Tout le monde connait, ou devrait connaitre, ce roman de Maupassant. Je l’avais bien aimé, bien que, pour moi, Maupassant ait toujours quelque chose de moins que mon cher Balzac, dans la capacité à décrire le monde, les êtres, leurs sentiments et leur insondable complexité, même si la palme de l’introspection revient à Proust, mais dans un genre finalement si différent qu’on ne peut les comparer. Bref, je m’égare, comme à mon habitude, les vieillards sont ainsi.
Hier soir, ciné A, salle habituelle, place habituelle, peu de monde et, par chance, des individus civilisés, donc, pas de bruit, et le septuagénaire qui s’était pris une glace, sic, fut fort discret.
J’avais des craintes, je l’avoue, en venant voir ce film. Que peut-on attendre d’un réalisateur d’outre-Manche travaillant avec un jeune acteur, lui aussi issu de la perfide Albion et plus habitué aux séries de vampires? Las, la présence de Kristin Scott-Thomas me décida, j’ai beaucoup d’admiration pour cette actrice, cette femme, et plus encore peut-être pour sa voix, un peu comme pour la grande Fanny Ardent, chez les actrices françaises. Si l’on passe sur ce qui peut paraître pour des anachronismes, comme le fait que le film soit daté à compter de 1890, alors que le roman date de 1885, si l’on passe sur des incohérences, comme Forestier qui dit habiter boulevard Haussmann et tend une carte où figure une autre adresse, si l’on passe sur ce qui doit être considéré comme des manquements au protocole, un baise-main sur une main gantée, le reste pouvait aller, enfin, aller, disons que l’on pouvait s’en contenter.
Costumes et décors sont agréables, les coiffures aussi ridicules qu’elles l’étaient à l’époque, pour les hommes, le jeu des acteurs est assez bon, même si les grandes actrices ont finalement assez peu de latitude, au vu des personnages à jouer, pour donner la mesure de leur talent. Pattinson s’en sort assez bien, mais rien d’extraordinaire. On perçoit bien les thèmes du roman, les critiques de la société, les questions politiques françaises d’alors sont finalement assez présentes, ce qui pourrait déconcerter le public, a fortiori un public étranger. La place de l’argent, du pouvoir, de l’ambition, de l’ascension sociale, tout est là, et Bel Ami est parfaitement cruel, froid, calculateur. Cependant, il manque une petite étincelle pour que les choses soient plus enlevées.
Ce fut donc malgré tout un bon moment de divertissement, plaisant pour les yeux, agréable pour l’histoire.