Ida Grinspan est née en 1929 à Paris. A la déclaration de guerre, en 1939, elle a donc 10 ans. Elle est juive, d’origine polonaise.
Elle est petite de taille, elle a l’air de bien prendre soin d’elle, et elle est forte mentalement. A travers ses mots, on ressent sa peine et son courage, elle nous a raconté tout en détails, comme si c’était hier.
Dans la guerre En septembre 1939, c’est la déclaration de guerre, elle avait dix ans et ce n’était encore qu’une enfant, et, par chance, l’école qu’elle fréquentait n’avait pas été évacuée. Ses parents ont alors décidé de la protéger en l’envoyant en Deux-Sèvres chez une famille d’accueil. Elle dit avoir été reçue à bras ouverts et les gens l’ont bien accueillie. Ida noue des relations amicales avec la maîtresse. En mémoire de cette petite élève à l’avenir prometteur, le village, Lié, a depuis quelques années donné son nom à son école.
La rafle du Vel d’Hiv’ Trois ans après son arrivée à Lié, où elle insiste pour dire qu’elle n’était pas cachée, mais réfugiée (au village, on la savait juive), elle apprend une terrible nouvelle, qui va la bouleverser : sa mère venait d’être arrêtée par la police française et déportée dans un camp en Allemagne. C’est du moins ce qu’on lui dit. Elle saura plus tard que sa mère a été déportée à Auschwitz. Depuis qu’elle l’a appris, ses journées n’étaient plus les mêmes, elle dit que dès lors, elle était dans l’angoisse. Son père et son frère, quant à eux, ont réussi à se cacher et à échapper à la rafle du Vel d’Hiv’. Sa mère, ne pensant pas que les femmes seraient arrêtées, était restée chez elle…
L’arrestation Elle avait 14 ans et demi, c’était la nuit du 30 janvier 1945, à 00h15 précises : les gendarmes sont venus frapper à la maison de sa” tante” où elle vivait pour l’arrêter et l’emmener au poste de police pour l’interroger. Malgré les quelques tentatives de sa tante de nier l’existence d’Ida pour la protéger, la petite fille réalisa qu’elle devait se rendre : les gendarmes menaçaient en effet d’arrêter le mari de sa tante à sa place. Elle s’est donc rendue, puis a été interrogée. Les gendarmes voulaient savoir où était son père. “Vous avez l’âge que j’avais à l’époque de mon arrestation. Vous savez qu’on n’est pas encore adulte, mais on est assez grand pour savoir qu’on ne dénonce pas son père. J’ai dit que je ne savais rien depuis l’arrestation de ma mère.” confie Ida.
Drancy Ida a donc été emmenée à Drancy, un camp d’internement, où elle est restée une semaine. Une semaine pendant laquelle, malgré la faim et les dures conditions de détention, elle ne touche pas à son colis de victuailles : on l’a assurée qu’elle partait rejoindre sa mère dans un camp. Elle conserve cette nourriture pour elle. Le 9 février, à la gare de Bobigny, Ida Grinspan et d’autres juifs internés avec elle vont alors être brutalement poussés et enfermés dans un wagon,” livrés aux Allemands par les gendarmes français“, Ida insiste sur ce point : à Bobigny, ce sont les allemands qui se chargent de les faire monter dans les wagons. Jusqu’à 70 par wagon, des wagons à bestiaux, utilisés alors pour le transport des chevaux. Pensant rejoindre leurs proches, beaucoup étaient pressés et Ida avait toujours à la main son sac d’approvisionnement, en offrande pour sa mère.
La déportation Dans le wagon, la place manquait : ils étaient tous très serrés. Les conditions hygiéniques étaient horribles, il y avait une tinette en guise de WC. “Le premier souvenir du pire : la déshumanisation en chemin.” se souvient Ida en précisant que beaucoup disaient qu’à l’arrivée de ce voyage vers l’inconnu, cela ne pourrait pas être pire que les conditions endurées dans ce wagon... C’est alors, à ce moment, que la solidarité s’était mise en place pour préserver la pudeur des uns et des autres. Heure après heure, la tinette se remplissait peu à peu et, au bout d’un moment, elle se renversa à moitié dans le wagon, et le voyage s’annonça terrible. Ida nous confie « Il y avait une odeur insupportable ».
