Juin
06

Comme dit mon ami François, froid et revêche, c’est bien connu: “la frite c’est la fête, le gras c’est la vie”. Bien, certes, mais si je regarde les taux de mortalité dans le Nord, je ne suis pas persuadé que l’argument santé tienne la route, en revanche, pour tout ce qui est festivités, vous pouvez avoir confiance, les Nordistes savent faire la fête. J’ai plusieurs mariages d’anciens à mon actif et, croyez moi, ce n’est pas la peine de penser, ou espérer pouvoir dormir dans de telles occasions. Comme pour tous les mariages? Je ne sais pas…

Et quels plats peut-on trouver en de telles occasions, ou d’autre,  dans les restaurants, ou les baraques à frites du Nord?

En raison de la situation géographique du Nord et du site de Fourmies, la cuisine et la gastronomie sont influencées par divers autres pays et régions, en premier lieu la proche Belgique. Fourmies se trouve ainsi, nous le savons, à la frontière belge, non loin de Chimay, célèbre pour sa bière et son fromage, on pourrait aussi citer le château et l’église mais…

Puisque nous en sommes au fromage, il y a le Maroilles, un carré orange fort odorant qui doit être entamé en biais, le Vieux-Lille et la boulette d’Avesnes. Ah, la boulette, un élève eut l’idée de m’en apporter une en cours, original, essayez! (c’est la photographie) Vous pouvez essayer aussi l’omelette au maroilles, mais, ne sortez pas après.Afficher l'image d'origine

Si vous vous rendez à Lille début septembre, vous n’échapperez pas  à la braderie et à ses tonnes de moules et de frites.

Si l’aventure ‘baraque à frites’ vous tente, là, le choix est large, pensez  à la frite fricadelle, ou à l’américain, et, car elles le valent bien, redemandez une portion de frites en plus.

J’ai souvenir d’une visite, avec des terminales, d’une distillerie de genièvre, je n’en ai pas bu, mais, les vapeurs qui se dégageaient suffirent à me rendre quelque peu pompettes je l’avoue. Je ne savais pas que mes lycéens, à la descente affirmée, pouvaient endurer cela facilement alors que moi, abreuvé de lait de chèvre, je frisais le coma éthylique à simplement déambuler entre les alambics. Toujours est-il que le retour en bus fut… hilare.

Pour ceux qui aiment le chocolat, faites un tour en Belgique, un régal, si vous aimez terminer le repas par un café, idem. Le Nord a, de son côté développé la chicorée, ersatz de café, produit à partir de racines d’endives, (pardon, de chicons, tiens , on continue le vocabulaire aussi). Ce n’est pas ce que je préfère. Si vous avez la bouche sucrée, vous pouvez penser à la confiture de pissenlit, à la confiture de lait, à la tarte au sucre, au libouli (lait bouilli), à la coquille de noël qui est une brioche en forme de couffin que l’on destine plus aux garçons.

Et puis, on pourrait parler de la carbonnade flamande du potjevleesch, ce qui nous conduirait fort loin. Dans tous les cas de figure, vous trouverez des éclaircissements et des recettes sur internet, peut être Florian pourrait-il envisager de cuisiner cela chez lui? Ce serait du dépaysement. Mais avant, il y a le brevet à passer et à réussir.

Dépaysement, c’est bien le mot, lorsque l’on se rend dans le Nord. Les quelques articles publiés ces derniers temps l’auront, je l’espère, fait comprendre, mais, plus encore, j’eus souhaité qu’ils vous donnassent l’envie de vous rendre in situ, afin de voir, de ressentir, de goûter, tout ce que ce département, et plus encore ce petit coin de Fourmies, peut avoir, en dépit de tous ses soucis, comme atouts et attraits. Retourner à Fourmies, pour moi, c’est une cure de jouvence, c’est l’alpha de ma carrière, ce sont de bons moments assurés, quel que soit le temps, ce sont des personnes agréables quel que soit l’état du pays, ce sont des plats et des boissons qui conservent, pour moi, un caractère d’exotisme, c’est, tout simplement, un merveilleux moment de vie. A toutes celles et ceux qui le rendent possible, depuis des années, je dis merci.

