreuses; Elles donnent des indications de mise en scène et précisent , à la fois, les éléments de décor, la situation au lever du rideau et tout ce qui peut être utile pour le metteur en scène ou scénographe .Voilà un exemple de didascalies initiales dans une pièce de Ionesco, un auteur du XX e siècle : la pièce raconte l’histoire d’une ville envahie par des troupeaux de rhinocéros , image symbolique de la montée du totalitarisme. Plus »

19. mars 2020 · Commentaires fermés sur Un dénouement tragique et une passion tragique : la mort de Ruy Blas · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Le drame romantique, inventé par Victor Hugo , est un type de spectacle qui  tente d’effectuer la synthèse entre des éléments issus de la tragédie  , et d’autres  issus de la comédie. En 1827 Hugo dans la Préface d’une de ses pièces , définit ce théâtre comme un mélange de sublime te de grotesque. Avec son drame  Ruy Blas ,  en 1838 il mêle une intrigue amoureuse et une trame politique; Un valet, manipulé par son ancien maître chassé de la cour, va révéler  progressivement son amour à la reine d’Espagne mais il cache un terrible secret: son identité véritable. Lorsque Don Salluste revient à la Cour et fait éclater la supercherie, il le tue sous les yeux de la reine. Cette dernière est atterrée par ce qu’elle vient d’apprendre et demeure sans voix “immobile te glacée” ; Quel dénouement Hugo a -t-il choisi ? la passion va-t-elle triompher ? On peut en douter . Commençons la lecture linéaire …

Ruy Blas reste à distance comme l’indique la didascalie interne du vers 2 : “je n’approcherai pas “ . Cet aspect solennel est celui de la tragédie classique dans laquelle les personnages s’expriment avec solennité. Le personnage de Ruy Blas tente de se faire pardonner ce qui peut être qualifié de “trahison ” comme on le lit au vers 6 . Il a, en effet, accepté de se faire passer pour un noble alors qu’il est d’origine modeste et a menti sur sa véritable identité, allant même jusqu’à accepter les fonctions de premier ministre en l’absence du roi . On remarque que les alexandrins sont “disloqués ” ainsi que le voulait Hugo qui a tenté de créer ainsi un langage théâtral plus naturel . L’agitation du personnage se traduit également par un bouleversement de la syntaxe et de nombreux enjambements comme aux vers 5 et 6 . Le champ lexical de la faute est très présent au début du passage avec le terme trahison déjà mentionné au vers 6. Ruy Blas se sent fautif mais il tente de se justifier et on le remarque notamment l’atténuation de sa culpabilité avec la négation partielle je ne suis point coupable autant que vous croyez ” au vers 3. L’aveu  explicite de la faute apparaît au vers 9, à la fin de la première tirade et la cause est précisée : “cet amour m’a perdu ” ; On retrouve un thème important dans la tragédie classique: les dangers de la passion qui mène les hommes à leur perte; Il n’est plus question ici de fatalité ou de malédiction divine comme dans Phèdre mais le personnage, sous l’effet de sa passion amoureuse pour la reine, est devenu malhonnête et a renoncé à des valeurs comme la droiture, la sincérité. Il a, malgré lui, accepté de participer à la tentative de disgrâce de la reine; Il est devenu complice d’un criminel et criminel à son tour, en devenant le meurtrier de Don Salluste.

A genoux, dans une attitude de supplication , devant la reine, il ne la laisse pas s’exprimer et poursuit, au vers 11 , ses aveux , qu’il diffère pourtant à plusieurs reprises je vais de point en point tout dire ” lit-on aux vers 13 et 14 avec un nouvel  enjambement qui marque une sorte d’étirement de la révélation. Le personnage répète, comme pour mieux nous en convaincre qu’il n’a pas l’âme vile ; l'adjectif vil rappelle qu'il est de basse extraction (c'est un valet au départ, un serviteur ) ; Hugo veut montrer dans ce drame que les qualités morales et intellectuelles  d'un homme ne sont pas liées à sa condition sociale et qu'on peut devenir un dirigeant politique même lorsqu'on n'est pas de haute naissance. Les idéaux révolutionnaires ont fait leur chemin et au moment où la France est redevenue provisoirement une royauté, Hugo marque ici son engagement pour le peuple qu'il souhaite associer au pouvoir. Le personnage de Ruy Blas se transforme , à ce moment , en une sorte de figure christique et le dramaturge utilise des symboles pour accentuer la ressemblance entre son héros et le Christ; Ainsi, “une femme du peuple “ au vers 18 est venue essuyer la sueur de son front; Ce geste symbolique rappelle celui de la Passion . Dans  ce récit religieux qui décrit le parcours du Christ qui a du porter sa croix jusqu’au mont Golgotha , on distingue 13 étapes qui sont les 13 stations du chemin de croix; A l’étape 6, une femme prénommée Véronique  s’approche et brave l’hostilité de la foule pour essuyer le visage du Christ souffrant sous le poids de son fardeau; A l’époque romantique, les auteurs se servent des images de la passion du Christ pour décrire leurs héros. Ici, Hugo cherche à faire naître la pitié du spectateur et applique ainsi le principe  que recommande Aristote pour réussir une tragédie . La tirade d’ailleurs se termine avec un vers pathétique : “Ayez pitié de moi, Mon Dieu, mon coeur se rompt ” La métonymie finale illustre à la fois la douleur du personnage mais préfigure également sa mort et la rend imminente.

Les échanges vont alors devenir plus intenses et plus resserrés comme une sorte de duo final . Au mots vont bientôt succéder les gestes tragiques car au théâtre , la parole se fait geste et devient action. Les didascalies externes qui précèdent les vers 25 et 27 montrent le héros qui se lève et avale un liquide ; Hugo s’est ici fortement inspiré de la  tragédie  classique et notamment de Phèdre qui offre un dénouement du même genre ; La coupable s’empoisonne de remords et sa mort purifie le jour qui se lève ; Ruy Blas se comporte donc comme un personnage de tragédie : il met fin à ses jours pour expier sa faute  et demande le pardon de ses offenses.  Alors que Phèdre se punit par sa mort , d’avoir provoqué celle d’un innocent, Ruy Blas se punit d’avoir menti, sur son identité et  trahi celle qu’il aimait ; D’autant qu’il risque de provoquer sa perte car si leur liaison est découverte, elle sera déshonorée et  contrainte d’abdiquer ainsi que l’avait prévu Don Salluste.

Le suicide dans le drame romantique était préparé et il apparaît comme la conséquence directe du refus du pardon de la reine qui, par deux fois ,affirme qu’elle ne pardonnera “jamais ” vers 23 et 26. C’est pourquoi le revirement de situation qui suit a pu paraître un peu étrange aux spectateurs de l’époque qui étaient habitués aux dénouements tragiques plus classiques. Lorsque  Ruy Blas s’écrie ” Triste flamme , Eteins -toi ” , on pourrait penser que ce sont ses dernières paroles .  Il indique qu’il meurt d’amour ; La construction ici associe la métaphore amoureuse à l’image d’une vie qui s’arrête; En effet, la flamme désigne à la fois le sentiment amoureux mais également la vie du personnage: ils ne font plus qu’un .La fin de l’amour marque donc irrémédiablement la fin de la vie.

A partir de ce moment, la tragédie devient un drame et offre aux spectateurs des moments déconcertants . Tout d’abord le changement d’attitude de la reine peut surprendre : elle se précipite vers le héros mourant pour l’entourer de ses bras et d’ailleurs , il donnera d’abord l’impression de mourir dans ses bras : “ l’entourant de ses bras”,  tenant la reine embrassée  “la reine le soutient dans ses bras ” au vers 45; Hugo reprend ici l’image du Christ avec plusieurs allusions comme l’obtention du pardon qui évoque les dernière paroles du Christ adressées à son père . La reine qui jusque là , était demeurée stoïque, se met alors à vibrer d’une passion qui a pu surprendre ; Elle lui dit qu’elle l’aime et l’appelle dans un premier temps , César, qui était son faux nom avant de lui donner , au dernier vers, sa véritable identité. Mais ce pardon arrive trop tard ! Et c’est aussi ce qui rend ce dénouement particulièrement tragique !

Qu’a t-on reproché encore au dramaturge dans ce dénouement inédit ? En plus du revirement de la reine, on a également  reproché au dramaturge d’avoir “allongé “la mort du personnage sur scène avec une agonie spectaculaire et surtout un dernier merci qui a été critiqué de nombreuses fois, pour son caractère invraisemblable. On se souvient en effet qu’une des règles du théâtre classique insistait sur le caractère vraisemblable des actions qui devaient être montrées au public; Ici, ce n’est pas du tout vraisemblable et les gens ont trouvé que Victor Hugo en faisait trop avec le risque que cela devienne ridicule. Il faudra, en effet, attendre des dizaines d’années, pour que ce drame obtienne un certain succès. En accentuant la dimension spectaculaire, le dramaturge prive le public d’une partie de ses repères ; Jusque là habitué à voir dans les tragédies des personnages exprimer des souffrances “dignement ” et en se touchant à peine,  le public a réagi assez mal à cette fin : Hugo  livre ici sa version théâtrale de la mort passionnelle .

Le héros , au moment de mourir, se retrouve lui-même : “je m’appelle Ruy Blas ” et semble ne plus réagir aux marques d’amour de la reine ; Il ne la regarde pas mais se tourne , comme l’indique la didascalie externe vers Dieu “levant les yeux au Ciel ” qu’il implore . La dimension christique du héros est réaffirmée avec la mention de son “coeur crucifié ” au vers 48 . La construction  du vers 49 précise les enjeux du drame et reflète les contradictions . ” vivant par son amour ,mourant par sa pitié “; Il faut comprendre ici que  l’amour de la reine a réjoui le coeur du héros quand il était vivant et que maintenant la pitié de  la reine réjouit son coeur au moment où il est mourant . Le caractère inexorable de la mort du héros est reprécisé sur scène dans les répliques finales; Alors que la reine se sent, à son tour , coupable et se demande ce qui se serait passé si elle avait pardonné plus tôt, Ruy Blas rappelle d’une manière claire que cela n’aurait rien changé . L’avant dernière réplique “ je ne pouvais plus vivre ” souligne cette idée . On remarque que si les personnages se tenaient à distance respectueuse l’un de l’autre au début de cette scène , ils se sont très vite rapprochés pour s’étreindre et l’ une des  dernières didascalies montre la reine “ se jetant sur son corps ” ; On peut retrouver dans ce choix l’influence d’un dramaturge comme Shakespeare que Hugo admirait particulièrement.

