Chères zélèves,
Votre article est publié dans la NR du jour, mais les journalistes n’ont retenu que la partie interview ! Ciel : aucune introduction, pas plus ? Cela n’a presque plus de sens : je publie donc ici l’intégralité de votre travail d’écriture.
Vous noterez que même le titre choisi par les journalistes est faux : Ida a dit “On ne vit pas après Auschwitz, on vit avec Auschwitz” : leur tire prive le propos d’Ida de son sens : elle est si bonne vivante ! Me voici déçue par le traitement qui est proposé là… Lisez je vous prie :
Et voici votre travail, à vous : il est bon, il est dense et complet, bravo.
Elle n’a pas pleuré…
Les élèves de la classe media du collège George Sand à la rencontre de l’Histoire… Magnifique rencontre avec Ida Grinspan, rescapée d’Auschwitz.
Le mercredi 14 mars 2012, notre classe media du collège George Sand a eu la chance d’être invitée par le collège de Vouneuil/Vienne pour écouter le témoignage de la rescapée d’Auschwitz, Ida Grinspan. Tous les élèves de 3ème du collège de Vouneuil étaient présents. C’était très intéressant d’écouter son témoignage, de savoir comment s’est passée sa vie dans le camp de concentration et comment elle a survécu.
Qui est Ida Grinspan ?
Ida Grinspan est née à Paris. C’était une enfant juive qui ne pratiquait pas sa religion. Ida Grinspan nous l’a dit, elle nous a avoué qu’elle a même eu la chance d’être née en France car en France, il y avait la liberté d’expression et il y avait aussi une démocratie. Elle était très heureuse en France. En 1939, les troupes Allemandes ont envahi la France. Donc, les parents d’Ida ont décidé pour son bien de la réfugier (elle insiste : elle n’était pas cachée) à la campagne à cause des risques de bombardements. Donc Ida va à la campagne, près de Niort. La nourrice d’Ida l’a accueillie à bras ouverts, comme le village où elle a été refugiée. Les habitants de ce petit village n’ont jamais fait aucune réflexion sur sa religion.
Dans cette campagne, les Allemands venaient se ravitaller. Il n’y avait pas de couvre-feu. En juillet 1942, Ida reçoit une lettre de son père par la poste, le père d’Ida a appris à sa fille, que sa mère avait été déportée, en Allemagne, croyait-il. Pour Ida c’est le ciel qui lui tombe sur la tête : elle n’avait que douze ans. Le 16 juillet, la rafle du Vel d’Hiv’, lors de laquelle sa mère a été arrêtée, les hommes, les femmes et les enfants ont été concernés et arrêtés. La mère d’Ida ne croyait pas aux arrestations des enfants et des femmes, donc elle est restée chez elle en ne croyant pas que des gendarme viennent l’arrêter. Son mari et son fils s’étaient cachés : ils ont échappé à la rafle.
Ida le dit, il y a une élegante solidarité dans le fait d’accueillir des enfants réfugiés à la campagne : ces gens ont eu le courrage d’héberger des enfants juifs. C’était dangereux : on les appelle aujourd’hui des Justes.
La nuit du 30 janvier 1944, c’est là où tout bascule pour Ida : c’est un dimanche soir, à minuit quinze, trois gendarmes viennent chercher Ida pour la déporter. Les trois brigadiers menacent de prendre le mari de sa nourrice qui l’héberge. Pour Ida, c’est impensable qu’ils prennent son mari car Alice et lui l’ont acceptée comme elle était, donc c’était inimaginable : elle se livre aux trois brigadiers. Il l’ont directement embarquée dans une voiture noire, ils l’ont enmenée en direction de la gendarmerie. Le capitaine interrogeait Ida pour savoir l’adresse où son père s’était refugié. Elle n’a pas dénoncé son père. Elle est emmenée à Niort avec 58 autres personnes qui ont été arrêtées cette nuit-là. Il y avait 20 policiers pour garder 58 personnes.
On emmène les juifs vers Drancy, à Paris, dans un camp d’internement, un camp de transit. Les policiers essaient de rassurer les gens qui ont été déportés, ils font croire qu’il reverront leur famille : Ida le croit, elle conservera jusqu’à Auschwitz ses provisions, qu’elle ne mangera pas, pour les donner à sa mère…
Océane P.
