A São Paulo, le 15 mai. Les Brésiliens ne sont plus que 48% à soutenir le Mondial (41% se disent contre). Ils étaient 79% il y a six ans.

(photo Reuters)

En 2007, quand la Fifa choisit le Brésil pour organiser la compétition, la septième économie mondiale est au zénith, un exemple du décollage réussi d’un pays émergent. Aujourd’hui, l’euphorie est passée. L’économie s’essouffle. Moins pauvres, les Brésiliens sont plus exigeants. En juin 2013 déjà, des millions d’entre eux étaient descendus dans la rue pour réclamer, non sans ironie, des services publics «qualité Fifa» et s’élever contre les dépenses somptuaires du Mondial. Depuis, les manifestations sont plus réduites. Le gros de la mobilisation actuelle n’est d’ailleurs pas en lien direct avec la Copa et émane de mouvements sociaux qui profitent de la visibilité du pays pour pousser leurs demandes. Mais le Mondial est de moins en moins populaire. Les Brésiliens ne sont plus que 48% à l’appuyer (41% se disent contre). Ils étaient 79% il y a six ans.

Ce qui dérange, c’est moins le tournoi que le gaspillage et la corruption auxquels il donnerait lieu, tandis que les bénéfices paraissent incertains. Gagne-pain de millions de foyers, le commerce ambulant ne pourra pas tirer profit de l’afflux de supporteurs. La Fifa a cadenassé le périmètre des stades au nom de l’exclusivité commerciale des sponsors. De plus, neuf ouvriers ont été tués sur les chantiers des arènes. Dans sa hâte pour boucler les travaux, le Brésil a fermé les yeux sur leur sécurité. Selon les ONG, environ 200 000 pauvres ont dû quitter leur maison ou sont menacés de déplacement forcé, pour faire place à ce que le gouvernement présente comme le «legs» de la Coupe : de grands ouvrages censés améliorer les transports. Prévus de longue date, ces travaux, qui absorbent le gros des investissements du Mondial, ne sont pas directement liés à sa réalisation. Or, seuls 10% d’entre eux ont été achevés et, vu les précédents, les Brésiliens se demandent si le reste le sera un jour. Même la météo défavorable a été invoquée pour justifier les retards dans ces projets dits de «mobilité», qui ne font d’ailleurs pas l’unanimité.” (Libération, mercredi 11 juin)