Ce final comporte donc de nombreux éléments tragiques : certains sont habituels et d’autres le sont un peu moins pour le public. La mort du héros est , à la fois prévisible et attendue ; elle vient sceller une passion impossible entre deux personnages qui s’aimaient sincèrement mais qui n’ont pas d’avenir ensemble; Si le dramaturge montre, sur scène, et pour la première fois,  la possibilité d’un amour entre un “ver de terre “et une “étoile ” il ne permet pas à ces deux personnages d’être heureux; la mort demeure l’unique issue pour un homme qui a menti sur ce qu’il est et cette femme pourra toujours se reprocher de ne pas avoir choisi l’amour à temps; Le drame romantique tente une synthèse entre un héritage tragique et des préoccupations contemporaines et il est parfois difficile de comprendre ce nouveau genre. La passion amène toujours l’homme à effectuer des choix souvent irréversibles et qui le condamnent à se perdre .

 

01. mars 2020 · Commentaires fermés sur Les derniers mots de Phèdre : lecture linéaire de la dernière tirade de l’héroïne tragique · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

  Dès sa première apparition sur scène, Phèdre veut mourir pour échapper à sa passion dévorante et interdite. Oenone, sa vieille nourrice, qui a peur pour elle, décide de la faire renoncer à ses noirs projets et réussit à la convaincre de  la laisser mentir  à Thésée . Au début de l’acte IV, Oenone, en brandissant l’épée d”Hippolyte comme preuve accuse ce dernier d’avoir tenté de violer sa belle-mère:  Phèdre ne dément pas. Thésée, furieux, accable son fils et demande à Neptune de le punir. Ce dernier est banni et Phèdre, quant à elle, se sent terriblement coupable d’avoir sali la vertu d’un innocent :elle accuse Oenone et la chasse; Cette dernière se suicide en se jetant dans la mer. Hippolyte dans sa fuite mais il meurt,  est tué par un monstre marin.  le récit de sa mort est relaté par Théramène, son plus fidèle serviteur . C’est en père éploré que Thésée vient annoncer à son épouse la mort de son fils. Phèdre es décide alors à  tout lui avouer.

 En quoi la mort de Phèdre illustre-t-elle le tragique de la passion amoureuse ? L’extrait que nous étudions débute au vers 1622 et se termine au vers 1644.  “De : les moments me sont chers …à toute sa pureté” 

 Juste avant la  dernière tirade, on entend l’aveu de la culpabilité de Phèdre : On note d’abord la fermeté du ton  : – « Non » est son premier mot au vers 1617 et il marque, à la fois , une  rupture et annonce négation. L’utilisation de la forme injonctive avec « il faut » qui est répété deux fois (v.1617-1618) souligne la détermination du personnage qui exécute son devoir .Elle coupe la parole de Thésée qui est dans la lamentation : elle n’a pas le temps d’écouter Thésée et sa douleur car il lui faut agir , et donc parler vite .

L’emploi de l’impératif présent : « écoutez-moi » traduit le fait que Phèdre est consciente de l’urgence de la situation; sa mort est proche, et elle ne peut pas perdre du temps : « les moments me sont chers » reprend cette idée d’urgence . Phèdre vient rendre justice à un innocent : Le champ lexical de la justice : « injuste », « innocence », « coupable », « condamné »  illustre ce point . Avant d’expirer, Phèdre veut rétablir la vérité. On assiste à une sorte de plaidoirie et elle se désigne comme la principale coupable avec une forme emphatique : “ c’est moi qui “qui semble faire peser tout le poids de la culpabilité sur le personnage ; L’objet est séparé du verbe comme pour accentuer l’horreur de son crime “jeter un oeil profane, incestueux. L’adjectif profane rappelle ici qu’elle n’a pas respecté les liens sacrés de la famille : elle a donc offensé les Dieux et son crime s’apparente à une forme de sacrilège. Le contraste est alors maximal entre les deux personnages : l’innocent mort injustement et la coupable dont la vie paraît injuste. L’idée est peut -être de faire davantage accepter cette mort par le public en la justifiant ici de manière naturelle.Ce n’est plus seulement l’héroïne qui cherche à échapper à sa passion en se donnant la mort, c’est une femme criminelle qui mérite de mourir pour le mal qu’elle a fait.  Phèdre reprend alors l’enchainement dse faits qui ont mené à la tragique mort d’un innocent : au  vers 1625 : « le ciel mit dans mon sein » :  les deux métonymies   rappellent l’origine de sa funeste passion, cette malédiction dont elle fut ma victime . C’est une manière de rejeter en partie sa  culpabilité car elle est seulement en position d’objet : « dans mon sein ». Elle se présente,une  fois de plus , victime de cette cruauté des Dieux qui s’acharnent à punir son sang pour une faute commise par les ses ancêtres ( le Soleil, son grand-père qui  a dénoncé les amours secrètes de Mars et Vénus  ) . Ensuite, dans un second temps, le personnage dresse un véritable réquisitoire contre Oenone qu’elle qualifie, au moyen d’ un vocabulaire dépréciatif:  de «détestable», au vers 1628 et de « perfide » au vers 1630. – Elle l’accuse d’avoir “conduit ” la trahison et même d’avoir abusé de la situation car elle se trouvait dans une “faiblesse extrême ”  v 1629 .  Le dramaturge rappelle une dernière fois les circosntances qui ont mené à cet enchaînement tragique : l’aveu de l’amour de Phèdre s’est déroulé alors qu’elle croyait son époux mort et le retour de Thésée a modifié la donne ; le danger , c’est désormais que le jeune homme confie à son père, à son arrivée, les révélations de sa belle-mère; c’est pour prévenir ce danger que la nourrice a alors l’idée d’accuser Hippolyte;  Phèdre peut-elle vraiment passer pour une victime de la fidélité poussée à l’extrême d’Oenone ?  Elle apparaît en position d’objet, comme si elle subissait la volonté de la vieille femme: « abusant de ma faiblesse » tandis qu’Oenone est le sujet de tous les verbes d’action : « a conduit », « a craint », « s’est hâtée »: Phèdre donne sa version de la mort d’Oenone car Thésée voulait la faire chercher ; “elle s’en est punie” : la mort est ici un choix assumé lié sans doute au remords de la nourrice; Ensuite, elle a été chassée par Phèdre qui évoque sa colère “fuyant mon courroux”  Cette réécriture  n’est pas totalement fidèle dans la mesure où Phèdre cache , en partie, sa complicité : elle n’a rien fait pour dissuader Oenone : acte II, scène 4 : elle lui confie en effet  ” fais ce que tu voudras, je m’abandonne à toi/ dans le trouble où je suis, je ne peux rien pour moi” En gardant le silence , Phèdre a une part de responsabilité. Quant à la périphrase qui désigne la mort comme un  « supplice trop doux » , on peut entrevoir le caractère identique de la situation des deux femmes .   

La mort semble cerner le personnage qui évoque  sa première véritable tentative de suicide : lorsqu’elle a demandé à Hippolyte de lui ouvrir la poitrine et, symboliquement de lui percer le coeur; :  « Le fer aurait déjà tranché ma destinée ; Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée » Dans ces vers, Racine rompt avec la tragédie de Sénèque dans laquelle Phèdre se donne la mort avec une épée. Ce refus d’une mort prématurée s’explique par sa volonté de prendre la parole pour rétablir l’innocence d’Hippolyte te le choix du poison peut sans doute renvoyer à cet amour qui l’a littéralement empoisonné. Elle présente Hippolyte comme l’incarnation de la vertu : « la vertu soupçonnée », rétablissant ainsi l’honneur qu’elle a bafoué. On peut aussi penser qu’il s’agit d’une forme de repentir : elle ne peut réparer le mal commis mais elle s’efforce de rendre au jeune homme sa dignité. D’ailleurs elle prononce le terme remords et justifie le délai qu’elle s’accorde pour disparaitre :   elle peut prendre le temps de s’expliquer face à Thésée. Pour le spectateur, c’est aussi l’occasion de découvrir une forme de sacrifice : la précision « chemin plus lent » :  peut être interprétée de deux manières :  on peut, en effet, comprendre qu’elle a agi pour retarder sa propre mort mais cela montre également une forme de souffrance plus longue car on imagine le poison qui se diffuse, goutte à goutte, dans ses”brûlantes veines” . On retrouve également l’image de la descente aux Enfers qui peut évoquer les voyages de  Thésée .
En précisant l’origine du  poison “que Médée apporta dans Athènes »  1638 , Racine introduit une autre figure de femme meurtrière : la magicienne Médée, première femme de Thésée et sorcière qui elle  aussi, sera victime d’une passion pour son  nouvel époux, le perfide Jason, passion qui va la conduire à tuer sa rivale, le père de cette dernière avant d’immoler ses propres enfants .  Les deux figures féminines dessinent une sorte de  filiation,  qui rappelle la dimension monstrueuse de la famille de Phèdre: un demi-frère taureau qui mourra sous les coups de Thésée et une mère, Pasiphaé qui mit au monde un monstre.

 La tirade s’achève avec l’agonie du personnage qui est détaillée : elle indique avec précision l’écoulement du poison dans son corps  Sur scène , le spectateur assiste à chaque étape de sa mort : “j’ai pris, j’ai fait couler » :  la dimension pathétique est mise en oeuvre ici avec le parallélisme de construction ; L’héroïne met en scène sa mort et le dramaturge doit ici, mimer l’agonie. Ce qui explique que le discours de Phèdre se fait moins assuré et un peu plus maladroit comme le montrent les répétitions de l’adverbe « déjà » (1639-1641) :la parole semble se ressentir des effets du poison comme si elle se déréglait. Les conséquences physiques des effets du poison  sont précisées elles aussi :  elle ressent un « froid inconnu »  qui atteste de l’approche de la mort; sa vue se trouble également :  « je ne vois plus qu’à travers un nuage » . La nuit, métaphorique de la fin de la vie, tombe en même temps que le rideau qui viendra marquer la fin du spectacle  .L’ annonce de la mort apparaît encore comme un soulagement  pour le personnage : c’est la fin de  la brûlure incessante causée par la passion amoureuse. Phèdre s’éteint en chrétienne avec  la présence du champ lexical de la réparation de la faute : « outrage », « souillaient ».  La faute est rappelée dans sa double dimension : religieuse et conjugale  : « et le ciel et l’époux que ma présence outrage ». L’héroïne rappelle qu’elle a offensé les Dieux par la faute de ses ancêtres et qu’elle a offensé son époux en laissant condamner un innocent après l’avoir laissé accuser d’un crime odieux. L’imminence  de la mort se lit aussi à travers le champ lexical de l’ombre : « dérobant la clarté », je ne vois plus qu’à travers un nuage » mais cela s’oppose avec avec la lumière retrouvée, celle de la pureté : « rend au jour (…) toute sa clarté ». Ce retour de la lumière peut être interprété comme le signe que, par sa mort, Phèdre atteint la rédemption.

