11. mai 2020 · Commentaires fermés sur Se disputer sur scène · Catégories: Seconde · Tags: ,

On se dispute beaucoup sur les scènes des théâtres et c’est le plus souvent , pour faire rire le public. Le théâtre classique nous montre un certain nombre de sujets de conflits entre les maîtres et leurs valets. Chez Molière, les exemples ne manquent pas . Dans la plupart de ses comédies, le spectateur assiste à des scènes comiques qui ont plusieurs fonctions. Le maître souvent, y rudoie, ses serviteurs mais ces derniers ont parfois la langue bien pendue. Voilà deux exemples de disputes ; Dans l’Avare, Harpagon, un vieillard riche , est persuadé qu’on le vole et il soupçonne son valets d’être complice des malfaiteurs qui cherchent à lui dérober son argent.

Texte 1 : Acte I, scène 3

HARPAGON, LA FLÈCHE.

HARPAGON.- Hors d’ici tout à l’heure, et qu’on ne réplique pas. Allons, que l’on détale de chez moi, maître juré filou ; vrai gibier de potence. ( 1 )

LA FLÈCHE.- Je n’ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard ( 2 )  ; et je pense, sauf correction , qu’il a le diable au corps.

HARPAGON.- Tu murmures entre tes dents.

LA FLÈCHE.- Pourquoi me chassez-vous ?

HARPAGON.- C’est bien à toi, pendard ; à me demander des raisons : sors vite, que je ne t’assomme.

LA FLÈCHE.- Qu’est-ce que je vous ai fait ?

HARPAGON.- Tu m’as fait, que je veux que tu sortes. ( 3)

LA FLÈCHE.- Mon maître, votre fils, m’a donné ordre de l’attendre.

HARPAGON.- Va-t’en l’attendre dans la rue, et ne sois point dans ma maison planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe, et faire ton profit de tout. Je ne veux point avoir sans cesse devant moi un espion de mes affaires ; un traître, dont les yeux maudits assiègent toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furettent de tous côtés pour voir s’il n’y a rien à voler.

LA FLÈCHE.- Comment diantre voulez-vous qu’on fasse pour vous voler ? Êtes-vous un homme volable, quand vous renfermez toutes choses, et faites sentinelle jour et nuit ?

HARPAGON.- Je veux renfermer ce que bon me semble, et faire sentinelle comme il me plaît. Ne voilà pas de mes mouchards , qui prennent garde à ce qu’on fait ? Je tremble qu’il n’ait soupçonné quelque chose de mon argent. Ne serais-tu point homme à aller faire courir le bruit que j’ai chez moi de l’argent caché ?

LA FLÈCHE.- Vous avez de l’argent caché ?

HARPAGON.- Non, coquin, je ne dis pas cela. (À part.) J’enrage. Je demande si malicieusement tu n’irais point faire courir le bruit que j’en ai.

LA FLÈCHE.- Hé que nous importe que vous en ayez, ou que vous n’en ayez pas, si c’est pour nous la même chose ?

HARPAGON.- Tu fais le raisonneur; je te baillerai de ce raisonnement-ci par les oreilles. (Il lève la main pour lui donner un soufflet.) ( 4 )  Sors d’ici encore une fois.

LA FLÈCHE.- Hé bien, je sors.

HARPAGON.- Attends. Ne m’emportes-tu rien ?

LA FLÈCHE.- Que vous emporterais-je ?

HARPAGON.- Viens çà, que je voie. Montre-moi tes mains.

LA FLÈCHE.- Les voilà.

HARPAGON.- Les autres .( 5 )

LA FLÈCHE.- Les autres ?

HARPAGON.- Oui.

LA FLÈCHE.- Les voilà.

HARPAGON.- N’as-tu rien mis ici dedans ?

LA FLÈCHE.- Voyez vous-même.

HARPAGON. Il tâte le bas de ses chausses.- Ces grands hauts-de-chausses sont propres à devenir les recéleurs des choses qu’on dérobe ; et je voudrais qu’on en eût fait pendre quelqu’un] .

LA FLÈCHE.- Ah ! qu’un homme comme cela, mériterait bien ce qu’il craint ! et que j’aurais de joie à le voler !

HARPAGON.- Euh ?

LA FLÈCHE.- Quoi ?

HARPAGON.- Qu’est-ce que tu parles de voler ? ( 6 )

LA FLÈCHE.- Je dis que vous fouilliez bien partout, pour voir si je vous ai volé.

HARPAGON.- C’est ce que je veux faire.

(Il fouille dans les poches de la Flèche).

LA FLÈCHE.- La peste soit de l’avarice, et des avaricieux.

HARPAGON.- Comment ? que dis-tu ?

LA FLÈCHE.- Ce que je dis ?

HARPAGON.- Oui. Qu’est-ce que tu dis d’avarice, et d’avaricieux ?

LA FLÈCHE.- Je dis que la peste soit de l’avarice, et des avaricieux.

