Oct
04

Les Voyageurs, une culture d’ici, et d’ailleurs…

par la classe media du collège George Sand
Le mardi, pour nous, élèves de la 3ème Classe Option Media, c’est journalisme ! Le mardi  27 septembre, nous recevions Isabelle Dallet, assistante sociale, et Thérèse Boger, agent d’accueil et voyageuse : nos deux intervenantes venaient nous présenter l’association dont elles sont salariées, l’ADAPGV. (Association Départementale pour l’Accueil et la Promotion des Gens du Voyage)

Isabelle Dallet est une jolie jeune femme, assistante sociale : elle vient dans notre classe nous présenter la culture des Gens du Voyage. On voit qu’elle a une grande passion pour eux, elle travaille pour eux, et encourage les autres -nous, vous- à s’intéresser aux « voyageurs ». Elle pétille, ses explications sont claires : nous avons beaucoup appris avec elle. Thérèse Boger l’accompagne : elle est agent d’accueil à l’ADAPGV, elle est elle-même voyageuse. Grâce à ces deux heures d’échanges, nous ne verrons plus de la même façon les voyageurs, c’est certain.

L’ADAPGV, une association au service des voyageurs

Cette association a été créée en 1992.  Elle est présente en Vienne, notamment, à Poitiers (4, rue des Sablonnières) et à Châtellerault (6 rue Bougainville, aux Renardières). Le but de cette association est d’améliorer les conditions de vie des voyageurs et de les aider : les membres de l’ADAPGV favorisent l’échange entre les voyageurs et nous-mêmes, ils font en sorte que les droits des voyageurs circulant en Vienne soient respectés au mieux. Que les gens du voyage ne soient pas discriminés par la population : cela passe par la coordination d’actions allant dans le sens du développement social, culturel, éducatif, économique.

Isabelle Dallet nous expose les différentes actions menées par l’ADAPGV : ce sont des actions sociales et éducatives, un accompagnement à la scolarisation, un service postal et de domiciliation: « on aide les voyageurs à gérer leur courrier administratif, on établit des liaisons avec les écoles dans lesquelles les enfants sont scolarisés, on accompagne les familles de façon individualisée.  Par exemple, on joue un rôle de médiation avec la mairie : à Châtellerault, l’aire d’accueil -la Massonne- , qui accueille environ 25 familles à l’année, se situe à la sortie de l’autoroute, au bord de la 4 voies : voilà plusieurs années qu’on alerte la mairie sur le fait qu’aucun panneau de signalisation n’indique cette aire d’accueil, que la vitesse est limitée à 90 km/heure et non 50km/heure comme cela devrait être devant un lieu de vie avec autant d’habitants, qu’aucun abri bus -ni arrêt- n’est installé devant l’aire, : les enfant doivent traverser la 4 voies pour aller attendre le bus en face : pas de passage piétons aux abords de l’aire. Dans ces conditions, effectivement, les mères hésitent à envoyer leurs enfants à l’école.»

Isabelle Dallet reconnaît pourtant que Châtellerault est une ville qui, comme Poitiers, est très respectueuse de la loi Besson (lire notre encadré) : Les réalisations recommandées par le schéma départemental d’accueil sont respectées par la ville ou en cours de réalisation comme à Naintré, ce qui est loin d’être le cas dans toutes les villes de France !

Témoignage d’une voyageuse : « On a du mal à se reconnaître français, on nous répète tant qu’on ne l’est pas tout à fait... »

Thérèse Boger, agent d’accueil, travaille dans les locaux de l’association : elle lit les courriers aux familles (l’ADAPGV sert de domiciliation du courrier), répond au téléphone, aide les familles à gérer leurs allocations, la CMU, le RSA… Elle travaille pour l’association depuis 10 ans déjà. Elle reçoit les voyageurs, jusqu’à 100 par jour. Elle-même est allée à l’école jusqu’à 12 ans, et avoue avoir toujours été victime de discriminations : « Aujourd’hui encore, nous sommes discriminés quand nous allons dans les magasins. On est suivi, dans ces magasins ! », dit-elle. Si on lui demande pourquoi elle ne porte pas plainte, elle répond : « La police ne prend pas nos plaintes, et puis, on est souvent arrêtés et contrôlés… » Quand on évoque les propos du ministre de l’Intérieur sur les « grosses cylindrées conduites par les gens du voyage », voici sa réponse : «Les caravanes et les voitures, on les achète à crédit : la famille se cotise pour aider. On n’a droit qu’aux crédits à la consommation, les intérêts sont donc très élevés, ça coûte très cher et puis on n’a pas tous des grosses voitures! ».

