Une courte citation de la scène 4 de l’acte II du Bourgeois gentilhomme, de Molière.
Pourquoi?
En premier lieu pour informer notre futur public que le 14 juin à 18h, date entourée sur tous vos agendas, notre représentation annuelle, gratuite et publique aura bien lieu mais, contrairement à ce qui avait été annoncé, ce ne sera pas une adaptation du Petit Prince mais une vision de quelques scènes choisies du Bourgeois gentilhomme. Cette année encore notre modeste troupe doit faire face à quelques modifications inopinées de sa composition et il lui a fallu, en urgence, trouver une solution. Ainsi, alors que la connaissance des rôles se mettait en place, il faut tout changer et nous n’avons que 2 mois. Un défi encore plus important à relever.
Voici donc qu’au cours de ce spectacle, vous ne manquerez pas d’entendre cette réplique de monsieur Jourdain, un bourgeois qui se ridiculise de toutes les manières possibles en voulant à tout prix singer les habitudes de la noblesse et qui s’entoure de divers “maîtres”, lesquels ont pour vocation de lui enseigner la danse, la musique, la philosophie, le maniement des armes, le tout pendant que son tailleur lui confectionne un nouvel habit et qu’il tente de rédiger une lettre à la marquise dont les beaux yeux le font mourir d’amour.
Or, ladite phrase, toute entourée de facéties qu’elle sera n’en manquera pas d’énoncer cette vérité: “la belle chose que de savoir quelque chose”. Naturellement, vous qui venez chaque jour au collège en êtes persuadés, tout comme ceux qui, au cours de ces quelques jours ont profité d’école ouvert pour découvrir les collections du musée de l’auto, du musée des coiffes ou bien les travaux de l’ancien théâtre, ou bien encore quelques vestiges de châteaux et de forts curieuses églises au cours d’une sortie vélo. Bref, les occasions de savoir, d’apprendre, ne manquent pas, à tout âge et en toutes circonstances.
En paraphrasant un grand chanteur français je conclurai en disant “on a tous en nous quelque chose de monsieur Jourdain”
(un bon point à celui/celle qui trouvera le chanteur et la chanson!)
Il me semble avoir atteint une des limites de la technique de classement de notre Torchon, à moins que ce ne soit tout simplement une limite de ma mémoire, oserais-je espérer que la vérité soit en la conjonction des deux?
Ayant mes petites manies, les personnes âgées sont ainsi faites, ayant mes thèmes de prédilection, les profs sont ainsi faits, il m’arrive, assez régulièrement, de plus en plus d’ailleurs, de radoter. Notez, je suis assez honnête, ou stupide, pour le dire, puisque je demeure persuadé d’être bien le seul à me rendre compte de mes risque de répétition. C’est alors que la conscience ne n’être pas véritablement lu s’impose. Fort heureusement, mon métier me permet aussi d’être confronté au quotidien à la difficile certitude de n’être pas écouté, de ce fait, je trouve assez naturel de continuer quoi qu’il advienne. Bref, la citation du jour est peut être une redite, car en latin, extraite d’un film que j’adoooooore, un peu moralisatrice et de saison!
ad augusta per angusta: vers la réussite par des chemins étroits. C’est ce que son père dit à Hubert dans j’ai tué ma mère, alors qu’il l’envoie en pension, lui signifiant ainsi qu’on ne peut espérer réussir ou triompher sans difficultés, ce qui vaut d’ailleurs mieux puisque, comme aurait dit le comte (un autre) dans le Cid : ” à vaincre sans péril on triomphe sans gloire”.
