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Classé dans (La citation des vacances) par la Vieille Garde le 27-07-2012

le temps s’arrête dit Gilbert Cesbron. Pour un névrosé comme moi, sur le plan du rapport au Temps, une telle phrase est capitale et me permet de poursuivre notre réflexion, ou la mienne, entamée il ya de cela trois semaines. Je souhaite aussi faire, encore, un rapprochement avec le film Amélie Poulain et les citations d’Hypolito, écrivain raté, citation que je vous laisse chercher en retournant voir le film, il le mérite, et en donnant ici, en plus et afin d’aller dans le même sens,  une citation de Xavier de Maistre: les souvenirs du bonheur sont les rides de l’âme. Je pense qu’ils peuvent aussi être les rides du visage.

 Nous retrouvons donc ici cette ambivalence de la semaine passé, et ce partage entre le désir de préserver ce qui EST face aux peurs du changement et de ce qui SERA. Un visage qui a vécu est marqué, ridé, que les rides soient de joie ou de tristesse. N’avez-vous pas remarqué en littérature ces très fréquentes allusions au fait que les émotions des personnages se trouvent perceptibles au détour d’un sourcil levé, d’une ride qui se dessine, d’une moue qui s’affiche et se creuse dans le visage?

Si les yeux sont le miroir de l’âme, le visage en est bien la carte et résume les émotions et actions d’une vie, ce qu’avait bien compris Dorian Gray avec son portrait. Nous vivons encore plus, maintenant que la chirurgie esthétique permet des miracles, ce désir de figer le temps, de rendre tous les visages lisses et nets comme ceuxdes adolescents idéalisés, que vous êtes, par notre société de consommation obsédée par le jeunisme et qui refuse de laisser le Temps faire son oeuvre, nous faire subir ses irréparables outrages, comme l’exprime si bien cette merveilleuse  Athalie de Racine. Cependant, on a aussi de sublimes pages, chez Balzac,  décrivant des vieillards auxquels on peut trouver une beauté, même si celle ci, par définition, confine un peu au charme des ruines, mais il y a là quelque chose de particulièrement romantique, au sens premier du terme.

Le bonheur, au final, serait donc plus finalement la capacité à accepter le temps qui passe et la possibilité de savoir jouir des diverses étapes de nos vies respectives, sans jeter de regard en arrière, de crainte de se retrouver, tel Orphée ou la femme de Loth, aux enfers ou en statue de sel, sans, non plus, vouloir  vieillir ou grandir trop vite, car cela vient si promptement, si terriblement, si formidablement, toujours au sens premier.

Revenons donc au simple carpe diem et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes, qu’il soit de Leibnitz ou de Pangloss. Enfin, sachons lire dans les visages amis ou aimés, de nos proches ou d’autres , dans le souvenir de ces visages que l’on peut parfois ne pas voir durant des mois et des années, que l’on ne retrouvera peut-être jamais, sans que le sentiment jamais ne disparaisse, la force de nos vies, la force de nos sentiments, la force du Temps, qui, même lorsqu’il détruit les empires, peut n’avoir aucune incidence sur l’affection qui lie deux simples êtres et, bien au contraire, renforce ces mêmes liens. Vous l’avez saisi, je reprends ici cette interrogation sur les sentiments que peuvent être l’amitié ou l’amour. Je demeure en effet convaincu, mais je suis un idéaliste, que lorsque deux personnes ont l’une pour l’autre une affection vraie, les obstacles ne peuvent que  renforcer leur union, voyez Roméo et Juliette et tous les autres, et ces amitiés indestructibles qui peuplent nos livres et nos films car elles ont à la fois des modèles réels et correspondent, là aussi, aux aspirations idéalistes de tous nos contemporains.

J’ai la chance de vivre une amitié, née il y  a près de 25 ans, d’autres se sont tissées avec des personnes bien plus jeunes que moi ou bien radicalement différentes de moi, et elles durent, contre toute attente, contre toute logique, en dépit de rencontres peu fréquentes, depuis plus de 10 ans, car, à chaque fois, se trouvent des qualités essentielles comme l’écoute, la patience, la confiance et ce désir, de part et d’autre, de vouloir faire durer une chose, une situation, un sentiment,  dont on sent qu’ils sont exceptionnels.

Le bonheur ne serait donc pas quand le temps s’arrête mais quand il fait durer l’amitié ou l’amour.