Si on se réfère aux règles du théâtre classique et notamment à la règle dite de bienséance, les personnages ne devaient pas offrir leur mort , à la vue du public: : « Elle expire, seigneur » :ces quelques mots peuvent laisser penser que  Phèdre meurt bien sur scène : cela accentue le pathétique mais aussi le tragique . Cette mort agit presque comme une fin moralisatrice : la passion conduit à la perte, à la destruction et à la mort. Les spectateurs doivent alors se purger de cette émotion.

 En conclusion : La fin répond au début de la pièce où Phèdre apparaissait déjà comme une mourante. Cette mort sans cesse reculée a permis de mettre en scène tout au long de la pièce la honte, la culpabilité et le tragique. Cette agonie du personnage est cependant ambiguë car jusqu’au dernier moment elle ne semble pas vraiment se remettre en question en rejetant la faute sur Vénus ou bien sur Oenone. Par ailleurs, elle ne mentionne pas la mort d’ Hippolyte et ne fait nullement référence au chagrin de son époux.  Elle ne revient que sur son malheur et choisit de quitter la  vie comme on sort de scène , par un dernier éclat .

28. février 2020 · Commentaires fermés sur Les aveux d’une passion tragique : le face à face Phèdre -Hippolyte II, 5 · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

La tragédie racinienne libère la parole amoureuse qui marque souvent une  forme de transgression : Hippolyte avoue, dès la première scène,  un amour interdit pour Aricie et cet aveu est suivi de très près par les confidences de Phèdre à sa nourrice Oenone; cette dernière recueille la parole de la reine malade, qui brûle d’une passion dévorante pour le fils de Thésée,  son mari; fils que ce dernier a conçu avec la reine  des Amazones, la fière te farouche Antiope; Le dramaturge, construit ainsi en parallèle deux parcours amoureux qui vont s’entrecroiser lorsque Phèdre fait l’aveu, malgré elle, de sa passion face à Hippolyte. Au moment où elle sort de sa chambre , elle croise celui-ci qui  s’apprête à  quitter le palais  pour partir à la recherche de son père . La tirade de Phèdre commence par une déclaration d’amour à Thésée qui , par glissements successifs, finit par révéler , une passion pour le “charmant” Hippolyte. Le jeune homme , honteux , pense tout d’abord qu’il s’est mépris et qu’il a accusé , à tort sa belle-mère d’être amoureuse de lui .  Alors qu’il souhaite se retirer , Phèdre entreprend alors de le détromper et avoue, cette fois sans détour, son amour .

Cette lecture linéaire débute au vers 671 et se termine au vers 701 de ” Ah cruel, tu m’as trop entendue..à délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite.” Comment Phèdre exprime-t-elle les souffrances de sa passion  et son caractère monstrueux ?
Situation du passage : Phèdre est venue trouver Hippolyte pour plaider la cause de ses enfants qu’elle croit en danger suite à la mort supposée de Thésée. En effet, son fils est en lice dans la succession au trône, au même titre que son demi-frère Hippolyte et Aricie que ce dernier à délivrée. Bien malgré elle, confrontée à celui pour lequel elle brûle d’une passion effroyable, Phèdre lui déclare sa flamme.
Le premier  mouvement – V.670 à 682 :présente , une fois de plus , Phèdre comme la  victime d’une fatalité incontrôlable.
– On note un changement de ton brutal et de registre avec la tirade précédente. Phèdre retrouve , en partie, sa lucidité grâce à la réplique d’Hippolyte qui la ramène à la réalité. L’émotion poussée à son paroxysme, prend le dessus ainsi que le montre les points d’exclamation et l’interjection « Ah », ainsi que le terme d’adresse « Cruel » qui paraît ici peu approprié pour désigner le jeune homme qui vient justement  de présenter des excuses  .  On entend davantage la cruauté d’un amour non réciproque et la cruauté de la souffrance qu’il inflige, malgré lui , à sa belle-mère, par sa simple vue.  La ponctuation expressive marque ici  la violence verbale, voire physique.-La présence de verbes injonctifs pourrait cependant traduire une forme de colère  qui serait libérée par l’aveu mais il s’agirait plutôt d’un emportement contre la fatalité de cette passion. .  Phèdre a désormais le pouvoir, celui de la parole libératrice : « Connais », « ne pense pas » : le temps n’est plus à la réflexion. Et la parole de Phèdre s’apparente à une révélation qui montre ce qu’on ne devait pas voir, qui met à jour ce qui était dans l’ombre . –  D’ailleurs le terme ” fureur” qui peut être considéré comme  manifestation de l’Hybris, cet orgueil humain  démesuré, propre à la tragédie, est également une manière de rendre visible ce qu’on ne voyait pas  : Phèdre est à présent hors de contrôle. La fureur ne désigne pas tant la colère que l’emportement du personnage : elle semble poussée par une force incontrôlable, propre à la passion .Le contraste est particulièrement frappant avec son aveu , qui tient en 2 mots : « J’aime ». et qui, pour le coup, est d’une grande sobriété alors que le mouvement précédent annonçait une montée en puissance . Cette sorte de chute , d’adoucissement , montre que  c’est bien là l’essentiel de ce qu’elle voulait dire . Et pourtant, ce « J’aime »  ressemble à une bombe à retardement. La  précision en fin de vers « je t’aime » paraît touchante et fait résonner aux deux extrémités de l’alexandrin l’amour de Phèdre comme s’il emplissait la scène. Pourtant , très vite il apparaît que cet amour doit être combattu car il a un  caractère infamant (dégradant )  : « fol amour », « trouble ma raison », « lâche complaisance », « poison », « feu fatal ».
Phèdre se présente  donc , avant tout, comme une victime de la malédiction de Vénus, lancée contre toute sa lignée. Le terme « dieux » revient par trois fois, renforcé par la métaphore « vengeances célestes » et la métonymie «contre tout mon sang ». – Pour insister sur le caractère odieux de la machination dont elle est victime, elle se qualifie de « faible mortelle », sorte d’antithèse qui vient en contrepoint de « dieux » et qui démontre son impuissance ; le registre pathétique est déployé pour faciliter la compassion du spectateur, ressort essentiel du spectacle tragique. Il est en effet, important que le spectateur puisse, sous certains aspects, considérer l’héroïne tragique comme une victime d’une fatalité qui la dépasse. Phèdre évoque d’ailleurs la cruauté des Dieux et cette cruauté fait écho à celle manifestée par le personnage d’Hippolyte qui ne partage pas les sentiments de Phèdre. Le personnage explique donc l’origine de cette passion incontrôlable , pour mieux tenter de se justifier aux yeux du spectateur et présente  cet amour qui lui fait horreur comme le montre l’acmé de ce premier mouvement : « Je m’abhorre encore plus que tu ne me détestes » :  formule frappante où on note , à la  fois une gradation descendante et  des effets d’ hyperbole. le verbe abhorrer signifiant un rejet très fort d’elle-même : elle se juge elle même coupable et se dégoûte.
–  On retrouve également dans cette tirade l’idée que Phèdre a tenté de se prémunir contre cette passion  mais que ces précautions ont été inutiles “ inutiles soins au vers 687 ”  ce qui renforce l’ironie tragique : elle est justement confrontée avec cette arrivée à Trézène à ce qu’elle voulait “fuir ” : la tragédie est  souvnet décrite comme un piège qui se referme sur un personnage et plus il cherche à éloigner le péril, plus le filet se resserre autour de lui  . On voit donc ici qu’elle mène une lutte inutile contre elle-même. –  Alors que le présent dominait le premier mouvement, c’est le système du passé qui est dès lors employé (passé composé + imparfait). : Phèdre se remémore la façon dont elle a cherché à lutter et fuir cet amour qui s’imposait à elle.- Elle cherche ainsi à prouver qu’elle n’est pas à l’origine de ses sentiments monstrueux, qu’elle n’a pas subi passivement le feu de la passion qui s’est mis à la consumer : elle a tenté d’agir en chassant le jeune homme ; Le champ lexical de la haine montre qu’elle l’a persécuté : «fuir », «chassé », «odieuse », «inhumaine », «j’ai recherché ta haine », « tes malheurs ». Cette idée est corroborée par le verbe « résister » et  son échec est marqué par le vers 688 ” Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins ”  Le dramaturge a  combiné  ici trois procédés d’écriture pour obtenir un effet maximal ; l’effet de chiasme avec ce croisement Je  et Tu , l’ antithèse avec l’opposition haïr et aimer et enfin , la litote car ” je ne t’aimais pas moins ” signifie qu’elle ne parvient pas à chasser cet amour  ;  ce vers illustre  ainsi les limites de cette lutte interne.Racine montre ensuite , de manière assez traditionnelle, les manifestations physiques de cette passion destructrice : ” J’ai langui, j’ai séché, dans les feux , dans les larmes ”  Le vers 690 illustre par le chiasme ( languir est associé à larmes et signifie être triste et le verbe sécher est associé à l’action du feu ) les douleurs de Phèdre .- Malheureuse, elle inspire la pitié et elle implore Hippolyte ; La proposition subordonnée circonstancielle  de condition « Si tes yeux un moment pouvaient me regarder » a des allures de prière.  Elle aimerait qu’il al regarde afin d’être convaincu de al sincérité de ses sentiments Cette didascalie interne laisse imaginer l’attitude du jeune prince : en effet, on peut imaginer qu’il a détourné les yeux, sous le coup de cette révélation ; La honte qu’il ressent est d’avoir pu, à son corp sdéfendant, inspirer cette passion à celle qu’il respecte comme étant l’épouse de son père .
Le vers 692 marque une nouvelle étape dans cet aveu  : Phèdre revient sur la force qu’elle subit comme une fatalité . Les questions rhétoriques des v. 693/694 réaffirment qu’elle n’agit pas cette fois, de son plein gré  mais poussée par des circonstances exceptionnelles . ” cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? ” le ton ici n’est plus celui de la supplique . La reine rappelle, avec lucidité,  les circonstances de son aveu tragique au vers 695 et 696 ; Elle fait retour sur sa situation qui  vient d’évoluer et met en avant son rôle de mère protectrice; En effet, en apprenant la  “fausse “mort de Thésée son mari , elle craint  les luttes pour le pouvoir; elle a peur que son beau-fils cherche à éliminer d’autres héritiers potentiels les  jeunes enfants qu’elle a eux avec Thésée. Elle venait donc le prier “de ne le point haïr ” . On retrouve ainsi, un parallélisme de situation: elle le supplie , en quelque sorte, deux fois: une première fois en tant que mère et une seconde fois, en tant que femme amoureuse . Cette situation rappelle que les tragédies de Racine sont toujours sous-tendues par des drames politiques : l’amour n’y joue pas un rôle de premier plan.La ponctuation exclamative  marque à nouveau l’effervescence qui anime la jeune femme. L’interjection « Hélas » souligne la perte de toute forme d’illusion et ne laisse à Phèdre que l’espoir d’une mort libératrice.  Elle conjure Hippolyte d’abréger ses souffrances grâce à de nouveaux verbes à l’impératif qui forment un parallélisme et une antithèse : « Venge-toi » / « Punis-moi » : de victime, elle devient coupable et présente sa mort comme une solution avantageuse alors que quelques instants plus tôt, elle venait plaider pour la protection de ses enfants; On remarque la contradiction du personnage en proie à un accès de folie passionnelle ; Souvent , sous l’effet de la passion, les sentiments se mêlent et et le discours peut paraître incohérent. La cause de la mort est rappelée à travers cet “odieux amour ” qui fait justement du personnage, une femme odieuse   Sa prière fait appel aux qualités héroïques du jeune homme qui en la tuant, accède au même rang que son père et répète les exploits de ce dernier; On se souvient, en effet que Thésée est un chasseur de monstres célèbre et qu’il a accompli de nombreux exploits comme le fait de tuer le Minotaure . Hippolyte peut ainsi , symboliquement, se hisser au même rang que son père . Le dernier vers de notre extrait , le vers 701 contient cette idée  « Délivre l’univers » est une hyperbole qui accentue la monstruosité de Phèdre et permet au jeune homme de “devenir un digne fils de héros ” c’est à dire d’agir, à son tour , en héros. En se jetant sur son épée, Phèdre fait appel, à la fois à son orgueil et à son sens du devoir . Le registre amoureux trouve encore sa place dans une sorte de gradation tragique : « ne le point haïr », « un cœur trop plein de ce qu’il aime », « un odieux amour»: on assiste à une métamorphose de cet amour, qui correspond à la métamorphose monstrueuse de Phèdre elle-même : elle fait corps avec ses sentiments.  Le dernier vers résonne comme une sentence irrévocable.  Notons enfin qu’elle emploie une périphrase pour se désigner «  la veuve de Thésée » mettant en lumière les relations familiales qui unissent malheureusement les protagonistes et nomme explicitement Hippolyte. C’est l’inverse de l’aveu fait à Oenone I,3  « Ce fils de l’amazone, ce prince si longtemps par moi-même opprimé » .