Arrivée à Auschwitz-Birkenau Le matin du 4ème jour passé dans le wagon, les portes se déverrouillèrent et un soulagement immense a envahi les déportés. Ils ont été accueillis par des cris, des chiens et par les soldats allemands, les SS. Ils devaient jeter tout ce qu’ils avaient, toutes leurs affaires et Ida a dû abandonner sur la voie, dans la neige, tout ce qu’elle avait mis de côté pour sa mère. Elle comprenait tout ce que les Allemands disaient, car, parlant Yiddish avec ses parents, elle comprenait l’Allemand. “Cela m’a été très utile, au camp, de comprendre l’allemand”. Après avoir mis au sol leurs affaires, les hommes des femmes sont séparés, “il y avait des scènes horribles” nous dit Ida. Là, un choix est donné aux déportés : faire les trois kilomètres qui séparent le terminus de la voie ferrée à pied, ou monter dans des camions. Ida préfère marcher : elle suit des camarades, des jeunes filles. Ce choix lui sauvera la vie : tous ceux qui sont, ce jour-là, montés dans les camions, ont été gazés à leur arrivée au camp.
“Ma mère m’a donné la vie deux fois” Seconde “chance”, ce jour-là, un seul SS assure la “sélection” à l’entrée du camp : Ida paraît plus que son âge, elle échappe donc à la sélection. Sa mère, deux ans auparavant la dernière fois qu’elles se sont vues, avait décidé de lui apprendre à se coiffer à la mode des jeunes femmes : Ida conservera cette coiffure, qui la vieillissait : cette attention de sa mère lui sauvera la vie. Pour Ida, sa mère lui a donné la vie deux fois.
Survivre à Auschwitz A l’entrée dans le camp de Birkenau, les SS les ont installées dans une pièce et leur ont demandé de se déshabiller, elles ne le voulaient pas, mais elles ont vite compris qu’il n’y avait pas d’issue. Elles étaient humiliées, nues, face à des inconnues. Trois femmes sont venues pour tondre toutes les parties du corps (les cheveux, le pubis etc..). “Tondues, on perd sa féminité, on n’est plus des femmes. C’était le début de la déshumanisation”. Par la suite, les femmes ont été tatoués d’un numéro pour les identifier, le numéro d’Ida était 75360, elle ne le voit pas tous les jours dans le miroir, mais il est gravé à jamais. “Nous n’étions plus des humains, mais des numéros”. Elles ont pris une douche froide et ont reçu des vêtements usés, qui avaient appartenu à d’autres. Elles se sont partagé des chaussures qu’elles se sont échangées parce qu’elles n’étaient pas à la bonne pointure. La première soupe, Ida l’a boudée : il y avait une gamelle de soupe pour cinq, qu’elles ont mangée sans cuillère, car il n’y en avait pas : elles étaient obligées de la laper, comme des animaux.
Par la suite, Ida a participé à plusieurs “commandos” de travail : le premier, c’était qu’elle devait transporter des pierres au fond du chantier, le lendemain, il fallait refaire le trajet inverse : “absurde et inutile travail“. Le deuxième commando dans lequel Ida a travaillé, c’était trier les pommes de terre pourries et les cuisiner. Ensuite, le troisième c’était de travailler dans l’usine d’armement. Une ancienne déportée les a rassurées : ce n’était pas avec le maigre travail qu’elles faisaient dans cette usine pour les allemands que l’Allemagne allait gagner la guerre. Ida est restée quelques mois à Birkenau avant d’être internée à Auschwitz I.
Les marches de la mort Le 13 février 1945, les SS ont reçu l’ordre de Berlin d’évacuer les internés. Les déportées ont quitté Auschwitz dans un climat glacial, il neigeait, elles ont marché pendant 3 jours et 3 nuits, 5 par 5, à pieds, sur les routes. Elles ont marché jusqu’au camp de Bergen-Belsen, en Allemagne. Pour se nourrir, elles ramassaient la neige par terre et se la mettait dans la bouche. Les SS voulaient qu’elles marchent d’un bon pas et dès qu’ils voyaient qu’une femme ralentissait la marche, ils la tuaient sur place. “C’était Marche ou Crève”, nous dit Ida. A tout moment, les femmes s’aidaient les unes les autres.
