Libération, journal national (en lien sur ce blog), faisait récemment sa Une sur l’interview accordée à la rédaction par l’une des six candidates aux Primaires du PS, Martine Aubry : peut-être encore un peu compliquée pour vous, cette campagne présidentielle, tant que tous les candidats ne sont pas déclarés. Qu’importe encore (à ce stade et de votre formation à la lecture des media, et de l’année électorale), nous nous penchons ce jour seulement sur un aspect de la profession : la photographie de presse. Une photo, un dessin (voyez, ci-dessous, la planche satirique de Franquin, illustrant un article sur la peine de mort), cela éclaire et l’information, et le regard du journaliste sur l’information.
La photographie de Martine Aubry, à la Une de Libération de cette semaine, la voici. Elle a beaucoup fait parler d’elle car, semble-t-il, elle ne met pas en valeur la femme, donc la candidate. On a beaucoup glosé au sujet de cette photographie, chacun tentant d’expliquer le choix de ce fond noir, de cette photo-ci.
http://www.liberation.fr/medias/01012360955-martine-aubry-heroine-de-blue-velvet
Libération annonce que tous les candidats à l’élection présidentielle seront, à leur tour, interviewés et photographiés. Au photographe, Yann Rabanier, de prendre des photos, et de choisir celle qu’il préfère.
A nous, simplement, cette Une en rappelle d’autres, parues dans Libération, ou dans Marianne, en 2002, puis en 2007.
Un fond noir, là aussi…
Toujours le fond noir.
Attendons de voir les Unes consacrées au fil de l’année aux candidats : l’observation peut être intéressante.
Un homme, Troy Davis, sera exécuté ce soir dans une prison des Etats-Unis, par injection létale. Voilà 20 ans que ce citoyen américain, accusé d’un crime qu’il nie avoir commis, et condamné à la peine de mort, attend son exécution.
Trois fois, ses parents, amis, avocats, soutiens (jusqu’à un ancien président des Etats-Unis !), ont obtenu une grâce : trois fois, Troy Davis a échappé à la mort. Pour rester dans ce qu’on appelle communément le “couloir de la mort” (Vous avez vu le film La ligne verte ? Vous savez de quoi nous parlons.)
En France, la peine de mort était abolie depuis des lustres quand vous êtes nés, chers zélèves : j’avais à peu près votre âge quand elle a été abolie (pour être précise, j’étais en 5ème en 1981). J’ai le souvenir de cette immense vague de soulagement : enfin, nous n’étions plus autorisés à tuer celui qui avait tué ! La justice avait fait un grand pas en avant.
Mais Troy Davis vit aux Etats-Unis : tous les états n’y ont pas (encore) aboli la peine capitale. Et Troy Davis, citoyen noir, est accusé d’avoir tué un policier blanc. Qu’il nie ce crime, que les témoins l’accusant se soit rétractés, que les preuves de sa culpabilité soient inexistantes : qu’importe. La famille du policier assassiné tient (depuis 20 ans !) son coupable et on croirait presque, à les écouter se réjouir à l’annonce de la programmation de l’exécution de la peine, ce soir, qu’il verront cet homme, Troy Davis, mourir, avec la délectation du “bon” citoyen américain enfin vengé. Car s’il ne s’agit pas de vengeance, de quoi s’agit-il donc ?
Franquin aurait pardonné, sans aucun doute, au Torchon de publier cette planche de son très cynique album Idées noires afin d’illustrer et notre propos et la profonde tristesse qui est la nôtre, à la pensée du crime qui se prépare et sera commis, aux yeux du monde, de façon légale, ce soir. Et s’il était innocent, cet homme qui nie ce crime depuis 20 ans ?
http://www.liberation.fr/monde/01012361094-troy-davis-malgre-le-doute-on-execute
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/09/19/retour-sur-l-affaire-troy-davis_1574455_3222.html
A. Dibot