Août
29
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 29-08-2013

Retour, grâce à un article du Monde, sur les causes d’une éventuelle intervention armée en Syrie : 

Au sein des chancelleries occidentales la certitude est acquise que des armes chimiques ont été utilisées, mercredi 21 août, contre des populations civiles dans les faubourgs de Damas. “Tout porte à croire que c’est le régime qui a commis cet acte abject”, a souligné, mardi 27 août, le président François Hollande. Plus affirmatif encore, le vice-président américain, Joe Biden, a indiqué que “les responsables de cet usage effroyable d’armes chimiques en Syrie ne font aucun doute : c’est le régime syrien.”

Une semaine après les événements, les militants locaux et formations de l’opposition syrienne ont retracé le fil de cette journée, preuves à l’appui, même si de nombreuses zones d’ombre demeurent.

  • Quelles zones ont été visées ?

Peu après minuit, dans la nuit de mardi 20 à mercredi 21 août, l’armée syrienne a lancé une vaste offensive sur les villes de la Ghouta orientale, la plaine agricole à l’est de Damas où vivent près d’un million de personnes, et la Ghouta occidentale, au sud-ouest de la ville. Passées sous le contrôle de l’opposition, assiégées et bombardées depuis plus de huit mois, ces villes ont essuyé des bombardements “classiques” intensifs. Des armes chimiques ont aussi été tirées sur Zamalka et Aïn Tarma à l’Est et Al-Mouadhamiya à l’Ouest, selon le Centre de documentation des violations en Syrie (VDC).

 Selon l’Armée syrienne libre (ASL), 29 missiles, ainsi que des obus de mortier, munis de charges neurotoxiques, ont été tirés à partir de 2 h 25 du matin. Ces charges contenaient, toujours selon l’ASL, du sarin mélangé à de l’ammoniac et de l’agent SC3. Sur la base de vidéos, des experts ont estimé que le tableau clinique correspondait à une contamination au sarin.

Le chef d’état-major de l’ASL, le brigadier général Selim Idriss, a affirmé que ces missiles et obus ont été tirés depuis l’aéroport militaire de Mezze par la brigade 155 et depuis le Mont Qassioun par la brigade 127, rattachée à la 4e division, dirigée par Maher, le frère de Bachar Al-Assad.

  • Combien y a-t-il eu de victimes ?

Selon l’ASL, les attaques ont fait 1 845 morts et 9 924 blessés. Dans la Ghouta orientale, lieu principal de l’attaque, plus de 1 302 personnes ont été tuées, dont deux tiers de femmes et d’enfants, et 9 838 autres blessées, selon le bureau médical central. Les victimes ont été évacuées vers l’ensemble des hôpitaux des régions concernées.

Une liste provisoire de 585 morts, nommément identifiés, a été établie par le VDC. Pour sa part, Médecins sans frontières (MSF) a confirmé la mort de 355 personnes sur les 3 600 patients hospitalisés avec des symptômes neurotoxiques dans trois des hôpitaux de campagne qu’elle aide à Damas.

Selon un médecin à Zamalka, interrogé par Le Monde, plusieurs jours de recherche seront nécessaires pour retrouver les dépouilles de toutes les victimes.

  • Quels symptômes ont été identifiés ?

“Mes lèvres ont commencé à trembler et à gonfler, mes yeux tremblaient également, puis je suis devenu aveugle. (…) De la mousse a commencé à sortir de ma bouche”, raconte une victime de Zamalka à l’ONG syrienne VDC. Les médecins ont constaté les symptômes suivants : pupilles dilatées, yeux rouges, tremblements, hallucinations et pertes de mémoire, nausées, vomissements, malaises, troubles respiratoires et cardiaques, paralysie et convulsions neurologiques.

De nombreuses victimes sont mortes durant leur sommeil. D’autres personnes se sont réfugiées dans les caves, s’exposant davantage aux gaz toxiques, plus lourds que l’air. Les personnels soignants et de sauvetage ont été contaminés à défaut de protection suffisante, notamment de masques. VDC souligne que tous les animaux présents sur les lieux sont morts.

  • Les secours étaient-ils adaptés ?

Dans ces villes bombardées depuis plus de huit mois, sans eau et électricité, des hôpitaux de fortune ont été installés dans les endroits les plus sécurisés. Ces structures ne disposent pas, pour la plupart, d’équipement adapté en cas d’attaque chimique. Selon Ammar Chaker, de l’UOSSM, le réseau de médecins syriens s’apprêtait à délivrer une formation dédiée aux équipes médicales.

Les stocks d’atropine ont été largement insuffisants. Dans un petit centre médical de Zamalka, un médecin a dit disposer de 600 doses pour des dizaines de victimes. Le traitement normal prévoit de 50 à 300 doses par patient.

  • Quelles sont les preuves ?

Les puissances occidentales ont réuni un faisceau de preuves grâce aux vidéos filmées par les témoins des attaques, aux rapports des médecins, aux images satellites, aux évaluations de divers services de renseignement et notamment à l’interception de conversations téléphoniques des autorités syriennes. Des échantillons prélevés sur les victimes ont été sortis de Syrie dès mercredi.

  • Pourquoi le régime syrien a-t-il attaqué ?

La présence des inspecteurs de l’ONU à Damas au moment de l’attaque fait penser à une provocation délibérée du régime. L’ampleur des attaques donne peu de crédit à la thèse d’une initiative isolée. On peut toutefois envisager que l’attaque ait été plus mortelle que prévu.

Selon le brigadier général Selim Idriss, l’attaque a été préparée par Bachar Al-Assad avec ses services de défense, en réponse à l’attentat mené le 8 août par la rébellion contre son convoi et au renforcement des unités de l’ASL dans la Ghouta, avec des moyens militaires plus sophistiqués. Certains pointent le rôle pivot de son frère Maher, véritable homme fort du régime, dans cette décision.

Le régime a pu craindre une percée majeure de l’opposition à Damas. L’armée régulière a jusqu’à présent échoué à forcer les lignes de la rébellion dans la Ghouta, une porte d’entrée vers la capitale, et craint une offensive générale, appuyée par des troupes venant du sud, de la province de Deraa et éventuellement de Jordanie, où des unités de combattants de l’ASL sont formés notamment par les Etats-Unis.