Mai
30
Classé dans (La recherche du temps perdu) par la Vieille Garde le 30-05-2016

http://www.linternaute.com/ville/fourmies/ville-59249

le site qui précède et vers lequel je renvoie fournira des données chiffrées précises afin que le lecteur se fasse une bonne idée de ce que peut être le climat fourmisien.

Les lignes qui suivront seront en clair-obscur, entre gris clair et gris foncé (toujours des carambars à gagner), puisque, évoquer le climat, dans le Nord, et plus encore, à Fourmies, c’est aborder une question des plus délicates. Cependant, force est de constater que, pour le moment, en ce qui concerne le climat, nous sommes nous aussi dans une situation peu enthousiasmante.

Les lecteurs familiers des romans de Conan Doyle ou d’Agatha Christie ont en tête déjà quelques indices relatifs au climat: arrivée en été par 20 degrés, herbe verte le 15 août, industrie lainière, appartement glacial, par exemple. Comme eut dit Hercule Poirot, il s’agit alors de faire travailler ses petites cellules grises et de trouver des enchainements, élémentaires, ma chère Agnès.

Le Nord bénéficie d’un climat océanique, mais, à nette tendance continentale à Fourmies. Tout le monde à compris ce que je voulais dire, cela s’aborde en géographie, au collège. En résumé et comme l’indique le site qui précède, il pleut plus qu’ailleurs, il y a moins de soleil qu’ailleurs, il fait plus froid qu’ailleurs. Par “ailleurs”, comprendre “Poitou”, mais pas uniquement! Je ne suis pas régionaliste. D’ailleurs, dessine moi une région… et surtout révisez les pour le brevet.

Ainsi, en automne et en hiver, trois semaines de brouillard, de grisaille, permanente, était quelque chose de fréquent. Et puis la neige, encore me suis-je laissé dire qu’avant les hivers étaient vraiment rigoureux. La neige, c’était si beau, surtout quand je pouvais marcher jusqu’aux étangs des moines, le lieu de promenade local. Tout cela méritait bien une cape, c’est à cette époque que je fis l’acquisition de cette pièce de vêtement, afin de pouvoir, matin et soir, traverser, glissant sur le manteau neigeux, silencieusement, la ville. Heureusement un de mes élèves (devenu professeur des écoles et père de famille) était fils de policier, il avait prévenu son père de mon accoutrement, cela m’évita sans doutes une interpellation au cours d’une patrouille matinale alors que, seul, sur le trottoir, (carambar!) je traversais les pâles halos lumineux que des lampadaires exsangues laissaient tomber, plus qu’ils ne les projetaient, sur le sol immaculé.

Après l’hiver, venait le printemps, toujours tardif, cette année il est encore tombé de la neige le 29 avril, c’est dire. Il me semble que, plus l’hiver est sombre, plus le printemps semble beau. De là à dire que plus la souffrance est intense, plus on est heureux de s’en sortir, il n’y a qu’un pas, et nous ne devons pas être loin de la vérité. De ce fait, c’était un plaisir chaque jour renouvelé de passer devant les jardinets de la rue, de regarder les fleurs, d’écouter les oiseaux. Tout cela est, j’en suis conscient d’une naïve candeur, mais c’est pourtant si vrai et si simple. Le fait de marcher, ou d’aller en bicyclette, mais c’est déjà bien plus rapide, permet de porter sur la vie et notre environnement un regard différent. Le soir, lorsque je sortais tôt, la boutique de la fleuriste était ouverte. Petite boutique, mais, déjà un tel plaisir, ces fleurs, toute l’année, sur mon chemin.

Chemin qui se poursuit en été. Ah, l’été! Existe-t-il à Fourmies? C’est un paradoxe. Nous avions des jours de canicule terrible, lorsque cela tombait au moment du bac j’étais “en panique” et j’allais au lycée encore plus tôt, les femmes de ménage ouvraient les fenêtres mais moi je venais pour faire des courants d’air afin que les salles soient plus fraiches. Donc, la canicule, oui. Notez, au premier rayon de soleil avec 15 degrés certains venaient en T-shirt et bermuda… Mais surtout, de la pluie, d’orage, après chaque jour de grande chaleur, et sous toutes ses autres formes, toujours, tout au long de l’année, d’où cette verdure permanente des pelouses et forêts et, en dehors des périodes de canicule, des températures assez fraiches malgré tout. Ainsi pourrait-on dire qu’à Fourmies, il y a plusieurs étés courts entre juin et septembre.