Ainsi, chers zélèves, alors que le spectre d’une reprise prochaine se profile sous un ciel gris bas et lourd et que votre âme, plus que jamais, vous semble alors être de ces cloches fêlées chères à Baudelaire, ayez à coeur de vous souvenir que tout cela est pour votre bien, que l’élévation de votre esprit est à ce prix, que nous aussi aimerions rester un peu en vacances, encore un peu de temps monsieur le bourreau (non, je ne parle pas du ministre qui raccourcit les vacances) mais que nous non plus n’avons pas le choix.Et puis, le collège, les cours, cela a aussi de bons côtés, les jeux de mots de vos profs, l’étude de leurs tenues, de leurs manies, les potins à échanger, votre sociabilité à reprendre.
En somme, on serait presque heureux d’aller en cours, presque. Ce que vous ignorez encore, c’est que, dans 10 ans, vous regretterez ces années comme faisant partie des plus belles de votre vie, alors, profitez-en dès à présent, apprenez à les vivre autrement et dites vous que vous avez bien de la chance de pouvoir étudier.
“il n’y a pas de réussite facile, ni d’échecs définitifs”
Proust
Voilà une citation de saison, je veux dire, appropriée à ce temps de vacances. Cette période, vous le savez, chers zélèves, est destinée à vous permettre, à nous permettre, de nous remettre à jour et à flot dans tout ce que nous avons à faire. Vous et nous avons à travailler, afin de contribuer à vos réussites, afin de faire disparaître les causes de vos échecs temporaires.
Seulement, tout cela demande des efforts! Vous ne pouvez espérer réussir sans efforts! C’est à ce prix que vous parviendrez à surmonter ce qui, pour l’heure, peut sembler être une difficulté. Courage donc et une fois encore souvenez vous de la fable du laboureur…
Tous les amateurs de Tintin le savent, Lao-Tseu a dit….
Ici, un détour par l’Asie aussi, mais avec Confucius, que les zélèves de 6è découvriront en fin d’année.
Exige beaucoup de toit même et attend très peu des autres, ainsi beaucoup d’ennuis te seront épargnés.
Cela n’est-il pas tout indiqué pour nos chers zélèves tout comme pour chacun d’entre-nous? En même temps, il y a bien une certaine fatalité qui laisse presque à désespérer de l’Humanité, un peu comme s’il n’était possible de compter sur personne, à moins que ce ne soit un appel à la clémence?
Finalement, y aurait-il là quelque chose que les zélèves de 6è connaissent déjà, une réponse digne de celles de la Pythie à Crésus?
est une création de la pensée des autres”. C’est ce qu’affirme Proust au début de la Recherche.
Une si petite phrase pousse à une grande introspection, à une profonde remise en cause. Nous serions, pour notre être social, une création des autres. Autrui serait donc le démiurge qui donne naissance, non pas à ce que je suis mais à l’être social que je suis, social au sens d’individu existant en société, pas sociable, peu importe le caractère. Nous n’existerions donc, socialement ,que pour nous conformer aux attentes que l’on porte sur nous ou bien, au contraire, pour nous révolter.
Quelle liberté serait donc la nôtre en ce cas? Liberté de choisir si l’on veut, ou non, répondre aux attentes, voire, aux exigences formulées à notre égard ou à notre encontre. Prenons, à nouveau, la mode, comme exemple concret. Nous avons la possibilité de choisir de nous conformer aux exigences de cette dernière, si nous souhaitons apparaître “cool” aux yeux de ceux devant lesquels nous sommes en constante représentation. Nous serions donc cool car désireux de nous conformer à l’avis d’une personne ayant prétendu que nous l’étions, nous veillerions donc à entretenir cette image, cette création de note personnalité sociale, née du regard de quelques individus de notre entourage.
Je n’irai pas plus loin dans les exemples car la méthode est la même pour tout. Vous avez compris, chers zélèves, que vous pouvez appliquer cela à bien d’autres domaines. Je vous invite aussi à vous poser la question de savoir si cela ne pourrait pas être appliqué à l’univers scolaire…, à l’univers amoureux… Jusqu’où n’êtes vous pas désireux de vous conformer aux attentes d’un regard qui se pose sur vous? Quels changements êtes vous prêts à vous imposer pour conserver le regard amoureux, compatissant, admiratif qui se pose sur vous? Ne pouvez vous pas, parfois, être, plus courageux, plus travailleur, plus chahuteur que vous ne l’êtes vraiment, uniquement pour répondre à cette réputation qui, un jour, de manière parfois aléatoire, se fit et vous colla à la peau?
