Chers zélèves de troisième, le printemps, (le troisième trimestre) rime avec sorties culturelles (ou radioactivesques) en tous genres : demain, vous allez au théâtre. Oui, c’est bien beau, me direz-vous, mais je ne vous ai pas eus en classe depuis des lustres (brevet blanc, sorties pédagogiques obligent) et n’ai pas eu le loisir de vous présenter la pièce que nous aurons le plaisir de voir demain…
Non, ce n’est pas Le Misanthrope de Molière (on aurait pu croire, pourtant), mais une création sur le thème du misanthroping, du misanthropage, de la misanthropitude : aïe, comment dit-on déjà ? Qu’est-ce que ce Misanthrope donc ? Un personnage de Molière, un tantinet agaçant, un brin snob, qui n’aime personne sinon lui-même et dont la compagnie des autres (vous savez l’Autre, celui qu’on hait parce qu’il n’est pas nous) est un pensum… Voici un résumé de la scène 1 de l’Acte I du Misanthrope (celui de Molière) :
Acte 1
Dans le salon de Célimène, Alceste, le misanthrope, reproche à son ami Philinte sa complaisance et l’amabilité artificielle qu’il témoigne à tous ceux qu’il rencontre. Il plaide pour une sincérité absolue en toutes circonstances et critique avec véhémence l’hypocrisie et les politesses intéressées. Ce combat dans lequel il s’investit, et qu’il a toutes les chances de mener en vain, lui vaut d’éprouver une grande haine pour l’humanité. Philinte s’étonne, qu’avec de tels principes, son ami puisse aimer la coquette Célimène. Sincère jusqu’au bout, Alceste avoue à son ami qu’il vient justement trouver Célimène pour avoir avec elle une discussion décisive. Surgit alors Oronte, un gentilhomme vaniteux venu consulter Alceste sur un sonnet dont il est l’auteur. Alceste se retient autant qu’il peut, mais après quelques tergiversations, il s’exprime avec une franchise brutale : ce sonnet ne vaut rien. Les deux hommes se fâchent.
Et voilà, c’est tout lui, ça : pas de complaisance, pas de compromis, et ses relations sociales s’en trouvent gâtées. Mais après tout, a-t-il tort de dire ce qu’il pense, d’être agacé par les importuns ? La pièce que nous allons voir s’appelle : “El M Misanthrope”, voici ce que propose la compagnie pour présenter sa création :
D’après Laure Bonnet, artiste associée à la Comédie Poitou-Charentes | Création 2013
L’action se déroule non pas dans les salons de Célimène, mais dans le bar de Phil – Philinte ou Philomène on ne sait pas trop – où se produit Céliman star montante de la musique… Ce soir-là Alceste, ou plutôt Altesse, pousse la porte du bar. Altesse c’est l’atrabilaire amoureuse : passionnée, entière, elle refuse les concessions… Elle veut un monde juste, un amour pur, inouï, impensable. Entre elle et Céliman, une histoire d’amour inconditionnelle, si passionnelle qu’ils pourraient s’en briser les ailes… Arsinoé est là aussi, ici on l’appelle Sissi. Son souci : trouver le grand amour pour qui elle pourrait tout donner, sans condition, tout accepter… Elle ferait tout pour un bébé. Acaste, producteur de jeunes talents, détecteur d’étalons, est également présent…
El M s’inspire du Misanthrope de Molière, à moins que ça ne soit de Bye Bye Blondie de Virginie Despentes, ou de l’improvisation des comédiens. “Ces personnages qui se déchirent et s’aiment permettent également de se demander qu’est-ce ça veut dire, aujourd’hui, se retirer du monde ? Qu’est-ce que ça veut dire, à l’inverse, être au cœur du monde, de ce qui bouge, de ceux qui décident, de ceux qui courtisent ?” (Laure Bonnet).
Un texte acéré dans l’air du temps où tout se confond, identités sexuelles comme amour et ambitions, hypocrisies et compromissions, phrases d’aujourd’hui et vers de Molière…