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Classé dans (La citation des vacances) par la Vieille Garde le 20-07-2012

en pleurant un ami qui faisait la douceur de ma vie et dont la privation se fait sentir à tout moment. Fénelon, qui fut très brièvement évêque de Poitiers avant que d’être celui de Cambrai,  expose ici admirablement ce que l’on peut  ressentir en amitié et que d’aucuns croient réservé à l’amour. Lorsque j’ai cette citation en tête me vient aussi une image du film Amélie Poulain, lorsque suite à un décès dans son entourage, on voit un vieil  homme, en larmes, effacer le nom de son ami décédé de son carnet d’adresses. Souvenons-nous aussi de Montaigne et de ce “parce que c’était lui, parce que c’était moi” évoquant son ami (réél?) La Boétie. Tout montre à quel point une amitié véritable est un bien inestimable.

Les vacances, les changements d’établissement, les écueils de la vie peuvent priver d’un amour ou d’un ami. Ils peuvent tout autant en susciter d’autres. Il faut ici, et pour cela, savoir jongler entre des sentiments bien contradictoires, la fidélité au passé, l’ouverture à l’avenir. Comme tout cela est à la fois complexe et douloureux. On rêve parfois, afin de s’éviter de telles souffrances, d’un temps qui ne change pas, d’un présent figé pour l’éternité. La vie cependant ne saurait se figer, autrement que dans la mort. Il faut donc savoir accepter de perdre et de gagner, des amis et des amours, tout au long de notre existence, certains y parviennent mieux que d’autres…

Mais cette citation, qui montre en apparence un peu d’égoisme, “je me suis pleuré”, fait surtout comprendre à quel point l’amitié était ici forte, puisque perdre l’autre c’est un peu  perdre de soi. Quelle force dans le sentiment. Je ne puis m’empêcher de penser à ce temps, pas encore si lointain, où, le monde sans téléphone, sans portables, sans internet faisait qu’il fallait attendre, parfois,  longtemps les nouvelles et les lettres des amis. Je redécouvre cela et me rends compte de cette chose merveilleuse que les amitiés survivent aux absences, aux séparations, au fait que la vie fait parfois que l’on ne peut faire parvenir à l’autre les nouvelles que l’on voudrait et que l’on n’en peut recevoir les nouvelles que l’on attend. Je savais cela possible, datant de l’époque  pré-internet évoquée plus haut, le confort du monde contemporain me l’avait fait oublier, je le retrouve.

Quel plaisir cependant que de pouvoir se redire, simplement, avec certitude, je n’ai pas de nouvelles mais je sais qu’il ou elle pense à moi et de se remémorer alors le dialogue du Petit Prince et du Renard : tant que vous n’avez pas d’ami, vous n’êtes pas unique au monde.

Pensons en effet aux merveilleux romans épistolaires que cela nous a valu, aux scènes romanesques de ces ouvertures de coffrets renfermant des lettres d’un autre âge, nouées d’un ruban, à ces instants que nous vécûmes tous, enfin, je l’espère, où les doigts tremblent en saisissant une lettre, en en lisant la suscription… le très contemporain film Adieu Berthe fait revivre cela avec calme et efficacité et ma chère Amélie reconstruit ainsi une vie, avec des morceaux de lettres et cette certitude qui avait traversée et soutenue la vie de Madeleine Wallace: je l’aime, il m’aime.

Je suis heureux d’avoir connu cette époque où je scrutais avec angoisse le bout du chemin et  l’arrivée du facteur, recevais de ses mains la lettre attendue, en dévorais les 3 ou 4 pages, rédigeais fébrilement la réponse et courrais à la poste du village, à 2 km, afin de pourvoir faire partir ma réponse dans la journée, par retour de courrier comme on disait alors… Oui, qu’il est beau d’avoir des amis, que l’on puisse ou non leur écrire.

Cela me conduit à conclure, à l’instar de Cocteau (dont on trouve un dessin dans la scène de la salle de bain de a single man, autre film culte pour moi, qu “écrire est un acte d’amour, s’il ne l’est pas il n’est qu’écriture”.