Chers zélèves,
Une seconde lettre d’Henri Lange (souvenez-vous, nous en avons lu une première en classe) : notez ici le discours patriote, rehaussé du sentiment d’avoir à prouver à la nation d’accueil un patriotisme que les citoyens français nés sur le sol pourraient peut-être un jour lui contester…
Henry Lange était le fils d’un homme d’affaires établi en région parisienne. Sa famille d’origine juive et alsacienne était établie à Neuilly depuis plusieurs générations. Il avait quitté le lycée Pasteur le Jour de ses dix-sept ans pour s’engager, en 1915. Il avait l’habitude d’écrire souvent à ses parents et sa sœur Hélène. Élève dans une France encore divisée par l’affaire Dreyfus, Henry pensait qu’il avait une dette de « bon Français » envers le pays qu’il aimait. Il n’a donc cessé d’intervenir pour être toujours plus exposé. Il a été tué à la tête de sa section le 10 septembre 1918 à l’âge de vingt ans.

 

5 octobre 1917

Rien à signaler aujourd’hui encore : nous vivons ici une vie assez monotone, qui se recommence chaque jour, dans une campagne infiniment calme et reposante. Je jouis infiniment de la beauté douce et tranquille de cette fin d’été, de ce début d’automne. Il y a, en cette saison, un parfum te mélancolie émouvante, suave, dont je me sens profondément imprégné. J’ai l‘impression qu’en cette saison quasiment crépusculaire, les âmes sont meilleures et les cœurs plus sensibles… Et pourtant, on continue à se battre. Non, je n’aime pas la guerre ; et je ne voudrais pas qu’un jour quelqu’un pût dire que les combats s’écrivent ainsi qu’une partie de football ou de tennis. Je suis décidé à être un bon soldat très brave et j’ai la prétention de m’être déjà bien comporté au feu parce que c’est mon devoir et par amour de l’idéal : depuis deux ans, je me suis mis « au service de l’idéal », au service d’un certain nombre d’idées telles que celles-ci : tout jeune homme doit s’engager, dès que son âge le lui permet, et si sa santé n’est pas trop faible, un engagé doit rester au dépôt le maximum de temps possible. À 19 ans, on doit être fantassin quand on est français, et qu’on est jeune et fort, on doit être heureux et fier de pouvoir défendre sa patrie. Quand on est français de date récente, et surtout quand on fait partie de cette race juive méprisée et opprimée, on doit faire son devoir mieux que personne. Et puis il faut bien que dans une famille où il y a des M… des B… et des S… il y ait quelqu’un qui se batte pour de bon ! Je n’aime pas la guerre, mais je n’en souffre nullement, ni au physique, ni au moral. Je SUIS très heureux (car je suis une bonne poire) à 1’idée qu’à la fin de la guerre, je pourrai être satisfait de moi, mais sais fort bien que personne, quelques mois après la signature de la paix, ne différenciera ceux qui se seront battus de ceux qui se seront reposés… ceci n’a d’ailleurs aucune importance : j’agis égoïstement pour moi, pour vous, et pour l’idéal.

Je n’ai pas de lettre de vous aujourd’hui.

Je suis toujours embusqué et sans doute pour quelques mois encore.

All perfect.

À vous,

Henry Lange

A lire, en complément, si vous le souhaitez, une lettre (fictive) écrite par une élève de troisième à la famille d’Henri Lange dans le cadre d’un concours : http://memoire1418.free.fr/histoires/histoiresarticle13.html

Nov
03
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 03-11-2013

Monument aux morts de Verdun-sur-Garonne, le 21 octobre.

Monument aux morts de Verdun-sur-Garonne, le 21 octobre. (Photo Eric Cabanis. AFP)

Souvenez-vous, chers zélèves de troisième, nous évoquions voici quelques jours (avant les vacances), en lisant la préface du recueil de lettres Paroles de Poilus,  le concept du devoir de mémoire. Je vous avais alors parlé de la controverse au sujet du maintien, en 2013, des cérémonies de commémoration d’une guerre dont tous les soldats sont désormais morts. Après un siècle, est-il encore nécessaire de commémorer un armistice, une entrée en guerre ? Il semblerait que la réponse de l’Etat soit dans ces préparatifs de grande ampleur du centenaire de la mobilisation générale, de l’entrée en guerre : on célébrera 1914, avant, sans doute, de célébrer 1918…

D’aucuns pensent qu’il est vain de commémorer ainsi un événement oublié (oublié ?) et évoquent l’aspect économique d’un tel événement : vous savez, vous qui l’avez étudiée, quelles sont les causes, les conséquences de cette Grande Guerre, et je gage qu’après avoir lu les lettres des soldats du front, dans votre recueil Paroles de Poilus, vous ne serez pas aussi ignorants au sujet de cette guerre ni indifférents à ce que vécurent ces soldats que certains veulent bien l’imaginer.

Doit-on commémorer encore ? Déplacez-vous lundi prochain, 11 novembre, rendez-vous à la cérémonie de commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 sur la place de votre ville ou village : ce lundi est férié. Nous en reparlerons le mardi 12 novembre. Aurez-vous choisi la grasse matinée ou bien l’acte citoyen ? Le terme “acte citoyen” pouvant m’être contesté.

http://centenaire.org/fr

Nov
03
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 03-11-2013

Pourquoi les manifestants Bretons portaient-ils, hier, un bonnet rouge ? Un symbole, dit-on, de la révolte populaire bretonne. En 1675, déjà, les bretons manifestaient contre une taxe imposée par Colbert, sous le règne de Louis XIV.

Le bonnet rouge ne peut manquer de faire penser au bonnet phrygien : symbole de la Révolution française de 1789…

Sur ce tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple : Marianne porte un bonnet rouge.

Nov
03
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 03-11-2013