Mai
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Classé dans (Revue de presse) par Agnès Dibot le 21-05-2015

On parle beaucoup de cette “réforme du collège” en ce moment (sisi, il suffit de s’informer pour le savoir ;)) : mais qu’est-ce donc que cette chose là ? Petit article né d’une discussion avec mes deux zélèves survivants cette semaine en option media : les autres sont soit en Angleterre, soit en Espagne, soit bien au chaud chez eux (n’est-ce pas, Sidi ?) : Maleyni et Yannick.

Revenons à nos moutons… Il s’agit de changer l’organisation des enseignements au collège afin de favoriser davantage l’égalité des chances des zélèves : c’est-à-dire, donner plus de chances à tous les zélèves de trouver un travail plus tard. (en gros).

Pour simplifier, que tous les zélèves, quelle que soit la “classe sociale” dont ils sont issus, aient les mêmes chances, et qu’on gomme les “élites” : qu’il n’y ait plus d’élèves favorisés dans le choix de leur orientation parce qu’ils sont plus “élevés socialement”.

Dans notre collège (classé REP+), on observe que les origines sociales sont multiples :

– des enfants d’ouvriers (beaucoup recensés lors d’un sondage en option media)

– des enfants de PDG (cadres de PME)

– des ingénieurs (allez, un, sûr !)

– des banquiers, médecins (allez, un de chaque, peut-être pas plus)

– des chômeurs (beaucoup, même plus que d’ouvriers, hélas)

– des enfants d’enseignants (un !!!)

– des enfants de mères au foyer

Au-delà des professions, beaucoup de familles nombreuses, des familles monoparentales (des parents séparés), des familles recomposées (donc, souvent nombreuses !) : bref, la vraie vie, en somme…

– des enfants venus d’ailleurs : des zélèves arrivés d’Espagne, de République Dominicaine, du Maroc, d’Arménie, d’Algérie, de Martinique, d’Afrique subsaharienne.

Tous ces zélèves ont-ils la même chance de réussir leur scolarité au collège ?

En général, les enfants ayant des parents aisés financièrement ont plus de chances de réussir : ils sont dans un milieu plus favorable car ils peuvent faire des activités extérieures : ils peuvent se payer des licences pour faire du sport, ils peuvent faire du piano (c’est pas tout le monde qui peut faire du piano, même s’il y a le conservatoire), leur environnement est plus favorable au travail : leurs parents ont une situation plus aisée, ils peuvent offrir à leurs enfants des livres, tout ce dont ils ont besoin pour s’instruire, sans compter ce qui leur reste à la fin du mois. C’est un stress, de faire les comptes… Des livres, des stylos, des ordinateurs, des tablettes, des téléphones (avec application “révisions Brevet” 😉 qu’on peut regarder dans le bus quand on galère ;)), des vacances, des séjours linguistiques pour apprendre les langues étrangères, des cours particuliers pour avoir plus de connaissances dans une matière particulière…

Les autres sont en plus grande difficulté pour être aidés dans leur scolarité : des parents qui ne parlent ni ne lisent le français ont du mal à lire les bulletins trimestriels. Les parents qui travaillent pour joindre les deux bouts à la fin du mois n’ont pas le temps de s’occuper des plus grands, qui s’occupent des plus petits… Ces zélèves-là, surtout les filles, consacrent plus de temps à leurs cadets qu’à leurs propres études : les filles, surtout, font, en plus, la vaisselle, le ménage, du coup, elles arrivent à l’école fatiguées, déprimées. Tout le monde ne peut pas s’offrir un lave-vaisselle ! Ca, c’est surtout dans la culture africaine (ce sont deux zélèves d’origines sénégalaise et camerounaise qui le disent !), précise-t-on. Pour les garçons, ce sont plutôt les mauvaises fréquentations qui empêchent de travailler : “si vous êtes dans un quartier plus chaud, M’Dame, vous ne risquez pas de rencontrer un bourgeois (sic !)”. “y en a, des bourgeois, ajoute un autre, mais ils sont dans la campagne ;)”, dans leur petite maison bien entretenue à Senillé, à Targé… Les autres, vu le prix des maisons, du loyer des maisons à Châtellerault, ils ne peuvent pas s’offrir autre chose que les logements sociaux ou les appartements, jusqu’au F4. “Nous, on est 5 dans un F4, mais des bébés sont arrivés”.

Petit intermède : Maleyni se demande pourquoi son prénom est surligné par le correcteur orthographique et pas celui de Yannick : pourquoi, en effet ? 😉 “Mon prénom, il vient du bled, c’est le prénom de mon grand-père”… “J’appellerai mon fils Maleyni Junior. Et je dirai à mon fils qu’il appelle son fils Maleyni Junior Junior. “On peut déterminer l’origine culturelle, ethnique de quelqu’un par son prénom”, dit Yannick : il y a des noms et des prénoms qui nous font dire : “lui, c’est un arabe, Yacine, par exemple. Lui, c’est un français, Yannick, par exemple” : ah, raté, Yannick est né à Yaoundé, au Cameroun ! Au bled, ils donnent des prénoms français. Le prénom français type, c’est Charles. Au Cameroun, ils donnent des prénoms français : Vincent-Aboubacar ! c’est un joueur de foot camerounais. Cette remarque sur les prénoms nous ramène à l’actualité : le maire FN d’une ville aurait “fiché” les zélèves musulmans de sa commune simplement en se référant à leurs nom et prénom. Interdit : c’est une forme de statistiques dangereuse, que de recenser une catégorie de la population sur des critères religieux, ou supposés religieux.

Vous nous direz : “quel rapport avec l’égalité des chances ?” : nous vous répondrons donc qu’avec Maleyni et Yannick, forcément, la conversation digresse au bout d’un moment ;).