Exister, être libre, être unique, cela ne serait-il pas cesser de vivre à travers le regard asservissant de l’autre?
Vous n’avez pas le os en verre, vous pouvez vous cogner à la vie.
L’homme de verre, dans Amélie Poulain. J’espère que tout le monde connait, sans quoi, en premier lieu, je m’énerve, puis, calmé, je vous invite à voir le trop court extrait qui suit.
En ce jour, dit des morts, fête mise en place à l’abbaye de Cluny au Xè siècle, une fois n’est pas coutume, parlons de la vie. C’est miss glamour qui m’incite à mettre cette citation. Vous semblez, tous autant que vous êtes, vous chers zélèves zé jeunes, tout aussi prompts à vous désespérer qu’à vous enthousiasmer. Pourtant, ainsi que le disait Mark Twain, la catastrophe qui finit par arriver n’est jamais celle à laquelle on s’est préparé.
Nous le savons tous et, malgré cela, n’en tenons que trop peu compte dans le cadre de nos agissements. Je n’aurai pas la stupidité de vous ressortir du Nietzsche à la petite semaine en ressassant son célèbre : ce qui ne me tue pas me rend plus fort, mais il me semble qu’à votre âge, alors que le temps ne vous est pas encore compté, ou que du moins vous ne le percevez pas comme tel, vous dont chaque journée n’est pas uniquement la conscience d’un sursis avant la mort et le saut dans l’Oubli éternel, donc, disais-je, ne craignez pas les circonstances de la vie, ne craignez pas ce qui vous semble des pertes de temps, des erreurs d’orientation, des échecs, des drames amoureux irrémédiables etc.
Tous ces instants sont aussi précieux que ceux des fêtes réussies, des baisers merveilleux, des succès scolaires ou sportifs etc, puisque c’est la somme de tous ces instants, de TOUS, qui participe de votre construction humaine et fait que vous devenez, jour après jour, celui ou celle que vous devez être, l’individu, étonnant aux yeux du monde, qu’il était nécessaire que vous fussiez.
Nous nous rêvons, nous nous idéalisons, tels Alice au pays des merveilles, et nous sommes, fort heureusement, à mille lieux de cette perfection incarnée (sauf mme de la Vieille Rédaction, cela va de soi). De la sorte nous sommes accessibles aux autres et capables d’entretenir avec eux des liens, car eux non plus ne sont pas parfaits.
Aussi, après avoir constaté qu’il peut nous arriver de n’être pas sociables, ce qui fut la première étape, ne manquons pas de nous attacher à la seconde qui sera de changer cela. Pour le faire, il suffit de se lancer à la rencontre des autres, de leurs vies, en ne craignant pas de nous cogner à tout cela et, tels les enfants que nous ne devrions jamais cesser d’être, après quelques larmes et un bisou magique, que nous saurons trouver d’une manière ou d’une autre, qui nous sera propre, repartir vers la Vie.
Avec cette citation de Joseph Joubert, contemporain de Chateaubriand, que ce dernier appréciait, ce qui est à signaler, lorsqu’on connaît le caractère du vicomte François-René, je trouve la transition entre le thème précédent et ce qui, la semaine prochaine, mettra un terme à notre repos estival à tous, à la rubrique citation des vacances et permettra un retour du mot du vendredi, nouvelle version.