Il était donc possible d’avoir de très belles fins de semaine, occasion de promenade aux étangs, ce qui me valait, naturellement, de rencontrer des élèves et leurs familles. Les élèves, déjà le centre de toutes mes attentions… , mais aussi de passer devant quelques restaurants et friteries dont les cartes me laissaient parfois songeur…

 

Mai
27
Classé dans (La recherche du temps perdu) par la Vieille Garde le 27-05-2016

La ville que nous venons de laisser, vous l’avez compris, était  peuplée, puisqu’il me fut permis de mentionner la présence de ses habitants. Habitants dont j’appris à me rendre compte que d’aucuns conservaient un vocabulaire et des intonations très “ch’ti”, alors que d’autres, sans doutes sous les effets de la centralisation propre à notre Etat, avaient acquis une expression plus “lisse”.

Lors d’un de mes premiers cours, en seconde, j’interroge un  élève du dernier rang, lequel me répond……eh bien, je ne sais pas quoi en fait. Je lui demande de bien vouloir redonner sa réponse, ce qu’il fait, plus fort, je m’en rends compte, sans que cela ne facilite en rien ma compréhension. Troublé je quitte mon bureau, m’approche de lui, lui présente mes excuses et lui redemande sa réponse. Laquelle je ne comprends toujours pas! Panique  à bord. Suis-je, à moins de 25 ans, en train de faire un AVC? Mes oreilles sont-elles en train de me lâcher? Suis-je victime d’une émission de télévision humoristique, pire, d’un complot de la classe? Mon cœur bat très vite, j’ai du mal à déglutir derrière ma cravate (bien sûr que j’avais déjà une cravate!), j’ai des sueurs froides, je perds pieds c’est l’horreur, mon univers s’effondre, je suis grillé, je perds toute crédibilité, j’ai 32 garçons en face de moi qui veulent en découdre et me regardent attentivement, pour une fois,  et nous sommes, seulement,  le 5 septembre! Je ne finirai pas l’année, c’est certain.

En ultime recours, incapable de réfléchir, agissant au radar,  je lui redemande une réponse et c’est alors, que, consterné il me répond en articulant “je sais pas”. Miracle, je comprends!!! J’évite, cette fois, le passage aux urgences et tente d’analyser la situation. Le brave garçon, Anthony P. par trois fois s’était contenté de me dire négligemment ‘ch’sais nin mi”. Ce qui, en français courant devient donc: “je ne sais pas, moi”.

Passons en revue quelques autres situations qui, passées ce choc, se montrèrent moins anxiogènes:

-Nicolas L.,( devenu depuis gendarme, passé par l’école de Châtellerault, j’ai assisté à sa remise de galons!) : “ch’uis en r’tard à cause d’la drache”. Il me fallait comprendre que le garçon, cycliste, comme beaucoup de monde dans le Nord, s’était vu victime d’une averse qui l’avait retardé. Chose curieuse, je n’avais pas de bicyclette dans le Nord, tous mes trajets se faisaient à pieds, ou bien véhiculé par quelques charitables personnes.

-Si un élève vous dit “m’sieur, j’vais quer une cayelle”, en dépit du suffixe en “el”, vous ne devez pas imaginer qu’il y a là une invocation hébraïque au Tout Puissant, non, mais, tout simplement, il manque une chaise dans la salle et il va en chercher une.

-Si un élève à un “trou a’m maronne”, il a un trou à son pantalon. Lequel peut être lié à une pointe dépassant de la cayelle précédemment évoquée.

-Si un élève vous parle de sa “jaquette”, inutile de penser qu’il assiste au derby d’Epsom ou à quelques mondanités locales chez la princesse de Chimay, non, il évoque sa veste, fut-elle de survêtement.

-Si un élève vous demande si vous aussi vous allez “a l’ ducasse”, oubliez encore les mondanités et un chef étoilé, il vous demande si vous allez à la fête foraine. D’ailleurs, de manière générale, il y a peu de mondanités dans le Nord.

-Si un parent d’élève vous dit, lors de la réunion parents-professeurs, que son fils, A., a “muché” son bulletin, vous comprenez, étant professeur principal de l’élève, qu’au vu de l’état du bulletin, il a préféré le subtiliser afin de le dissimuler. Ou bien il a raconté des “carabistouilles” à sa mère!