 En conclusion : Phèdre, en se déclarant à Hippolyte, vient de franchir un point de non-retour. Déclenchant , à plusieurs reprises , la pitié du spectateur  elle s’inscrit dans cet aveu monstrueux comme une véritable héroïne tragique, victime de la fatalité et de l’hybris.  A la fois victime et se jugeant coupable, elle fait corps avec ses sentiments et envisage la mort comme remède à ses tourments.  La réaction d’Hippolyte ne es fait pas attendre  : un mélange de honte et de dégoût.  Phèdre cherche alors à flatter son orgueil pour qu’il devienne son bourreau mais cette dernière a pris soin de lui arracher l’épée avec laquelle elle l’enjoignait de la tuer.   Cette épée va ensuite jouer un rôle crucial dans la tragédie car elle va servir de preuve à la tentative de viol dont Oenone va accuser Hippolyte .  ‘III 3 : elle demande à Phèdre d’accuser Hippolyte la première et évoque ” son épée en vos mains heureusement laissée” . Le quatrième acte s’ouvre avec l’entrevue Thésée/ Oenone et les fausses  accusations d’Oenone : le roi reconnait l’épée de son fils entre les mains de la nourrice ” j’ai reconnu le fer, instrument de sa rage/ ce fer dont je l’armai pour un plus noble usage .” ( vers 1009/1010 ) Thésée  va alors convoquer son fils et convaincu de sa culpabilité , il lui lance  ” il fallait en fuyant ne pas abandonner le fer , qui dans ses mains aide à te condamner . ( ” IV, 2  v 1084)La tragédie est en marche, et rien ne pourra plus l’arrêter. Cette épée est devenue l’agent du destin d’Hippolyte et signe son arrêt de mort.

24. février 2020 · Commentaires fermés sur L’aveu d’une passion coupable : I, 3 Phèdre se confie à Oenone · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

 En guise d’introduction :  Le XVII eme siècle s’illustre par une profusions d’œuvres théâtrales comiques et tragiques. Racine, écrit en 1677, une tragédie  Phèdre en s’inspirant  de la mythologie et notamment de deux tragédies antiques : Hippolyte de Euripide et Phèdre de Sénèque. Il choisit de recentrer l’action tragique autour des tourments de l’héroïne Phèdre
L’auteur place au centre de l’intrigue le personnage éponyme déchiré entre  la raison et une passion qui la pousse à vouer un amour incontrôlable à son beau-fils Hippolyte.
Dans  la scène 3 de l’acte I, nous sommes encore dans l’exposition et assistons au difficile aveu de Phèdre. Cette dernière, pressée par les questions d’Oenone, sa nourrice, avoue, un peu malgré elle, sa passion coupable . La machine tragique est ainsi lancée. La tirade de l’héroïne révèle qu’elle est déjà prête à mourir.

Ce qui précède notre extrait ( en résumé )
I  Le coup de foudre / La naissance d’un amour violent causé par Vénus v.269 – 278
1. Le bonheur du mariage avec Thésée aussitôt troublé par le coup de foudre pour Hippolyte – coup de foudre qualifié péjorativement, amour = douleur : « mal » : « Mon mal vient de plus loin ». Phèdre va exposer les origines de son amour; Il faut remonter jusqu’à la malédiction dont elle est la victime- « Mon mal » s’oppose à « Mon repos, mon bonheur », deux vers plus loin. L’amour pour Hippolyte fait une irruption violente au milieu d’un amour plus calme, traditionnel et légitime car scellé par les liens du mariage. Le personnage tente de retenir la vérité : cet aveu qui lui brûle les lèvres  : la périphrase  « superbe ennemi »  monter que la passion est l’enjeu d’une lutte : l’adjectif « superbe » veut dire fier et le substantif ennemi renvoie non pas au champ lexical de l’amour mais à celui du combat. Phèdre se sent donc vaincue par cet amour qu’elle sait coupable. .Les symptômes de la passion sont alors rappelés .Depuis les philosophes Grecs, on considère la passion comme une émotion forte qui prend le contrôle de notre corps. On le voit ici par – l’énumération « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue » => rythme ternaire, allitération en « i », propositions juxtaposées => soulignent la précipitation des réactions qui succèdent immédiatement la vue de l’être aimé. – « Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue » : la raison est enrayée ; on remarque d’ailleurs que le je n’est plus sujet des phrases, il subit l’action, subit le trouble qui va jusqu’à la perte des sens : « Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler » : une fois encore,  la juxtaposition des propositions souligne la rapidité de cette invasion croissante d’un amour qui paralyse le sujet. – Le je  ne redevient sujet que pour sentir, faire l’expérience de la douleur : ce qui nous renvoie à l’étymologie du mot passion « patior » = souffrir : « Je sentis tout mon corps et transir et brûler » : la construction parallèle de termes antithétiques montre que Phèdre passe du chaud au froid sous le coup du vif sentiment qui l’anime.   « Je reconnus Vénus et ses feux redoutables » : Vénus a lancé sur la famille (« d’un sang ») une malédiction dont Phèdre est la nouvelle victime. « Feux » renvoie ici à l’amour associé au champ lexical de la brûlure pour souligner la douleur que l’amour procure. – On note les adjectifs à la rime « redoutables » « inévitables » qui mettent en place la dimension tragique. Phèdre apparaît  ainsi , dès l’exposition ,comme une héroïne tragique, qui subit pleinement un destin qui la dépasse, ici un amour terrible qui lui cause du tort et la déchire.
II. Un amour idolâtre et obsessionnel v. 279 à 290
L’héroïne pense pouvoir  adoucir Vénus en lui offrant des prières et des sacrifices — Phèdre ne se contente pas de faire des prières : « vœux assidus », elle fait construire un lieu de culte pour Vénus « Je luis bâtis un temple », qu’elle décore « et pris soin de l’orner », elle multiplie ensuite les offrandes « Des victimes moi-même à toute heure entourée  La description de al passion est alors liée à la maladie – « incurable » « remèdes » :sont  deux termes en chiasme dans le même vers désignent cet amour comme un mal qu’on ne peut soigner. Ainsi ,au moyen de ces adjectifs « incurable » et « impuissants » nous voyons que les tentatives de Phèdre sont vouées à l’échec,ce que laissait percevoir aussi le verbe « croire » dans la proposition « je crus les détourner » : c’était une illusion que de penser pouvoir infléchir Vénus. On remarque même que le culte se destine, en réalité, à Hippolyte. – «- « Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse, / J’adorais Hippolyte » => Phèdre ne maîtrise plus sa propre parole (ce qui explique ses révélations en partie involontaires), mais ici elle se rend coupable d’impiété,; Elle prend un simple mortel  pour un dieu, comme le montre le verbe « adorer ». + « J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer ». « ce dieu » :  il s’agit ici d’une nouvelle périphrase  pour ne pas nommer  le jeune homme , objet de son culte et à cause duquel elle devient sacrilège- – La vue même joue des tours à Phèdre : « le voyant sans cesse » ; « Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père ».=>Phèdre perd peu à peu sa lucidité qui est justement l’art de la clairvoyance et  ainsi sa raison .

