22. septembre 2023 · Commentaires fermés sur Le retour à la Nature : solution d’avenir ou utopie ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags: ,

Beaucoup de citadins rêvent de campagne, d’espace , d’air pur et s’imaginent que la Nature est un espace protecteur où les plantes ne demandent qu’à pousser et où l’homme peut s’épanouir dans un milieu bénéfique , sans stress et sans subir une société de consommation qui tend à faire naître encore et toujours, de nouveaux besoins que seule la consommation peut combler. Cependant , de nombreux néo-ruraux doivent s’adapter à leur environnement et apprendre à domestiquer la Nature  autour d’eux qui peut parfois se montrer  “hostile” : ils peuvent parfois vivre comme un échec  leur rêve de retour aux sources. On peut dans ce cas évoquer la dimension utopique de ce retour à la Nature : qu’attendaient -ils , au juste, de cette expérience et comment imaginaient- ils un retour à la Nature   . Régression pour les uns, retour à l’âge de pierre,  solution écologique d’avenir pour les autres, ce cours a pour objectif d’essayer de comprendre ce qu’on entend par l’expression “retour à la Nature ” 

En philosophie, le mot Nature doit être entendu ici dans le sens de “ce qui existe en dehors du monde humanisé ” c’est à dire le ciel, les champs, la forêt , la rivière , les arbres” . Pour Descartes, dans le Discours de la méthode, l’homme , grâce à son habileté, pourrait se rendre “maître et possesseur de la Nature ” : il lui faut en connaître les lois afin de la maîtriser et de la modifier dans son intérêt.  Au xviii ème siècle, Jean-Jacques Rousseau nuance la pensée  de Descartes : dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité,   paru en 1755.Il tente de démontrer que la vie en société transforme l’homme et l’éloigne du Bonheur en faisant apparaître sans cesse de nouveaux besoins non naturels : il est l’un des premiers à avoir mis en évidence le concept de “société de consommation ” . Il tente alors de comprendre comment les inégalités entre les hommes peuvent se créer et engendrer un sentiment d’injustice entre les riches et les pauvres, ceux qui possèdent des biens et ceux qui se retrouvent démunis. Il faut, pour comprendre, dit -il, remonter aux premiers âges à cet état de nature “imaginaire ” 

L’homme n’était alors qu’un animal moins fort que les autres mais organisé le plus  avantageusement possible. Il ne pouvait pas compter sur son instinct pour survivre alors il dut mettre au point une forme d’adaptabilité à son milieu de vie; C’est cette qualité que Rousseau nomme la perfectibilité : Alors que l’animal obéit à la Nature, explique-t-il, l’homme lui tente de se conserver et développe deux facultés indispensables à sa survie  : l’amour de soi ( une sorte d’instinct de survie ) et la pitié, qui pour Rousseau est une extension de l’amour de soi à autrui. Malheureusement, poursuit Rousseau, avec la création de la société et l’apparition de la propriété, la relation entre les hommes et la Nature se transforme ; Pour Rousseau, les fruits sont à tous et la terre n’est à personne . L’invention de la propriété privée a , été selon lui, un facteur qui a institutionnalisé les inégalités; Ensuite l’amour de soi s’est transformé en amour-propre et les hommes sont devenus prisonniers de contingences matérielles et ont asservi d’autres hommes (leurs esclaves )  pour les rendre plus riches “l’homme est né libre, écrit-il, mais partout il est dans les fers “ Ce qui peut ainsi apparaître comme un progrès pour les partisans de l’industrialisation, par exemple, est considéré par Rousseau comme un danger pour la liberté de l’homme. Il considère, de ce point de vue, l’évolution de la société  comme une source de corruption . Seule l’avènement de la  démocratie et un contrat social accepté par le peuple , permettraient de rendre la vie entière société moins injuste.  Pour vivre heureux, selon lui, il faudrait retourner vivre en pleine Nature  dans un état d’homme libre donc se couper en partie du monde mais cet état de Nature est avant tout , une utopie, une hypothèse inventée par le philosophe pour sa théorie du contrat social . Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur la pensée des Lumières et la querelle entre Voltaire et Rousseau, suivez ce lien .https://www.herodote.net/Deux_genies_que_tout_oppose-synthese-367.php

Vous retrouverez dans le podcast de Dicto une analyse philosophique du Discours de Rousseau  https://youtu.be/UrzraH8oFdE

Le retour à la Nature, dans la perspective rousseauiste, apparait donc comme un désir de fuir une société aliénante : la devise “metro boulot dodo ”  illustre un mode de vie subi par certains citadins et perçu comme abrutissant. L’un des témoins évoque la sensation d’être comme un hamster dans sa roue pour montrer qu’il se sent privé de liberté. Pour autant, ces individus ne se considèrent ni comme des marginaux ni comme des misanthropes : ils souhaitent trouver un meilleur équilibre entre leur travail et leur environnement. Pour Isabelle , la vie c’est avant tout la neige, le soleil, le chant des oiseaux mais explique-t-elle, elle ne vit pas de l’air du temps: elle a un travail auquel elle se rend chaque jour et habite dans une maison qu’elle a entièrement rénovée. Elle a du apprendre à éloigner les renards de son poulailler en mettant de la musique: selon Rousseau, elle a fait preuve de perfectibilité . Quant à Brian, qui es définit comme un néo-autonomiste , il a du réaliser un travail de raccordement de sa maison : en effet, il a besoin de filtrer l’eau de ses récupérateurs pluviaux et de produire de l’électricité pour alimenter ses ordinateurs notamment. Pour la plupart des néo-ruraux, le retour à la Nature ne signifie pas donc pas se couper de toute forme de civilisation mais se concentrer sur les besoins essentiels et se recentrer sur son rapport à la Nature. Produire une partie de son alimentation, ne pas gaspiller, produire de l’énergie verte, être attentif . Il ne s’agit pas de renoncer à la technologie mais de prendre davantage conscience de notre empreinte carbone et de réfléchir aux conséquences, de nos modes de vie  pour notre environnement. 