-Il y eut parfois des débats: “eh m’sieur, y’a des grêles”. Là, nous avons discuté 10 mn, dictionnaire à l’appui (rappel, toujours le XXIè siècle juste entamé, pas d’ordinateur dans les classes, de portable avec la 4G etc) afin que tous acceptent, ou plutôt fassent semblant, pour que je les laisse en paix, que l’on dit: il tombe de la grêle, sachant que cette dernière est constituée de grêlons.

Ce genre de débat nous en eûmes aussi pour la  cliche, qui est en fait la clenche. Ou bien à propos de la prononciation du mot “oui”, que l’on entend plutôt sous forme de “u-i”.

Notons que le débat devait parfois atteindre la salle des professeurs, et cela faisait du monde, nous étions près de 200, avec 2000 élèves, puisque, là aussi on me parlait de réunions “entre les midis”. Comment ça entre LES midis? Y aurait-il parfois deux “midi” dans la journée?

Le vocabulaire n’est pas toujours utilisé de la même manière, dans le Nord, et donne à certaines tournures une saveur inimitable, qui permet de reconnaître un Nordiste, même dépourvu d’accent: “je ne peux pas le faire”devient “je ne saurais le faire”. Lorsque l’on tend ou rend quelque chose à une personne c’est toujours avec un “s’il vous plait”. On use plus souvent du “fort” que du “très” ainsi les élèves sont-ils “fort dissipés” et non “très dissipés”, j’aime bien, moi, le “fort” utilisé ainsi.

Ce sont là quelques exemples, je suis parti du Nord avec de nombreux cadeaux dont un livre du type “le ch’ti pour les nuls”, et le livre est épais! Ces quelques exemples, donc, sont autant de marqueurs sociaux ou régionaux. Certains s’en gaussent, ou raillent les intonations chuintantes que l’on trouvait, ou moquent l’accent un peu traînant. C’est finalement assez ridicule d’agir ainsi. Il s’agit là d’une question de racines, de particularités, d’un héritage, d’un patrimoine même.

Ainsi,  Nordistes de tous les pays, sachez-le, je comprends le spectacle de Dany Boon “as baraque” sans recourir aux sous-titres et c’est la main sur le cœur, en bon Nordiste d’adoption, et fièrement, que je chante “le pt’it quinquin”, regrettant seulement de ne pouvoir le chanter aussi bien que vous!

C’est peut être ce qui explique le climat, car, là il faut aborder la vérité qui fâche, le climat, dans le Nord…

Mai
20
Classé dans (La recherche du temps perdu) par la Vieille Garde le 20-05-2016

Dans le  Nord, il n’y a pas que les corons, (on continue pour les carambars et les références) que l’on trouve dans les cités minières. A Fourmies, ville en campagne (je renvoie vers le site de la municipalité et ajoute une page d’un site gouvernemental lequel ne saurait m’en vouloir, c’est pour le bien de la Nation  http://www.geoportail.gouv.fr/plan/59249/fourmies  ) la grande activité industrielle du XIXè siècle (programme de fin de 4è avec l’industrialisation et programme de 3è les espaces productifs, l’aménagement du territoire, les villes, on révise toujours n’est ce pas?) fut la filature. Fourmies fut donc la capitale mondiale, ce n’est pas une blague, de la laine peignée! Elle est désormais plus connue pour sa course cycliste de début septembre, ses émeutes du 1er mai 1891, son fort taux de chômage, d’alcoolisme, d’inceste mais aussi de manière bien plus positive pour un de mes anciens, prof de français-ciné qui perce dans le monde universitaire , un autre qui a sorti sa première BD, laquelle est un succès (j’ai bien fait de garder les dessins qu’il faisait dans mes cours, ma retraite est assurée!) un qui a eu l’excellente idée de devenir prof. d’histoire (il est froid et revêche mais c’est un sacré comique, j’ai toujours les “pouet-pouet” en plastique qu’il y avait dans les jouets de son chien! Il m’en avait fait cadeau, vaine tentative de corruption, en 1ère ou en term, je ne sais plus), une qui enseigne le français (enfin là elle s’occupe surtout de son fils dernier né), une autre qui, dans sa librairie, tente de faire triompher la culture (elle a du mal, mais elle est persévérante, et elle adore le jardinage). Et puis, tous les autre, mais qui ne sont plus trop en résidence à Fourmies et que je dois aller voir plus loin.

