Les millions de lecteurs du Torchon le savent, j’ai pour Xavier Dolan, cinéaste québécois de 23 ans, et pour ses productions, une grande admiration. J’ai tout simplement adoré ses deux premiers films, J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires, que je revois régulièrement, pour le plaisir des yeux, des oreilles (j’aime cet accent, le seul qui me motive à penser d’envisager l’hypothèse d’un possible déplacement en avion pour aller au Québec… un jour.), mais aussi car, comme dans La recherche de Proust (oui, je sais c’est osé), j’y trouve toujours quelque chose de nouveau.
C’est assurément car j’idolâtre ces deux premiers films que la bande annonce du troisième me souciait en raison de tant de différences avec les précédents films: pas de Dolan en acteur, ambiance très sombre, film plus long,2h40, thème encore plus improbable que pour les précédents films. Bref, je me rendis presque craintif à cette séance. Tout s’annonçait bien, ma place était libre, peu de monde, puis, de plus en plus, trop même, et certaines personnes pas à la bonne place, mais je parvins à me rassurer.
Finalement, au sortir des près de 3h de film, je ne suis pas déçu du tout. Certes, le genre évolue, mais à retrouver une bonne partie des acteurs de film en film (j’ai même cru reconnaître le maître lors de la scène de bal), à voir Dolan faire du Dolan, on se sent rassuré et pour un vieillard tel que moi, les habitudes rassurantes sont le cocon protecteur en lequel nous nous glissons afin d’avoir l’illusion que le Temps ne s’écoule pas, pas plus que la Mort n’approche. En somme, j’ai en partie aimé car j’ai pu m’amuser à chercher les références des précédents films dans ce dernier, et elles sont nombreuses, et ces petits jalons m’ont permis de retrouver le chemin de mes émotions heureuses nées lors des précédentes oeuvres. Ce furent des piqûres de rappel qui me tinrent sous une perfusion euphorisante, raisonnable, cela va de soi.
J’ai ensuite aimé car l’histoire, le film, le méritent. Le sujet, fort complexe, de la trans-sexualité est ici abordé de manière très forte et fine à la fois. En outre, toutes les relations et histoires connexes qui gravitent autour du héros, du couple de héros, qui sont aussi des parallèles avec d’autres thèmes vus dans les premiers films et qu’il faut donc qualifier de récurrents chez Dolan (prouvant si besoin l’aspect autobiographique qu’on trouve dans chacune de ses productions), sont, elles aussi parfaitement conduites. Les sentiments sont justes, les dialogues claquent à merveille, les acteurs sont bons dans leurs prestations. Je déplore juste le côté sombre du tournage, des couleurs, et puis je n’aime pas trop les musiques des années 80, essentiel de la bande-son, mais l’éclectisme aidant, je fus aussi comblé côté classique.
Cependant, je crains de ne pouvoir tenter d’éventuels indécis d’ aller voir ce film, je sens que j’en parle mal, bien qu’ enthousiasmé par ce que je vis, mais il me semble qu’on ne peut l’apprécier que si l’on a en arrière plan les précédents, sachez pourtant que les critiques sont assez unanimes et positives. Quoi qu’il en soit, ce que j’apprécie surtout, ici, c’est de pouvoir voir l’évolution de Dolan dans ses productions et je ne puis que dire, là encore, que j’ai hâte de voir le prochain.