11. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Le dénouement d’Antigone d’Anouilh · Catégories: Première · Tags:
anti91.jpg
 

Analyser le dénouement d’une oeuvre suppose de connaître quels types de dénouements sont attendus , possibles, conventionnels et de s’interroger sur la relation entre  le début de la pièce et sa fin. Dans le cas d’Antigone le dénouement tragique est conforme aux attentes et aux craintes du spectateur car la mort de l’héroïne ne fait aucun doute mais il est intéressant de montrer comment le dénouement est mis en scène et particulièrement quel sont les éléments de mise en scène qui peuvent renforcer la dimension tragique de cette fin attendue ? à la fois dans le texte et dans la version scénique proposée par l’adaptation de Nicolas Briançon . 

Le dénouement est marqué par l’arrivée en scène d’un nouveau personnage , traditionnel : le messager; En effet, dans le théâtre classique, le récit du messager permet au dramaturge de donner à entendre aux spectateurs ce qu’il ne peuvent voir demeures yeux, soit pour des raison de bienséance ou ne relation avec la règle des unités qui interdit les changements de lieux sur el plateau et a donc comme conséquence qu’on ne peut représenter sur scène ce qui es déroule ne dehors de l’espace délimité par le décor du plateau; Autrement dit la mort d’Antigone n’est pas représentée sur scène : elle est donnée à entendre .

Le récit du messager s’articule en plusieurs étapes: d’abord la révélation ; " une terrible nouvelle ” Le registre est pathétique ; La présence du style direct matérialise les paroles du roi, fou de désespoir quand il entend la voix dont l'identité va être différée pour le spectateur . La souffrance est omniprésente avec "plaintes qui sortent du tombeau ” ; les mains du roi qui saignent tant il creuse rappellent les ongles plein de terre d’ Antigone: chacun des deux personnages remue la terre pour quelqu’un qu’il aime ; Le messager raconte d’abord la vision du corps d’Antigone pendue : on peur ici établir un parallèle avec la mort de sa mère Jocaste qui elle aussi se pend avec la ceinture de sa robe lorsqu’elle découvre l’inceste qu’elle a commis avec son fils ; le choix de cette mort évoque donc la  poursuite de la tragédie familiale; Antigone paraît fortement attachée également  à son père dont elle est l’orgueil et à sa mère par la manière dont elle choisit de mourir . Le détail de la couleur des fils introduit une touche de poésie dans cette ambiance morbide et rappelle la dimension enfantine du personnage ; En effet dans toute la pièce Antigone représente l’enfance et la démesure, le sens de l’absolu et l’absence d’accommodements  qui combat le principe de réalité incarné par un pouvoir adulte et raisonnable ; Elle meurt donc avec ce collier d’enfant autour du cou comme pour rappeler sa jeunesse et pour certains peut- être, son immaturité ou son idéalisme . 

anti93.jpg
 

La vision est pathétique et la douleur d’Hémon fait peine à imaginer : il est à genoux, gémit et a le visage enfoui dans la robe de sa fiancée; ces notations visuelles permettent au spectateur de s’imaginer la scène; le sacrifice d’Antigone n’en paraît que plus grand car dans la pièce elle refuse l’amour passionné que lui offre Créon et qui anime ce personnage d’éternel fiancé; De plus le roi va  perdre son fils adoré et c’est un facteur aggravant pour sa douleur; La suite du récit illustre les effort vains d’un père pour garder son fils en vie; Hémon paraît déjà au delà de lui-même; “Il se dresse, les yeux noirs, et il n’a jamais autant ressemblé au petit garçon d’autrefois” “ses yeux sont ceux d’un enfant, lourds de mépris ”  Ce nouveau rappel à l’enfance marque comme pour Antigone la dimension absolue de leurs gestes: aucun argument logique ne peut les atteindre ; ils ne sont nullement sensibles au raisonnement et paraissent inflexibles.

 Dans ce final, les gestes sont lourds de sens : Hémon crache au visage de son père et son regard est comme la lame ; les mots sont autant d’indications de gestes scéniques : nulle place ici pour l’expression de la pensée des personnages ; Nous sommes au théâtre et le langage des mots va se transformer en geste. Le suicide d’Hémon est décrit de manière sobre et l’immense flaque rouge est la preuve visible de cet amour absolu au delà de la mort des corps  car il s’étend contre Antigone, l’embrassant “dans une immense flaque rouge;" Le deux amoureux semblent ainsi réunis . 

L’entrée en scène de Créon marque la seconde étape de ce dénouement : le roi d’ailleurs reprend cette idée d’union des deux amants en indiquant “je les ai fait coucher l’un près de l’autre, enfin ! comme pour rappeler à la fois qu’il n’étaient pas encore amants , simplement promis l’ un à l’autre te leur mot est présentée comme une sort d’achèvement : ils ont fini, eux,; Ce qui peut sous-entendre que pour Créon, cela continue  et c’est d’ailleurs ce que suggère  explicitement la première réplique du choeur : pas toi Créon ; Il te reste encore quelque chose à apprendre . 

anti90.jpg
 

La parole du choeur