Nous avons eu l’occasion d’amorcer une réflexion, empreinte de nostalgie, sur l’amour et l’amitié. Bien souvent furent mises en avant des oppositions et, tout aussi souvent, des points communs. Il paraît évident que, lorsque les points communs existèrent, ce fut lorsque l’amour n’était pas pensé comme passion. Ainsi, un amour existant depuis un certain temps cesse-t-il, d’ordinaire, d’être passion pour devenir tendresse, ce qui ne saurait en aucun cas altérer le sentiment, tout au plus, comme pour le vieillissement du corps faut-il voir là une évolution naturelle qu’il faut accepter et savoir aimer. Cela ne fait que révéler un paradoxe de plus, à l’égard du comportement amoureux, proche de ce qu’évoque Pascal lorsqu’il affirme qu’ “ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontés, le repos devient insupportable”.
Eternelle insatisfaction de l’être donc, qui ne cesse de courir après ce qu’il n’a pas et s’en ennuie sitôt trouvé. Il en est de même avec le sentiment amoureux, dans certains cas, mais nous nous approchons ici… dangereusement de ce que Choderlos de Laclos décrit dans ses magnifiques Liaisons dangereuses, à lire impérativement avant que de les voir en film. Notons au passage que l’amitié est exempte de ce dédain “post-obtention”. Lorsqu’on recherche une amitié, ce n’est jamais pour s’en détourner une fois que cette dernière est obtenue. Il n’y a pas ici d’ouverture à la duperie, et c’est heureux.
Doublement heureux car “le véritable bien se trouve dans le repos de la conscience”, nous dit Sénèque, et ce sage Grec avait mille fois raison. D’une manière populaire cela se traduit d’ordinaire en disant que l’on peut se regarder dans la glace le matin sans honte ni trouble au visage. Ce repos de la conscience est à rechercher par dessus tout, y compris, et surtout, dans les relations amoureuses, et plus encore à l’adolescence où, pour beaucoup, jouant Marivaux sans le savoir, la vie est pour eux Le jeu de l’amour et du hasard.
Faudrait il alors que, pour vivre en toute ataraxie, on découvre que “le repos de l’âme consiste à ne rien espérer” ainsi que le dit un proverbe oriental, ainsi qu’on le trouve écrit dans le captivant livre de Lenoir La promesse de l’ange? J’avoue que je fus surpris de lire cette phrase et de découvrir qu’il s’agissait d’un proverbe oriental car j’ai fait, depuis bien des années, cette devise mienne, dans le cadre de mes relations à autrui. Je n’envisage pas de réclamer des droits d’auteur mais suis frappé, une fois de plus, de constater qu’il peut exister une certaine universalité de pensée, surtout, je constate que je ferais donc, moi aussi, sans le savoir, preuve d’une certaine sagesse toute orientale.
Enfin, et car la rentrée est à notre porte, sachez, comme le disait le duc de Levis, que “rien n’assure mieux le repos du coeur que le travail de l’esprit”. Conseillons donc à toutes celles et à tous ceux qui désespéreront au cours des mois à venir, suite à quelque respectable amour de jeunesse déçu, de s’oublier, un temps au moins, dans un salvateur travail, le temps que le Temps fasse son oeuvre et que, garçon ou fille, vous puissiez repartir à l’assaut du monde et de l’Amour afin d’atteindre l’empyrée.
Et Balzac, que j’aime tant, savait de quoi il parlait!
Que de contradictions apparentes dans cette citation, avec laquelle madame de la Vieille Rédaction ne manquera pas d’entrer en contradiction elle aussi. Cette citation oblige à penser à une autre: “vanité des vanités, tout est vanité” (je vous épargne pour une fois la version latine).
Cette idée de vanité j’eus l’occasion de l’aborder au château de Villandry avec les 4è, le 7 mai de cette année. En peinture, les vanités sont ces oeuvres destinées à la méditation ou à la mise en garde, les 5è le savent ou le découvriront assurément avec le tableau de Holbein, les ambassadeurs. Mise en garde contre les séductions du monde, destinées à faire se souvenir les spectateurs de ce que ni la richesse, ni la beauté, ni la force, pas plus que l’intelligence ne sont, en ce monde acquis, à l’Homme, comme aurait dit Aragon, qu’il lui faudra quitter cette Terre et en sortir nu, tout comme il y entra.
