Hier, en cours de français, nous avons regardé le film Wadjda, de Haïfa Al-Mansour. C’est un film qui raconte l’enfance de Wadjda en Arabie Saoudite. Wadjda est une fillette saoudienne qui rêve de posséder un vélo. Mais en Arabie Saoudite, le vélo est interdit aux filles. Pour s’offrir son rêve, elle passe un concours de récitation du coran. La suite, à découvrir en regardant le film !
J’ai passé huit années de mon enfance en Arabie Saoudite, entre mon année de grande section et mon année de 6ème. Nous sommes allés vivre là-bas pour le travail de mon père : il était directeur d’un magasin. Ce film m’a rappelé mon enfance…
Les camarades de ma classe de 4ème3 m’ont posé des questions à la suite de ce film :
Etes-vous obligées d’être habillées d’une abaya noire à l’école et dans la rue ? (Manon)
Oui, on est obligée de mettre l’abaya à partir de sept ans : les hommes ne doivent pas nous voir, on ne doit pas les attirer. Une abaya, c’est une tenue traditionnelle arabe. C’est une djellaba noire qui cache tout le corps.
Pourquoi quand on a nos règles, on ne doit pas toucher le Coran ? (Miléna)
Parce qu’on est impure, on ne doit rien faire : pas la prière, pas le Ramadan, mais on a le droit de porter le voile.
Est-ce que ce film, c’est vraiment la réalité ? (Clémence)
Oui. L’histoire du vélo, c’est réaliste : une fois, je suis sortie avec mon abaya faire du vélo, même si je savais que c’était interdit. La police des moeurs est passée, c’était la première fois que je sortais à vélo. On habitait dans un “compound” (c’est comme une villa entourée, dedans, il y a plein de maisons : comme un village dans lequel les règles ne sont pas les mêmes qu’au dehors. Là-bas, si les hommes sont dehors et nous aussi, c’est pas grave : il y a toutes les nationalités). J’avais donc appris à faire du vélo. Dehors, la police des moeurs m’a dit de rentrer directement : j’ai pleuré mais mon père m’a dit que ce n’était pas grave. Comme mon père était le directeur, il s’entendait bien avec le roi de l’Arabie saoudite, donc on n’a pas eu d’amende.
Tu as des frères. As-tu senti une différence dans votre éducation là-bas ? (A. Dibot)
Pas trop, parce que j’étais jeune. Mais c’était un peu injuste. Comme l’épisode du vélo. On était dans une école française, donc mixte, mais les filles étaient quand même obligées de porter l’abaya à la sortie de l’école.
Est-ce que vous aviez le droit de porter des baskets ? (Cécile)
Oui. J’étais habillée comme maintenant, au-dessous de l’abaya. On n’a pas tellement chaud, avec l’abaya (il fait au moins 40 degrés dehors, pourtant).
Dans le film, on voit une petite fille d’environ 12 ans mariée à un homme de 20 ans. Est-ce obligé, là-bas, que les parents organisent des mariages arrangés ? (Binéta)
Je ne sais pas. J’ai entendu parler que les parents choisissent et décident s’ils sont d’accord ou pas, pour les mariages.
Est-ce que tu as déjà vu des filles se mettre du vernis à ongles, comme dans le film ? (Maryam)
Heu… Oui, ça dépend du vernis, des produits qu’on met dedans : on a le droit d’en mettre, mais pas tous les vernis.
Est-ce que, dans ton école, les garçons avaient une tenue spéciale ? (Kévin)
Non, on s’habillait comme on voulait. Pour sortir, c’est pas obligé, pour les hommes, de mettre une djellaba blanche, comme on voit dans le film.
Est-ce que les filles ont le droit de sortir le soir ? (Sami)
Oui, à condition de mettre l’abaya. Les magasins ferment à 4 heures du matin. Le soir, il y a plein de monde dans les magasins. On allait au restaurant. A l’intérieur du compound, on peut tout faire : piscine, restaurant, magasin… Aussi, là-bas, les femmes n’ont pas le droit de conduire, mais dans le compound, elles peuvent conduire. C’est grand comme environ 4 kilomètres de circonférence.
Est-ce que ça t’a fait un choc de revenir dans un collège français ? (Clémence)
Oui, c’est pas la même éducation, ici ! Il y a des limites dans les vêtements, en Arabie saoudite : une mini jupe, c’est interdit. Les tee-shirts moulants aussi. Maillots de bain une pièce obligatoires à la piscine.
A partir de quel âge devez-vous apprendre le Coran ? (Manon)
A l’âge de sept ans.
La sonnerie de fin de cours a interrompu cette séance d’interview passionnante : dommage 😉 Merci à Anissa pour ses réponses, on connaît sa timidité ! Notons que cette interview a ouvert de nombreuses réflexions qui ne figurent pas dans cet article, notamment sur la religion, et les libertés que chacun peut prendre (ou pas, selon certains). Quelques zélèves de confession musulmanes ont apporté leur contribution à la discussion sur le voile, les rites réservés aux filles pendant le mois du ramadan : leurs remarques ne figurent pas non plus ici, mais elles ont bien participé à l’échange. Ce film met en évidence, selon deux angles différents (la fille et la mère), la différence d’éducation entre garçons et filles en Arabie Saoudite. La mère, par exemple, est contrainte d’accepter que son mari épouse une seconde femme car elle-même ne parvient pas à lui donner un fils : on voit la douleur de l’épouse qui se sent trahie par l’homme qu’elle aime, et la petite fille attristée de ne pas figurer sur l’arbre généalogique de son père : si elle avait été un garçon, elle y aurait eu sa place… (NDLR)