Tout ce passé économique, ces conditions sociales, je les ignorais, en arrivant, le 4 août, anniversaire de ce que l’on nomme improprement l’abolition des privilèges (ils furent déclarés rachetables, ça change tout, si!) Le lecteur attentif, (vous voyez, Julia, je suis optimiste, je considère qu’il y a au moins un lecteur de mes élucubrations) bref, le susnommé lecteur, ou lectrice, aura remarqué à quel point, les dates dites historiques sont présentes dans mon existence.

Parvenu au coeur de l’été, donc 20 degrés, à Fourmies, il me fallait me loger. Je confesse travestir ici quelque peu la vérité et sauter une étape, lequel saut me fait alors arriver directement dans mon logement sis rue Saint Louis, au coeur du coeur de Fourmies, un peu les Champs-Elysées locaux, ce qui, vous en conviendrez, révèle à coup sûr, tout à la fois mon goût du luxe et la modicité du loyer (rappel, prof débutant!) Je m’installai donc au dessus de la maison de l’Europe, car, symboliquement, voyez-vous, le Poitou est au dessus de l’Europe, et faisais de ces quelques mètres carrés une ambassade clandestine, et de moi un ambassadeur in partibus du comté de Poitou. (nota: je ne suis pour rien dans le déficit de la région, j’ai payé de mes deniers ladite ambassade). Quant à la maison de l’Europe, qui se trouve désormais face à la librairie mentionnée plus haut, la voici.Afficher l'image d'origine

Avouez que cette maison de l’Europe avait du style! Donc, au premier étage de ladite demeure de style, près de 4 ans, je vécus. Mes livres se souviennent encore d’une fuite au plafond, j’ai découvert qu’une salle de bain pouvait se trouver au milieu d’une cuisine, je me suis souvenu de mon trisaïeul qui devait casser la glace le matin pour se laver dans sa cuvette de faïence, moi j’avais de la glace sur mes fenêtres, à l’intérieur, eh oui, 12 degrés dans la chambre, 8 degré dans le reste de l’appartement, en chauffant, bien sûr. Mais, j’étais jeune et dynamique et je passais le plus clair de mon temps au lycée, alors…

Il y avait, et il y a toujours, de très belles demeures dans la ville, les châteaux comme il est dit là-bas, (toujours penser à revoir le site de la municipalité) ce sont les demeures des propriétaires des filatures. La laine pour être travaillée a besoin d’un fort degré d’humidité, ce qui explique que, partout ailleurs, pour la travailler, il fallait s’installer dans des caves (lire Hugo ou Zola peut aider à comprendre cet univers). A Fourmies, l’humidité c’est partout et toute l’année!!! Donc, les ateliers ont pu se construire en plein air, devenant de grandes manufactures, puis industries. L’écomusée de la ville, où j’aime toujours aller faire quelques achats, est une ancienne filature, reconnaissable à sa cheminée, du genre de celles de notre Manu à nous, mais en plus petit.

La ville se construisit tardivement sur le modèle de ce que l’on nomme un “village-rue”, c’est à dire allongé, le long d’une rue qui, dans le cas présent, reliait la gare au centre de la ville. (j’enrage de ne pouvoir manier la technique afin de rendre mon propos plus didactique avec force plans et croquis de géo. , zut!) Les rues adjacentes sont assez larges, bordées de demeures indiquant des rangs sociaux fort variés. Elles peuvent être belles, elles peuvent aussi avoir des façades sales et révéler toute la misère d’une partie des populations locales qui ne peut entretenir ses logements.

La ville fut riche, l’historien-géographe  le sent au premier coup d’oeil, elle ne l’est plus du tout, et cela se remarque au second coup d’oeil.

De mon temps, puisque, même à Fourmies, les choses changent, il y avait, proche de chez moi, une petite bibliothèque et un cinéma. J’y avais mes habitudes: le samedi bibliothèque (je corrigeais au chaud!), le dimanche soir cinéma, pour voir le film classé “art et essai” de la semaine. Anecdote à ce propos, nous étions toujours deux dans la salle. L’autre personne était 3 rangs derrière moi, nous étions toujours à la même place, nous ne nous sommes jamais parlé, pendant 4 ans, je suis allé au cinéma en croyant que j’étais seul, avec une salle vide devant moi. Cela donne de mauvaises habitudes, je ne supporte pas d’avoir du monde devant moi lors d’une séance!

