16. janvier 2024 · Commentaires fermés sur Olympe de Gouges : Homme es-tu juste ? Texte 5 Construire une fiche de révisions pour l’oral à partir de la lecture linéaire · Catégories: Lectures linéaires, Première

En guise d’introduction 

Auteure du XVIIIème siècle marqué par les Lumières, Olympe de Gouges est le nom de plume de Marie Gouze dont la mère avocate était noble tandis que son père était un bourgeois. Mariée à dix-sept ans, mère quelques mois plus tard et très vite veuve, elle ne se remarie pas afin de préserver sa liberté : elle n’a pas besoin de demander l’autorisation d’un mari pour publier, comme la loi l’exige. N’ayant reçu qu’une éducation lacunaire comme les jeunes filles bourgeoises de son époque, elle sait à peine lire et écrire, c’est une autodidacte. Elle dicte ses textes à des secrétaires et compose surtout des pièces de théâtre et des essais pour diffuser ses idées novatrices. Engagée, elle aborde des sujets controversés et partage les idées révolutionnaires les plus radicales et dérangeantes comme la condamnation de l’esclavage ou des mariages forcés tandis qu’elle défend le droit au divorce ou les prostituées. Elle s’intéresse aussi à la politique réclamant d’importantes réformes sociales et d’abord l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, ce dont témoigne sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne parue en 1791. Cette femme trop libre et frondeuse se fait des ennemis : accusée de publication d’écrits contre-révolutionnaires, elle est la deuxième femme guillotinée après Marie-Antoinette en 1793.

Situation de l’extrait

L’extrait se situe après l’épître à la reine et avant la DDFC. L’auteur s’adresse aux hommes et les incite à réfléchir sur la manière tyrannique dont ils se comportent vis-à-vis des femmes, leur accordant injustement une place subalterne dans la société alors qu’ils sont égaux.

Projet de lecture : Comment Olympe de Gouges amène-t-elle les hommes à réfléchir sur l’inégalité entre l’homme et la femme dans la société du XVIIIème siècle ? / Comment dénonce -t-elle l’abus de pouvoir et la tyrannie exercée par les hommes sur les femmes ? / Comment l’auteure dénonce-t-elle l’injuste inégalité entre l’homme et la femme au siècle des Lumières ? ( au choix ) 

Nous pouvons distinguer 3 mouvements, ( un par paragraphe )

L. 1 à 4 O. de Gouges interpelle l’homme et lui demande de réfléchir à la tyrannie qu’il exerce sur la femme.

L. 5 à 9 Comparaison avec les autres espèces dans la nature et constat d’une coopération entre les deux sexes. 

L. 10 à 13 Dénonciation de la tyrannie que l’homme exerce sur la femme en raison de son orgueil et de son ignorance.

Lecture linéaire

Premier mouvement

L. 1 à 4 O. de Gouges interpelle l’homme et lui demande de réfléchir à la tyrannie qu’il exerce sur la femme. Le texte s’ouvre sur une apostrophe à l’homme et une question rhétorique : « Homme, es-tu capable d’être juste ? » Le singulier « Homme » est généralisant : c’est à la gente masculine qu’elle s’adresse. Avec le pronom de 2ème personne « tu », elle ne met pas l’homme sur un piédestal mais s’adresse à lui comme à un égal. Elle semble le provoquer, lui lancer une sorte de défi avec l’expression « es-tu capable » qui fait référence à ses capacités, à ses facultés, lui qui se prétend supérieur à la femme. O. de Gouges souligne d’ailleurs aussitôt avec une phrase emphatique et le présentatif « c’est…que » qu’elle s’adresse à l’homme en tant que femme et donc aussi porte-parole de toutes les femmes comme le confirme ensuite « mon sexe » à valeur de généralisation. La 2ème phrase de rythme binaire est très construite et montre déjà que l’auteure, bien que femme, maîtrise la rhétorique (=art du discours). Dans la 2ème proposition, elle dénonce implicitement l’abus de pouvoir des hommes qui privent les femmes de leurs droits : « tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. » O.de Gouges ose prendre la parole pour poser une question aux hommes et elle prend ainsi ce droit, sous-entendant que l’homme prive la femme de tout autre droit. Elle l’interpelle à nouveau et l’exhorte à lui répondre toujours sur un ton de provocation, en continuant de le tutoyer, la phrase devenant injonctive avec l’impératif : « Dis-moi ? »

La dénonciation se précise dans la phrase interrogative suivante avec l’expression « opprimer mon sexe » l.2. O. de Gouges interroge l’homme sur l’origine de sa prétendue supériorité, son « souverain empire », l.2 formule pompeuse et un peu ridicule à laquelle fait écho « cet empire tyrannique » l.4 qui comparent ici l’homme à un despote, qui commet des abus de pouvoir : le pronom interrogatif « Qui » supposerait un être supérieur, une transcendance, Dieu peut-être. Elle évoque d’autres hypothèses peu convaincantes qu’elle ne prend pas même la peine de développer, ce qui discrédite un peu plus les hommes : « Ta force ? Tes talents ? » l.2-3. La phrase suivante est encore injonctive avec les impératifs « Observe » ; « parcours » et « donne-moi » et sur un ton de défi avec « si tu l’oses », traduisant l’indignation de l’auteure. Elle incite l’homme à observer le monde autour de lui, évoque d’abord Dieu, « le créateur dans sa sagesse », qui dans sa perfection a forcément été équitable. Elle en souligne ironiquement « la sagesse » dont l’homme est, lui, dépourvu. Elle prend aussi pour référence la nature, une valeur importante des Lumières qui renvoie à l’innocence et à la mesure. Elle est ici est mise en valeur avec « sa grandeur ». Le ton est ironique avec la proposition relative « dont tu sembles vouloir te rapprocher » : cela sous-entend que l’homme est loin de la grandeur à laquelle il prétend. Elle dénonce ses prétentions à vouloir égaler Dieu et la nature alors qu’il agit avec les femmes en despote capricieux.