Néanmoins , le concept de retour à la Nature peut également être investi d’un sens politique et un  sociologue Sébastien Dalgalarrondo a rédigé un essai intitulé L’utopie sauvage, dans lequel il cherche à comprendre ce qui motive notre désir de retour à la Nature qu’il définit comme un besoin d’ensauvagement : “ le  rêve d’une vie à la campagne, de congés au vert, de forêts urbaines. La perspective d’un effondrement, qu’il soit écologique ou pandémique, attise ce besoin d’ensauvagement. Idéalisée, la nature devient à la fois quête, refuge et solution face à une société de consommation qui manque de sens et détruit la planète.” Pour le sociologue, il s’agit de chercher un mode de vie plus authentique et de se soigner par la Nature . Toutefois, il souligne que le monde sauvage n’est pas toujours accueillant  ; On y trouve de nombreux dangers comme des animaux prédateurs et des plantes toxiques .  Il souligne également que parfois, ce concept de retour à la Nature cache un discours politique réactionnaire du type “c’était mieux avant “. 

On peut donc en déduire que le retour à la Nature peut prendre différentes formes , plus ou moins radicales . La pandémie a fait prendre conscience que nous n’étions pas à l’abri d’une catastrophe et la promiscuité, dans les grandes agglomérations, est parfois vécue sur le mode de l’agression  . Le jeune de banlieue devient le Sauvage et le télétravail permet aujourd’hui à certains de s’éloigner des métropoles pour retrouver un habitat qui accorde plus d’importance à l’espace naturel. Chacun à sa manière en privilégiant des achats raisonnés en circuit court, des énergies naturelles, du recyclage peut contribuer à  atténuer la menace qui pèse sur notre environnement naturel . Les politiques publiques de végétalisation, l’interdiction de la déforestation et la réduction des pollutions industrielles  , de la surpêche , du braconnage , de l’élevage intensif  permettront , à long terme, le maintien de cette Nature qui nous entoure .  

Qu’appelle-t-on , au juste , retour à la Nature et comment comprendre ce qui motive ce désir de renouer avec un autre mode de vie ? S’agit -il simplement de rejeter al société actuelle, de se protéger des méfaits de la consommation ou de changer radicalement de mode de vie ? S’agit -il seulement de vivre en accord avec notre environnement et les ressources naturelles qu’il nous offre ou tout simplement d’être respectueux de la Nature et de limiter nos activités polluantes . Souvent considéré comme synonyme de retour aux sources, comment définir ce concept de “retour à la nature ? ” 

 

Le concept de retour à la Nature : lisez l’introduction et le début  du devoir de philosphie de cet élève au Bac ( cours  polycopié )

Dans le film Into the wild réalisé par Sean Penn, le protagoniste décide de quitter la société moderne pour retrouver un contact direct avec la nature . Il découvre au fil des jours qu’un tel éloignement de la civilisation est tout sauf aisé. Si le désir de revenir à la nature est de plus en plus présent aujourd’hui, savons-nous au juste ce qu’il signifie ? Quel(s) sens peut revêtir l’expression “retour à la nature” ? De prime abord ,cette expression semble signifier une volonté de revenir à un état originel, non perverti par la société et la culture. Mais cela peut sembler insensé, l’homme étant un être essentiellement  social 

Comment concevoir un retour à la nature qui ne soit pas une régression ? Comment peut-on concilier l’exigence morale d’un retour à la nature et la dimension proprement culturelle de l’homme ? L’expression “retour à la nature” semble  synonyme de retour en arrière, à un état antérieur ,  mais cette expression peut désigner la volonté de renouer avec l’essence morale de l’homme. Enfin, ne faudrait-il pas voir dans cette expression l’exigence éthique d’un soin particulier porté à la nature ?

I. Le “retour à la nature” : la recherche d’un état originel

a) La volonté de nous éloigner des méfaits de la culture

La culture, comprise comme le processus par lequel l’homme s’arrache à l’animalité, implique l’instauration de conventions sociales. Ces dernières peuvent sembler nuisibles, car elles créent chez l’homme des désirs non naturels, comme le désir de richesse ou d’honneur, qui nuisent à son bonheur. C’est pourquoi les cyniques comme Diogène de Sinope, considéraient les animaux comme des modèles à suivre. Dénonçant de manière provocatrice les dérives de la culture, Diogène raconte-t-on, vivait dehors et mangeait dans une écuelle.

b) La volonté de revenir à un ordre originaire

L’expression “retour à la nature” peut aussi signifier la volonté de revenir à un ordre premier. C’est ce que montre Calliclès dans Gorgias de Platon. Il oppose ce qui est “juste selon la nature” et ce qui est “juste selon la loi“. Ce qui est juste selon la nature c’est selon lui que le plus fort règne sur le plus faible. La loi instaurée par les hommes apparaît dès lors comme une dénaturation de cet ordre premier, qu’il s’agit de restaurer. Cette conception peut sembler absurde, car l’homme évolue et se perfectionne grâce à la culture.