Je viens pensivement de poser ma plume. Je me souviens de plusieurs séances au cours desquelles je ne fus pas seul. Il m’est arrivé de voir des films à grand spectacle. Nous nous organisions alors avec quelques élèves, afin que la rangée soit plus joyeuse. Je me souviens aussi avoir vu les premiers Harry Potter dans la ville d’à côté, Hirson, là il fallait prendre la voiture, c’étaient les élèves de terminale qui me prenaient en charge, dans leur voiture, afin que nous y allions ensemble. Nous terminions la soirée en prenant un thé chez moi.

Cette ville, ces villes, elles se ressemblaient toutes, avec leur passé glorieux et leur déconfiture actuelle, avec leur laideur lépreuse de façades décrépies, avec leurs logements insalubres, noyées sous le brouillard, la pluie, la neige, sont pour moi revêtues de la plus éclatante des lumières, tout était transcendé par quelque chose d’inimitable: le caractère des gens. Jamais, je dis bien jamais, je n’ai retrouvé la gentillesse que je découvris là-bas et qui me permit de tisser (ville de filature!) des liens qui, à ce jour, demeurent forts et réconfortants. Tous les clichés sont peut-être en train de ressortir aux oreilles et aux yeux de certains, (le paquet de carambars pourrait y passer)  mais, c’est vrai, simplement vrai, ces gens étaient des merveilles d’humanité et n’ont peut être jamais eu conscience de la richesse qu’ils portaient en eux, pas plus que de leur langage, si… particulier….

Mai
16
Classé dans (La recherche du temps perdu) par la Vieille Garde le 16-05-2016

Note à destination de madame Dibot: je vais exploser les longueurs réglementaires, je n’ai pas le choix, des ordres venus d’en haut attendent une suite “longue et somptueuse”, je m’exécute, ou j’essaye.

Muni de mon sac de cours, qui était déjà celui que l’on me connait et qui de ce fait porte ses vingt ans de manière fort allègre, lui a mieux supporté ces  années que moi, peut-être car le cuir est déjà mort et moi pas encore? Peu importe. Muni de mon sac de cours, de mon cartable, j’étais là, sur ce parking de gare qui n’était en rien celui des anges (un carambar à qui trouve la référence), le visage et le corps battu par les flots déchainés, des paquets de mer et d’embruns poussés par l’ouragan de vents tumultueux….euh, je m’égare, mon côté Sturm und Drang. En fait il faisait assez beau, dans un air doux et les sons de la ville étaient atténués par la distance qui existe entre la gare et l’artère principale.

Je ne sais si vous l’avez constaté, mais, c’est toujours lorsque l’on cherche un panneau indicateur que l’on n’en trouve pas! Il y en a cependant partout, puisque l’on s’y cogne mais, là, rien. J’entends déjà quelques histrions me dire “vous ne l’aviez pas googlisé”, “vous n’aviez pas l’appli ‘je trouve mon lycée’ sur votre smartphone’, ‘fallait aller sur google map’ ou quelques grotesques inepties de ce genre. Malheureux!!! C’était au tout début du XXI siècle, en 2000, cela n’existait pas! Enfin, si , un peu, mais si peu, et pour moi pas du tout. Je m’étais penché sur mon atlas, mais naturellement, souci d’échelle et à la bibliothèque les encyclopédies et guides touristiques me laissaient dubitatif et sans plan précis. Bref.

Le parking de la gare, toujours lui,  était aussi désert qu’un collège le 14 juillet. J’entrais dans la gare et envisageais de demander des renseignements à l’aimable agent d’une société d’Etat, nationalisées sous le Front Populaire (on révise pour le brevet!), lequel agent se trouvait derrière une vitre et son hygiaphone. Avec toute la courtoisie qui caractérise le Poitevin en goguette, je pose ma question:” bonjour monsieur, veuillez m’excuser de vous déranger, d’autant plus que ma question n’est pas véritablement en adéquation avec vos attributions, je désirais savoir si vous pouviez m’indiquer la direction de la cité scolaire?” Aussitôt, le cher homme s’exécute et avec force geste m’indique une direction. Il y avait fort heureusement, les gestes, puisque je n’avais rien compris à ses propos. Accusant la vitre, obstacle transparent mais bien réel, de cette piètre communication, je pris le chemin indiqué.