L’arrestation d’une dangereuse terroriste ?
Jeudi, le lendemain de la conférence d’Ida, lors d’un atelier de travail, au Centre Régional Résistance et Liberté de Thouars, nous avons pu étudier le fac-similé du procès verbal de l’arrestation d’Ida : elle a été arrêtée pour des motifs stupides, sans doute fictifs. Un acte de sabotage avait été commis, il n’y a aucune preuve, aucun lien avec Ida, mais des centaines de personnes ont été arrêtées, toutes juives. Dont Ida.
Laura.
De Drancy à Auschwitz
Après son arrestation à Niort, Ida et 1500 autres juifs qui ont séjourné trois jours à Drancy sont amenés à la gare de Bobigny. Là, ils sont « livrés » par les gendarmes français aux soldats allemands : c’est ce qu’Ida précise. Ils ont été entassés comme des animaux dans des wagons à bestiaux : les wagons étaient tellement remplis qu’ils ne pouvaient ni s’asseoir, ni bouger, et devaient faire leurs besoins dans une tinette. Trois jours et trois nuits infernaux allaient s’ensuivre. Ida nous explique que la première humiliation, avant Auschwitz, a été de devoir faire ses besoins devant tout le monde. Quand la tinette, remplie, s’est renversée, la puanteur a été épouvantable. La nourriture manquait, la fatigue se faisait sentir. Tous pensaient que rien ne pourrait être pire que ce voyage. Le quatrième jour, le train finit par s’arrêter : le long voyage est enfin terminé. Un soulagement pour tout le monde.
Ida nous confie que la suite est impensable : personne n’arait pu imaginer que des hommes fassent à d’autres hommes ce que les nazis ont fait subir aux juifs. Simplement pour leur religion !
Fanta et Aminata
Un témoignage direct d’une expérience des camps de concentration
Durant cette rencontre, Ida nous a raconté sa vie d’enfant juive réfugiée non loin de Niort, et son arrestation par les gendarmes français, son transfers vers une destination inconnue, dans des wagons à bestieux et l’arrivée à Auschwitz. Elle a également conté les conditions de survie à Auchwitz, ainsi que son retour de déportation. Et elle précise, ainsi que le mentionne le titre de son autobiographie, qu’elle n’a pas pleuré. Son témoignage a été vraiment émouvant car ce qu’elle a vécu est vraiment horrible et touchant. Mais pourtant, tout au long de son témoignage, elle a été souriante, malgré tous les mauvais souvenirs qu’elle a racontés, c’est vraiment une ” Dame courageuse “.
Durant toute la séance, toutes les élèves de notre classe ont été attentives car ce qu’elle nous a raconté était à la fois émouvant et passionnant. Surtout qu’elle nous a vraiment bien raconté tout cela. Ca reste une très belle rencontre…
Imène
Ida Grinspan nous a expliqué comment s’étaient déroulées les rafles, son entrée dans le camp, les atrocités auxquelles elle (et tous les Juifs) étaient confrontés.
Je l’écoutais vraiment attentivement et j’ai été vraiment touchée quand elle parlait de quand sa mére avait été déportée à Auschwitz parce que je m’imaginais à sa place et je n’aurais jamais pu être aussi forte qu’elle l’a été …
Au cours de la conférence, je l’ai dessinée et elle avait l’air très contente lorsque je lui ai fait voir le résultat, elle était très souriante . Elle a signé mon dessin… J’ai été très contente de pouvoir assister à la sortie.
Wassila
L’histoire d’Ida
Dès l’âge de 11 ans et demi, Ida Grinspan a été séparée de sa famille et plus particulièrement de sa mère. Puis à 12 ans, elle apprend par une lettre de son père que sa mère a été rafflée le 16 juillet 1942 et déportée en Allemagne. Elle n’apprendra que plus tard que sa mère est morte à Auschwitz. Nous, on ne pourrait pas être aussi forte et courageuse qu’Ida l’a été.
