Fin de l’été (le quoi ?), fin des vacances : la rentrée approche, on ne parle plus que de cela !
La preuve, cet après-midi, votre bonne Vieille Garde et moi-même faisons l’inventaire dans nos salles de cours : on va épousseter les plantes vertes, mettre de l’eau dans les vases (histoire que, si des zélèves nous offrent un beau bouquet de fleurs à la rentrée, on ait de quoi l’exposer ! On peut rêver…), compter les compas (oui, l’art de l’enseignement en Lettres et en Histoire consiste à confisquer leurs compas aux zélèves à tendance brico ou suicidaire, deux pathologies propres à l’adolescent), compter les crayons (variante aux compas : confisquer un crayon qui fait tip-tip-tip pendant une heure, dans la main d’un élève à qui l’on vient de confisquer son compas : les récidivistes, on maîtrise !, eh bien, ça s’avère payant car on n’est jamais en manque de crayon quand un nélève a oublié sa trousse. En plus on récupère des stylos Simpson, trop cool…), compter les livres poussiéreux sur l’étagère, ajuster les affichages, vérifier si on a bien installé un vidéo-projecteur en salle 305 (on se modernise !)…
Et se lamenter sur toutes ces chaises vides, qui n’attendent que lundi 5 septembre pour trouver acquéreur : là, ce sera le grand moment de solitude, celui où le professeur scrute sa nouvelle équipe, cherchant sur chaque nouveau visage ceux des anciens…
Voyons, quelle jeune fille pourrait bien devenir la nouvelle Mazarine ? Celle qui s’est installée au premier rang, bien adossée à sa chaise et qui a l’air d’attendre que le cours commence, qu’on se débarrasse du programme et qu’à la fin, on l’ait, oui ou non, ce brevet (bip !) ? Ah, non, impensable, le modèle Mazarine était unique, on n’en refait pas… Dommage, on s’attache… Julie ? La petite blondinette, là ? Pff, incomparable : Julie était capable de répondre à toutes les questions, même piège… Cette petite blondinette-là hésite, mâche son crayon (un Simpson, sacrilège !!!!).. Hanène réincarnée dans cette jolie brunette ? Non, celle-ci ne cause pas, elle n’a pas l’air très motivée, elle gribouille déjà son cahier : rien à voir avec Hanène, qui visait sa mention.
Décidément… Ah, à ma gauche, un garçon sort une barre de céréales : Lukas ? On a retrouvé Lukas ? Peuh, le gourmand en question manque de pétillant dans l’oeil… Et une seule barre de céréales semble suffire à calmer sa faim : rien à voir avec notre Gargantua… On grogne dans les rangs ? Kévin ? Non, l’imitation manque de charisme : on ne retrouve ni le sourire (le calme après la tempête) ni la vivacité d’esprit de l’original Kévin. On ronfle : Alexandre ? Non, pas assez grand… On s’impatiente : Manon ? Une nouvelle Manon ? On fait tomber un objet et on se cogne en le ramassant : Jofrey ? On toque à la porte avec une heure de retard (sur la séance de deux heures) : Oussama ? On se lève et quitte mon cours en pleine lecture d’une oeuvre magistrale, capitale pour le brevet : Moustoifaïni ? Assani ? Qui osera faire cela cette année ? Personne, si je sors le grand jeu : sourcil froncé et air revêche. Il faut me ré-entraîner : l’été (le quoi ?) a chassé les habitudes de l’enseignante… Les petits nouveaux risquent de trembler dans leurs vêtements tout neufs de rentrée : cela ne durera pas, on le sait, profitons-en pour les observer encore un peu…
A la place de Manatea, un autre blond aux yeux vert-bleus, on ne sait jamais, selon la météo : peu éveillé, la réplique parfaite de ce cher Mana : voyons de quoi ce petit nouveau est fait… La bavarde du premier rang, c’est décidé, ce sera la nouvelle Anissa : pourvu qu’elle ait autant de répondant, d’énergie… Cette place vide : la nouvelle Wahiba ? Pourvu qu’elle ait son joli sourire… Et là, devant, ce brouhaha, cette agitation, un élève qui ne tient pas en place ? C’est du Alex copie-conforme, ça promet… Il va falloir jouer du froncement de sourcil dès les premiers cours. Sans quoi, il se pourrait que cela dure jusqu’en juin à ce rythme-là : et vas-y que je me retourne, que je chuchote à droite à gauche, que j’oublie mon cahier, mon crayon, mes devoirs…
En voici un qui ne fait pas un bruit mais qui observe : le nouveau François, sans doute : gageons qu’il tirera des commentaires en fin de séance.. . Pourvu qu’il ait l’orthographe aussi sûre : c’est une copie plus facile à corriger !
Un petit (un grand) malin a inscrit, tout en haut de mon tableau : “efface-moi si tu peux” : Moustoifaïni est-il de retour?
Chaque rentrée est une sorte de recommencement : chaque veille de rentrée est un déchirement. Drôle de métier. Disons au-revoir à la cohorte 2010-2011, avec qui nous aurons vécu une année pour le meilleur (souvent !) et pour le pire (parfois…). Chers zélèves, voguez vers un avenir qu’on vous souhaite doux et heureux. Nous saurons puiser en la relève le meilleur, comme chaque année. Il faut juste le temps de s’habituer les uns aux autres. Et si la relève n’est pas la copie identique de la classe qui nous quitte, c’est égal : à chaque classe sa personnalité.