Ainsi, ceux qui furent, de leur vivant, GRANDS, car héros de la vie militaire, écrivains brillants, poètes adulés, femmes à la beauté,un temps, stupéfiante, (la seule exception, à ce jour connue, étant madame de la Vieille Rédaction) etc, ne sont ils plus, morts, que des êtres comme les autres, condamnés, pour la quasi totalité, à l’oubli, un oubli plus ou moins prompt, mais un oubli durable, éternel. Pour les rares, dont les siècles et les zélèves se souviennent, on dit qu’ils sont auréolés de gloire. Leur nom, gravé dans le marbre, imprimé sur les livres, et, maintenant, stocké sur disque dur ou sur la toile mondiale, est-il préservé de la disparition qui nous guette tous, à plus ou moins brève échéance.
Cependant, quel froideur que celle de ce soleil de gloire. Afin de clore notre réflexion sur l’amour et l’amitié je ne puis que vous inciter à chercher en ce monde la gloire d’une vie droite au cours de laquelle il vous aura été donné de pouvoir cultiver un amour, une amitié vrais. Réchauffez vous au souffle des sentiments humains les plus nobles et les plus à même de vous procurer, dans le coeur de ceux qui vous sont proches, une forme d’éternité.
Alors que la canicule guette notre pays, la rentrée se profile doucement, car, comme le dit si bien le père de Juliette dans la pièce éponyme, voici la gloire d’un nouvel été épuisée, ayez donc à coeur, chers zélèves de tous âges, de tout mettre en oeuvre afin de vous auréoler de la gloire de vote future réussite scolaire, vous qui êtes bien vivants, nous ne le savons que trop parfois!
ne résiste pas toujours au calme de la fidélité. Rivarol.
Paradoxal ou logique? Disons le d’emblée, il y a là deux visions clairement opposées de l’amour, lesquelles pourraient nous faire porter des jugements moraux, ce qui n’est pas du tout le but de notre réflexion, nous ne nous fourvoierons donc pas et obvierons à toute dérive, pour, au contraire, élever le débat.
On place toujours la fidélité sur le plan de l’amour, avec toutes les conséquences que cela porte, de la voir raillée ou présentée comme l’absolu, mais il me semble que la fidélité est aussi capitale dans les relations amicales, voire, plus importante encore. Balzac, dans la cousine Bette, s’interroge et pose la question suivante, qui pourrait être prise comme une affirmation tout autant “peut-être la certitude est-elle le secret des longues fidélités”. Certes, mais de quelle certitude parle-t-on? De celle d’être aimé, d’aimer, c’est évident, mais en repensant bien à cette diversité de vocabulaire que nous permet le grec, à la différence du français, et que nous avions mise en avant antérieurement. On comprend alors pourquoi, selon Montherlant, “quand on aime, la fidélité n’est guère difficile”. Cela reviendrait tristement à dire que quand les choses vont, tout va et que, lors de la première difficulté, la relation change, en amour comme en amitié, et que l’on voit son Amour ou ses Amis s’éloigner de soi, ou bien nous, nous éloigner d’eux.