Lorsque les gendarmes sont venus pour la chercher à son tour, sa nourrice lui avait préparé des vivres pour quelques jours. Ils lui ont fait croire qu’elle allait rejoindre sa mère. Elle a donc conservé ses vivres pour les donner à sa mère mais en arrivant à Auschwitz, les S.S. lui ont ordonné à elle et à tous les autres de lâcher dans la neige toutes leurs affaires, y compris sa nourriture. Ca a été un tel déchirement pour elle…. D’autant plus, que c’est grâce à sa mére qu’elle a pu échapper à la chambre gaz car, grâce à la coupe de cheveux qu’elle lui avait appris à faire, elle paraissait un peu plus âgée et donc apte à travailler dans le camp et, surtout, à survivre.
Wassila et Imène.
Ida répond aux questions des élèves du collège de Vouneuil
Comment vit-on après Auschwitz ?
Ida : On ne vit pas après Auschwitz, on vit avec Auschwitz ».
Pouvez-vous pardonner aux allemands ?
Ida : Pardonner aux allemands ? Aux nazis ? Attention à ne pas faire l’amalgame, il y a eu des résistants parmi les allemands. Les Nazis nous ont-ils, eux, demandé pardon ? Non. J’attends que l’on me demande pardon.
Que ressentez-vous quand vous retournez à Auschwitz pour témoigner ?
Ida : Birkenau est le plus grand cimetière du monde. Un cimetière sans sépultures. Et c’est là que sont morts mes parents. Y retourner est troublant.
Regrettez-vous quelque chose ?
Ida : Pendant mon arrestation, un gendarme a dit « quel sale boulot » : je n’ai pas eu le réflexe de lui répondre : « alors, pourquoi le faites-vous ? »
Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser que vous étiez dans un camp d’extermination ?
Ida : J‘ai réalisé peu de temps après mon arrivée au camp que c’était des êtres humains que l’on brûlait dans les fours crématoires car la fumée des fours revenait sur nous pendant les appels … Comme je n’avais pas de famille dans le camp, j’ai pu admettre vite que nos compagnons de voyage avaient fini dans les fours crématoires.
Que se passe-t-il quand vous arrivez à Auschwitz ?
Ida : Quand on arrive, on nous fait entrer dans une baraque à deux ouvertures : d’un côté, vous entrez , de l’autre, vous sortez. Vous venez de France, un pays civilisé, vous venez de la liberté. Puis on vous ordonne de vous déshabiller, on vous fait peur, on vous rase, on vous tatoue, on vous donne une étoile jaune. Quand vous sortez par l’autre ouverture de la baraque, vous êtes un numéro de matricule, vous avez perdu votre identité, votre féminité, votre humanité : la soupe, c’est une gamelle pour cinq, qui’l faut laper en l’absence de cuillère.
Combien de survivants dans votre convoi ?
Ida : Notre convoi comptait 1500 déportés. En 1945, à la libération du camp, 59 avaient survécu.
Vous sentez-vous juive ?
Ida : On aurait pu me baptiser, cela aurait étté pareil : je me sentirais juive. Cela n’aurait rien changé.
Qu’est-ce qui vous a permis de tenir, dans le camp ?
Ida : Je ne sais pas. J’ai été internée onze mois, avec la seule ration du camp, pas de privilèges. La chance a toujours été là, et j’ai toujours été une battante. On n’a pas donné à tout le monde la chance de survivre, il faut le dire. Au camp, nous étions des sursitaires, certains mouraient de fatigue, de faim, de maladie, des sélections…
Quels travaux vous a-t-on fait faire, à Auschwitz ?
Ida : J’ai été successivement dans un kommando de pierres dans un chantier : un travail absurde car harrassant et inutile puisqu’on déplaçait des pierres un jour pour les replacer le lendemain. Un kommando de tri de pommes de terre, qu’on n’a jamais mangées ! Un kommando dans une usine d’armement, où on avait moins froid (le froid était notre pire ennemi), et où des détenues françaises nous ont appris que la guerre finissait et que « l’Allemagne était foutue ».
Comment vit-on après Auschwitz ? Avec un tatouage ?
Ida : Mon tatouage, mon numéro de matricule, je ne le vois pas, je ne le regarde pas : de toutes façons, on ne vit pas après Auschwitz, on vit avec Auschwitz. A chaque instant un flash peut me revenir : quand je croise une fille trop maigre, je me dis encore « tiens, celle-là, elle n’aurait pas passé la sélection ». Quand je vois des gens se comporter en égoïstes, de façon brutale, je me demande s’ils auraient su, à Auschwitz, rester dignes et se montrer solidaires.