Je débutais alors un trajet que j’aurais par la suite bien souvent l’occasion d’emprunter et parvins à la rue principale, le rue Saint Louis, j’ai tout de suite aimé cette rue, une intuition, ou alors son théâtre de style stalinien, j’hésite encore (je renvois au site de la municipalité, qui ne m’en voudra pas, en lien plus bas, normalement à la page patrimoine architectural).

Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver ici une “friterie”, c’était donc quelque chose de commun, sur ces terres, en rien une exception! Après avoir noté les différences de style (l’œil de l’historien et du géographe est toujours aux aguets), prenant mon courage à deux mains et profitant de ce que le “tenancier”, jeune, soit désœuvré, je m’approchais pour lui reposer ma question “où se trouvait la cité scolaire?” Là aussi, ce brave garçon se mit à me répondre, avec un vocabulaire, des intonations, qui me firent accroire que je n’étais plus en capacité de comprendre ce que l’on me disait.

Je venais de découvrir le parler “ch’ti”, alors que j’ignorais même qu’il existât. Pourquoi diable n’apprend-on pas aux élèves, que tout le monde ne parle pas français en France? Cela éviterait des chocs tels que celui que j’eus. Pour l’heure, éberlué, totalement abasourdi, tentant de me raisonner, je me dirigeai vers le lycée, je savais enfin où il était, je venais de trouver un panneau indicateur, rédigé, fort heureusement, en français.

Je rencontrai madame le proviseur, apprenais quelles seraient mes classes, me mettais au courant de quelques éléments, tout cela dans un français des plus convenables. Ceci accompli, je repris mon cartable, présentai mes civilités et reprenais bus, train, métro, afin de rentrer en mon doux Poitou, me disant que je n’avais pas eu de chance en rencontrant une ou deux personnes accablées par des soucis d’élocution marqués; mais qui avaient trouvé le moyen de s’intégrer dans la société, ce qui me laissait à penser qu’il y avait là une fibre sociale. J’avais découvert un lycée calme, puisque sans élèves, une ville agréable, avec le soleil et la douceur on ne fait pas trop attention, finalement, naïvement, je me disais que le Nord ne méritait pas toutes les critiques entendues.

Rentré chez moi, je me mis à l’ouvrage et préparai mes premiers cours de lycée, dans un français que je souhaitais irréprochable et soutenu, je souhaitais que les choses fussent parfaites. C’était là ma première erreur, je n’en savais rien alors….

http://www.fourmies.fr/pages/page-patrimoine-architectural-15062015.html

Mai
11
Classé dans (La recherche du temps perdu) par la Vieille Garde le 11-05-2016

Ayant droit à “ma” rubrique, je m’autorise tout, et puis, c’est bien  connu, il ne faut pas contredire les malades, surtout les quadragénaires, ils sont en crise de milieu de vie, si tant est qu’ils vivent jusqu’à 80 ans, ce qui est, certes, possible mais relève aussi d’une certaine confiance en l’avenir. Bref, je ne suis pas in articulo mortis, mais, de nombreux souvenirs affleurent en ma mémoire et le fait que je sois plus souvent en communication avec certains de mes amis oriente particulièrement ces souvenirs vers la période qui me vit exercer en des terres hostiles et lointaines, en des contrées qui relèvent à peine de l’autorité du roi de France, vers ce que l’on nomme encore le département du Nord, plus précisément vers la bourgade de Fourmies, laquelle n’est française que depuis 1659 et le traité des Pyrénées, et croyez moi, cela s’entend encore très bien. Je m’autorise donc à me faire mon propre biographe, il parait que l’on est jamais si bien servi que par soi-même, et vais faire défiler sous vos yeux quelques souvenirs qui feront comprendre à nos zélèves combien le monde change vite. Mon objectif est aussi de révéler les attraits d’un coin de département que j’aime toujours beaucoup, dans lequel je retourne tous les ans (sauf fracture du fémur) et, ainsi, de lutter contre une image particulièrement détériorée dudit coin de département. Regardez, c’est tout au Sud. Fourmies.Afficher l'image d'origine

Ainsi, en ces temps antédiluviens, alors que je n’avais que peu subi des ans l’irréparable outrage, que seuls quelques fils d’argent indiquaient que j’étais plus âgé que les lycéens auxquels j’allais enseigner, je quittai mon Poitou natal et, au terme d’un périple qu’il me faudra narrer ici, j’arrivai, muté sur mon premier poste d’enseignant, à la cité scolaire Camille Claudel, ville de Fourmies, département du Nord, à la frontière de la Belgique.