Cela arrive en effet parfois, cela me navre, cela ne devrait pas être. C’est là qu’intervient la fidélité. C’est là qu’elle peut être conspuée, par Eugène de Beaumont, par exemple, qui la rabaisse alors au rang de “la forme la plus noble de la servitude”, alors que d’autres l’absolutisent. Au nombre de ces derniers, se trouve Shakespeare, qui, dans sa pièce Antoine et Cléopâtre, proclame que ” celui qui persiste à suivre avec fidélité un maître déchu est le vainqueur du vainqueur de son maître”. J’avoue que cette possibilité d’inverser ainsi les valeurs me convient. La fidélité peut se voir en effet comme quelque chose de bien plus complexe que la seule relation à un individu. On peut être fidèle à une promese, à un absent, à un mort, à un souvenir, à un idéal etc. Vouloir, car il faut le vouloir, vouloir être fidèle à quelque chose, et plus encore à quelqu’un, c’est savoir pour quoi, ou pour qui, on peut vouloir mourir. Il suffit de penser ici au programme d’histoire de troisième et à tout ce qui tourne autour de la résistance: c’est la fidélité à “une certaine idée de la France”, comme aurait dit de Gaulle, qui a permis à ces hommes et à ces femmes d’accepter le sacrifice de leur vie. Le sacrifice n’est pas à rechercher en soi, mais j’avoue que, idéaliste par essence et névrosé par habitude, je trouve, en l’idée du sacrifice, quel qu’il soit, quelque chose d’admirable.
Vouloir rester fidèle à un amour, vouloir rester fidèle à une amitié, lorsqu’en face ce n’est plus le cas, ou plus possible, la vie, ou la mort, en décidant autrement, qui n’a pas vu un film, entendu un opéra ou une chanson, lu un livre, même dans la littérature pour ado, qui mette cela en avant? Qui ne fut pas sensible à ces messages? Me concernant, je le suis toujours et saisi aux entrailles. Songez à tous ces instants sublimes, décrits, chantés, rimés, filmés, où, par fidélité, on hante les lieux qui sont autant de théâtres où se rejoue, avec un ou plusieurs acteurs en moins, la scène préférée d’un amour ou d’une amitiée perdue. Songez à ces gestes que l’on aime refaire, à ces paroles que l’on se répète, pour se souvenir de ceux qui ne sont plus et que l’on ne cesse pas, pour autant, d’aimer. Il ya certes là un côté névrotique et que d’aucuns qualifient de morbide, je n’y vois que de la fidélité, par delà le temps et ses ravages.
Vouloir permettre à un sentiment de transcender le temps et l’espace pour s’inscrire dans l’éternité, lui faire dépasser l’humanité dont il est issu pour l’ennoblir, l’élever, c’est grandiose, c’est fort peu réaliste, c’est assurément source de tristesse, mais c’est glorieux!
Tentons ici, afin de poursuivre notre réflexion entamée il y a de cela plus de 3 semaines, de réfléchir encore un peu sur tout ce qui concerne l’amitié, l’amour et le lien entre les deux. Je n’aurai certes pas la prétention de vouloir ici trancher le débat mais en revanche de glisser quelques citations, à conserver, afin d’aider, modestement, nos millions de lecteurs à se faire tout à la fois, si ce n’est une opinion, du moins un questionnement, et, surtout, pour les zélèves, un début de culture en vue du bac de philo, si, si, si, j’ai toujours vu très loin, pour les zélèves!
Débutons avec la citation mise en titre, que nous devons à monsieur de la Bruyère, pour lequel, le siècle et les tournures aidant, j’ai aussi beaucoup d’affection. Avec cette citation il semble bien que nous ayons une frontière infranchissable entre ces deux émotions, entre ces deux sentiments. A tel point que, face au Temps (il n’est jamais loin avec moi), le même auteur puisse affirmer: “le temps qui fortifie les amitiés affaiblit l’amour”, idée qui peut être interprétée de différentes manières, ce qui revient alors à donner plus de poids et de valeur à l’un plus qu’à l’autre de ces sentiments. Cela peut paraître normal, mais, pourquoi devoir opérer une gradation dans l’échelle des valeurs entre deux sentiments qui, ici, semblent présentés comme opposés? Ne serait-ce pas car, finalement, on leur peut trouver un lien? Les Grecs anciens, pères de la philosophie, ne me contrediraient assurément pas, eux qui, pour désigner le terme d’amour, avaient 3 mots: eros, philia et agapè, le premier se référant à l’amour dans son acception physique, le deuxième se traduit en français par le terme d’amitié, le troisième par celui de charité.