Votre réaction après la Libération ?
Ida : J’étais dans l’avion qui nous rapatriait en France, quand on nous a dit qu’on survolait la France, on a senti la libération, vraiment : c’est une sensation que je n’oublierai pas, même si je vis 120 ans !
Un regret ?
Ida : Je n’ai pas pu faire d’études. Pour notre génération, on n’avait rien prévu, seulement pour ceux qui passaient le bac. Alors, j’ai fait un métier qui ne me plaisait pas. J’ai fait de la confection.
Propos recueillis par Stella et Océane L.
Une autobiographie
J’ai pas pleuré, écrit en 2003 par Ida Grinspan en collaboration avec Bertrand Poirot-Delpech, est un roman autobiographique dans lequel Ida Grinspan narre une période importante de sa vie. Elle y raconte son combat, la survie d’une jeune juive française pendant la seconde Guerre Mondiale, une jeune fille qui fut chanceuse dans son grand malheur. A travers des anecdotes, elle raconte ce qu’elle a enduré, ses craintes, ses peines, ses pensées d’une maturité remarquable pour son jeune âge -à l’époque. Avec justesse et sans éxagérations, on voit la guerre avec un autre regard.
J’ai lu ce livre qui est raconté de telle sorte qu’on peut vraiment se mettre à la place d’Ida. On ne peut s’empêcher d’envier son courage sans bornes, très peu auraient su faire face à l’indicible qu’elle nous raconte.
Océane.L
Ida, une petite femme, mais une grande dame
Ida Grinspan nous a raconté son histoire avec émotion, de la tristesse, mais aussi de l’humour. Elle a glissé à travers son discours des phrases qui ont fait redescendre l’émotion . Ces phrases nous ont bien faire rire : “Les Américains nous ont passé du chocolat, mais c’était pas du Lindt”.
Ou encore, elle nous explique que les soldats Américains étaient grands, beaux et forts mais que les Russes, eux, étaient petits et pas très beaux. Tout cela avec le sourire.
Nous avons pu parler et rire avec elle. Ida a une joie de vivre énorme, elle n’a jamais baissé les bras. Merci à Ida Grinspan de nous avoir fait partager son histoire avec tant d’émotion.
Alyssia.
Comment les français ont-ils pu pu devenir antisémites et rafler les citoyens juifs ? Exemple d’un film de propagande nazie, Le Péril Juif.(1941)
Jeudi, nous sommes allés au Centre Régional Résistance et Liberté, à Thouars. Nous avons donc pu participer à plusieurs ateliers autour de la seconde guerre mondiale et de la Shoah, dont le visionnage d’un film de propagande nazie, Le péril Juif, sorti en France peu de temps après l’occupation, en 1941 et diffusé dans les cinémas. Comme si en naissant juif, on était dangereux !
Dans ce film déguisé en documentaire par l’institut d’étude de la question juive, on présente les juifs commes des démons ayant une apparence humaine, des égoïstes marchandeurs porteurs de tous les vices possibles. La voix off les dit source de tous les problèmes possibles et même d’invasions de rats, auxquels ils sont comparés !
La seule fois où l’on a entendu des commentaires positifs était lorsque les “non-juifs” travaillaient : le film présente le contraste entre juifs oisifs et non juifs travailleurs.
Tout ce qui est dit dans ce film est parfaitement faux, car les juifs sont des personnes pratiquant le judaïsme, qui est une religion. Donc aucune description physique ne peut être vraie dans le film car la religion n’a aucune incidence sur la morphologie. Et une population ne peut pas être responsable de tous les maux d’un pays.
Dans ce film, tous les éléments -plans, cadrages, musique, rythme, voix off- sont faits pour valoriser les “non juifs” et donner un point de vue négatif sur les juifs. La population française, n’ayant, dans les campagnes du moins, jamais vu de juifs et ne connaisssant aucun média succeptible de les renseigner, croient les vrais faux documentaires comme celui-ci.
Cela prouve qu’un bon niveau de réflexion peut être plus qu’utile. Le Péril juif est un film de propagande car il cherche à insérer une idée dans l’opinion publique par le biais des médias. C’est une manière de manipuler l’esprit et de faire croire ce que l’on veut à qui l’on veut. C’est cela qui est dangereux.
Laura.