Notre extrait commence au vers 291
Phèdre rappelle qu’elle fut une marâtre pour son beau-fils , pensant ainsi vaincre sa passion en le tenant à distance ; « j’excitai mon courage à le persécuter » ; Il devint ainsi la victime, à son tour, de la passion de sa belle-mère . Pour l’éloigner, elle doit le bannir et feindre d’éprouver de la haine ; Ainsi, elle joue publiquement le rôle d’une méchante belle-mère «  injuste marâtre » jalouse d’un enfant qui n’est pas le sien et soucieuse de préserver les intérêts de son union avec Thésée , notamment les enfants de leur mariage.  Elle rappelle alors les souffrances endurées par le jeune homme séparé de son père ; Le verbe arracher traduit la violence de cette séparation imputable à Phèdre qui peut ainsi trouver un repos momentané  “depuis son absence<strong>; je respirais : Racine insiste sur le caractère oppressant de la passion et on retrouve les symptômes physiques qui traduisent la force du sentiment : A l’abri de l’agitation des sens , Phèdre apparaît comme une épouse modèle : “soumise ” à son époux; Néanmoins, elle tait ses tourments et trouve une forme de consolation dans les soins accordés à ses enfants:l’expression “cultivais les fruits ” semble indiquer qu’elle s’occupe de l’éducation des enfants nés de son union avec Thésée. La double exclamative traduit sa colère et sa tristesse : le registre tragique est dominant avec “vaines précautions ” qui démontre l’échec du personnage et  le second hémistiche “cruelle destinée ” ravive la compassion du spectateur. L’être aimé prend alors les traits de l’ennemi ; le champ lexical de la guerre, du combat est dominant avec le terme blessure au vers suivant associée à l’hyperbole  “trop vive ” et à la conséquence funeste : “a saigné” On retrouve cette idée d’une physiologie des transports amoureux : la souffrance se matérialise et s’expose aux yeux de tous . Ce qui était caché devient alors visible : c’est ainsi que la révélation se manifeste ; la déesse Venus devient le bourreau de Phèdre au vers 306 ; elle devient “victime” ainsi que l’indique le substantif “proie” ; cette présentation permet d'atténuer la dimension monstrueuse de la jeune femme et de renforcer la pitié que nous éprouvons pour elle et les fautes qu’elle confesse . En effet, Phèdre paraît consciente de mal agir; lorsqu’elle évoque son amour incestueux, elle le nomme “crime” et ne cherche pas à atténuer la portée de son geste ; Elle en conçoit une “juste terreur” ; L'adjectif ici, peut se comprendre au sens de légitime; Il est donc logique qu'elle soit effrayée et le châtiment paraît ainsi justifié. Elle présente alors ,une nouvelle fois, son désir de fuir la vie pour se punir ; Elle a pris sa "flamme en horreur “; A la rime avec terreur, ce mot , loin de chercher à minimiser le geste de Phèdre, en révèle toute l’atrocité et renforce, une fois de plus,  la dimension pathétique de la tirade. La mort seule permettrait de préserver la “gloire” du personnage et d’éviter le déshonneur  qui pourrait rejaillir sur sa lignée. L’euphémisme “dérober au jour une flamme si noire ” , combiné ici avec une antithèse, fait presque apparaître la mort de l’héroïne comme un effacement et rappelle qu’elle n’ose plus se montrer à la lumière ; Elle souhaite se terrer dans l’ombre;

La dernière partie de la tirade est adressée à Oenone qui a provoqué la libération de cette parole : “je n’ai pu soutenir tes larmes” Phède a avoué parce qu’elle souhaitait réconforter sa nourrice et calmer ses inquiétudes; Au lieu de cela, elle a déclenché la stupeur de celle-ci. Ses aveux n’ont donc servi à rien dans la mesure où elle semble plus que jamais déterminée à se donner la mort : elle s’adresse d’ailleurs à Oenone en lui demandant de la laisser faire ” pourvu que de ma mort respectant les approches ” : la subordonnée marque ici le but et interdit l’action à la nourrice qui devient , par le fait, spectatrice d’une mort annoncée comme inévitable. La tragédie devient le lieu de l’inaction souhaitée : “tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches ” Phèdre a souhaité parler pour éclaircir , auprès de sa nourrice, les motifs de son désir de disparaître et elle entend désormais faire cesser les reproches ; On retrouve l’adjectif “vain” qui qualifie cette fois les secours ; Racine désigne ainsi les tentatives d’Oenone pour  maintenir Phèdre en vie; cette dernière demande à ce qu’on ne l’aide plus et sa mort paraît inévitable; Le dernier alexandrin ” un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler ” rappelle le dernier souffle avant d’expirer et rend cette mort d’autant plus imminente; Plus rien ne fait désormais obstacle  à la disparition programmée du personnage .

 

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02. mars 2018 · Commentaires fermés sur Les aveux au théâtre : analyser une scène d’aveu · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Le sujet de bac blanc proposait un corpus formé de  textes de théâtre : une tragédie classique de Racine, Phèdre  qui nous livre un face à face pathétique entre l’héroïne éponyme , une jeune  reine, nouvelle épouse du roi Thésée , qui durant lalongue absence de son époux, est tombée amoureuse de son beau-fils; Empoisonnée par cette passion funeste et et monstrueuse , troublée , elle ne sait comment alléger son cour et son âme du fardeau de cette culpabilité et elle se livre ici, à de timides aveux, pressée par sa nourrice Oenone qui s’inquiète pour elle ; Le second extrait est tirée d’une comédie amoureuse de Maritaux; pour tester la sincérité des sentiments de leurs promis , deux aristocrates ont l’idée de demander à leurs valets de prendre leur place ; on assiste  alors au moment où Arlequin se sent obligé de révéler sa véritable identité et à sa grande surprise, Lisette , à son tour, avoue qu’elle n’est qu’une femme de chambre; cette double révélation orchestrée par des apartés et des quiproquos va permettre aux deux jeunes gens de s’aimer ; Alors que dans le drame romantique de Hugo, Ruy Blas , nous sommes les témoins d’une révélation douloureuse : celle d’un amour interdit ou tout du moins jugé scandaleux , entre un homme du peuple, obligé de jouer les valets et la plus grande dame du pays: la reine d’Espagne .  Ici le dramaturge exploite la dimension pathétique de l’aveu: le héros prend conscience de son destin tragique et décrit les tourments d’une passion dévorante; Il est encore question d’amour dans la pièce d’Anouilh inspirée de la tragédie antique Antigone : alors qu’elle vit se dernières heures, la princesse écrit à son fiancé pour moi avouer qu’elle l’aime et surtout qu’elle redoute la mort ; cette dimension pathétique des aveux est renforcée par la volte-face de l’héroïne : seul le spectateur connaîtra son secret ; Le personnage du confident ici est un garde qui manifeste une forme d’indifférence, de distance : il écrit sous la dictée et ses hésitations ont une dimension comique qui atteste edu mélange des genres revendiqué par le dramaturge.  La question de synthèse portait sur la manière dont les aveux sont finalement formulés …alors bonne lecture .

Avant de vous propose des pistes pour le corrigé de la question de corpus, n’oublie pas qu quand vous êtes face à une écritute théâtrale, il ne faut pas oublier la dimension spectaculaire et le rôle du spectateur grâce à la double énonciation. Pensez également à utiliser vos connaissances sur les genres ; Le tragique a pour objet d’émouvoir en faisant ressentir de la terreur et de la pitié (pathétique ) pour le héros; le comique naît souvent de la situation proposée (quiproquo, déguisement, faux-semblants) ; Le drame romantique mêle le grotesque et le sublime et Ruy  Blas présente d’ailleurs de nombreux points communs avec Phèdre ; thème de la passion fatale et destructrice, suicide final par empoisonnement; Enfin le théâtre peut aussi être l’objet d’une critique de certains aspects de la société  en présentant les différences de rang social comme des obstacles insurmontables à l’amour ; Hugo définit son héros comme “un ver de terre amoureux d’une étoile “ . Le thème de l’amour était bien un élément fédérateur et chaque personnage avouait à un proche ou à un simple témoin , son penchant pour l’objet de ses désirs.

La question de corpus : éléments de réponse à organiser ..

  1. Le rôle de l’interlocuteur dans l’obtention de l’aveu difficile
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  • un interlocuteur pressant : 
  • dans l’extrait de Phèdre, Oenone, qui tient le rôle traditionnel dans la tragédie classique de la confidente de l’héroïne,  la presse de questions pour obtenir l’aveu (impératifs, stichomythies et répliques brèves qui confèrent à la nourrice un ton péremptoire).
  • On retrouve les impératifs et les interrogations dans l’extrait de Marivaux lorsque Lisette veut qu’Arlequin lui dévoile sa véritable identité. Cependant, la situation s’inverse dans cette scène de double aveu dont la dimension comique repose sur des effets de parallélisme entre les deux serviteurs qui avouent l’un après l’autre quel est leur véritable statut (« magot »/ « magotte », « soldat d’antichambre de Monsieur » / « coiffeuse de Madame »)
  • un confident involontaire :  dans l’extrait de Ruy Blas, Don César ne cherche pas à obtenir l’aveu. Il est cependant un personnage indispensable sur le plan dramatique pour recevoir cet aveu et sa présence semble déclencher la libération de la parole du héros éponyme : Don César n’a que des répliques de moins d’un alexandrin, parfois d’une seule syllabe (« Ciel ! ») comme s’il était sidéré par l’aveu, tandis que les répliques de Ruy Blas sont de plus en plus longues  
  • Un obstacle à l’aveu : dans la pièce d’Anouilh, le garde n’est que le scripteur de la lettre que lui dicte Antigone. Il ne semble pas comprendre ce qu’elle lui dit. L’impossibilité de toute communication suscite le désarroi de la jeune fille qui finit par renoncer à s’expliquer. 

 

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II. Des détours et des dérobades qui retardent l’aveu

  • Des personnages qui ne répondent pas directement à leur interlocuteur : 
  • Apartés par lesquels le personnage ne répond pas mais commente la stratégie à adopter pour  faire comprendre la vérité  (Texte A, v. 5 ; texte B, l. 8 ou l. 11). 
  • Antigone (Texte D) ignore aussi les questions du garde, mais il s’agit plutôt pour elle de continuer à expliquer son geste malgré les interventions peu pertinentes de ce dernier. 
  • Digression de Phèdre sur sa lignée maudite qui retarde l’aveu.
  • Emploi de périphrases (caractère indicible de la vérité) : « Fils de l’Amazone » pour désigner Hippolyte (Texte A) qui ne sera d’ailleurs pas nommé par Phèdre elle-même mais par Oenone, « soldat d’antichambre de Monsieur » pour évoquer le statut de valet (Texte B), « hydre aux dents de flamme » pour la passion amoureuse (Texte C). 

III. Une amplification de la gravité de l’aveu

  • Désarroi des personnages face à une vérité presque impossible à dire

Expression de l’émotion :

  • ponctuation expressive (exclamations dans les textes A, B, C)
  • Interruptions (points de suspension dans le texte A, tirets qui indiquent un discours décousu  et haletant dans le texte C) 
  • Interjection (« Oh ! ») d’Antigone (Texte D)
  • Questions (non rhétoriques, elle se demande vraiment comment avouer la vérité) de Phèdre. Idem dans le texte B mais dans un registre comique. 
  • Procédés d’amplification
  • hyperbole « le comble des horreurs » (Texte A)
  • Gradation « quelque chose / D’étrange, d’insensé, d’horrible et d’inouï » (Texte C)

Sujet d’invention : quelques pistes  

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Plusieurs critères peuvent être retenus pour évaluer les écritures d’invention . J’ai fait apparaître 3 indicateurs sur les copies ; la qualité de l’écriture et notamment du style ; j’ai pénalisé les copies qui utilisent un style trop familier ou relâché et j’ai comptabilisé dans cette rubrique quelques anachronismes (le stress à Rome chez l’empereur , les finances de Louis XVI qui sont définitivement dans le rouge ..) Deux éléments sont ensuite évalués sur 6 points : la qualité théâtrale de l’écriture du dialogue et le choix de la situation et de la nature dramatique de l’aveu.