Ainsi, pouvons nous mieux comprendre (et ce n’est pas une mince affaire, car il est Anglais) lord Byron, pour qui, “l’amitié est l’amour sans ailes”, qui donc met à la fois un lien entre les deux sentiment tout en les hiérarchisant et en, on l’ a compris, posant sur un piédestal l’amour. C’est donc tout naturellement qu’une française, madame d’Houdetot contredit notre lord en affirmant, elle, que “l’amour est à la portée de tous mais l’amitié est l’épreuve du coeur”, ce qui revient à confier à l’amitié une attitude plus élitiste.
Cependant, gageons que les affirmations des uns et des autres sont avant tout liées à leurs propres histoires et que ces romantiques ou ces classiques, s’ils avaient vécu autrement, eussent aussi écrit tout autrement.
Racine, assez curieusement, fut lui aussi tenté par une synthèse, proclamant: ” que ne peut l’amitié, conduite par l’amour”. J’avoue être assez proche de cette perspective, trouvant que le vocabulaire français n’offre peut-être pas toutes les possibilités pour décrire la complexité de ces sentiments qui sont finalement parfois très proches, chronologiquement et par la confusion qu’ils peuvent induire, l’un précédant l’autre, ou bien lui succédant. Je demeure cependant certain qu’il demeure toujours un peu de l’un dans l’autre et que rien ne peut être aussi tranché que le pense la Bruyère, sans quoi, comment expliquer que ces mêmes glissements que nous venons d’évoquer puissent tout simplement exister? Ne parle t’ on pas d’ailleurs d’amitiés amoureuses et au grand siècle les amants ne se disaient-ils pas mon ami(e)? Que dire alors des euphémismes actuels qui font que l’on parle de petit(e) ami(e) pour désigner un(e) amoureux(se)? Ce qui revient à placer, comme nous le vîmes plus haut, l’amitié, finalement, en position supérieure à celle du sentiment amoureux.
Nous faisions mentions plus haut de cette différence d’approche entre l’amitié et l’amour face au temps, pour Jacques Deval “l’amitié vit de silence, l’amour en meurt”, autre différence importante, mais qui, ici, me semble plus devoir être mise en lien avec la manière dont les individus semblent pouvoir vivre leur relation, du coup, cette généralisation pourrait être abusive, il doit y avoir des amoureux silencieux et des amis bavards! En revanche, j’aime beaucoup cette citation de Bismarck, qui, quand on connait l’homme peut presque surprendre, mais qui prouve bien en revanche à quel point l’auteur de la Realpolitik était un fin connaisseur de l’âme humaine: “l’amour est aveugle, l’amitié ferme les yeux”.
Pourrait-on alors envisager que l’amour et l’amitié ne s’excluent pas mais que, tout simplement, ils ne se reconnaissent pas car ne se voient pas? L’aveuglement de l’amour serait plus à considérer comme celui de la passion, quant à ces yeux fermés de l’amitié, ils me font penser à ce merveilleux tableau de Rembrandt, le fils prodigue, (que je vous invite à rechercher et à trouver, très aisément, sur internet, que j’eux le grand plaisir de voir “en vrai”, au musée de l’Ermitage, à Saint Petersbourg, accompagnant des élèves du Nord), lesquels yeux fermés sont ceux du père plein d’amour. Ne sont-ce pas, en plus de nos meilleurs amis qui savent voir nos défauts et les accepter, nos parents, ceux qui nous aiment sans doutes le plus, qui savent agir de la sorte: fermer les yeux et continuer à nous aimer?
Au final, nous n’avons pas tranché cette question, mais nous avons découvert la proximité évidente de ces deux sentiments, lesquels, en tout état de cause, sont inévitablement liés à un autre sentiment essentiel: la fidélité.