Isabelle Dallet ajoute qu’il en est des voyageurs comme des autres citoyens de France : « On en rencontre des riches comme des pauvres ! On rencontre des familles de gros commerçants, qui vivent de façon aisée, puis des groupes de niveau moyen, des groupes vivant avec les minima sociaux, enfin. On compte également des groupes traditionnels, qui ne souhaitent pas vivre comme nous. L’argent est gagné par leur travail, et les organismes de crédit ne sont pas très regardants sur les ressources pour financer un prêt à la consommation…  De nombreuses familles ont une activité économique.

Thérèse Boger ajoute qu’assurer une caravane coûte très cher, et que les voyageurs ne bénéficient pas d’aide au logement, puisque « nomades ».

Quand on évoque les événements récents de cet été, elle conclut : « On a du mal à se reconnaître citoyens français car on nous répète qu’on ne l’est pas vraiment… Pourtant, nous sommes tous français, nés en France depuis plus de 10 générations…. »

La scolarisation des enfants voyageurs

« Pour nous, l’école a pour rôle de préparer nos enfants à la vie professionnelle et individuelle », explique Isabelle Dallet. « Pour les voyageurs, l’école sert à apprendre aux enfants à lire, écrire et compter. Une fois cet apprentissage fait, à quoi bon poursuivre les études ? Les filles apprennent leur métier de leur mère, les fils de leur père. Les voyageurs ne comprennent pas notre insistance pour que leurs enfants aillent au collège, au lycée. » On apprend que l’éducation nationale forme certains enseignants pour travailler avec les gens du voyage : le CASNAV permet ce soutien aux enseignants mais il n’existe plus dans notre département. Isabelle Dallet juge que le mieux, pour ces enfants, est d’intégrer des classes dans lesquelles ils se mélangent avec les autres enfants, plutôt que les classes réservées aux enfants voyageurs.

Une association qui lutte contre les discriminations

L’ADAPGV favorise la connaissance des droits des voyageurs, et n’hésite pas à dénoncer ce qu’elle juge discriminant : « Les jeunes voyageurs demandent un carnet de circulation à l’âge de 16 ans -c’est la loi-, mais il leur faudra attendre 3 ans de rattachement ininterrompu auprès de la même commune avant d’obtenir le droit de vote : ces citoyens français n’ont le droit de vote qu’à 19 ans ! » s’insurge Isabelle Dallet. « Ils sont français comme nous, mais n’ont pas les mêmes droits ! »

On apprendra également que jusqu’en 1969, les gens du voyage devaient présenter un carnet anthropométrique sur lequel figurait leur photo de face, de trois quart et de profil : on prenait les mesures de leur tête, comme s’ils étaient de dangereux individus. Il est remplacé depuis par un titre de circulation à faire valider par certains Gens du Voyage tous les 3 mois auprès de la gendarmerie ou du commissariat. Thérèse Boger possède ce titre de circulation. Elle est donc en permanence « en liberté surveillée ».

Enfin, Isabelle Dallet nous confirme que les aires d’accueil sont toujours construites loin des habitations, en général auprès de déchetteries ou aux abords des autoroutes, car « personne n’a envie d’avoir les voyageurs pour voisins ».

La loi Besson (du nom de Louis, ancien ministre détaché au logement en 1990)

C’est une loi qui défend les droits au logement : chaque personne en difficulté a droit à une aide. Les villes doivent prévoir des emplacements de séjour pour les nomades. Le terme Gens du Voyage est un terme administratif désignant les nomades. Des aires d’accueil sont à leur disposition. Dans tous les cas, la loi doit être appliquée, pourtant, elle l’est peu !

