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Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 20-11-2010


En avant-première (parce qu’on sait ce blog si peu visité que seuls les habitués -vous, les zélèves !- liront ces pages avant les lecteurs de la NR…), votre reportage sur les cérémonies de commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918.

Des collégiens-reporters en immersion dans les cérémonies de commémoration du 11 novembre, à Châtellerault.

«  Moi, je trouve ça important de participer à des cérémonies du souvenir comme celle du 11 novembre, non pour dire que je suis patriote, mais pour avoir en ce jour une pensée pour ces hommes qui ont donné leur vie pour les générations futures afin que nous, nous naissions et vivions dans un monde libre.

Le 11 novembre, je pense toujours à l’énumération de ces hommes que l’on annonce « morts pour la France ». Je me dis que nous n’avons pas le droit des les oublier. Cela m’exaspère quand j’entends des gens dire « C’est quoi, le 11 novembre ? », « Non, mais t’es pas bien, j’ai autre chose à faire que d’aller à cette cérémonie ! »

Nous devons tous savoir à quoi correspond le 11 novembre, nous devrions tous avoir une pensée ce jour-là pour ces victimes de la guerre. Si nous oublions, cela peut recommencer : la preuve, aujourd’hui, dans d’autres pays, il y a des guerres.

Si ces cérémonies disparaissent, et donc la mémoire, n’y a-t-il pas un risque que cela recommence ? Les pays demandent la bombe nucléaire, font des défilés importants de leur armée. N’est-ce pas un signal ? Nous pouvons nous sentir en sécurité maintenant, mais est-ce que nous le serons encore demain ? Je ne dis pas que se rappeler est la clé de la paix, mais je pense qu’un peuple qui se souvient, qu’un pays qui se rappelle, qu’une organisation gouvernementale mondiale qui se rappelle, c’est la clé de la paix. Mais pour cela, c’est d’abord à nous de nous rappeler, c’est à nous de faire avancer les choses, c’est à nous de transmettre le passé. « Commence par changer en toi ce que tu veux changer autour de toi, disait Gandhi. »

Jofrey.


Reportage : sur les pas des officiels Ce jeudi 11 novembre 2010, jour anniversaire de l’armistice de la première guerre mondiale, nous sommes allés faire ce reportage, sur l’invitation de Jacky Joseph, président du Souvenir français (voir notre encadré). Nous sommes allés à la caserne de Laage, au cimetière Saint-Jacques puis au square Gambetta : tous les lieux où on trouve des plaques commémoratives.

Sur les drapeaux, on apprend qu’il est toujours inscrit « Honneur et patrie ». Un porte-drapeau nous apprend qu’il est souvent appelé pour les céméronies commémoratives, et pour les obsèques d’officiels. Le drapeau qu’il portait représentait les retraités de gendarmerie, leur devise est inscrite sur le drapeau. Il y a, au-dessus du drapeau, une cravate qui, selon l’événement, a une couleur différente (tricolore : fête nationale, commémoration, rouge : légions d’honneur, noir : obsèques). La cravate prend la couleur du ruban de la médaille quand le drapeau ou le bataillon est décoré.

Dans le cimetière Saint-Jacques, M. Joseph nous a emmenés dans le carré militaire : 120 tombes de soldats morts pour la France, dont les tombes musulmanes des tirailleurs algériens tués au combat.

Nous nous sommes enfin rendus au parc : là-bas, nous avons écouté les discours, les chants, la fanfare et les textes lus par des écoliers et des jeunes élèves allemands et français…

A la rencontre de collégiens et lycéens allemands De jeunes collégiens et lycéens allemands de Velbert, en voyage scolaire (échange avec le collège George Sand et le lycée Branly) nous apprennent qu’en Allemagne on ne commémore pas l’armistice de 1918. Les élèves allemands nous disent que le 11 novembre ne représente rien pour eux, c’est un jour comme les autres. En Allemagne, il n’y a pas de plaques commémoratives. Quand les professeurs allemands ont annoncé à leurs élèves qu’ils participeraient à la commémoration, ils ont été très surpris.

