Jacques Brel (20ème siècle)
Stromaé (21ème siècle)
Cette génération d’élèves, finalement, ressemble aux autres en matière de manque de repères dans le temps : quand on évoque 39-45, on a droit -systématiquement- à la question “Vous étiez née, M’dame ?”… La télévision en noir et blanc, les cabines téléphoniques, les présentatrices télé, sont autant d’occasions de leur rappeler à quel point nous sommes… plus vieux qu’eux. Attention : depuis quelques années, ce phénomène se déplace en salle des profs, ce qui, mon cher Mastorgio, est pour vous comme pour moi un signe de vieillissement précoce (ou est-ce qu’on donne le CAPES aux moins de 20 ans, aujourd’hui ? De mon temps… )
Une façon de susciter chez nos zélèves une onde de stupeur et de tremblement, c’est de leur expliquer que vous avez à peu près l’âge de leurs parents (et en aucun cas celui de leurs grands-parents !!!) : essayez, c’est drôle de regarder leur expression. Ils réalisent alors que non, non, vous n’êtes pas atemporel(le), (même si M. Mastorgio entretient ce mythe…) ils raccrochent l’image de votre naissance aux photos de leurs propres parents en culottes courtes (mhum, le must du must : en sous-pull jaune, survêtement Addidas marron, très tendance en 1974…) et vous voici classé dans la catégorie “ringard”.
Osez, au cours d’une explication de texte, d’une discussion en option media, dire que non, décidément, pas besoin de poser vingt mille fois la question, vous n’aimez pas Sexion d’assaut (faut-il encore dire pour quelles raisons ?), ils vous harcèleront pour connaître vos goûts en matière de musique. Libérez, alors, les chanteurs de votre enfance, de votre adolescence : osez Brel, Brassens, Piaf. Hilarité assurée, côté génération Y. “M’Dame, Piaf, c’est le Moyen-Age, quand même !” (quand je vous dis qu’ils n’ont aucun repère en Histoire…)
“Ne me quitte pas, il faut oublier, tout peut s’oublier… ” : stupeur, c’est un élève de quatrième qui fredonne du Brel ! Mais pour rire, pour tourner en dérision ce “Ne me quitte pas”.
Enfoncez le clou en parlant poésie, sonorité, émotion, chanson à texte, tout simplement… En face, l’onde de rire perdure : “Mais, on va pas faire non plus une explication de texte des chansons !” Vous devriez, très chers ados, vous devriez… Les chansons d’Orelsan, de Kerry James, par exemple, vaudraient bien qu’on les comprenne avant de les fredonner, à mon sens…
Allons, essayons d’entrer dans ce 21ème siècle : ce Stromaé, que d’aucuns ont osé comparer avec Jacques Brel, qu’écrit-il ? Joue-t-il avec les mots ? Les images ? Le rythme, les sonorités ? Ses chansons sont, c’est certain, des chansons à texte : ses textes sont-ils bons ? A vos arguments, j’attends d’être convaincue.