Faut-il sanctionner l’absence d’un paratexte ? Il est peut- être préférable de valoriser la présence d’une courte introduction notamment quand elle nomme les personnages, les situe et définit la situation qui va être développée ?

Notons d’abord que les copies se sont le plus souvent inspirées de situations lues ou étudiées en classe 

Les types d’aveux : les meurtres d’abord et souvent passionnels

  • une soeur qui tue sa sœur car elle est amoureuse du mari de cette dernière se confie à sa suivante le jour des funérailles (le cadre est intéressant pour les effets de dramatisation)

  • un homme qui avoue (à son meilleur ami) qu’il était amoureux de l’épouse de ce dernier et qu’il l’a tuée

  • une mère avant de mourir qui avoue (à son fils ) qu’elle a tué son père , sujet de tragédie

  • un mari qui avoue (à son épouse ) avoir tué un homme par accident et l’avoir enterré dans une cabane au fond du jardin.

L’amour impossible arrive en tête des situations choisies comme dans les tragédies ..

Au premier rang des interdits, la morale et la famille …nous rencontrons ainsi :

  • une femme amoureuse du mari de sa sœur qui l’avoue (à sa servante )

  • une princesse amoureuse d’un homme de rang inférieur qui l’insulte pour le faire renoncer à leur amour (double faute en quelque sorte)

  • une jeune femme bourgeoise amoureuse d’un homme de rang inférieur qui l’avoue à sa soeur et ensuite à son père (double aveu cette fois )

  • un guerrier grec (Ulysse bis ) qui avoue à la femme de l’île sur laquelle il a fait escale qu’il est déjà marié et que son coeur est pris ailleurs . (bigamie criminelle )

  • une reine veuve qui tombe amoureuse du mari de sa fille (Phèdre version belle-famille )

  • un prince qui tombe amoureux de la mère de sa fiancée et se confie à son meilleur ami (Phèdre revisité )

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    La scène d’aveu comme l’illustrait le corpus peut appartenir soit au genre tragique soit aux comédies : on notera d’ailleurs que certaines copies mélangent assez habilement parfois les deux registres en créant une dispute en surimpression de leur scène d’aveu . Mais c’était une difficulté supplémentaire et certains ont été maladroits en mixant les registres . Anouilh s’ efforce de créer ce mélange en choisissant un confident pour le moins étrange avec ce garde qui ne semble pas saisir l’importance des révélations d’Antigone ; la pièce , en effet, est construite sur le mélange des genres et le spectateur est ici partagé entre le pathétique des révélations d’Antigone, ici affaiblie à cause de son amour pour Hémon et de sa peur de mourir ; cette fragilité du personnage est dramatisée par le choix de ce confident imposé qui agit « mécaniquement »  mais dont les répliques peuvent également nous faire sourire par leur dimension décalée , inattendue et ce procédé estompe la tonalité pathétique.

Faut-il jouer la carte de l’originalité ?

C’est une question que se posent souvent les candidats qui cherchent ainsi à se démarquer des choix plus convenus de leurs camarades . En effet, le correcteur risque de se lasser de la version 40 de Phèdre ou de la lettre d’aveu mais il faut noter que le corpus sert aussi de référence et qu’il parait judicieux de s’inspirer des situations mises en scène , en tentant de les réécrire.

Parmi les copies qui ont su faire preuve d’inventivité , on trouve :

  • une femme qui avoue un rêve (à son époux ) où elle voit son avenir heureux avec un autre homme ( situation originale car elle décide littéralement de le quitter pour réaliser son rêve.)

D’une facture un peu plus classique, on trouve les deux situations suivantes qui oublient juste de mettre l’aveu au centre des préoccupations des personnages

  • Un amoureux qui demande de l’aide à une amie pour écrire une lettre d’amour qui lui sera finalement destinée mais sans le lui dire ..imitation de la célèbre scène de la révélation où Cyrano se trahit en lisant la lettre de Christian alors qu’il fait nuit ..exposant ainsi à Roxane son amour et la supercherie dont elle a été la victime

  • une femme qui quitte son mari pour rejoindre un autre homme (elle l’avoue d’ailleurs assez sèchement au pauvre mari dépité , qui a bien du mal à comprendre ce qui se passe )

Un élève a été bien inspiré et a pensé à l’aveu d’une faute professionnelle : le ministre incompétent redoute la réaction de son supérieur le roi de France<font face="Times New Roman">; Le monde du travail pouvait offrir un large éventail de choix (supercheries , faux en écriture , s’attribuer le travail d’un autre ..)

Le réservoir des situations tragiques pouvait être largement exploité comme par exemple cette copie où Rodrigue est devenu le fils de Caligula qui avoue ( à sa fiancée ) qu’il va devoir combattre son père en duel à mort dans l’arène (version romaine du Cid de Corneille )

Mais l’amour n’était pas nécessairement un ingrédient indispensable pour fabriquer une scène d’aveu théâtrale . Une copie qui sort des sentiers battus a mis en scène une situation où une jeune femme arrête ses études pour s’occuper de son grand-père désormais seul ; elle fait cet aveu à une amie-qui paraît consternée . On pouvait se demander ce qui a motivé le choix de cette situation qui semble tant heurter la meilleure amie et confidente .

Peu importe l’aveu au fond, les procédés de dramatisation et de retardement ont souvent fait la différence entre des copies qui exploitent une idée et des copies qui s’efforcent de tirer parti théâtralement de la même idée

Comment théâtraliser l’aveu ?

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Rappelons ici quelques procédés d’écriture théâtrale

  • l’aparté ou adresse au public qui joue sur la double énonciation

  • les effets de retardement

  • le dialogue de sourd

  • les répliques interrompues

  • l’arrivée d’un personnage qui interrompt l’échange

  • les hésitations, revirements et autres formules préparatoires du type : je ne sais si je puis, je ne saurais vous dire, vous allez me trouver horrible, vous allez sans doute être surpris , il faut que je vous dise

  • L’usage des didascalies était important : on pouvait, par exemple, inventer les gestes d’accompagnement de l’aveu  : asseyez-vous, allons plus loin…la fait asseoir, lui prend la main , détourne le regard, fait les cent pas, on pouvait aussi noter des variations du ton : d’une voix peu assurée, tremblante, en toussotant..

 

 

 

06. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Ecrire le dilemme au théâtre · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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 Un dilemme est une situation fréquente au théâtre : il s’agit d’un  choix quasi impossible, extrêmement douloureux face auquel un personnage est placé; Le dilemme devait être résolu c’est à dire que le choix devait être fait au cours de la scène . Votre sujet d’invention consistait à créer et ensuite à  rédiger   ce dilemme qui devait être joué sur scène sous la forme d’un monologue par un acteur . Pour ce fair vous deviez d’abord présenter la situation initiale c’est dir résumer en quelques lignes les enjeux du dilemme. Ensuite, vous deviez écrire un texte destiné à être représenté sur scène ; Donc le point le plus important de ce travail d’invention consistait à préciser les éléments de mise en scène choisis pour mettre ne évidence le caractère angoissant de la situation dans laquelle es trouve plongé le perosnnage. Voyons donc dans l’ordre chacun des points respectivement évalué à hauteur de 4 pts , 6 pts et 10 pts. 

Examinons d’abord les situations inventées 

Mention spéciale aux dilemmes qui mettent en jeu la vie d’un personnage : il peut s’agir de raisons médicales comme par exemple arrêter un traitement ou choisir qui va vivre et qui va mourir quand on ne peut sauver les deux personnes ; Ce sont les choix les plus difficiles et ils engagent la vie d’un individu. En temps de guerre , beaucoup d’hommes ont été confrontés à ces choix comme par exemple les résistants qui ont réussi à trouver le code secret qu’utilisaient les allemands pour communiquer et qui ont du choisir quels bateau ils allaient sauver et quel seraient ceux qui ne seraient pas prévenus des attaques; Ainsi un des mathématiciens a du choisir entre la survie esse généraux indispensables ) la suite des opérations militaires ou la vie de son frère et d’autres soldats blessés qui revenaient du champ de bataille. Excellent choix de situation épineuse. Le contexte de guerre exacerbe les dilemmes : un snipper , par exemple , ou un homme qui s’apprête à commettre un attentat ou à poser une bombe qui risque de tuer des civils , peut être en situation délicate sur le plan moral.William Styron a écrit un roman où un nazi demande à une mère à Auchwitz de choisir lequel de ces deux enfants, une petit fille et un petit garçon, elle va pouvoir sauver. Ce roman porte comme titre Le Choix de Sophie et il va dévaster la vie du personnage ; 

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Le dilemme amoureux est également un grand classique de la scène : un personnage doit choisir entre son amour et sa famille ; On peut par exemple imaginer qu’une femme ne souhaite pas quitter ses parents malades pour suivre son ami à des milliers de kilomètres pour son nouveau travail; On peut aussi imaginer qu’un des membres du couple doive choisir entre sa vie de famille et ses obligations professionnelles ; Parfois difficile de concilier les deux comme dans la vie ! Un personnage peut également devoir choisir entre deux prétendants et la pièce peut devenir une tragédie ou une comédie; Un copie a fort justement montrer un dilemme original: un roi qui refuse d’avoir un enfant de peur que ce dernier lui vole un jour son trône mais qui craint de perdre l’amour de la reine. Bien trouvé ! 

 Les questions d’honneur sont à l’origine de nombreux dilemmes : se taire ou dénoncer son bourreau pour les victimes au risque de conséquences pour leurs proches; Menace, chantage sont souvent sur scène les armes des puissants qui souhaitent assujettir leur opposant; Ainsi dans Andromaque,tragédie classique de Racine, Pyrrhus roi grec , dédaigné par sa prisonnière Andromaque, une troyenne veuve du prince Hector, décide de tuer son fils si elle persiste à refuser sa demande en mariage; cette dernière es retrouve donc face à un dilemme: soit elle condamne son fils en restant fidèle à son époux défunt et à sa mémoire, soit elle le sauve mais elle devient l’épouse de son ennemi. Racine et Corneille ont utilisé des personnages confrontés à ces choix douloureux entre l’exercice du pouvoir, la loyauté envers leur patrie, leur camp et l’amour pour un ennemi ou une femme du camp opposé. L’empereur Titus doit ainsi renoncer à Bérénice, reine de Palestine qu’il aime pourtant car le Sénat

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romain  lui interdit  ce mariage  dans la tragédie de Racine : Bérénice. 

“Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N’admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d’un hymen contraire à ses maximes.”   L’empereur  de Rome pour obéir à la raison d’Etat renonce à son projet de mariage et la reine quitte  le pays; Racine a écrit cette pièce pour rendre hommage au sacrifice du roi Louis XIV qui a renoncé à son amour pour Marie Mancini afin d’épouser l’infante d’Espagne pour des raisons politiques; Le devoir triomphe souvent de la passion au théâtre. 

