Mon seul ami,
Te souviens-tu de moi ? Non, bien sûr, tu étais si jeune quand nous nous somme rencontrés. Tu te souviens de mon nom ? Moi, je me souviens de tout depuis ma naissance, des machines à coudre automatisées jusqu’à la boîte en carton. Je me souviens de chaque bac à sable dans lesquels nous avons joué, de chaque flaque de boue dans lesquelles nous avons sauté. Je suis encore imprégné de chaque larme que tu as versée sur mon épaule, de chaque câlin que tu m’as fait. Rapelle-toi. Nous mangions ensemble, nous dormions ensemble. Je me souviens, moi, de ton lit. J’y passais toute la journée en attendant que tu reviennes de l’école. Je passais la nuit dans tes bras en écoutant le son de ta respiration.
Aujourd’hui tout a changé. Quelqu’un d’autre est dans ton lit. Il n’y a plus de jouets mais du maquillage et des billets sur ta table de chevet. Tes voitures en plastique n’ont pas fait le poids face à celle qui est dans le garage. Ta maman est partie et ton père ne va pas tarder non plus. Tes déguisments on cédé leurs places à des costumes, des cravates et des chaussures cirées. Moi je suis seul dans ma boîte avec mon oreiler en coton, mon chiffon qui me sers de couverture et la poupée de ta soeur. Je suis triste de savoir que je ne partirai plus en voyage avec toi, que jamais plus je ne verrai tes yeux pétillants de malice, comme ont tous les autres enfants.
Aujourd’hui j’ai un bouton qui louche, un carré en jean sur mon bras gauche (que ta mamie m’a gentiment greffé sur mon trou) et un peu de mousse blanche qui sort de la couture de mes pieds. Je suis bien pitoyable, je sais, et jamais je n’aurais pensé que tu m’enfermerais dans cette boîte en carton, cachée dans le grenier. Mais je ne t’en veux pas et d’ailleurs, je te souhaite de bien t’occuper de ton conjoint et du petit dernier qui arrive, mais s’il te plaît, est-ce qu’un jour tu pourrais me sortir et me faire un câlin, un dernier avant de me donner à un enfant qui aura besoin de moi ?
De tout mon coeur de peluche,
Ton jouet préféré.