Mai
16
Classé dans (La recherche du temps perdu) par la Vieille Garde le 16-05-2016

Note à destination de madame Dibot: je vais exploser les longueurs réglementaires, je n’ai pas le choix, des ordres venus d’en haut attendent une suite “longue et somptueuse”, je m’exécute, ou j’essaye.

Muni de mon sac de cours, qui était déjà celui que l’on me connait et qui de ce fait porte ses vingt ans de manière fort allègre, lui a mieux supporté ces  années que moi, peut-être car le cuir est déjà mort et moi pas encore? Peu importe. Muni de mon sac de cours, de mon cartable, j’étais là, sur ce parking de gare qui n’était en rien celui des anges (un carambar à qui trouve la référence), le visage et le corps battu par les flots déchainés, des paquets de mer et d’embruns poussés par l’ouragan de vents tumultueux….euh, je m’égare, mon côté Sturm und Drang. En fait il faisait assez beau, dans un air doux et les sons de la ville étaient atténués par la distance qui existe entre la gare et l’artère principale.

Je ne sais si vous l’avez constaté, mais, c’est toujours lorsque l’on cherche un panneau indicateur que l’on n’en trouve pas! Il y en a cependant partout, puisque l’on s’y cogne mais, là, rien. J’entends déjà quelques histrions me dire “vous ne l’aviez pas googlisé”, “vous n’aviez pas l’appli ‘je trouve mon lycée’ sur votre smartphone’, ‘fallait aller sur google map’ ou quelques grotesques inepties de ce genre. Malheureux!!! C’était au tout début du XXI siècle, en 2000, cela n’existait pas! Enfin, si , un peu, mais si peu, et pour moi pas du tout. Je m’étais penché sur mon atlas, mais naturellement, souci d’échelle et à la bibliothèque les encyclopédies et guides touristiques me laissaient dubitatif et sans plan précis. Bref.

Le parking de la gare, toujours lui,  était aussi désert qu’un collège le 14 juillet. J’entrais dans la gare et envisageais de demander des renseignements à l’aimable agent d’une société d’Etat, nationalisées sous le Front Populaire (on révise pour le brevet!), lequel agent se trouvait derrière une vitre et son hygiaphone. Avec toute la courtoisie qui caractérise le Poitevin en goguette, je pose ma question:” bonjour monsieur, veuillez m’excuser de vous déranger, d’autant plus que ma question n’est pas véritablement en adéquation avec vos attributions, je désirais savoir si vous pouviez m’indiquer la direction de la cité scolaire?” Aussitôt, le cher homme s’exécute et avec force geste m’indique une direction. Il y avait fort heureusement, les gestes, puisque je n’avais rien compris à ses propos. Accusant la vitre, obstacle transparent mais bien réel, de cette piètre communication, je pris le chemin indiqué.

Je débutais alors un trajet que j’aurais par la suite bien souvent l’occasion d’emprunter et parvins à la rue principale, le rue Saint Louis, j’ai tout de suite aimé cette rue, une intuition, ou alors son théâtre de style stalinien, j’hésite encore (je renvois au site de la municipalité, qui ne m’en voudra pas, en lien plus bas, normalement à la page patrimoine architectural).

Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver ici une “friterie”, c’était donc quelque chose de commun, sur ces terres, en rien une exception! Après avoir noté les différences de style (l’œil de l’historien et du géographe est toujours aux aguets), prenant mon courage à deux mains et profitant de ce que le “tenancier”, jeune, soit désœuvré, je m’approchais pour lui reposer ma question “où se trouvait la cité scolaire?” Là aussi, ce brave garçon se mit à me répondre, avec un vocabulaire, des intonations, qui me firent accroire que je n’étais plus en capacité de comprendre ce que l’on me disait.

Je venais de découvrir le parler “ch’ti”, alors que j’ignorais même qu’il existât. Pourquoi diable n’apprend-on pas aux élèves, que tout le monde ne parle pas français en France? Cela éviterait des chocs tels que celui que j’eus. Pour l’heure, éberlué, totalement abasourdi, tentant de me raisonner, je me dirigeai vers le lycée, je savais enfin où il était, je venais de trouver un panneau indicateur, rédigé, fort heureusement, en français.

Je rencontrai madame le proviseur, apprenais quelles seraient mes classes, me mettais au courant de quelques éléments, tout cela dans un français des plus convenables. Ceci accompli, je repris mon cartable, présentai mes civilités et reprenais bus, train, métro, afin de rentrer en mon doux Poitou, me disant que je n’avais pas eu de chance en rencontrant une ou deux personnes accablées par des soucis d’élocution marqués; mais qui avaient trouvé le moyen de s’intégrer dans la société, ce qui me laissait à penser qu’il y avait là une fibre sociale. J’avais découvert un lycée calme, puisque sans élèves, une ville agréable, avec le soleil et la douceur on ne fait pas trop attention, finalement, naïvement, je me disais que le Nord ne méritait pas toutes les critiques entendues.

Rentré chez moi, je me mis à l’ouvrage et préparai mes premiers cours de lycée, dans un français que je souhaitais irréprochable et soutenu, je souhaitais que les choses fussent parfaites. C’était là ma première erreur, je n’en savais rien alors….

http://www.fourmies.fr/pages/page-patrimoine-architectural-15062015.html