Gitans, Rroms, Manouches : quand on confond des cultures et modes de vie différents…

On pourrait penser que ces noms désignent les mêmes personnes, des gens du voyage. Le terme « gens du voyage » a été inventé dans les années 70 pour désigner une population résidant habituellement en abri mobile terrestre.

Les Manouches (prononcez « man-nouches ») sont citoyens français, nés en France, nomades ou semi-sédentarisés. Ils ont des papiers d’identité français, comme vous et nous. Les Rroms, eux, sont originaires de pays de l’Est (Bulgarie, Roumanie, Hongrie). Le nom « Manouche », comme le nom « Rrom », signifient « l’homme ». Nous sommes, quant à nous, des « gadgés », pour eux. Les Rroms et les Manouches sont de culture tzigane. Les Gitans sont espagnols, portugais : ils sont sédentariés, ils ne voyagent pas.

A l’origine, les Tziganes sont partis d’Inde et se sont séparés en plusieurs groupes appelés différemment selon le pays dans lequel ils se sont implantés : Rroms (pays de l’Est), Yéniches -Manouches et Sinté- (en Allemagne, en France et en Italie), Gitans (sud de la France, Espagne et Portugal). Les Gitans sont passés par l’Egypte, d’où leur nom « Gitanos, Gitans, Gypsies ». Les Bohémiens étaient ceux qui, au Moyen Age, étaient munis d’un sauf-conduit signé de la main du prince de Bohème. Depuis leur arrivée en Europe, ces voyageurs ont été mal perçus par les sédentaires, intrigués, et gênés par ce mode de vie si différent du leur.

Dans le terme générique « gens du voyage », on retrouve aussi des familles qui n’ont aucune origine tsigane mais qui sont commerçants itinérants depuis des générations, des gens du cirque, des forains mais aussi des anciens colporteurs qui ont peu à peu perdu leur métier et se sont mélangés ou non aux tsiganes. On englobe donc sous un même terme et avec un même traitement administratif des familles aux réalités bien différentes tant culturelles, qu’au regard du rapport à la mobilité.

Une culture différente de la nôtre

Aux Renardières vivent des Manouches sédentarisés, des Gitans. Ils sont nos voisins, nous les fréquentons et les connaissons donc bien. Certains Manouches sont évangélistes et certains Gitans fêtent Sainte Sarah, tous les ans, aux Saintes Maries de la mer, en mai. Tous les 3 ou 4 ans, ils élisent leurs reines aux Saintes Maries de la mer.  Le drapeau des Rroms, et des Manouches est bleu (comme le ciel), vert (comme les prairies) et rouge. Le symbole des voyageurs est la roue : comme le symbole de la vie, la roue de la roulotte. Les voyageurs vivent tous en famille (adultes, enfants, grands-parents et petits enfants). L’enfant est roi, il est considéré comme un don de Dieu. Les vieillards sont respectés.  La famille ne se sépare pas. Isabelle Dallet explique : « Au CHU de Poitiers, un emplacement pour deux caravanes a été réservé aux familles quand un proche est hospitalisé. C’est déjà bien, mais ça ne suffit pas : une famille compte plus de deux caravanes. » Les enfants voyageurs arrêtent souvent l’école jeunes, ils ne vont pas souvent plus loin  que le collège. Les parents ont peur et préfèrent les savoir auprès d’eux. Ils ont peur qu’au collège, les filles fument, fréquentent les garçons. Quand ils veulent se marier, les jeunes doivent fuguer pendant trois jours :  à leur retour, on leur fait une fête, on les marie. Leur plat traditionnel est le hérisson : ils désignent cet animal sous le nom « niglo ».

Les Manouches se reconnaissent à leur couleur de peau, mate, à leur accent, les femmes portent des sabots, des boucles d’oreilles -qu’elles appellent des savoyardes-, elles portent des colliers représentant des niglos ou une croix. Thérèse Boger ajoute : « On a la peau foncée, on nous reconnaît facilement. Et puis, on parle à notre façon. » Julie et Mazarine

Une rédaction composée de jeunes apprentis-journalistes de 15 ans, collégiens ouvrant l’oeil sur l’actualité.

