Le coup de foudre, drôle d’expression pour parler d’amour… Racine a exprimé de bien plus belle façon cet envoûtement du coeur, de l’esprit lors de la rencontre de celui (de celle) qui deviendra “le seul être au monde” en l’absence de qui le monde est, dès lors, dépeuplé. Aimer une personne sans la connaître : oui. Aimer une personne au premier regard : oui. Aimer une personne immédiatement : oui. Le coeur humain a ses raisons que la raison ignore : c’est le propre de l’homme, le sentiment amoureux. Il serait vain d’en chercher une explication scientifique, même si d’aucuns s’y sont essayés : nous obéirions, en éprouvant une attirance pour telle personne plutôt que telle autre, à une alchimie olfactive ! Sisi… “Dis-moi quel est ton parfum, je te dirai si je t’aime”, pourrions-nous imaginer alors… Nos phéromones nous joueraient un tour de magie : plus qu’un port de tête, un visage, un regard, des mains, un sourire, ce seraient ces petites phéromones qui nous porteraient vers cet bel inconnu (cette belle inconnue), devenu en un éclair (tiens, une métaphore filée du coup de foudre) irrésistible à nos sens.
J’ai écrit “bel inconnu” (belle inconnue) : l’adjectif porte son sens : la beauté étant subjective, ou relative, la présence de cet adjectif ne choquera point, souhaitons-le. L’inconnu qui foudroie nos sens, notre coeur, qui, d’un tour de passe-passe, au premier coup d’oeil, a enivré nos émotions est beau : oui. A nos yeux : lui seul (elle seule) existera désormais. Relisez L’Education sentimentale (votre texte support lors du brevet blanc) et voyez Marie Arnoux à travers le regard de Frédéric : elle est une apparition. Sa personne ne cessera d’occuper l’esprit du jeune homme dès lors qu’il aura été séduit par son image. Marie est belle à ses yeux. Aux yeux de Julien Sorel, ce sera Mme de Rênal. Aux yeux de Tristan, Yseult. Aux yeux de Roméo, Juliette… Que voulez-vous, il est inexplicable, cet élan qui nous attire chez “l’élu du coeur” !
Existe-t-il ? Oui. Est-il raisonnable ? La question est soulevée dans la formulation : “peut-on aimer quelqu’un qu’on ne connaît pas ?”. Absolument pas ! Et alors ? Depuis quand l’amour devrait-il être raisonnable ? Si la littérature apprend quelque chose, c’est à s’émerveiller d’un sentiment, d’un trouble, d’une découverte : sans frein, sans réflexion. Tous les héros romantiques se perdront dans une passion irraisonnée : mais à la fin seulement. Avant la fin, que d’émois, que de palpitations, que de vertiges ! Que d’aventures et de mouvements du coeur ! C’est vivre qu’aimer sans chercher à voir la ligne d’horizon. Aimer, c’est prendre le risque de désaimer un jour. Et alors ?
Anissa va soupirer : “Non mais, elle est limite hors sujet, là ! Faut pas abuser…” Et relire l’intitulé pour convenir que, décidément, non, le prof a toujours raison : on peut broder, laisser aller la parole, tant que le thème est présent : reste à recentrer à présent le débat. Anissa, tu es la voix de la sagesse : reprenons. On peut assurément tomber sous les lois de l’amour et être réduit à aimer aveuglément l’élu(e) de notre coeur aux premiers instants. Sans savoir qui il (elle) est : mais quand peut-on dire d’une personne qu’on la connaît, et décider, enfin, qu’elle est digne d’être aimée ? Combien de rencontres faudrait-il pour,raisonnablement, estimer avoir sondé le coeur et l’esprit de l’être potentiellement aimable, avant de lui ouvrir, enfin, son coeur ? M. Mastorgio nous précisera peut-être les délais que les convenances, au fil de l’Histoire de notre société (bourgeoise s’entend), ont imposés. Le protocole fiançailles-mariage respectait vraisemblablement un délai. Mais il nous dira également que tout ceci n’était que convenances, que les mariages de raison tenaient pour rien les mouvements du coeur, d’où leur nom.
“- M’Dame, vous vous égarez !” Anissa, décidément, veille.
Nous pouvons donc tomber amoureux d’une personne sans la connaître : une fois le coeur pris dans les filets dorés de cet autre, cet être devenu cher, il n’est plus qu’à apprendre à le connaître. La découverte de cet Autre, qu’elle soit réelle ou virtuelle (on voit se développer, au 21ème siècle, des correspondances via Internet de deux plumes ne se connaissant pas mais apprenant à sonder le coeur, l’esprit de l’autre par l’écriture, l’échange devenant alors richesse) confirme -dans les histoires d’amour heureuses- le premier élan. Et cet Autre qui nous avait touché au premier regard se révèle être l’âme soeur.