Bergen-Belsen et la libération Fin Avril, on leur a dit que les Allemands étaient partis, fuyant l’arrivée des alliés. Ida était à l’infirmerie à ce moment l’a, car elle était malade, elle avait le typhus. Trois soldats américains entrent dans l’infirmerie, “très beaux“, confie Ida, avec coquetterie. Ils repartent et ce sont des russes qui libéreront le camp. Ida se souvient des bonbons, du chocolat que se sont partagé ensuite les déportées. Quelques temps plus tard, les soldats les avaient emmenées dans un hôpital, c’était un bâtiment moderne, où elles restèrent un certain temps, bien nourries et elles dormirent dans un lit avec des draps blancs, Ida nous dit qu’elle était en extase à ce moment : elle avait oublié que les draps existaient. Au camp, elles se partageaient une couverture à plusieurs…
Ida et l’Histoire Après ce témoignage de sa déportation, une question est posée à Ida : “Avez-vous pardonné aux gendarmes qui sont venus vous arrêter ?” La réponde fuse, cinglante : “Eux, m’ont-ils demandé pardon ? Est-ce à moi de pardonner ? Non, bien sûr que non ! ” Ida poursuit, elle estime avoir eu une énorme chance d’échapper à la sélection lors du voyage, puis aux sélections dans le camp. Elle insiste d’ailleurs sur le fait qu’à Auschwitz, le travail en commandos, les appels, les sélections puis les marches de la mort étaient autant d’étapes à franchir, et que la chance ne l’a pas quittée. Elle nous a dit « La vie, c’est un beau cadeau ».
Après la guerre Ida s’est reconstruire dans un hôpital pendant 1 mois et demi, elle est aussi restée plus d’1 an dans des maisons de repos avec les résistants en Suisse. Elle a retrouvé son frère, qui n’avait pas été dénoncé. Elle avait 17 ans. Puis, comme elle n’avait pas de parents, pas de bourse, ni d’argent, elle a fait un travail qu’elle n’aimait pas : de la couture. Ida voulait être institutrice. Elle a ensuite épousé, plus tard, un tailleur et a reconstruit sa vie même si cela était extrêmement difficile. Elle a une fille, à qui elle a raconté, mais avec beaucoup de pudeur, son histoire.
Merci Nous pensons que le témoignage d’Ida est très important. Il n’y a plus beaucoup de gens pour témoigner, pour raconter tout ce qui s’est passé. Ce que fait Ida Grinspan est un signe de courage et nous la remercions.
J’ai pas pleuré Ida a écrit son autobiographie, sous ce titre “j’ai pas pleuré”. On retrouve le récit de sa déportation, raconté avec générosité. Un beau livre, à lire, en hommage à cette femme exceptionnelle.
François, Anissa et Hanène.
(photo prise par Hanène. Belle photo ! Il faut dire qu’Ida, toujours souriante, a la coquetterie de poser pour les Zélèves : de cela, comme de son témoignage, année après année, je la remercie chaleureusement.)
Partagé, voilà ce qui me vient à l’esprit pour définir mon sentiment à la sortie de la salle obscure.
Ce film retrace l’histoire de la relation entre un médecin et un de ses jeunes patients atteint d’une maladie très rare, laquelle oblige à se préserver absolument des rayons ultra-violets. Les deux acteurs principaux, dont Vincent Lindon dans le rôle du médecin, me laissent sur ma faim. Les sentiments joués se veulent tout en retenue, ce qui était un choix pertinent, il me semble cependant ici que ces derniers sont justement trop retenus et que, de ce fait, on perd toute la qualité de l’expression desdits sentiments, car, à trop les retenir on peut finir comme la Rose du Petit Prince et se dire “on est tellement bête à vouloir cacher tous ses sentimens, j’aurais dû te dire depuis si longtemps que je t’aime tant”.
En outre, la qualité de la bande-son laissait à désirer et la manière de tourner me laisse aussi perplexe. Au final, ce film vanté par la critique ne m’a pas vraiment satisfait bien que, j’en sois assuré, il y ait eu là quelque chose de fort important à traiter, sur le plan des relations entre le médecin et son patient mais aussi concernant l’histoire secondaire, entre le médecin et sa remplaçante, alors que ce dernier ne parvient pas à abandonner son poste, à moins que ce ne soit ses patients…?
Cette question relance d’ailleurs l’attention que l’on peut porter au film.