Le dilemme peut également être exploité à des fins comiques : un groupe a ainsi imaginé  une campagne politique digne de House of cards qui voit s’opposer Marine Le Pont et Emmanuel Macrau , rivaux pour l’élection présidentielle, avec un chantage à la photo compromettante..mais la comédie satirique vire à la tragédie quand la candidate s’empoisonne en avalant une boîte de médicaments. Un autre groupe a fait preuve d’originalité en imaginant une infirmière maladroite qui tue un patient alors que la famille se divisait pour savoir s’il fallait ou non le débrancher .  Une situation tout à fait ingénieuse à exploiter sur le plan scénique. La palme du la sophistication du scénario revient à une copie qui a imaginé la responsable d’un accident de voiture mortel  qui s’enfuit et qui n’est autre que la mère de l’inspecteur qui doit mener l’enquête…quel dilemme s’il découvre la culpabilité de sa mère ! 

La qualité des textes , en dehors de la présence de fautes de syntaxe , reposait essentiellement sur la variété des arguments proposés par les intervenants ; en effet, un dilemme doit donner lieu à des interrogations, des questionnements ; Le style de l'argumentation s'apparente le plus souvent au registre délibératif; les personnages pèsent le pour et le contre et échafaudent des hypothèses (si ..ou bien si.. ) en fonction des choix à opérer; Ils envisagent également les conséquences de leurs actes et font part de leurs hésitations. Corneille a , par exemple traduit les hésitations de son héros Le Cid en fabriquant des stances

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Que je sens de rudes combats ! 

Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse: 

Il faut venger un père, et perdre une maîtresse

L’un m’anime le coeur, l’autre retient mon bras. 

Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, 

Ou de vivre en infâme

Des deux côtés mon mal est infini. 

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On mesure ici la paralysie du héros qui , sur scène, exprime son impossibilité à prendre une décision ; Le registre pathétique est également employé dans le monologue célèbre de Hamlet de Shakespeare où ce dernier ne sait s’il doit continuer à vivre ou se laisser mourir . 

La dernière partie du travail d’écriture consistait à indiquer au moyen de didascalies , le travail de mise en scène . C’est un point essentiel dans une écriture destinée à la représentation; c’est ce qui différencie un texte littéraire d’un texte théâtral . Si autrefois les dramaturges donnaient assez peu d’indications dans leurs textes, c’est parce que souvent les didascalies étaient internes ; Aujourd'hui, les textes de théâtre contiennent énormément d'indications destinées à faciliter le travail du metteur en scène  et à guider le passage du texte écrit à la représentation ; C'est un point sur lequel vous devez travailler car la plupart de vos didsacalies sont assez conventionnelles ; vous devez donc préciser les gestes de votre acteur : face à un choix difficile, le personnage va montrer des signes d'agitation ; Il peut tourner en rond, faire les cent pas, se prendre la tête dans les mains, mimer le chagrin, la colère; Il bouillonne à l'intérieur et cette agitation doit se traduire par une gestuelle appropriée. N’oubliez pas non plus les intonations et les expressions . Le trouble peut s’entendre avec la voix, les pauses, les changements de rythme, de volume sonore. 

Bref n’oubliez pas d’inventer et de noter entre parenthèses ou à côté des noms des personnages ,des didascalies variées et nombreuses  dans vos copies si vous devez produire un texte théâtral.

05. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Analyser un spectacle vivant : écrire un article critique après une représentation théâtrale … · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Aujourd’hui , Christophe Cardoni , un journaliste spécialisé dans la critique  des manifestations culturelles, accompagné par l’organisatrice du festival théâtral du Val d’Oise  sont  venus présenter aux élèves de première  les rudiments de l’écriture d’un article de presse qui rend compte d’un spectacle. Il s’agissait  pour eux, en 2016 d’écrire une critique de la pièce de théâtre Les Optimistes . Les élèves ont donc réfléchi durant deux heures  aux problématiques de l’analyse d’une représentation théâtrale. Cette année, ils se préparent à assister à la représentation d’Antigone 82 spectacle écrit pour le plateau à partir du roman de Sorj Chalandon : Le quatrième Mur 

 Tout d’abord, il fallait se poser la question essentielle : quel est au juste  le travail et le but  de la critique ?  S’agit-il simplement de donner son avis sur un spectacle ou le critique doit-il tendre à une certaine forme d’objectivité comme le journaliste? 
 Après une discussion avec la classe, 2 objectifs principaux pour l’écriture d’un article de critique théâtrale ont été mis en évidence  : rendre compte d’un spectacle et produire un avis argumenté; Il fallait maintenant s’intéresser aux différentes images qu’on peut conserver d’une représentation théâtrale donc s’interroger sur son esthétique 

 Les élèves ont alors tenté de dégager les composantes du spectacle vivant en partant du postulat de base selon lequel toute représentation  est interprétation. 

Les questions relatives au texte et à son adaptation : la dimension visuelle 

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 Un spectacle est bien entendu , le plus souvent, composé à partir d’un texte écrit  mais il ne s’agit pas toujours d’ un  texte produit par un seul individu  . Qui écrit le spectacle ? est-ce l’auteur ? est-ce le metteur en scène ? 
 De plus en plus, certains spectacles sont produits à partir d’une écriture collective dite de plateau ; les acteurs participent ainsi à l'écriture du spectacle en mutualisant leurs souvenirs, leur idées, leurs avis .

Quel est le rôle du metteur en scène ? 
Le metteur en scène est-il juste un traducteur ? est-il un véritable créateur même si ce n’est pas lui qui a écrit le texte ? Qu’est-ce qu’un geste de mise en scène ? existe-t-il un rapport de soumission, de hiérarchie entre l’oeuvre originale et l’oeuvre produite par le moteur en scène (quand il n’est pas l’auteur ) 

I L’analyse du spectacle 

1 La dimension esthétique

 Le spectateur qui assiste à une représentation se trouve confronté à une foule d’informations visuelles, auditives et il doit, en même temps, faire face à des sentiments variés, des  impressions qui peuvent changer d’une représentation à l’autre. La dimension esthétique du spectacle regroupe  ainsi ces différents éléments :

  • Le décor .  Il a une fonction illustrative mais pas seulement ; il peut être symbolique et son absence correspond également à un choix du metteur en scène ; elle peut être analysée comme un geste de mise en scène. Un décor sommaire peut symboliser le dénouement ou l’ atemporalité .
  • Le costume .  Lui aussi a plusieurs fonctions : simple illustration ou symbolique, il peut indiquer une époque historique ou faire référence à l’actualité de la mise en scène. Le roi Lear , le héros tragique d’une pièce de Shakespeare  nu sur scène  peut suggérer l’extrême solitude du personnage qui a tout perdu alors que la nudité de Don Juan pourrait mettre en valeur son pouvoir de séduction ; la nudité d’Antigone pourrait être perçue soit comme un acte de révolte à la manière des Femen , soit comme une preuve de fragilité qui la rendrait encore plus démunie face à Créon. 
  • L’éclairage. Il doit être interrogé et on peut proposer là encore des interprétations variables: lumière crue, ou douce, chaude ou froide; On peut imaginer Créon dans le noir et Antigone en pleine lumière ou le contraire ; Cela modifie la perception pour le spectateur de leurs rapports de force. 
  • Les moyens techniques sont désormais plus importants et permettent d’intégrer des techniques comme la vidéo qui devient parfois un moyen de faire entrer le hors champ sur le plateau , à la manière des récits des messagers dans le théâtre classique. Des caméras sur scène peuvent également boomer des détails te les projeter au public; On dit alors que le théâtre reprend le langage du cinéma et s’empare de se moyens techniques . 
  • Les sons et notamment les bruitages jouent également un rôle important ; de plus le spectateur doit distinguer les différentes  sources des effets sonores; ainsi  la musique  peut avoir plusieurs effets possibles selon qu’il s’agit d’une musique enregistrée ou  d’une musique jouée sur scène par un acteur :  on dit alors qu’elle est réalisée à vue La musique peut aussi créer une ambiance 

2. Les acteurs  et les questions relatives au jeu 

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Le jeu des acteurs est un compartiment très important de la représentation et il est difficile de l’analyser sans distinguer le rôle de la direction d’acteur assumée par le metteur en scène.  
 Le spectateur se montre souvent sensible à ce qu’il imagine de la  concordance du jeu avec le rôle : il va ainsi exprimer la qualité du jeu de l’acteur en fonction de ce qu’il imaginait du personnage . 
La direction des acteurs consiste à leur donner des indications de jeu, à leur expliquer comment ils doivent interpréter leurs textes mai également quels gestes ils doivent effectuer, quels déplacements et quelles expressions ils doivent tenter de reproduire . 
 le spectateur peut alors se poser la question de ce qu’il ressent en voynat un acteur jouer sur scène : Parvient -il à dégager de l’émotion ?  Cette émotion  est-elle partagée?. Est-ce que ses émotions sont transmises à l’ensemble de la salle ? Ressent- on tous la même chose face à un spectacle ? Certains spectateurs se sentiront peut être  touchés et d’autres demeureront  indifférents . D’autant que se pose le  problèmes des parasites du spectacle : le bruit d’un portable, le bruit d’un voisin, la fatigue, un mauvais placement..autant des facteurs qui peuvent altérer notre perception du spectacle . 

3. Le travail de mise en scène 

Pour le spectateur , il peut s’agir de juger de la qualité de l’adaptation de ce qu’il voit par rapport à l’oeuvre originale qui peut parfois provenir d’un autre univers comme le roman , par exemple. On qualifiera d‘interventionniste un metteur en scène qui met de la distance entre l’oeuvre et ce qu’il propose comme interprétaion; On évoquera également une interprétation personnelle : plus l’écart est grand entre l’oeuvre de départ et celle fabriquée par le geste de mise en scène, plus on mesurera sa dimension créative. Certains metteurs en scène demeurent extrêmement fidèles à la pièce de départ : ils font par exemple représenter des comédies de Molière avec des costumes d’époque,  un décor qui imite les meubles du siècle de Louis XIV, la prononciation d’autrefois, l’éclairage à la bougie sur scène et l’absence totale de trucages dans la mise en scène.

Mais rendre compte d’un spectacle, c’est aussi adopter une stratégie argumentation efficace 

II La dimension argumentative  

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Votre article est écrit pour être lu: il doit donc immédiatement accrocher le lecteur et lui donner envie de lire la suite. 

Le titre : il sera court, avec un seul verbe conjugué et il  pourra comporter un jeu de mots; On peut aussi y mentionner le nom d’un acteur célèbre et le titre de la pièce s’il s’agit d’une oeuvre connue. 