“Oupa” : diront nos zados. Pardon : “Ou pas”, pour l’orthographier correctement. Qu’ils sont pessimistes, nos zados ! Et que notre génération chemises à fleurs peut paraître, à leurs yeux, Fleur Bleue…
Quelle question. Quel défi que de vouloir l’évoquer ici, d’autant que le diktat de madame Dibot, quant à la longueur des articles, n’incite pas au déploiement d’une argumentation lyrique et aurait tendance à confiner ma modeste expression dans des limites dignes du dogme 95 cher à nos cinéastes Danois.
Peu importe, je me lance et, faute de relever un défi, je souhaite exposer quelques éléments de réflexion et d’interrogation. Je déplore en premier lieu une certaine pauvreté de notre langue qui nous fait aimer le chocolat autant que nos chiens ou le partenaire d’une vie. Certes, les puristes argueront du fait qu’il est possible de choisir un vocabulaire parfois plus précis, mais, de manière générale et au quotidien, avouons que la limite existe. Je ne me hasarderai donc pas à tenter une définition de ce qu’est “être amoureux” et considère, abusivement il est vrai, que nous en partageons l’entendement. Dans un second temps et afin de délimiter les termes de mon sujet, je préciserai que je n’entre pas ici dans le débat scientifique, lequel réduit le sentiment amoureux à une simple question de phéromones, de chimie et de réminiscences de notre cerveau reptilien. Que cela est laid. Faute de compétences je ne rentrerai pas plus dans une analyse psychologique fine permettant de définir une typologie des relations amoureuse en fonction de la simple création de binômes liés par des névroses se complétant, ici cela devient hideux, cependant il convient de noter que le sentiment amoureux nait souvent de cette recherche de notre moitié, la langue en garde l’expression imagée, telle que le Banquet de Platon la met en avant avec le mythe des androgynes ou hermaphrodites sur lesquels ce cher Zeus s’acharna un tantinet.
Par conséquent je m’autorise à ne faire appel qu’au subjectif de nos sentiments et de nos perceptions conscientes et inconscientes, à travers quelques références littéraires, de grands névrosés entre autres, ceci étant posé, ces prolégomènes achevés, je débute.
Marius et Cosette, dans Les Misérables, de ce cher Hugo, me semblent assez bien répondre à la question. Au cours de pages fécondes en détails, l’auteur nous explique comment ces deux individus qui se voient, de loin, se croisent, de près, parviennent à tomber follement amoureux, l’un de l’autre, en un seul regard, furtif. Il va de soi qu’ils ne se sont jamais parlé et ignorent tout l’un de l’autre, cependant, les 500 pages qui suivent aident à voir la construction de cette relation jusqu’à son terme qui conduit les deux amants à l’empyrée de la félicité conjugale.
Dans un registre plus ancien, mais que j’apprécie plus, je citerai La princesse de Clèves, de madame de la Fayette, avec l’amour de monsieur de Nemours pour ladite princesse, nous touchons là à l’impossibilité de l’amour, né de l’interdit autant que de la contemplation de l’aimé qui, selon le principe des grecs anciens, car il est beau, est aussi bon. Beauté et bonté allant de paire, comment ne pas succomber au charme de celle ou celui qui s’en trouve pourvu? Point n’est besoin d’en savoir plus, l’apparence révèle le tout.
Un de mes romans préférés, Eugénie Grandet, nous apprend comment Eugénie tombe amoureuse de son cousin Charles, bien qu’elle n’en connaisse rien, mais, comme le dit Balzac, il fait l’effet du paon dans la basse-cour, lorsque, de nuit et sans prévenir il échoue dans la demeure Saumuroise de son oncle, affublé de tout le luxe du dandy parisien dont la pauvre fille ignore tout et cela suffit à le rendre désirable en tous points. Cette idée que les jeunes filles seules, qui passent leur temps à rêver au prince charmant, sans savoir ce qu’est le prince charmant, est très XIXè, Musset y revient lui aussi. Naturellement, on peut aussi citer Les jeunes filles de Montherlant, plus tardivement, où l’on évoque, dans un roman en partie épistolaire, l’amour qu’Andrée et Thérèse portent à Costals, sans l’avoir jamais vu tout simplement car elles sont tombées amoureuse de sa littérature. Enfin, comment ne pas citer Proust, dont le narrateur, dans les divers tomes de La Recherche du temps perdu, ne cesse de tomber amoureux de jeunes filles, pas toujours en fleur, dont il ne connait rien, mais dont le nom suffit à le faire se pâmer.
Il semble donc que, pour nos auteurs, le coup de foudre existe, avant tout car les individus qui le ressentent se montrent sensibles à quelque chose de beau, que ce soit l’autre, sa réputation, son écriture, ce qu’il symbolise pour eux. Se pose alors la question cruciale: qu’est ce que le beau?
Afin de poursuivre le débat, je vous laisse, souvenir de Terminale A2 oblige, avec Emmanuel Kant, dans sa Critique de la faculté de juger qui nous répond: “est beau ce qui plait universellement sans concept”.