A la rencontre des « adultes, et des officiels » Nous avons eu le plaisir d’interroger madame Grollier, notre nouvelle principale, sur ce que représentait pour elle cette cérémonie :

En quoi est-ce important  que vous soyez présente ?

– Je pense que c’est ma place d’être auprès de mes élèves, pour commémorer. Et j’ai été très touchée que ce soit certains élèves du collège George Sand qui soient choisis pour porter les gerbes.

Manon et Jofrey

« Pour que cette cérémonie ne devienne pas un rituel un peu vain » Philippe Mis, adjoint chargé d’urbanisme, chargé des relations des anciens combattants en temps que colonnel retraité de gendarmerie, nous accueille à la mairie à l’issue de la cérémonie. Il a accepté de nous confier le discours qu’il a prononcé devant ses administrés, en voici quelques extraits : « Le onzième jour du onzième mois, à la onzième heure, les armes se sont tues enfin. C’était en 1818, voilà aujourd’hui 92 ans. (…) Rappelez-vous, un coup de feu, un seul coup de feu tiré à Sarajevo le 28 juin 1914 et l’archiduc François Ferdinand s’écroule. Tout s’enchaîne alors dans un bruit assourdissant de mécanique bien huilée, d’alliances en alliances, de mobilisations générales en mobilisations générales, d’ultimatum en ultimatum, l’Europe s’enflamme. (…) Cette guerre fut atroce et ses conséquences meutrières : nous en connaissons tous le bilan : 9 millions de morts, 6 millions de mutilés dans toute l’Europe, sur tous les continents, qu’ils soient africain ou asiatique. 600 000 soldats des colonies qui viennent abonder les forces métropolitaines. Ils ont tous été héroïques pour notre pays. (…) N’oublions pas les femmes (…) Leur héroïsme doit être célébré. Bien que victorieuse, la France sortira particulièrement affaiblie de ce conflit. (…) Je souhaiterais que l’enthousiasme des Poilus soit un exemple pour les hommes et les femmes de 2011. Pour que cette cérémonie ne devienne pas un rituel un peu vain, nous devons sans relâche, au quotidien, combattre ce qui divise : l’indifférence, l’intolérance, l’individualisme, la xénophobie. Ils sont les plaies d’aujourd’hui et le ferment d’une haine pour demain. »

Kévin, apprenti-citoyen Le 11 novembre, j’étais à la cérémonie de commémoration. Je me suis senti concerné à 100% et j’a été honoré de porter les gerbes en l’honneur des soldats morts pour la France. J’ai fait la belle rencontre de M. Joseph, de M Mis et de M. Massault, que j’ai interviewés. Leur discours est pratiquement le même : ils mettent un point d’honneur à ce qu’on n’oublie pas ces deux guerres.


M. Joseph est heureux que les établissements scolaires de la ville aient proposé de participer à la commémoration à leur manière. M. Joseph est président du Souvenir français : c’est l’organisateur de la cérémonie. Il nous a choisis, Manatea et moi, pour porter les gerbes et je l’en remercie. C’était un honneur, pour moi. Il nous a expliqué l’origine des tombes dans le carré militaire, le Souvenir français entretient les tombes des anciens combattants des cimetières de Châtellerault. Ces tombes sont signalées par une cocarde bleu-blanc-rouge.

A la mairie, M. Mis m’a parlé de Lazare Ponticelli, le dernier Poilu, mort en 2008 à l’âge de 111 ans. Il insiste sur le devoir de mémoire : qu’on n’oublie pas ces hommes morts pour la France et pour la liberté. Il veut que notre génération soit tolérante et lutte contre le racisme et la xénophobie.

M. Massault est, lui, un ancien combattant de la guerre d’Algérie. Il m’a expliqué que 3 millions de jeunes français ont participé à cette guerre. Lui-même est résté trois ans en Algérie, à Blida. Il a combattu contre le FLN. Environ 3000 français sont morts en Algérie : il explique que ces français ont été surpris par cette guerre, qu’ils n’y étaient pas préparés. Il m’a parlé des Harkis, ces algériens qui ont, à l’époque, combattu pour la France et qui étaient pour une Algérie française. J’ai appris de lui qu’après cette guerre, des Harkis sont venus s’installer à Châtellerault, près des Renardières. « Aujourd’hui, plus de haine, il faut apprendre de cette guerre » : M. Massault fait partie d’uen association d’anciens combattants.

