Connaissez-vous Oscar Wilde?
J’aime beaucoup cet écrivain qui eut le bon ton d’être Irlandais et non pas Anglais. Auteur de nombreuses pièces de théâtre et de recueils poétiques, il est surtout connu pour des oeuvre presque enfantines, comme Le fantôme de Canterville, paru en 1887, ou bien pour un roman à succès, Le portrait de Dorian Gray en 1891. Il l’est tout autant pour sa vie scandaleuse, au sens premier, en cette Angleterre Victorienne, et c’est en France qu’il mourut, en 1900, âgé de 46 ans, dans la solitude et la pauvreté, après avoir connu la gloire. La chambre d’hôtel dans laquelle il mourut fut d’ailleurs le lieu de son dernir trait d’esprit puisqu’il dit: “ce papier peint est hideux, soit il part soit c’est moi”.
Mais, ce n’est pas cette citation qui m’intéresse en ce jour, je souhaite soumettre à votre réflexion et sagacité intellectuelle la suivant:
“aujourd’hui les gens connaissent le prix de tout et la valeur de rien”
Cela me semble d’une grande actualité, tout doit avoir un prix, tout semble pouvoir s’acheter, se monnayer. Ce n’est donc pas un fait nouveau, certains ont toujours eu l’illusion qu’ils pouvaient acheter l’amour, l’amitié, l’honnêteté et, de fait, cela est parfois possible, du moins en apparence. Mais, au delà du prix, il y a la valeur. La valeur au sens des valeurs, la valeur au sens moral. Ainsi, en dépit de sa vie jugée si peu conforme aux principes moraux de son époque, Oscar Wilde était-il capable de se rendre compte que son univers quotidien perdait le sens des valeurs. S’incluait-il dans cette bérézina morale? Je ne le sais et, finalement, peu me chaut.
Ce que je retiens c’est qu’il est important de replacer les choses à leur juste valeur précisément. Il est urgent de se rendre compte que l’argent, qui fait tourner le monde, dont nous avons besoin, qui est un mal nécessaire, ne saurait remplacer et acheter tout sur cette Terre. Un peu d’utopie, beaucoup d’humanisme, le plaisir des relations simples et vraies, ce sont des valeurs essentielles, elles n’ont pas de prix.
Alors, s’il nous faut continuer à savoir le prix de tout, car ainsi le veut notre temps et notre monde, n’oublions pas que le plus important ce sont ces valeurs, cet essentiel qui est invisible pour les yeux et ne se voit qu’avec le coeur et ce n’est pas le Renard du Petit Prince qui me contredira.
Jamais oxymoron ne fut plus mérité qu’en ce cas.
Ce matin un petit groupe se mit en marche, entre nuages et soleil sur les traces de cet artiste, dont on ignore les dates de naissance et de mort, alors que ses oeuvres sont en évidence aux quatre coins de la ville. Oui, on ignore ces dates, alors que notre homme fut actif au XIXème siècle, ce qui, nous en conviendrons, n’est, finalement, pas si loin de nous. Il fut peintre mural, sculpteur et verrier. C’est d’ailleurs lui qui fonda le premier atelier de verrier à Poitiers, afin de concurrencer ceux de Paris ou de Tours qui fournissaient les églises du diocèse. Ainsi, l’église de Colombiers (souvenez-vous!) voit son choeur orné d’un vitrail d’Hivonnait, d’inspiration XIIIème siècle quant à ses motifs.
A Châtellerault, nous lui devons le rideau de scène de l’ancien théâtre et une partie du plafond: deux éléments que nous devrions pouvoir admirer restaurés en 2013. Nous lui devons aussi le fronton de l’hôtel de ville, rue Clémenceau, c’est à dire de la partie palais de justice initiale, sculptée en 1851, restaurée, d’une manière qui me convient assez peu d’ailleurs, je trouve les traits des allégories trop grossiers. Nous lui devons enfin un autel, les peintures de la chapelle de la Vierge et un chemin de croix peint, le seul du département, en l’église saint Jacques.
Cet homme, imagier du diocèse dans la seconde moitié du XIXème siècle, a participé aux chantiers de restauration des peintures murales de Notre-Dame la grande à Poitiers entre 1846 et 1848, puis de quelques églises des environs. Il le fit dans un état d’esprit qui n’est plus accepté désormais, puisqu’alors on refaisait en totalité les choses, en fonction de l’idée que l’on se faisait du passé. Il suivait donc plus les conceptions de Viollet-Le-Duc que celles de Mérimée , notre époque a inversé la tendance mais nous avons vu que la question de la restauration du patrimoine demeurait un sujet fort sensible.
Ainsi, alors que ses oeuvres ornent la ville et s’affichent sous les yeux de tous, nous ignorons pour ainsi dire l’essentiel de cet homme. Cela me touche de savoir qu’il est, sur ce point, à égalité avec des artistes médiévaux par exemple, alors qu’il est, chronologiquement, si près de nous. Nul doute que quelques recherches bien ciblées aux archives devaient lever ces mystères. Pour l’heure, lors de votre prochain passage en mairie, ou lorsque nous pourrons retourner voir les splendeurs restaurées de l’ancien théâtre, ayons, si vous le voulez bien, une pensée émue pour cet illustre inconnu.