Telle était, pour nos chers zélèves de troisième, en substance, la question soulevée par le sujet soumis à leur réflexion lors de l’épreuve du brevet blanc. Anissa, Naouale l’ont essayé, sans convaincre leur correcteur(trice). Par manque d’arguments, tout simplement, mesdemoiselles. Parce qu’il faut, pour convaincre, maîtriser la structure de votre développement, mais, surtout, le nourrir d’argument,s d’exemples. Un seul exemple, Roméo et Juliette, ne suffisait pas. Anissa, toi qui as étudié, avec M. Santa Cruz, en cinquième, Tristant et Yseult, pourquoi ne pas avoir fait allusion à ce si merveilleux coup de foudre dû au philtre d’amour concocté par Brangien ?
(Un roman magnifique, à lire de toute urgence si cela n’a pas été fait en cinquième.)
Des amoureux tombés sous les lois de l’amour à la première rencontre, la littérature en regorge !!! Mais il est vrai que, pour les rencontrer, il faudrait ouvrir des livres… Et c’est épuisant. Esclavant. Ereintant. “La flemme”. On en revient à l’article de Salimatou sur la génération flemme… Essayez, peut-être, en ce cas, le cinéma ? Métropolis, dont M. Mastorgio parle dans un récent commentaire, propose un bel exemple de coup de foudre, également. Par quoi le héros est-il séduit chez Maria ? C’est de cela qu’il fallait parler : qu’est-ce qui, au premier regard, ou dans les premiers instants d’échange avec une personne, peut nous séduire au point de nous envoûter ?
(Maria, Métropolis, Fritz Lang, 1927.) Un bijou, ce film.
Chez Racine : Phèdre tombe amoureuse du fils de son mari (la mythologie, on vous l’a dit, regorge de situations de famille complexes ! ;), Hippolyte, et cela donne un texte sublime :
Phèdre :
“Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps, et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.”
Chez Stendhal, dans Le Rouge et le Noir, Julien Sorel tombe amoureux de Mme de Rênal :
“Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, Mme de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette.
Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de Mme de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille deguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d’entrée, et qui évidemment n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette. Mme de Rênal s’approcha, distraite un instant de l’amer chagrin que lui donnait l’arrivée du précepteur. Julien tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. Il tressaillit quand une voix douce lui dit tout près de l’oreille : – Que voulez-vous ici, mon enfant ?
Julien se tourna vivement, et frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de sa beauté, il oublia tout, même ce qu’il venait faire. Mme de Rénal avait répété sa question.”
Ce texte-ci, je le donnais à étudier à mes quatrièmes, voici quelques années. Je regrette, Anissa, d’avoir modifié mes cours et de ne pas vous l’avoir proposé l’an dernier : tu vois, on ferait mieux, parfois, de ne pas vouloir à tout prix faire du neuf…
Pour conclure, et parce que je vous aime bien, le plus beau roman d’amour que j’aie lu : Belle du Seigneur, d’Albert Cohen. Attention, ce n’est pas de l’eau de rose… Et vous me semblez un peu jeunes pour le lire… Dans quelques années, peut-être ?
STOOOP !
Il y a trois semaines et quatre jours, nous faisions notre premier brevet blanc de l’année et de notre vie. Ah, celui qui nous a procuré du stress, de l’énervement, de la peur mais surtout de la réflexion. Au début, le stress (surtout pour moi…), ensuite vient l’heure du commencement et là, malheur, nous débutons par le français, moi qui l’attendais avec impatience.., j’avais tellement révisé mais ça ne m’a pas porté chance, ah lala..
Nous avions eu un petite pause entre l’épreuve des questions puis la grande rédaction, pendant ces quinze petites minutes, c’était l’essoufflement, le soulagement d’avoir passé une bonne partie de ce brevet blanc mais c’est là également où nous avions tous repliqué sur la dictée, la difficulté des questions, puis la réécriture! Et c’est reparti pour la rédaction.. Honnêtement, le sujet 2, qui était l’argumentation, je pensais que c’était le mieux pour moi, puis je pensais le réussir.
Mais, un certain jeudi 7 février, à 14h00, deux heures de français, je m’apprêtais à avoir une bonne heure de français une fois de plus, mais mon moral fut perdu. J’ai honte de ma moyenne, mais je l’assume pleinement. Me voilà donc avec 10 de moyenne, en français. Cela n’était jamais arrivé pour mon cas, voyez-vous, c’est peut être rien pour d’autres mais, pour moi, c’est difficile car j’aime passionnément le français.
Mme Dibot, avant de nous rendre les copies, a bien pris le temps de nous dire à quel point le brevet blanc, pour la plupart des troisièmes, fut un échec. Et elle a dit que les élèves qui d’habitude ont de bonnes notes, doivent s’attendre à une chute à cause de ces malheureuses notes. Certains ont eu de bonnes notes aussi mais peu quand même.
Il va donc falloir faire tout notre possible pour y arriver et atteindre un niveau de français plus élevé, ainsi que dans d’autres matières. Pour ma part, je vais tout faire pour que cela ne se reproduise plus, c’est clair, net et précis, je veux y arriver !