Un reportage sur France 2 voici quelques jours m’apprenait  qu’on envisage, en haut lieu, de punir les parents maltraitants : jusque là, rien d’extraordinaire et je poursuis ma correction de dictées devant mon journal télévisé préféré (à chacun ses défauts), en rageant contre ces zélèves qui, malgré tous les exercices sur l’accord de l’adjectif qualificatif et la conjugaison du passé simple ne maîtrisent toujours ni l’une ni l’autre de ces deux compétences… O rage, ô désespoir, ô pédagogie ennemie ! (et si on enseignait la grammaire en tapant sur les doigts à chaque faute avec une règle en fer, comme quand j’étais petite ? Ca marcherait, peut-être ? Faisons taire ce propos suborneur... )

Qui a vraiment cru que je corrigeais des copies devant la télé ? Voyons… En plein mois de juin, qui plus est ? Alors que les conseils de classe sont achevés, les décisions d’orientation prises ? Les manuels scolaires presque rendus à la documentaliste ? Il n’y a guère plus que les 3èmes pour travailler encore, ou, du moins, faire semblant de rester concentrés sur l’analyse d’Antigone... Et encore, Emile se croit en vacances à partir de vendredi !  En vacances, alors qu’ils ont un Brevet à passer ! Génération farniente…

Toujours est-il que, devant mon journal télévisé, je me décompose peu à peu : contrairement à ce que je croyais, le reportage sur les châtiments corporels châtiés n’est pas une plaisanterie ! On envisage réellement de classer la fessée et la gifle parentales au patrimoine national de la Violence, de la Maltraitance, de l’Indignité, en somme…

Mon stylo rose à paillettes spécial correction de dictée reste en suspens, et j’ouvre grand mes oreilles : quoi ?  Faut-il punir des parents qui, las des cris et des hurlements de leur enfant terrible dans les rayons d’un supermarché, et las des regards noirs-agacés des clients eux-mêmes las d’être poursuivis, de rayon en rayon, par ces hurlements rauques d’enfant gâté, lui donnent une gifle sur la joue droite pour lui apprendre à se taire et respecter l’espace public que son petit surmoi peine à concevoir encore ?

Je ne suis pas d’accord, mais alors pas du tout d’accord et, de dépit (de peur, aussi : il m’est arrivé de donner une gifle à mon fils, une gifle en onze ans, qui me dénoncera ?), j’inscris un 0/20 sur la copie d’Emile, qui, au demeurant, le méritait très certainement. Le reportage est risible, on y donne la parole à deux parents très représentatifs de la société, jugez vous-même : des enseignants ! Pour s’assurer, sans doute, de l’intérêt de leur point de vue sur le châtiment corporel (quelle expression…), qu’ils sont sensés avoir analysé, réfléchi et mûri au cours de leur formation professionnelle…

 Toujours est-il que nos deux couples de parents sont caricaturaux à souhait : la première maman est professeur des écoles en congé parental (de quoi vous faire culpabiliser, vous qui n’avez pas pris de congé parental pour éduquer votre petit et avez préféré continuer à éduquer et instruire ceux des autres…). Elle, n’hésite pas à distribuer gifles et fessées à son petit garçon de trois ans, lequel, face à la caméra de France 2 parle couramment le langage fessée. Cette professeur des écoles brandit la fessée et la gifle comme méthode éducative : elle clame haut et fort les pratiquer de façon régulière et, croyez-moi, son fils sait de quoi elle parle. Je dois avouer que ce comportement m’a semblé excessif…

Le second couple interviewé a bien failli valoir à la copie d’Emile un double zéro… Un couple de parents dont la maman est enseignante, professeur des écoles elle aussi : à la tête d’une famille nombreuse, cette maman ne punit pas, ne châtie pas, ne gifle ni ne fesse : l’exemple suprême de la Madone, la sérénité incarnée, la perfection faite Maman. Les gifles sont qualifiées, dans cette famille, de châtiments corporels (on voit bien qu’on ne lui a pas tapé sur les doigts avec une règle en fer en CP, à elle, pas plus qu’on ne l’a enfermée dans l’armoire du fond de classe pour sanctionner un bavardage intempestif…). Et croyez-moi ou non, ces parents, quand se présente un cas d’insolence dans la fratrie, plutôt que de sévir, se retirent au fond de la pièce, s’assoient sur leur canapé pour “prendre du recul” , jauger le degré d’insolence et… Et puis rien : le reportage, selon le souvenir que j’en ai, du moins, ne dit pas quels palliatifs à la gifle ces parents ont imaginé pour corriger, tout de même, le comportement déviant de leur progéniture.  Pourtant, en plein reportage, l’un des ados de cette famille lance un “C’est bon !” bien senti à sa mère. Laquelle se réfugie donc sur son canapé pour prendre du recul (aux sens propre comme figuré) : cette maman justifie cette attitude  en décrétant qu’on ne lève pas la main sur un enfant, principe absolu.

Fichtre ! Deux cas d’école, pour l’enseignante et la maman que je suis ! C’est décidé, je soumettrai mes zélèves d’option media à la question (non, pas à La Question, torture ordinaire en des temps obscurs) vendredi… Petit test en 3ème2 hier : j’avoue honteusement, piteusement avoir donné une gifle à mon fils… Zine-Abidine éclate de rire : “Quoi, M’Dame ? Une seule gifle en onze ans ?  C’est tout ?”…

A vous, donc, chers zélèves, de nous donner votre point de vue sur ce projet de loi : pensez-vous que la gifle ou la fessée soient à classer au rang des châtiments corporels et qu’il faille punir des parents ? Si oui, quel est votre degré de tolérance à la correction physique ? Quels comportements de l’enfant justifieraient, pour vous, une gifle ou une fessée ? Quels autres moyens mettriez-vous en oeuvre, si vous étiez parents, pour sanctionner une attitude insolente, de l’enfant-roi ? Nous attendons, dès vendredi, vos articles. Ce seront les derniers de cette année : soignez-les.

http://hub.coe.int/fr/what-we-do/society/corporal-punishment/

http://actualite.portail.free.fr/france/19-06-2013/gifle-et-fessee-au-pilori/

http://www.conseil-psy.fr/index.php/bebe-a-enfance/420-la-loi-contre-la-fessee-ce-quen-pense-marcel-rufo-