HARPAGON.- De qui veux-tu parler ?

LA FLÈCHE.- Des avaricieux.

HARPAGON.- Et qui sont-ils ces avaricieux ?

LA FLÈCHE.- Des vilains, et des ladres.

HARPAGON.- Mais qui est-ce que tu entends par là ?

LA FLÈCHE.- De quoi vous mettez-vous en peine ?

HARPAGON.- Je me mets en peine de ce qu’il faut ?

LA FLÈCHE.- Est-ce que vous croyez que je veux parler de vous ?

HARPAGON.- Je crois ce que je crois ; mais je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela.

LA FLÈCHE.- Je parle… Je parle à mon bonnet. ( 7 )

HARPAGON.- Et moi, je pourrais bien parler à ta barrette  .

LA FLÈCHE.- M’empêcherez-vous de maudire les avaricieux ?

HARPAGON.- Non ; mais je t’empêcherai de jaser, et d’être insolent. Tais-toi.

LA FLÈCHE.- Je ne nomme personne.

HARPAGON.- Je te rosserai, si tu parles. ( 8 )

LA FLÈCHE.- Qui se sent morveux, qu’il se mouche.

HARPAGON.- Te tairas-tu ?

LA FLÈCHE.- Oui, malgré moi.

HARPAGON.- Ha, ha.

LA FLÈCHE, lui montrant une des poches de son justaucorps. – Tenez, voilà encore une poche. Etes-vous satisfait ?

HARPAGON.- Allons, rends-le-moi sans te fouiller.

LA FLÈCHE.- Quoi ?

HARPAGON.- Ce que tu m’as pris.

LA FLÈCHE.- Je ne vous ai rien pris du tout.

HARPAGON.- Assurément.

LA FLÈCHE.- Assurément. ( 9 )

HARPAGON.- Adieu. Va-t’en à tous les diables.

LA FLÈCHE.- Me voilà fort bien congédié. ( 10 )

HARPAGON.- Je te le mets sur ta conscience au moins. Voilà un pendard de valet qui m’incommode fort ; et je ne me plais point à voir ce chien de boiteux-là  .

Essaie d’expliquer comment fonctionne le comique dans les 10 notes de cette scène .

La scène est, en effet , construite sur différents procédés comiques : souvenez du cours qui résume les 4 types de comique et essayes de relever des exemples pour le comique de situation, le comique de caractère, le comique de geste et le comique de mots . En gras, tu trouveras un certain nombre de procédés intéressants à analyser . Dans cette altercation traitée sur le mode comique , Harpagon finit par l’emporter et congédie son valet mais ce n’est pas toujours le cas.

La relation maître /valet va servir de base, au siècle suivant, aux revendications des philosophes des Lumières et on constate que certains valets tentent de tenir tête à leurs maîtres. Le rapport de force va évoluer.

Texte 2 : Marivaux : l’île des Esclaves …

Au début de cette comédie, un maître nommé Iphicrate te son valet Arlequin , font naufrage sur une île

LA SCÈNE EST DANS L’ÎLE DES ESCLAVES.
LE THÉÂTRE REPRÉSENTE UNE MER ET DES ROCHERS D’UN CÔTÉ, ET DE L’AUTRE QUELQUES ARBRES ET DES MAISONS.

Même exercice : essaie d’expliquer , pour chacune des notes , de quel type de comique il s’agit et ce qui peut faire rire le spectateur .

Scène I. −  Iphicrate s’avance tristement sur le théâtre avec Arlequin.