C’était en été, je venais d’être titularisé, intégrant ainsi l’univers impitoyable de l’Education Nationale, avec toute la candeur et la naïveté qui me caractérisaient déjà. En ce 4 juillet, date de la proclamation de l’indépendance des Etats-Unis, je prenais le train, avec un mince bagage, effectuant un aller-retour de 14h de train sur la journée, pour une courte entrevue dans ce qui allait devenir mon premier établissement en tant que titulaire. Je partis ainsi fort tôt le matin, de Poitiers, arrivais à la gare de Montparnasse, pris le métro, ligne 4 direction porte de Clignancourt, descendant gare du Nord, pour prendre le train corail direction Maubeuge, (carte) dont je n’espérais même pas voir le clair de lune, ce qui, malgré tout, quelques années plus tard, fut fait. Le train cessait son trajet à Aulnoye-Aymeries (carte), ex grande gare de triage, de rang européen, qui, dès le début, montrait que le Nord sinistré n’était plus, pour moi, un sujet d’étude de carte ou de documents pour préparer mon concours, mais, une réalité. Je reprenais à nouveau le train qui s’arrêtait à Avesnes (carte), dont j’ignorais alors les splendeurs architecturales et les bastions, là je devais prendre un bus, lequel s’arrêta, fort heureusement, au feu tricolore, sis à la dextre d’une placette, enherbée et toute verte (j’y reviendrai, dans le Nord, la végétation est toujours verte, y compris le 15 août), sur laquelle se trouvait, tel un OVNI, pour mes yeux de Poitevin, une friterie!

Que ceux qui n’ont pas vu le spectacle de Dany Boon ‘as baraque’ remédient d’urgence à la chose, ils m’épargneront d’avoir à décrire ce qu’est une “baraque à frites” ou friterie. Qu’il me soit uniquement permis d’évoquer la stupéfaction qui était la mienne, jamais je n’avais vu ou entendu parler de quelque chose ressemblant à ce que je découvrais alors et, pendant que le bus reprenait sa route, je tournais la tête, collé à la vitre, ne pouvant détourner le regard de cette étrangeté. Je commençais alors à suspecter quelque chose. Le monde ne ressemblait-il pas au Poitou? Où étais-je en train d’arriver, qu’allais-je faire en cette galère?

Pour qui aime le Poitou, c’est à dire tout individu normalement constitué et sain d’esprit, pas simple d’esprit, (c’est ironique Aloïs, ironique!) une maison est faite de calcaire et couverte de tuiles plates ou d’ardoises. Allez savoir pourquoi, dans le Nord, c’est de la brique et de l’ardoise, au mieux, plus souvent des plaques, de… je ne sais trop quoi en fait. Ce fut un sentiment assez désagréable au premier abord, mon sens de l’esthétique se trouvait offusqué, seul l’usage de la pierre bleue, que l’on utilise aussi pour réaliser le ballaste sur les voies ferrées, trouva grâce à mes yeux.

En revanche, le paysage m’émerveillait, un paysage de bocage, des prairies que là-bas on nomme pâtures, (tout ce qui concerne le langage des autochtones sera abordé ultérieurement, il faut avancer avec prudence lors d’un choc culturel aussi flagrant), la verdure, sous le soleil, là, j’ai eu beaucoup de chance, il faisait soleil ce jour! (en ce qui concerne le climat, ce sera comme pour le langage, plus tard).

Et finalement, j’arrivai au terme de mon périple, le bus me déposant devant la gare, en briques, naturellement. Il me fallait désormais trouver la route du lycée. Je pensais naïvement que mes aventures s’achevaient sur ce parvis de gare, elles ne faisaient que débuter… je n’avais encore parlé à personne…