Telle était, pour nos chers zélèves de troisième, en substance, la question soulevée par le sujet soumis à leur réflexion lors de l’épreuve du brevet blanc. Anissa, Naouale l’ont essayé, sans convaincre leur correcteur(trice). Par manque d’arguments, tout simplement, mesdemoiselles. Parce qu’il faut, pour convaincre, maîtriser la structure de votre développement, mais, surtout, le nourrir d’argument,s d’exemples. Un seul exemple, Roméo et Juliette, ne suffisait pas. Anissa, toi qui as étudié, avec M. Santa Cruz, en cinquième, Tristant et Yseult, pourquoi ne pas avoir fait allusion à ce si merveilleux coup de foudre dû au philtre d’amour concocté par Brangien ?

(Un roman magnifique, à lire de toute urgence si cela n’a pas été fait en cinquième.)

Des amoureux tombés sous les lois de l’amour à la première rencontre, la littérature en regorge !!!  Mais il est vrai que, pour les rencontrer, il faudrait ouvrir des livres… Et c’est épuisant. Esclavant. Ereintant. “La flemme”. On en revient à l’article de Salimatou sur la génération flemme… Essayez, peut-être, en ce cas, le cinéma ? Métropolis, dont M. Mastorgio parle dans un récent commentaire, propose un bel exemple de coup de foudre, également. Par quoi le héros est-il séduit chez Maria ? C’est de cela qu’il fallait parler : qu’est-ce qui, au premier regard, ou dans les premiers instants d’échange avec une personne, peut nous séduire au point de nous envoûter ?

(Maria, Métropolis, Fritz Lang, 1927.) Un bijou, ce film.

Chez Racine : Phèdre tombe amoureuse du fils de son mari (la mythologie, on vous l’a dit, regorge de situations de famille complexes ! ;), Hippolyte, et cela donne un texte sublime :

Phèdre : 

“Athènes me montra mon superbe ennemi. 
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; 
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ; 
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; 
Je sentis tout mon corps, et transir et brûler. 
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables, 
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.” 

Chez Stendhal, dans Le Rouge et le Noir, Julien Sorel tombe amoureux de Mme de Rênal :

“Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, Mme de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette. 
Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de Mme de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille deguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d’entrée, et qui évidemment n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette. Mme de Rênal s’approcha, distraite un instant de l’amer chagrin que lui donnait l’arrivée du précepteur. Julien tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. Il tressaillit quand une voix douce lui dit tout près de l’oreille : – Que voulez-vous ici, mon enfant ? 
Julien se tourna vivement, et frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de sa beauté, il oublia tout, même ce qu’il venait faire. Mme de Rénal avait répété sa question.” 

Ce texte-ci, je le donnais à étudier à mes quatrièmes, voici quelques années. Je regrette, Anissa, d’avoir modifié mes cours et de ne pas vous l’avoir proposé l’an dernier : tu vois, on ferait mieux, parfois, de ne pas vouloir à tout prix faire du neuf…

Pour conclure, et parce que je vous aime bien, le plus beau roman d’amour que j’aie lu : Belle du Seigneur, d’Albert Cohen. Attention, ce n’est pas de l’eau de rose… Et vous me semblez un peu jeunes pour le lire… Dans quelques années, peut-être ?