IPHICRATE, après avoir soupiré. −  Arlequin ?
ARLEQUIN, avec une bouteille de vin qu’il a à sa ceinture. ( 1 )  −  Mon patron !
IPHICRATE. −  Que deviendrons-nous dans cette île ?
ARLEQUIN. −  Nous deviendrons maigres, étiques, et puis morts de faim; voilà mon sentiment et notre histoire.
IPHICRATE. −  Nous sommes seuls échappés du naufrage; tous nos amis ont péri, et j’envie maintenant leur sort.
ARLEQUIN. −  Hélas ! ils sont noyés dans la mer, et nous avons la même commodité.
IPHICRATE. −  Dis-moi; quand notre vaisseau s’est brisé contre le rocher, quelques-uns des nôtres ont eu le temps de se jeter dans la chaloupe; il est vrai que les vagues l’ont enveloppée :  je ne sais ce qu’elle est devenue; mais peut-être auront-ils eu le bonheur d’aborder en quelque endroit de l’île et je suis d’avis que nous les cherchions.
ARLEQUIN. −  Cherchons, il n’y a pas de mal à cela; mais reposons-nous auparavant pour boire un petit coup d’eau-de-vie. J’ai sauvé ma pauvre bouteille, la voilà; j’en boirai les deux tiers comme de raison, et puis je vous donnerai le reste. ( 2 )
IPHICRATE. −  Eh ! ne perdons point notre temps; suis-moi : ne négligeons rien pour nous tirer d’ici. Si je ne me sauve, je suis perdu; je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes seuls dans l’île des Esclaves.
ARLEQUIN. −  Oh ! oh ! qu’est-ce que c’est que cette race-là ?
IPHICRATE. −  Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans sont venus s’établir dans une île, et je crois que c’est ici : tiens, voici sans doute quelques-unes de leurs cases; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de tuer tous les maîtres qu’ils rencontrent, ou de les jeter dans l’esclavage.
ARLEQUIN. −  Eh ! chaque pays a sa coutume; ils tuent les maîtres, à la bonne heure; ( 3 )  je l’ai entendu dire aussi; mais on dit qu’ils ne font rien aux esclaves comme moi.
IPHICRATE. −  Cela est vrai.
ARLEQUIN. −  Eh ! encore vit-on.
IPHICRATE. −  Mais je suis en danger de perdre la liberté et peut-être la vie : Arlequin, cela ne suffit-il pas pour me plaindre ?
ARLEQUIN, prenant sa bouteille pour boire. −  Ah ! je vous plains de tout mon cœur, cela est juste.
IPHICRATE. −  Suis-moi donc ?
ARLEQUIN siffle. −  Hu ! hu ! hu !
IPHICRATE. −  Comment donc ! que veux-tu dire ?
ARLEQUIN, distrait, chante. −  Tala ta lara.
IPHICRATE. −  Parle donc; as-tu perdu l’esprit ? à quoi penses-tu ?
ARLEQUIN, riant. −  Ah ! ah ! ah ! Monsieur Iphicrate, la drôle d’aventure ! je vous plains, par ma foi; mais je ne saurais m’empêcher d’en rire.
IPHICRATE, à part les premiers mots. ( 4 ) −  Le coquin abuse de ma situation : j’ai mal fait de lui dire où nous sommes. Arlequin, ta gaieté ne vient pas à propos; marchons de ce côté.
ARLEQUIN. − J’ai les jambes si engourdies !…( 5 )
IPHICRATE. −  Avançons, je t’en prie.
ARLEQUIN. −  Je t’en prie, je t’en prie; comme vous êtes civil et poli; c’est l’air du pays qui fait cela.
IPHICRATE. −  Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour chercher notre chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens; et, en ce cas-là, nous nous rembarquerons avec eux.
ARLEQUIN, en badinant. −  Badin, comme vous tournez cela ! (Il chante.)
………………………………………..L’embarquement est divin,
………………………………………..Quand on vogue, vogue, vogue;
………………………………………..L’embarquement est divin
………………………………………..Quand on vogue avec Catin.
IPHICRATE, retenant sa colère. −  Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin.
ARLEQUIN. −  Mon cher patron, vos compliments me charment; vous avez coutume de m’en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là; ( 6 )  et le gourdin est dans la chaloupe.
IPHICRATE. −  Eh ne sais-tu pas que je t’aime ? ( 7 )
ARLEQUIN. −  Oui; mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé. Ainsi, tenez, pour ce qui est de nos gens, que le ciel les bénisse ! s’ils sont morts, en voilà pour longtemps; s’ils sont en vie, cela se passera, et je m’en goberge.
IPHICRATE, un peu ému. −  Mais j’ai besoin d’eux, moi.
ARLEQUIN, indifféremment. −  Oh ! cela se peut bien, chacun a ses affaires : que je ne vous dérange pas !
IPHICRATE. −  Esclave insolent ! ( 8 )
ARLEQUIN, riant. −  Ah ! ah ! vous parlez la langue d’Athènes; mauvais jargon que je n’entends plus.
IPHICRATE. −  Méconnais-tu ton maître, et n’es-tu plus mon esclave ?
ARLEQUIN, se reculant d’un air sérieux.  ( 9 ) −  Je l’ai été, je le confesse à ta honte, mais va, je te le pardonne; les hommes ne valent rien. Dans le pays d’Athènes, j’étais ton esclave; tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort. Eh bien ! Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi; on va te faire esclave à ton tour; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là; tu m’en diras ton sentiment, je t’attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable; tu sauras mieux ce qu’il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. Adieu, mon ami; je vais trouver mes camarades et tes maîtres.
Il s’éloigne.
IPHICRATE, au désespoir, courant après lui, l’épée à la main.  ( 10 ) −  Juste ciel ! peut-on être plus malheureux et plus outragé que je le suis ? Misérable ! tu ne mérites pas de vivre.
ARLEQUIN. −  Doucement; tes forces sont bien diminuées, car je ne t’obéis plus, prends-y garde.

Ces deux scènes d’affrontement montrent que la relation maître /valet est souvent centrale dans les comédies ; Arlequin va donner naissance à un personnage de valet très important dans les comédies de Beaumarchais: c’est lui qui joue le premier rôle cette fois dans la pièce Le Mariage de Figaro. 

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