« Les voyageurs doivent être considérés comme les autres citoyens du monde entier. Je trouve que les gens du voyage sont rejetés par la population : ce n’est pas normal qu’on les place dans des endroits tels qu’aux abords de déchetteries ou d’autoroutes. Pas plus qu’ils doivent attendre un an de plus que nous pour voter. » Moutoifaïni.

« Les Manouches sont citoyens français. Toute l’année, ils circulent avec leurs caravanes sur le territoire français. En revanche, les Rroms ne sont pas des citoyens français ; ils viennent  de Roumanie ou de Bulgarie. Ils sont donc considérés par le gouvernement comme des immigrés. Ils peuvent rester sur le territoire français environ 3 mois mais à certaines conditions, dont celle de trouver un travail. Ces conditions ne sont pas toujours respectées par les Rroms. En ce sens, les expulser est légitime : c’est mon avis. Mais le gouvernement a trop médiatisé ces expulsions, cet été. Si les pays européens traitaient tous mieux les Rroms, en Roumanie, par exemple, il n’y aurait plus de problème. La France ne peut pas accueillir tous les Rroms qui sont maltraités en Roumanie, mais elle doit les aider. » Kévin.

« Les gens du voyage, en France, sont estimés à 400 000, officiellement. 95% sont français. Ils n’ont pas de domicile fixe mais son rattachés à une commune et doivent disposer de titres de circulation (livret ou carnet). Ils sont forains, marchands ambulants, saisonniers… Je trouve qu’il n’est pas normal qu’ils n’aient pas les mêmes droits que les autres citoyens français. » François.

Mise au point, par Isabelle Dallet

« Les Rroms, qu’on voit vivre en région parisienne dans des conditions inhumaines (sous les ponts, aux abords des villes, dans les tunnels), viennent en France car ils bénéficient d’un minimum d’aide à la santé (l’Aide médicale de l’Etat), et peuvent parfois gagner en un jour de mendicité plus qu’en un mois en Roumanie. Mais il faut savoir qu’en France, ils sont victimes de réseaux mafieux qui les exploitent : d’où une violence hélas fréquente. Admettons, enfin, qu’il n’y a pas plus de délinquance chez les gens du voyage que chez les gadgés. D’ailleurs, ces statistiques sont interdites car discriminatoires. Mais on doit refuser les arguments qui voudraient nous faire craindre les Rroms ou les voyageurs, en les jugeant responsables de l’insécurité des citoyens. »

Les élèves de la Classe Option Media du collège George Sand de Châtellerault :Hanène, Manon, Julie, Wahiba, Mazarine, Anissa, Kévin, Alex, Alexandre, Manatéa, Oussama, François, Assani, Moustoifaïni, Lukas et Jeoffrey.


Oct
04
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 04-10-2010

Première page dans la Nouvelle République

Et voilà : moins d’un mois après la première séance media, déjà une page (une belle page, la modestie ne nous étouffant pas) publiée dans la Nouvelle République : en page 10.

Si nous étions vraiment immodestes, nous soulignerions la mention “remarquable” qui clôt le chapeau de l’article, et dont nous ne sommes pas les auteurs, mais dont la rédaction de la NR nous gratifie avec une bienveillance que nous apprécions !

Bonne lecture à tous !

La (vieille) rédaction du Torchon.com.

Neuvième page, parue le 28 juin 2011 :

version pdf ici : nr9 280611 les ados et facebook

Huitième page, parue le 8 juin 2011 :

Septième page, parue le 18 avril 2011 :

Sixième page, parue le 01 avril 2011 :

Raconter l'irracontable

Cinquième page, parue le 17 février 2011 :

Deux collèges pour une même cause

Quatrième page, parue le 31 janvier 2011 :

Troisième page, parue le 9 décembre 2010 :

Deuxième page, parue le 19 novembre 2010 :

Première page, parue le 4 octobre 2010 :

Première parution 4 octobre

Quand on cherche à mieux connaître les Gens du Voyage