Second mouvement

L. 5 à 9 Comparaison avec les autres espèces dans la nature et constat d’une coopération entre les deux sexes.  O.de Gouge utilise ensuite un raisonnement par analogie : elle demande à l’homme de comparer la relation entre les deux sexes dans l’espèce humaine et dans les autres espèces vivantes. On peut remarquer encore sa maîtrise de la rhétorique avec cette phrase ample qui constitue presque tout le 2ème paragraphe, les parallélismes de construction qui donnent plus de force à ses propos : « Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux » l.5. La phrase est toujours injonctive avec les verbes du champ lexical de la réflexion à l’impératif « Remonte » l.5, « étudie » l.5 « jette enfin un coup d’oeil » l.5, « rends-toi à l’évidence », « cherche, fouille, distingue » l.7. O. de Gouges guide ainsi l’homme dans sa réflexion puisqu’il ne semble pas pouvoir trouver seul ou nie les faits : « rends-toi à l’évidence » finit-elle par lui asséner, ajoutant « quand je t’en offre les moyens » Elle prend le pouvoir par les mots et feint de venir à la rescousse de l’homme. Elle se moque de lui et de se prétentions à dominer  qui selon elle, ne sont absolument pas justifiées. Un peu plus loin « si tu peux »,  équivaut à lui dire implicitement qu’il n’a pas été capable de réfléchir par lui-même, qu’une femme a dû le mettre sur la voie. La conclusion arrive enfin avec le parallélisme de construction « Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent », les verbes au futur de l’indicatif et au présent de vérité générale la présentent comme une certitude fondée en raison, reposant sur l’observation : on retrouve là la méthode scientifique chère aux Lumières et qui s’oppose aux préjugés hâtifs et aux idées reçues . La domination de l’homme sur la femme irait ainsi à l’encontre de la Raison. 

La thèse d’O.de Gouge arrive enfin : l’homme et la femme sont égaux en droit et se complètent comme le souligne le sens du verbe « ils coopèrent » ainsi que les métaphores mélioratives hyperboliques « un ensemble harmonieux » et « ce chef-d’oeuvre immortel » l.9.

Troisième mouvement 

L. 10 à 13 O.de Gouges dénonce la tyrannie que l’homme exerce sur la femme en raison de son orgueil et de son ignorance. Elle donne en effet les raisons de son égarement. Le ton est accusateur : « L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. » Le verbe « s’est fagoté » est péjoratif et souligne un défaut de raisonnement : la femme serait inférieure à l’homme, telle serait « l’exception » ici, devenue pour l’homme « un principe », c’est-à-dire une règle. L’homme ne s’est pas dit qu’il se trompait dans son raisonnement, il a préféré y décréter une exception dont il a fait un principe. Et l’auteur dénonce l’orgueil masculin avec « l’homme seul », l’homme se pensant toujours au-dessus de tous, même de toutes les espèces du règne vivant. L’accumulation d’adjectifs péjoratifs « Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré » dénonce la suffisance de l’homme qui le pousse à l’erreur et au déni. L’antithèse « ce siècle de lumières et de sagacité » / « l’ignorance la plus crasse » l.11 souligne son égarement, son manque de clairvoyance et de lucidité, d’autant plus impardonnable qu’il se proclame éclairé et que la science, le savoir ont progressé. Les modalisateurs dénoncent la vanité de leurs prétentions dans les expressions « il veut commander en despote » « il prétend jouir ». C’est finalement la Révolution même qu’il met en péril puisqu’il se comporte « en despote » et ainsi en ennemi de la liberté. De même il invoque « ses droits à l’égalité » l.13 mais en prive la moitié de l’humanité. A l’opposé, la femme est mise en valeur avec la périphrase « un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles » comme en atteste à elle seule l’exhortation et la DDFC qui suit. Les derniers mots « pour ne rien dire de plus » sonnent comme une conclusion : tout est dit.

Pour conclure , 

Une femme combative qui n’hésite pas à défier l’homme et à remettre en cause la légitimité du pouvoir qu’il exerce sur les femmes ; un texte polémique qui fait clairement entendre se récriminations. Elle le critique, le ridiculise et démontre que son pouvoir se fonde sur un exception aux règles de la nature : elle remet en cause l’idée même d’une domination “naturelle ” : elle est favorable à une collaboration des deux sexes, à égalité, afin d’établir une harmonie et de permettre à l’Humanité d’accéder au progrès et au bonheur , qui est une grande idée des Lumières . 

Ouvertures possibles : les avancées féministes avec l’évolution des mentalités , les femmes ont acquis des droits ( vote, parité ) mais il demeure des formes de sexisme parfois latentes dans les mentalités : c’est l’homme qui devrait travailler et pas la femme, c’est la femme qui doit s’occuper de la maison et des enfants . On peut souligner aussi que dans certains pays, les femmes n’ont pas le droit de conduire, de travailler, de sortir sans être accompagnées par un homme.