Le chapô

Il donne la couleur de l’article et apparait sous la forme le plus souvent d’une ou deux phrases qui précisent le cadre de la représentation (date, salle )  et la nature de l’objet dont on parle (pièce, film..) Le registre du blâme ou celui de l’éloge seront sans cesse utilisés ; on peut penser aussi aux connotations péjoratives ou mélioratives; Tous les moyens argumentatifs peuvent être employés selon leur efficacité : la question rhétorique, l’énumération, la concession ,le registre polémique  

le corps de l’article: il mêle habilement réception du spectacle (subjectivité ) et description des composantes de rapièce ( notations objectives ) 

La fin de l’article; elle doit avoir une valeur généralisante : Tout simplement superbe … A éviter à tout prix donc

 Quelques interdits : On n’emploie jamais le Je et on respecte le travail qui a été fourni par la troupe même si le spectacle ne nous a pas plus ; il est exclu d’injurier ou de vilipender ; les critiques si elles sont négatives prennent appui sur des élements factuels qui sont décrits avec précision.  La vérité n’existe pas dans le domaine de la critique d’art et cela demeure un domaine de liberté d’expression. 

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Alors à vos claviers ..

 Pensez que vous écrivez une  critique de spectacle qui doit comporter 

  • un titre 
  • Le chapô juste en dessous, va orienter la réception de l’article et préciser le cadre 
  • votre argumentaire va s’efforcer de lier les différents éléments du spectacle 
  • une touche finale

En mode numérique, efforcez-vous d’atteindre les  1200 signes ou 1/2 page Word. Vous ne pourrez jamais tout dire: ce n’est pas l’objectif ..juste ce que vous avez pu observer et apprécier 

 

 

08. mars 2017 · Commentaires fermés sur Commentaire littéraire : Rhinocéros : L’exposition · Catégories: Commentaires littéraires, Première · Tags:

 En guise d’introduction …

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La pièce de Ionesco, Rhinocéros est quelque peu étrange pour le spectateur à l’image de son titre énigmatique ;  Elle fait partie du théâtre de l’absurde qui se donne comme objectif de montrer  une certaine forme d’absence de sens de l’existence . Une épidémie de rhinocérite transforme brusquement les habitants d’une petite ville en pachydermes brutaux ; tous vont-ils y succomber ou certains résisteront-ils à cette épidémie. L’exposition s’ouvre avec comme décor la place d’un village , plus précisément la terrasse d’un café; deux amis  Jean et Béranger discutent et leur conversation va être interrompue par l’arrivée d’un troupeau de rhinocéros . Comment Ionesco parvient-il à faire surgir l’absurde d’une situation qui paraît banale?..Nous verrons tout d’abord qu’il s’agit d’une scène de la vie quotidienne perturbée par un événement fantastique qui annonce la tragédie à venir. 

Vous trouverez ci -dessous le plan détaillé du commentaire littéraire de ce texte proposé au bac blanc …

 

A Une scène de la vie ordinaire

1/ Des personnages ordinaires aux relations stéréotypées 

  • Personnages nombreux sur la scène.
  • Déterminant défini générique qui renvoie à un ensemble, à une catégorie que les personnages représentent : L’épicière…
  • Désignation des personnages fantaisiste : prénoms ou fonction ou désignation vague « Le vieux monsieur »
  • Des rapports de force marqués entre les personnages (sexe/social/ professionnel)

2/ Une dispute entre amis  

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  • Discussion autour de thèmes en apparence banals : la routine du travail « Tout le monde travaille […] tous les jours » ; les congés.
  • Ton véhément de Jean qui introduit un rapport agonistique dans la conversation : répétition de « moi aussi », répétition du marqueur d’opposition « pourtant », interjection « que diable !… » ; comparatif de supériorité « mieux que… » ; interrogation rhétorique « seriez-vous une nature supérieure ? » # Négations de Bérenger.
  • Jean est jaloux des relations sociales de Bérenger : ton ironique « Si vous vous en souvenez » et acrimonieux avec la répétition de « notre ami Auguste ? » + interrogations rhétoriques « Y suis-je allé moi ? » = mauvaise foi de Jean marquée par l’absence de logique de sa réfutation. 

 

3/ Une action routinière dans un cadre spatio-temporel réaliste

  • Un café ; une épicerie 
  • « Bonjour, Messieurs que désirez-vous boire ? » 
  • Une identification qui se fait par les lieux et le mode vestimentaire : chapeau mou, canne à pommeau d’ivoire ; petite moustache grise 
  • « La poussière soulevée par le fauve, se répand sur le plateau »➔Il n’y a plus rien à voir : scène peu importante…
  • Réduction de l’importance de la scène : « Il me semble, oui, c’était un rhinocéros »

 

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ion1.jpg, mar. 2017

B Un événement fantastique

  1. Un événement préparé et prolongé par le hors-scène
  • « A ce moment on entend le bruit très éloigné, mais se rapprochant vite, d’un souffle de fauve et de sa course précipitée, ainsi qu’un long barrissement. » ➔L’action est soustraite aux yeux des spectateurs, seule une bande sonore capte notre attention annonçant un bruit insolite et animal qui reste indéterminé.
  • « Bruits devenus énormes ; bruits de galop d’un animal puissant et lourd ; tout proches ; très accélérés » ➔ maintien du suspens + accroissement de la tension du spectateur et du lecteur à mesure que les bruits se rapprochent.
  • « en provenance de la gauche des “oh ! des “ah des pas de gens qui fuient. La poussière, soulevée par le fauve, se répand sur le plateau » ➔ les didascalies externes indiquent encore que l’événement se résume aux conséquences du passage du rhinocéros. Les spectateurs ne semblent pas le voir, ils ne peuvent que se l’imaginer en entendant les cris d’effroi ou de surprise des personnages qui se trouvent maintenant dans le hors scène côté cour. Mais à la bande sonore s’ajoute ici l’élément visuel de la poussière qui explique sans doute pourquoi le rhinocéros ne paraît pas à nos yeux. Cela accentue le mystère qui entoure cette apparition fugace.

 

2 Un événement inexplicable

  • Onomatopées + Phrases nominales + Modalités interrogative et exclamative ➔ surprise des personnages qui ne s’attendait pas à voir un rhinocéros en liberté.
  • « Oh ! un rhinocéros ! » ➔ caractère insolite de la présence du pachyderme dans une petite ville de province, où il n’y a ni cirque ni zoo.
  • « Les bruits produits par l’animal s’éloigneront à la même vitesse » + « tomber » x2 + « une bouteille se brise » ➔ Un événement fugace et violent. Nous ne savons d’où vient le rhinocéros, il renverse tout sur son passage et d’ailleurs il disparaît aussi vite qu’il apparaît nous laissant dans l’incapacité d’expliquer quoi que ce soit. Rien ne justifie sa présence et sa course effrénée.

3 Un événement bouleversant

  • « Mais qu’est-ce que c’est ? » x2 ; « Oh ! », « ah ! » ; « il remue les lèvres ; on n’entend pas ce qu’il dit » ➔ Cet événement provoque l’incompréhension et le désordre dans les discours des personnages qui devient cacophonique et inaudible.
  • « fait tomber sa chaise » « laisse tomber son panier, ses provisions se répandent sur la scène » ➔ Les objets se renversent comme le laisse entendre les verbes tomber et répandre et manifestent sans doute, de façon symbolique, le bouleversement des personnages qui ne se maîtrisent plus et ne les maîtrisent plus.
  • « Le Vieux Monsieur élégant […] se précipite dans la boutique des épiciers, les bouscule, entre, tandis que le Logicien ira se plaquer contre le mur » </i>; « des pas de gens qui fuient » </i>; « Ce que j’ai eu peur ! »➔ L’événement est encore une source d’actions qui traduisent la peur des personnages comme le dénotent les verbes ainsi que la forme exclamative et emphatique de la réplique finale de la ménagère.

C/  Une scène qui révèle l’absurdité des hommes et annonce le tragique à venir

  1. Une existence humaine comique
  • Le comique du langage : répétitions
  • Comique de situation : « Bérenger, toujours indolent » ; « il remue les lèvres ; on n’entend pas ce qu’il dit ».
  • « se lève d’un bond, fait tomber sa chaise en se levant »# « Bérenger, toujours un peu vaseux, reste assis »// « se précipite », « les bouscule », « le logicien ira se plaquer contre le mur du fond » ; « éternue »/ « éternue »/ « se mouche » ➔ Comique de farce

 

2 . Des répliques qui marquent la faillite du langage

  • Impossibilité de s’entendre : « criant presque pour se faire entendre ».
  • Le  sens du mot « devoir » est ramené à son degré le plus bas (décalage entre l’abstrait et le concret)
  • Décalage que l’on retrouve dans les postures des personnages
  • Une parole appauvrie qui se réduit à des monosyllabes
  • Une parole illogique : « et pourtant vous me voyez » conclusion étrange si on ne se réfère pas à la situation d’énonciation et à la gestuelle qui doit accompagner le discours (ici l’absence de didascalies nourrit l’équivocité et souligne l’absurdité d’un logos déraisonnable) // « Tout le monde doit s’y faire. Seriez-vous une nature supérieure ? » // « C’est peut-être justement que vous n’avez pas été invité ! »

 

3. Une existence dont la vacuité semble devoir être comblée par la violence.

  • « Tout le monde travaille […], moi aussi […] je fais tous les jours mes huit heures de bureau » ; « je n’ai que vingt et un jour de congé par an » ➔ sentiment d’asservissement au travail
  • « Et pourtant vous me voyez »➔ l’absence de didascalies qui explique la situation d’énonciation dans laquelle est prononcée cette réplique rend possible l’interprétation philosophique ou ontologique selon laquelle l’existence de Jean et des gens qui lui ressemblent (l’homonymie nous autorise encore cette explication) se réduit à une simple présence sans véritable pensée digne de ce nom.
  • « je ne m’y fais pas, à la vie » ➔ Difficulté de vivre et souffrance de l’homme obligé de supporter sa condition.
  • « bruits forts », « énormes », « Il fonce droit devant lui, frôle les étalages ! », « Viens voir ! », « Tous suivent du regard […] la course du fauve » ➔ Attirance et fascination pour la violence comme le traduisent les jeux de regards et la curiosité des personnages spectateurs de leur propre Histoire. Ce jeu de regard reflète d’ailleurs le public encouragé à réfléchir sur sa position devant la scène mais également devant le théâtre du monde (il s’agit là d’une mise en abyme). Dans ce cadre le rhinocéros serait une manifestation métaphorique des totalitarismes qui sévissent encore après la Seconde Guerre mondiale.

CCL. : Résistance de Bérenger qui agit à contre-courant mais cela est-il dû aux effets encore persistants de ses libations ? Est-il un original ou s’oppose-t-il consciemment aux réactions de la foule ?