Kévin.

Le Souvenir français En 1887, dans l’Alsace occupée, des jeunes filles en habit traditionnel déposaient furtivement, sur les tombes de soldats français, des cocardes. Une assocaition voit alors le jour, officialisée en 1906 : le Souvenir français. Après 1914-18, ses membres s’organisent pour s’occuper des tombes des soldats.

M Joseph, président du Souvenir français à Châtelerault, nous a montré que l’association s’occupe des tombes des soldats morts pour la France : ceux qui ne reposent pas dans le carré miliataire sont identidiés par la même cocarde tricolore que celle utilisée en 1887, sur leur tombe. Aujourd’hui, le Souvenir français regroupe près de 200 000 membres actifs dans 1700 comités y compris en Outre-mer. « Plus le temps passe, plus le souvenir risque de s’effacer… Il ne doit pas en être ainsi, le Souvenir français se doit d’être le gardien de cette mémoire. Le souvenir des anciens combattants doit rester vivant afin de maintenir dans les mémoires tous les idéaux et les aspirations pour lesquels ces soldats tombèrent. » lit-on sur le site officiel de l’association.

Alex.


Paroles de collégiens-citoyens A la question « Pensez-vous qu’il soit utile, au XXIème siècle, de commémorer les guerres ? », voici ce que répondent les élèves de notre classe :

Moustoifaïni : « Je pense que c’est utile qu’on commémore l’armistice car des millions de soldats sont morts pour la France. La plupart étaient des jeunes qui ont dit non à la défaite et non au déshonneur. Certains hommes ne voulaient pas faire cette guerre mais on les y a obligés. Ceux qui ne sont pas morts au combat ont gardé des traumatismes ou des blessures graves, comme les Gueules Cassées. C’est bien, de commémorer encore. Nous ne vous oublions pas, nous vous remercions pour votre courage et votre générosité.»

Alexandre : « Il faut garder une pensée pour ceux qui sont morts au combat pour notre liberté. »

Manon : « C’est un hommage que l’on doit à ceux qui sont partis à la guerre et pensaient qu’elle allait durer peu de temps et qui, en fin de compte, ne sont jamais revenus. »

Mazarine : « A mon avis, oui, c’est normal qu’après toutes ces années, il y ait encore un 11 novembre. Je trouve remarquable que ce jour soit encore jour de commémoration car nous sommes les descendants de ces soldats morts pour que nous soyons libres. Il ne faut pas oublier ceux qui ont combattu. Nous leur rendons hommage. J’espère que ces cérémonies dureront encore… un siècle. »

François : « Ces soldats se sont sacrifiés pour que nous vivions dans un monde meilleur. »

Kévin : « Je pense que ce n’est pas utile, mais un devoir. Le 11 novembre est une date symbolique. Il ne faut pas oublier ces hommes qui ont sacrifié leur vie pour la paix. Ni les femmes. 92 ans après, le sentiment est intact : ces soldats ont été héroïques, courageux. Notre devoir de jeunes et futurs citoyens, c’est de ne pas oublier qu’on est libre, et qu’on vit en paix. »

Julie : « Il me semble utile que l’éducation nationale nous apprenne, en classe de 3ème, ce qui s’est passé, que ce soit en cours d’histoire ou de français. Nous lisons des lettres de soldats Poilus : malgré la guerre, ils ne se plaignaient pas. Nous lisons des auteurs comme Henri Barbusse, Jean Giono, Erick Maria Remarque. Ils ont écrit pour qu’on n’oublie pas cette guerre. »

Jofrey : « Le devoir de mémoire ne perdurera que grâce à ceux qui veulent le transmettre. Le souvenir il faut le faire vivre, c’est ce que nous a dit M. Mis, lors du verre de l’amitié offert à la mairie après la cérémonie. »

Reportage réalisé par Manon, Kévin, Alex, Manatea et Jofrey, pour la classe media.