On vous le dit, vous le répète : l’orthographe, c’est important ! Mais nos zélèves peinent à nous croire sur parole… Le niveau baisse ? Et alors ? Ils s’en moquent : le correcteur orthographique fait l’affaire, croient-ils, naïvement… Mais le correcteur orthographique se moque de la syntaxe et du vocabulaire, et laisse passer les erreurs d’orthographe grammaticale… Et voici que les universités s’alarment… A lire dans Le Figaro ce jour…
http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/l-orthographe-preoccupe-les-universites-10340/
La recette ? La lecture, vous le savez, chers zélèves… L’écriture, également… Au travail, sinon, les heures supplémentaires vous guettent sur les bancs de l’université…
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/18/la-nouvelle-carte-des-rep-et-rep_4542850_4355770.html
Drôle de titre : REP+… Dans la salle des profs du collège George Sand, notre seconde maison (machine à café, fauteuils moelleux, camarades de récréations…), est inscrite la pensée de Buzz l’Eclair (un vrai Buzz l’Eclair, oublié par un enfant de prof lors d’un goûter de Noël, et adopté comme mascotte depuis) : “avant, j’étais ZEP, puis je suis devenu RAR, maintenant, je suis ECLAIR”. On pourra désormais ajouter : “et me voici renommé REP+”. La fin de Buzz l’ECLAIR…
REP+ : kézaco ? La même chose qu’avant : qu’il soit taxé de ZEP, de RAR ou d’ECLAIR, George Sand est un collège où il fait bon vivre, auprès d’élèves qualifiés d'”attachiants” par l’une des nôtres : le mot peut choquer les âmes sensibles au vocabulaire mais le fait est là : notre collègue a trouvé le mot juste : nos zélèves sont cela ! Si attachants qu’on se sent à George Sand comme à la maison… D’ailleurs, c’est un lapsus qu’on fait souvent…
Ici, on éduque
Un collège REP+, donc, dans lequel la vigilance est tout de même le maître mot : attention, l’éducation reste l’objectif prioritaire ! C’est qu’il faut souvent en passer par là avant de concevoir l’enseignement, qui ne se fait pas sans les zélèves. Eduquer, c’est parfois prendre le risque de déplaire : allez expliquer aux adolescentes qu’on ne se coiffe pas en classe, pas plus qu’on ne s’y repeint les ongles ou les lèvres ! Elles vous regardent avec de grands yeux ronds, médusées : “Ah bon, ben pourquoi pas, m’Dame ? Ca gêne qui ?”. Le prof, mais seulement le prof…
On se lève quand un adulte entre dans la classe, on attend que le professeur autorise à s’asseoir, on ôte sa casquette dans les bâtiments, on laisse passer la dame…
“On laisse passer la Dame ? Ben, elle avait qu’à arriver avant moi, je vois pas pourquoi je la laisserais passer !” On éduque, vous dis-je…
On regarde dans les yeux l’adulte qui vous parle : “Ben non, mon père, il dit BAISSE LES YEUX QUAND JE TE PARLE !”.
On ne soupire pas “C’est bon !” quand un adulte vous fait une remarque. “C’est bon, on a compris !”
On ne vient pas au collège en tenue indécente : “Indéquoi ?”. On remonte son jean baggy : “Ben, ça sert à quoi d’en acheter un si je peux pas le porter au bahut, m’Dame ?”. On achète une ceinture, alors. “Ben, ça sert à rien d’acheter un baggy alors, vous, les profs, vous y connaissez rien à la mode.” Défilé de caleçons apparents et démarche petits pas pieds serrés (“allez faire de grandes enjambées en baggy, m’Dame…”) pas pressés d’entrer en cours…
On remise son mini-micro-nano short : “Ben, c’est à la mode et si ma mère elle me l’a acheté, j’ai le droit de le porter !” : nos zinfirmières l’échangeront le temps de la journée contre un très seyant survêtement vert à rayures orange oublié (un acte manqué ? ;)) dans les vestiaires par un aîné… Décence, vous dit-on…
“Tu arrives à marcher et à monter tes trois étages avec tes talons de 15 centimètres ?” “Ben oui, m’Dame, pas vous, vous savez pas marcher avec des talons ? Beh, ça craint”. Les Lolita ont la réplique dure…
On coupe son téléphone portable en classe, on ne photographie pas le prof, on n’enregistre pas l’altercation entre le prof et le Nombril du jour. “Bah si, ça va faire le buzz ! Et pis, m’Dame, vous êtes déjà sur Facebook, d’ailleurs, vous fesez plus jeune sur les photos, ça date ! ” Vous FAITES plus jeune ! “Ah bon ? Ben non, je fais, tu fais, il fait, nous fesons, vous fesez, c’est français, non ?”
On fait signer son carnet de liaison par ses parents quand on a un mot : “Ouais, c’est bon, elle a pas eu le temps, ma mère, ça va, je vais le faire signer, c’est bon !” On ne soupire pas et on ne dit pas “c’est bon” à un adulte. “Ouais, c’est bon…”
On ne lève pas les yeux au ciel. “C’est bon…”
On ne tchipe pas. “TSSSTSSS, c’est bon…”.
On met sa chaise sur la table quand on quitte la salle de cours après la dernière heure ! “Ah, vous avez déjà fini votre journée, m’Dame ? La chance, il a raison, mon Daron, les profs, ça fait pas grand chose de sa journée, quand même !”
On ne mâche pas de chewing gum en cours ! “Ben si, ça favorise la mémoire, ils l’ont dit à la télé dans un reportage.”
On ne triche pas pendant les contrôles ! “Ben, si vous le voyez pas, on peut, non ?” On le VOIT, on a été élève avant vous, on connaît toutes les tactiques de triche. “Ah ben, vous voyez, vous aussi, vous trichûtes quand vous fûtes jeune, m’Dame !” “On dit pas vous trichûtes, on dit vous eûvez triché ! Pas vrai, m’Dame ?”… (soupir)
On ne lance pas ses papiers froissés dans la poubelle ! “Ben si, m’Dame ! M’sieur Aimé, il a installé un panier de basket miniature au-dessus de sa poubelle pour qu’on s’entraîne !”
On ne fait pas de doigt d’honneur à son camarade. “Vous zavez pas entendu, il m’a traité ! C’est bon !”
On n’imite pas la signature de ses parents dans le carnet de liaison. On ne colle pas les pages de son carnet de liaison pour cacher les mots des profs, on ne colle pas les papiers administratifs sur les mots des profs dans le carnet de liaison. “Ah, on voit que vous connaissez les tactiques de gruge, m’Dame…”
On dit bonjour. “C’est bon, on vous voit tous les jours.”
Une semaine de vacances seulement : et ils nous manquent déjà… Non ? ZEP, RAR, REP ou ECLAIR, les générations passent et restent les mêmes… Et s’ils nous manquent, il nous reste la promenade en centre ville l’après-midi : un détour par la place Dupleix pour prendre un bain de chères têtes brunes : “M’Dame, votre bouquin qu’on doit acheter, là, la librairie, elle est fermée le dimanche ! J’aurai pas le temps de le lire, je vous préviens, hein !”